Appendice 1 - Le destinataire de la Très Sainte Tablette (Lawh-i-Aqdas)
Appendice 2 - Bahá'u'lláhAppendice 3 - Histoire de la communauté bahá'ie depuis Bahá'u'lláh
Appendice 4 - les lois baha'iesDédicace à Denise, ma femme, pour son encouragement
Je tiens à remercier tous ceux qui m'ont aidé dans la préparation de ce texte, tout particulièrement Pierre Spierckel qui a contribué sensiblement à la traduction du Lawh-i-Aqdas; Jeanine Beaujeu, Louis Hénuzet, Edeltraut Kahl Voisin, Thomas Linard et David Capes pour les précieux conseils et modifications qu'ils ont proposés et le père Denis de l'Abbaye de Belloc, dont les commentaires bienveillants m'ont amené à ajouter certains points importants, surtout sur la façon dont les Bahá'ís comprennent le rôle et le rang du Christ.
Jeremy FoxLes Ecrits de Bahá'u'lláh sont encore peu connus. Néanmoins les traductions en langue française sont publiés progressivement. Ce fut le cas récemment d'un recueil intitulé: Les Tablettes de Bahá'u'lláh, révélées après le Kitáb-i-Aqdas (Le Très Saint Livre, Maison d'Editions Bahá'ies, Bruxelles, 1994) et qui contient l'épître dont il est question dans le présent ouvrage.
L'accès au texte est évidemment important et on ne peut que se réjouir de pouvoir désormais en avoir la possibilité. Il est tout aussi important d'échanger des commentaires qui aident à la compréhension du texte sans prétendre pour autant en être une interprétation qui fasse autorité. Tel est le mérite du présent ouvrage de Monsieur Jeremy Fox.
Bahá'u'lláh a vécu en pays musulmans avant d'être finalement exil‚ en Terre Sainte, sainte pour les trois religions monothéistes dont Il se réclame principalement. Beaucoup de tablettes de Bahá'u'lláh répondent aux interrogations de son entourage qui, pour une très large majorité, était d'origine islamique. Le message, toutefois, est universel comme tous les messages prophétiques du passé qui, au-delà de la culture dans laquelle ils s'enracinent, s'adressent à l'humanité tout entière. Lorsqu'une tablette concerne plus particulièrement les chrétiens, elle prend une signification toute spéciale pour le monde occidental, d'autant plus que son importance est soulignée par le nom qui lui a été donné. Cette tablette s'appelle, en effet, la Très Sainte Tablette (Lawh-i-Aqdas).
Les trois grandes religions monothéistes ont un point commun. Toutes les trois se prétendent finales, n'admettant aucune nouvelle révélation de la Parole divine avant que ne s'accomplissent la résurrection et le jugement définitifs de tous les hommes au temps de la fin, même si chacune de ces religions a développé une imagerie qui lui est particulière pour décrire ce phénomène qui, pris à la lettre, apparaît de plus en plus absurde à un monde qui s'est éveillé à la connaissance scientifique.
N'y a-t-il pas une autre lecture possible des textes prophétiques de la Bible juive et chrétienne ou du Coran?
En nous la proposant, les Ecrits de Bahá'u'lláh interpellent et lancent un nouveau défi à ceux qui se réclament de ces Textes sacrés. La Très Sainte Tablette est certainement cela pour les chrétiens. Lire cette tablette et la commenter en se référant aux Ecrits du Nouveau Testament, c'est lui donner sa véritable dimension et le lecteur intéressé ne pourra qu'en être reconnaissant à l'auteur de cet ouvrage.
Bruxelles, le 10 janvier 1995" O peuple de l'Evangile! Ceux qui n'étaient pas dans le Royaume y sont maintenant entrés tandis qu'en ce Jour, nous vous voyons attendre à la porte. Déchirez les voiles, par le pouvoir de votre Seigneur, le Tout-Puissant, le Très-Généreux et en mon nom, entrez dans mon Royaume.
Ainsi vous invite celui qui d‚sire, pour vous, une vie éternelle..."[1]
Ce vibrant appel, lancé il y a plus d'un siècle, peut nous sembler presque biblique, d'un ton à la fois familier et cependant nouveau. Son auteur, Bahá'u'lláh, était, à l'époque où il l'écrivit, prisonnier et exil‚ en Palestine. C'était vers la fin du dix-neuvième siècle.
Le but de cette étude est d'examiner une lettre de ce prisonnier, qui, avec sa lettre au Pape Pie IX (Voir p.B. P81-83), constitue sa plus importante déclaration au monde chrétien.
Bien que s'adressant ici au monde chrétien, il est important de préciser que le message de Bahá'u'lláh est essentiellement universel, s'adressant à toute l'humanité. Bahá'u'lláh décrit sa plume comme la "très puissante Trompette dont l'appel doit annoncer la résurrection de toute l'humanité."[2]
A une époque où, dans tous les domaines, nombreux sont ceux qui reconnaissent l'extrême nécessité de favoriser l'émergence d'un nouvel ordre mondial, on ne peut que reconnaître le caractère actuel de son message: "O peuples et tribus en lutte sur la terre! Tournez-vous vers l'unité, afin que brille sur vous l'éclat de sa lumière..."[3]
"La terre n'est qu'un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens." "Celui-là en vérité, est un homme qui, aujourd'hui, se consacre au service de la race humaine tout entière."[4]
"Le Livre de Dieu est grand ouvert, et Sa Parole appelle à Lui tous les hommes... C'est là une Révélation qui infuse la force dans les faibles et couronne de richesse les destitués."[5]
De telles déclarations peuvent susciter de nombreuses questions, spécialement dans le monde chrétien. Aussi commencerons-nous par prévenir le lecteur qu'on ne trouvera dans ces pages rien qui puisse suggérer le moindre élément d'infidélité au Christ. Au contraire, leur lecture ne peut qu'augmenter l'amour que nous avons pour Jésus et la compréhension que nous avons de ses enseignements. Il n'est besoin que de se pencher sur ce bref extrait des Ecrits de Bahá'u'lláh concernant le Christ pour s'en persuader: "Sache que lorsque le Fils de l'homme rendit son âme à Dieu, toute la création fut secouée d'un long sanglot. Mais il avait, en se sacrifiant, insufflé dans toutes choses créées une capacité nouvelle... par le pouvoir qu'il tenait du Tout-Puissant, les yeux des aveugles s'ouvrirent à la lumière du jour et l'âme des pécheurs fut sanctifiée."[6]
Dans l'extrait cité en en-tête de cette étude, Bahá'u'lláh invoque le principe d'une "Révélation", l'idée d'un "Royaume". Une première question se pose à tout chrétien: est-il possible qu'après les Evangiles la volonté de Dieu puisse à nouveau se manifester à nous, au travers d'un être humain? Avant d'examiner plus en détail cette question, nous souhaitons citer deux extraits du Nouveau Testament qui indiquent dans quel esprit un tel sujet doit être abordé.
Lorsque les pharisiens discutaient au sujet des prétentions de Jésus, Nicodème leur rappela ce que leur conseillaient leurs propres Ecritures saintes: "Notre Loi condamne-t-elle un homme sans qu'on l'entende et qu'on sache ce qu'il fait ?" (Jean.7:51)
Le Christ avertit ses disciples, "Méfiez-vous des faux prophètes, qui viennent à vous déguisés en brebis, mais au dedans sont des loups rapaces." Mais il enchaîne avec ce conseil: "C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Cueille-t-on des raisins sur des épines ou des figues sur des chardons? Ainsi, tout arbre bon donne de bons fruits, tandis que l'arbre mauvais donne de mauvais fruits. Un bon arbre ne peut porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits...Ainsi donc, c'est à leurs fruits que vous les connaîtrez." (Matt.7:15-20)
Ainsi, bien qu'il y ait de faux prophètes, il y en aurait aussi de vrais. Autrement ce conseil détaillé, qui nous permet de distinguer entre le vrai et le faux, n'aurait plus aucune signification. Ces premières considérations exigent donc de notre part que nous soyons prêts à réviser notre jugement, à rester l'esprit ouvert.
Il s'agit également d'essayer de faire la distinction entre le Christ et ses enseignements d'une part, et d'autre part, toutes les doctrines officielles ou traditionnelles, dogmes et interprétations qui sont considérés par l'Eglise comme constituant les critères essentiels de la foi en Christ. Si cela peut sembler difficile il faut se rappeler que c'est précisément ce qu'on demandait aux juifs, dont la majorité, suivant la tradition et leurs chefs religieux, fut incapable de considérer sérieusement ce que Jésus avançait. Or, du point de vue chrétien, un juif qui veut vraiment démontrer son attachement à Moïse et à sa Loi doit nécessairement accepter le Christ qui accomplit tout ce qui avait été promis. Du fait que la lettre qu'on v a étudier demande au chrétien de suivre ce même raisonnement, ce même chemin purificateur, il est nécessaire de faire un retour en arrière et de réexaminer la nature du dilemme vécu par les juifs face aux prétentions messianiques du Christ.
Depuis des siècles les juifs priaient Dieu de hâter la venue du Messie. Ils connaissaient bien les textes et la Loi; ils connaissaient les signes qui leur permettraient de le reconnaître. Parmi ces signes, il viendrait d'un lieu inconnu, il siégerait sur le trône de David, il régnerait avec un sceptre en fer, il promulguerait les lois de Moïse et il inaugurerait une ère de justice dans laquelle les juifs occuperaient un rôle capital, conformément à leur destin en tant que peuple élu de Dieu. Aujourd'hui il est facile de critiquer les juifs pour leurs préjugés, leur manque d'entendement, leur aveuglement. Il est facile d'expliquer que Jésus est venu, non pour détruire, mais pour accomplir la Loi de Moïse; que tous ces signes ont une signification symbolique, différente de celle qu'on enseignait traditionnellement. Néanmoins, pour un juif, une bonne partie de ce qu'on lui demandait d'envisager semblait attaquer la racine même de ses croyances et de ses pratiques religieuses. Comment le Messie pouvait-il changer la Loi de Dieu et en même temps, de toute évidence, faillir à accomplir les signes promis qui devaient accompagner son avènement? Comment les juifs pouvaient-ils accepter une telle chose sans être coupables d'infidélité envers la foi de leurs pères?
Nous devons constater que, bien que le Christ ne demandât pas à ses compatriotes de rejeter les textes sacrés, ses enseignements représentaient néanmoins un défi à tout le corpus d'interprétations théologiques, de croyances et de pratiques religieuses de plusieurs siècles.
Afin de pouvoir reconnaître dans le Christ le Messie, chaque juif devait d'abord se rendre compte de sa propre ignorance et faillibilité humaine. Tout en restant fidèle à la Torah il devait être prêt à remettre en question ces idées reçues que les plus grands savants et autorités religieuses tenaient depuis longtemps pour définitives. Ou, peut-être, comme nous le verrons, devait-il d'abord disposer son coeur à être touché par la personne et le message de Jésus, afin de pouvoir par la suite revoir sa propre religion sous un autre jour, dans une autre perspective. Autrement dit, sans être contraire à l'intellect, le message du Christ s'adressait avant tout à la dimension spirituelle du jugement de l'homme. Nos connaissances limitées, nos préjugés, souvent inconsciemment ancrés en nous, créent facilement des obstacles difficilement surmontables.
La citation qui suit exprime les qualités requises pour s'engager dans la recherche spirituelle: "0 Mon frère! Quand le vrai chercheur s'engage dans le sentier de la recherche qui mène à la connaissance de l'Ancien des Jours, il doit avant toute chose purifier son coeur, siège de la révélation des mystères intimes de Dieu, de la noire poussière de la science humaine..." [7]
Tel fut le défi que représentait pour le juif croyant la révélation de Jésus.
Aujourd'hui la révélation de ce prisonnier, quatre fois exilé, qui plane au-dessus des idées confuses de notre vingtième siècle, place le chrétien devant le même dilemme auquel les juifs durent faire face il y a deux mille ans. Saurons-nous tirer les leçons qu'impose l'expérience de l'histoire? La nature humaine, a-t-elle fait des progrès?
Combien de chrétiens se sont posé la question: "Si j'avais vécu au temps de Jésus, l'aurais-je reconnu? Comment aurais-je réagi en tant que juif?"
A la lecture de cette "lettre aux Chrétiens" on comprendra que nous sommes confrontés aujourd'hui à une expérience similaire. Un nouveau message nous appelle à examiner attentivement une expression contemporaine de l'Esprit Saint, une nouvelle révélation qui annonce, une fois encore, qu'elle a pour but, non pas d'abolir mais d'accomplir (Matt.5:17), rappelant qu'on ne met pas "du vin nouveau dans de vieilles outres." (Matt.8:17)
Examinons de plus près ce que l'on sait de ces premiers juifs qui acceptèrent Jésus. Quel genre de personnes étaient-ils? Par quel chemin arrivèrent-ils à le reconnaître?
D'abord, selon les événements relatés dans les Evangiles, ils n'étaient pas issus des rangs des érudits. En effet, Jésus fut critiqué parce qu'il fréquentait les tavernes et les pécheurs. On peut supposer qu'il était plus difficile pour ceux qui avaient une formation religieuse et une position sociale à maintenir, de considérer sérieusement ses enseignements. Nicodème faillit être une exception. Il était à la fois attiré et troublé. Cependant il ne put finalement accepter les explications fournies par Jésus et à la fin de leur conversation Jésus conclut:
"Tu es Maître en Israël et tu ignores ces choses? En vérité, en vérité, je te le dis, nous parlons de ce que nous savons et nous attestons ce que nous avons vu, mais vous ne recevez pas notre témoignage. Si vous ne croyez pas quand je vous dis les choses de la terre, quand je vous dis les choses du ciel comment croiriez vous?" (Jean 3:10-12)
Paul, ayant été au départ un ennemi farouche des chrétiens, fut ensuite probablement le premier juif possédant une bonne formation religieuse et théologique à devenir chrétien. Néanmoins, il lui fallut les grands moyens pour y parvenir: une vision du Christ qui le laissa temporairement aveugle. La plupart d'entre nous ne pouvons pas compter sur un tel niveau d'intervention divine!
Selon tous les indices, les premiers chrétiens contemporains de Jésus, tous juifs, furent convertis à la suite d'une rencontre avec lui et sous l'influence de sa présence et de sa parole. Autrement dit, Jésus était en lui-même sa plus grande preuve. Sa capacité d'influencer et de changer les coeurs des gens les plus simples ainsi que les plus érudits est sans doute une preuve de l'universalité de son message. Ce qui frappe, c'est qu'on ne trouve aucune mention de quelqu'un qui aurait reconnu le Christ à travers une étude des prophéties de l'Ancien Testament.
En fait, nous savons que Jésus n'a rendu explicite sa prétention d'être le Messie, même auprès de ses disciples, que vers la fin de sa brève mission, lorsque Pierre lui fit sa déclaration de foi. Une part importante de son enseignement fut vouée à donner à ses disciples une meilleure compréhension de l'Ancien Testament. En bref, on peut résumer leur cheminement ainsi: d'abord la rencontre avec le Christ, à condition d'avoir le coeur pur et d'être sans préjugé. Ensuite venaient ses explications des Ecrits saints et de l'accomplissement des prophéties: d'abord la foi, suivie, peu à peu, de la compréhension. Comme Jésus l'exprima, seuls ceux qui avaient "des yeux pour voir" et "des oreilles pour entendre" furent capables de le reconnaître.
Ces qualités spirituelles requises sont aussi valables aujourd'hui qu'elles l'étaient à l'époque. Elles rappellent la parabole du Christ concernant l'invitation au festin nuptial. Les invités offrirent toutes sortes d'excuses au point que le roi se fâcha, disant: "La noce est prête, mais les invités n'en étaient pas dignes." (Matt.22:8) Les invités étaient les juifs, et notamment leurs chefs. Le mariage représentait le royaume du ciel auquel les croyants au Christ avaient accès. Nous nous rappelons qu'ensuite le roi expédia ses serviteurs qui "s'en allèrent par les chemins" et "ramassèrent tous ceux qu'ils trouvèrent, les mauvais comme les bons..." (Matt.22:10)
Ainsi nous revenons aux paroles du début de cette introduction qui rappelle cette parabole: "0 peuple de l'Evangile! Ceux qui n'étaient pas dans le Royaume y sont maintenant entrés tandis qu'en ce Jour, nous vous voyons attendre à la porte."[8]
Qui est au juste l'auteur de ce message qui se présente comme l'accomplissement des messages du passé? Il s'agit de Bahá'u'lláh (la "Gloire de Dieu"), un noble persan qui connut exil sur exil et finit ses jours comme prisonnier à Saint-Jean-d'Acre, en Terre Sainte. Ses disciples s'appellent les Bahá'ís. Aujourd'hui (1995), il y a de par le monde plus de cinq millions de Bahá'ís. Le ministère de Bahá'u'lláh dura quarante ans. Ses nombreux Ecrits, sous forme de lettres et de livres, forment la littérature sacrée bahá'ie qui est aujourd'hui traduite, pour certains textes, en plus de huit cents langues et dialectes. Bien que la tradition orale existe, elle n'a pas l'autorité des Ecrits. Comme dicté par une insondable providence, le ministère de Bahá'u'lláh se déroula essentiellement en exil, en prison ou en résidence surveillée, de sorte qu'il transmit son message principalement par écrit - ceci nous assurant l'authenticité de ses paroles d'une manière inégalée dans les révélations du passé. De son vivant, des milliers de Bahá'ís furent martyrisés et aujourd'hui ces persécutions se poursuivent encore, particulièrement dans son pays d'origine. Le Professeur Edward Granville Browne, éminent orientaliste de l'université de Cambridge, évoquant sa mémorable rencontre avec Bahá'u'lláh, écrivit: "Il eut été superflu de demander en la présence de qui je me trouvais ; je me prosternais devant celui qui fait l'objet d'une vénération et d'un amour que les rois lui envieraient et auxquels les empereurs aspireraient en vain." (Voir appendice 4)
La réflexion suivante de Matthieu sur Jésus donnant son sermon sur la montagne peut également s'appliquer aux rapports existant entre les Ecrits de Bahá'u'lláh et les théologiens et les chefs religieux d'aujourd'hui: "Et il arriva, quand Jésus eut achevé son discours, que les foules étaient vivement frappées de son enseignement: c'est qu'il enseignait en homme qui a autorité, et non comme leurs scribes." (Matt.7:28-29)
Dans les pages qui suivent on trouvera le texte complet de cette "lettre", avant d'en faire un commentaire détaillé. Ce commentaire ne cherche en aucune façon à constituer une étude exhaustive des questions soulevées.
En fin de compte, les paroles de cette révélation ressemblent à un océan dans lequel chacun doit apprendre à nager tout seul. Il aura atteint son but s'il réussit à transmettre la joie de la découverte, une conscience de la possibilité que Dieu nous parle aujourd'hui et qu'une "renaissance" de l'individu et de la société est réalisable; en bref, l'assurance que: "L'omniscient Médecin tient sous son doigt le pouls de l'humanité. Il décèle la maladie et, dans son infaillible sagesse, en prescrit le remède."[9]
Rappelons un dernier point au sujet du style des Ecrits de Bahá'u'lláh. Si on y sent un ton biblique, donc familier, l'occidental découvre néanmoins un style littéraire différent du sien, plus symbolique et imagé, plus fleuri, presque parfumé. Ceci est évident dans le cas du Christ ou de Moïse, mais nous frappe sans doute moins, parce qu'au fil des siècles l'Ancien et le Nouveau Testament ont fortement modelé la culture occidentale. Dans le cas des Ecrits Bahá'ís il s'agit d'une autre culture littéraire.
Si nous avons intitulé cette introduction Réception Tardive c'est que cette lettre de Bahá'u'lláh est comme un message qui n'a que très partiellement été distribué, car la plupart des chrétiens ignorent son contenu, voire son existence. Bien que la Foi bahá'ie se soit établie dans pratiquement tous les pays du monde, parmi un nombre extraordinaire d'ethnies, de tribus et de races, et qu'au plan international elle ait émergé de l'obscurité, peu nombreux encore sont les chrétiens qui ont sérieusement étudié ce que Bahá'u'lláh proclame à leur égard. La plupart des églises restent jusqu'à aujourd'hui curieusement silencieuses à ce sujet.
Parlant de la révélation dont il fut porteur, Bahá'u'lláh affirme: "C'est là l'immuable Foi de Dieu, éternelle dans le passé, éternelle dans l'avenir. Que celui qui la cherche la trouve, et quant à celui qui se refuse à la chercher, à vrai dire, Dieu se suffit à Lui même, et Il n'a nul besoin de ses créatures."[10]
1. LETTRE AUX CHRETIENSVoici la Très Sainte Tablette transmise du royaume sacré à celui qui a tourné son visage vers l'objet de l'adoration du monde, descendu du ciel de l'éternité, revêtu de gloire transcendante.
Au nom du Seigneur, le Seigneur de grande gloire!Cette Epître venant de notre présence est destinée à celui que le voile des noms n'a pas empêché de s'approcher de Dieu, le Créateur du ciel et de la terre, afin de réjouir ses yeux pendant les jours de son Seigneur, le Secours dans le péril, celui qui subsiste par lui-même.
(B)Dis, ô disciples du Fils (Jésus)! Vous êtes vous exclus de ma présence à cause de mon nom? Pourquoi ne réfléchissez-vous pas en vos coeurs? Jour et nuit vous invoquiez, l'Omnipotent, mais quand il descendit du votre Seigneur ciel de l'éternité dans sa grande gloire, vous vous êtes détournés de lui et vous êtes restés plongés dans 1'insousciance.
(C)Considérez ceux qui rejetèrent l'Esprit (Jésus) lorsqu'il vint à eux avec une autorité évidente. Combien nombreux furent les pharisiens qui, enfermés dans leurs synagogues en son nom, se lamentaient de leur séparation d'avec lui. Cependant quand s'ouvrirent tout grands les portails de la réunion et que l'Astre divin brilla à l'aurore de beauté dans toute sa splendeur, ils ne crurent pas en Dieu, l'Exalté, le Puissant. Ils ne purent atteindre sa présence, bien que son avènement ait été promis dans le livre d'Esaie ainsi que dans les livres des Prophètes et des Messagers. Aucun d'entre eux ne tourna son visage vers l'aurore de la divine bonté, sauf ceux qui étaient dénués de tout pouvoir parmi les hommes. Et néanmoins, aujourd'hui tout homme doué de pouvoir et revêtu de souveraineté est fier de s'associer à son nom. Rappelez-vous celui qui prononça la peine de mort contre Jésus. Il était parmi les plus érudits de son époque en son pays, tandis que celui qui n'était qu'un pêcheur crut en lui. Prenez garde et soyez attentifs.
(D)Considérez de même combien nombreux sont les moines qui, retirés dans leurs églises, invoquent l'Esprit (Jésus). Mais lorsqu'il apparut grâce au pouvoir de vérité, ils ne parvinrent pas à s'approcher de lui et restent au nombre de ceux qui se sont gravement égarés. Heureux ceux qui les ont abandonnés et ont tourné leur visage vers celui qui est le désir de tous ceux qui sont au ciel et sur la terre.
(E)Ils lisent l'Evangile et pourtant refusent de reconnaître le Seigneur très-glorieux, bien qu'il soit venu par la force de son autorité exaltée, puissante et miséricordieuse. En vérité, nous sommes venu par amour pour vous et nous avons supporté les vicissitudes du monde pour votre salut. Allez-vous fuir celui qui a sacrifié sa vie pour que vous soyez revivifiés? Craignez Dieu, ô disciples de l'Esprit, et ne marchez pas sur les traces de tout ecclésiastique qui s'est gravement égaré. Pensez-vous qu'il recherche son propre avantage alors qu'il a été constamment menacé par les épées de ses ennemis? Ou qu'il recherche les vanités de ce monde alors qu'on l'a emprisonné dans la plus désolée des villes? Soyez équitables dans votre jugement et ne suivez pas la trace des injustes.
(F)Ouvrez la porte de votre coeur. En vérité, celui qui est l'Esprit se tient devant elle. Pourquoi vous tenez vous éloignés de celui qui a projeté de vous attirer vers un lieu resplendissant? Dis: En vérité, nous vous avons ouvert les portes du Royaume. Allez-vous barricader les portes de vos maisons devant ma face? Ce serait là vraiment une lamentable erreur. En vérité, il est de nouveau descendu du ciel comme il en descendit la première fois. Prenez garde, de crainte que vous ne contestiez ses paroles comme le peuple le fit avant vous, Ainsi vous instruit le Vrai, puissiez-vous le comprendre.
(G)Le Jourdain se joint au plus grand océan et le Fils, dans la vallée sainte, s'écrie: "Me voici, me voici, ô Seigneur, mon Dieu!" pendant que le Sinaï tourne autour de la Maison et que le Buisson Ardent s'écrie: "Celui qui est le désir de tous est venu dans sa transcendante majesté!" Dis: Voyez! Le père est venu, et ce qu'on vous a promis dans le Royaume est accompli! Voici la parole que le Fils a cachée lorsqu'il dit à ceux qui l'entouraient: "Vous ne pouvez pas la supporter maintenant." Et quand le temps désigné fut achevé et que l'heure eut sonné, la parole brilla au-dessus de l'horizon de la volonté de Dieu. Prenez garde, ô disciples du Fils, à ne pas la rejeter. Saisissez-la fermement. Cela sera mieux pour vous que tout ce que vous possédez. En vérité, il est proche de ceux qui font le bien. L'heure que nous avions dissimulée à la connaissance des peuples de la terre et des anges est arrivée. Dis: En vérité, il a témoigné pour moi et je témoigne pour lui. Il ne visait en effet personne d'autre que moi. Toute âme juste et compréhensive en atteste.
(H)Bien que frappé d'innombrables afflictions, Nous convoquons le peuple devant Dieu, le Seigneur des noms. Dis: efforcez-vous d'atteindre ce qu'on vous a promis dans les livres de Dieu et ne suivez pas la voie de l'ignorant. Mon corps a enduré l'emprisonnement pour que vous soyez libérés de l'esclavage de votre moi. Tournez votre visage vers sa face et ne suivez pas la trace de tout oppresseur hostile. En vérité, il a consenti à être cruellement humilié afin que vous puissiez atteindre la gloire, et néanmoins, vous vous divertissez dans la vallée de l'insouciance. En vérité, il habite la plus désolée des demeures par amour pour vous, pendant que vous habitez des palais.
(I)Dis: n'avez vous pas entendu la voix du crieur qui clamait dans le désert du Bayán (livre révélé par le Báb, précurseur de Bahá'u'lláh, martyrisé en 1850àTabriz (Iran)), vous apportant la bonne nouvelle de la venue de votre Seigneur, le très-miséricordieux? Voyez! Il est venu à l'ombre protectrice du témoignage, revêtu de preuves et d'évidences concluantes, et ceux qui croient vraiment en lui considèrent sa présence comme l'incarnation du Royaume de Dieu. Béni soit l'homme qui se tourne vers lui et malheur à ceux qui le renient ou qui doutent de lui.
(J)Annonce aux prêtres: Voyez! Celui qui est le souverain est venu. Sortez de derrière le voile au nom de votre Seigneur, celui qui fait courber la tête de tous les hommes. Proclamez à toute l'humanité la bonne nouvelle de cette puissante et resplendissante révélation. En vérité, celui qui est l'Esprit de Vérité est venu vous conduire vers la vérité toute entière. Il ne parle pas de ce que lui souffle son moi, mais de ce que lui ordonne le Très-Sage, celui qui sait tout.
(K)Dis: voici celui qui a glorifié le Fils et loué sa cause. 0 peuples de la terre! Débarrassez-vous de ce que vous possédez et saisissez fermement ce que vous ordonne le Tout-Puissant, celui qui porte la charge que Dieu lui a confiée. Purifiez vos oreilles et tournez votre coeur vers lui pour que vous puissiez entendre le plus merveilleux appel qui s'est élevé du Sinaï, la demeure de votre Seigneur, le plus glorieux. En vérité, ceci vous conduira vers le lieu d'où vous apercevrez la splendeur de la lumière de sa face qui brille au-dessus de cet horizon lumineux.
(L)0 assemblée de prêtres! Laissez vos cloches et sortez de vos églises. Il vous appartient en ce jour de proclamer bien haut le Plus Grand Nom parmi les nations. Préférez-vous garder le silence alors que chaque pierre et chaque arbre s'écrient: "Le Seigneur est venu dans toute sa gloire!" Heureux l'homme qui se hâte vers lui. En vérité, il sera compté parmi ceux dont les noms seront inscrits pour l'éternité et dont parlera l'assemblée suprême. C'est ce qu'a décrété l'Esprit dans cette merveilleuse tablette. Celui qui appelle les hommes en mon nom est vraiment de moi et il manifestera ce qui dépasse le pouvoir de tous ceux qui sont sur cette terre. Suivez le chemin du Seigneur et non les pas de ceux qui se sont embourbés dans l'insouciance. Heureux celui qui, s'étant endormi, se voit ranimé par la brise de Dieu et se lève d'entre les morts en dirigeant ses pas vers le chemin du Seigneur. En vérité, un tel homme est considéré par Dieu, le Vrai, comme un joyau parmi les hommes et il est compté parmi les bienheureux.
(M)Dis: La lumière de sa révélation a point à l'Orient; en Occident les signes de son autorité sont apparus. Réfléchis à ceci dans ton coeur, ô peuple, et ne sois pas de ceux qui se sont gravement égarés quand mon Souvenir (le Báb) vint à eux selon les ordres du Tout-Puissant, celui dont toutes choses chantent les louanges. Que la brise de Dieu t'éveille! En vérité elle a soufflé sur le monde. Heureux celui qui en a respiré le parfum et qui est compté parmi ceux qui sont fermes.
(N)O assemblée d'évêques! Vous êtes les étoiles du ciel de ma connaissance. Ma miséricorde ne désire pas vous voir tomber à terre. Cependant ma justice déclare: "C'est ce que le Fils a décrété." Et tout ce qui est sorti de sa bouche innocente, véridique et digne de confiance, ne pourra jamais être altéré. En vérité, les cloches carillonnent mon nom et se lamentent à mon sujet, mais mon esprit est empli d'une joie éclatante. Le corps du Bien-Aimé désire ardemment la croix et sa tête attend impatiemment le coup de lance dans le chemin du Très-Miséricordieux. La suprématie de l'oppresseur ne peut en aucune façon le détourner de son dessein, Nous avons appelé toutes choses créées à atteindre la présence de votre Seigneur, le Roi de tous les noms. Heureux l'homme qui a tourné son visage vers Dieu, le Seigneur du Jour de l'Expiation.
(O)Ô assemblée de moines! Si vous décidez de me suivre, je ferai de vous les héritiers de mon royaume. Et si vous péchez contre moi, dans mon inlassable longanimité je le supporterai patiemment, car je suis, en vérité, celui qui toujours pardonne, le Très-Miséricordieux.
(P)Ô terre de Syrie! Qu'est devenue ta droiture? En vérité, les pas de ton Seigneur t'ont ennoblie. As-tu perçu le parfum de la sainte réunion ou doit on te ranger parmi les insouciants?
(Q)Bethléem s'anime sous la brise de Dieu. Nous entendons sa voix qui dit: "O toi, Seigneur très généreux! Où s'est établie ta grande gloire? Les suaves parfums de ta présence m'ont vivifiée, alors que je languissais à cause de ma séparation de toi. Toute louange à toi qui enleva les voiles et vint revêtu d'une puissance et d'une gloire évidentes." Elevant la vois de derrière le tabernacle de majesté et de grandeur, nous l'appelâmes: "O Bethléem! Cette lumière s'est levée à l'Orient et s'est déplacée vers l'Occident jusqu'à ce qu'elle te parvienne, au soir de sa vie. Dis moi: les fils reconnaissent ils le Père et l'acceptent-ils? Ou bien le renient-ils, de même que le peuple d'autrefois le renia?". Sur quoi elle s'écria: "Tu es vraiment l'Omniscient, l'Informé!" En vérité, nous voyons toutes choses créées témoigner en notre faveur, Certaines nous reconnaissent et témoignent, tandis que la plupart témoignent et ne nous reconnaissent pas.
(R)Le Sinaï s'anime de joie en apercevant notre face. Il élève sa voix captivante pour glorifier son Seigneur, disant: "0 Seigneur! le sens le parfum de ton manteau. Il me semble que tu es proche, revêtu des signes de Dieu. Tu as ennobli ces régions de tes pas. Combien serait béni ton peuple, si seulement il pouvait te reconnaître et respirer tes doux arômes! Et malheur à ceux qui restent plongés dans le sommeil."
(S)Heureux es-tu, toi qui as tourné ton visage vers ma face, dans la mesure où tu as déchiré les voiles, fait voler en éclats les idoles et reconnu ton Seigneur éternel. Les peuples du Quran se sont élevés contre nous sans preuve ni témoignage clairs, nous soumettant à chaque instant à un nouveau tourment. Ils s'imaginent futilement que les tribulations sont susceptibles de faire échouer notre dessein. Ce qu'ils ont imaginé est vraiment vain. En vérité, ton Seigneur est celui qui ordonne tout ce qu'il lui plaît.
(T)le ne passe jamais devant un arbre sans que mon coeur s'adresse à lui en disant: "0 ! qu'on t'abatte en mon nom et qu'on crucifie mon corps sur toi." Nous avons révélé ce passage dans la Tablette au Sháh afin qu'il serve à avertir les fidèles de toutes les religions. En vérité, ton Seigneur, le Très-Sage, sait tout.
(U)Ne t'afflige pas à cause de ce qu'ils m'ont fait subir. Ils sont vraiment plutôt morts que vivants. Laisse-les avec les morts, puis tourne ton visage vers celui qui donne la vie au monde. Ne t'attriste pas de ce que racontent les étourdis. Sois ferme dans la Cause et enseigne le peuple avec une parfaite sagesse. Ainsi te commande le Souverain de la terre et du ciel. Il est, en vérité, le Tout-Puissant, le Plus Généreux. Bientôt Dieu exaltera ton souvenir et, de la plume de gloire, inscrira ce que tu as exprimé dans ton amour pour lui. Il est vraiment le protecteur de ceux qui font le bien.
(V)Rappelle-moi au souvenir de celui qui s'appelle Murád et dis:"Heureux es-tu, ô Murád, pour avoir rejeté loin de toi les suggestions de tes propres désirs, afin de suivre celui qui est le désir de toute l'humanité." Dis: Heureux le dormeur que réveille ma brise. Heureux le mort ranimé par mon souffle de vie. Heureux l'oeil consolé en contemplant ma beauté. Heureux le voyageur qui dirige ses pas vers le tabernacle de ma gloire et de ma majesté. Heureux l'affligé qui cherche refuge à 1'ombre de mon dais. Heureux l'assoiffé qui se hâte vers les doux flots de ma tendre bienveillance. Heureuse l'âme insatiable qui rejette ses désirs égoïstes par amour pour moi et prend place à la table du banquet que j'ai fait descendre du ciel de ma divine bonté pour mes élus. Heureux l'humilié qui saisit fermement la corde de ma gloire, et le nécessiteux qui se met à 1'ombre du tabernacle de ma richesse. Heureux l'ignorant qui cherche la fontaine de ma connaissance, et l'insouciant qui s'accroche à la corde de mon souvenir. Heureuse l'âme que mon souffle vivifiant ressuscite et qui gagne accès à mon royaume céleste. Heureux l'homme qui, mû par les doux arômes de réunion avec moi, est attiré vers l'aurore de ma révélation. Heureuses l'oreille qui entend et la langue qui témoigne; et heureux l'oeil qui voit et reconnaît le Seigneur lui même, dans sa grande gloire et majesté, investi de grandeur et d'empire. Heureux ceux qui atteignent sa présence. Heureux l'homme qui cherche à être éclairé par l'étoile du jour de ma parole. Heureux celui qui pare sa tête du diadème de mon amour. Heureux celui qui entend le récit de mes chagrins et se lève pour m'aider parmi mon peuple. Heureux celui qui sacrifie sa vie dans mon sentier et subit maintes épreuves par amour pour mon nom. Heureux l'homme, confiant en ma parole, qui se lève d'entre les morts pour célébrer ma louange. Heureux celui que ravissent mes mélodies merveilleuses et qui déchire les voiles par la force de mon pouvoir. Heureux celui qui reste fidèle à mon Alliance et que les choses de ce monde n'empêchent pas d'atteindre ma cour de sainteté. Heureux l'homme qui, détaché de tout sauf moi, s'en vole dans l'atmosphère de mon amour, qui parvient à entrer dans mon royaume, contemple mes domaines de gloire, boit à longs traits les eaux vives de ma bonté, s'abreuve au fleuve céleste de ma tendre providence, prend connaissance de ma Cause, comprend ce que j'ai dissimulé dans le trésor de mes paroles et brille à l'horizon de la connaissance divine, occupé à me louer et à me glorifier. En vérité, il est des miens, Sur lui reposent ma miséricorde, ma tendre bienveillance, ma bonté et ma gloire.
2. COMMENTAIRE"Cette Epître venant de notre présence est destinée à celui que le voile des noms n'a pas empêché de s'approcher de Dieu... Dis, ô disciples du Fils! Vous êtes-vous exclus de ma présence à cause de mon nom?" (A)
Il semble que celui à qui cette Epître fut adressée fut d'origine chrétienne (Voir appendice 1) et que le "voile des noms" ne l'écarta pas de cette nouvelle manifestation de l'Esprit Saint.
Sans préambule, Bahá'u'lláh va droit au coeur du dilemme, à savoir qu'un chrétien peut difficilement envisager la suggestion d'une nouvelle révélation. Pour beaucoup c'est quasiment impensable, tout autant que l'idée d'invoquer un autre nom que celui de Jésus. Pour d'autres une telle idée ne peut qu'être associée au retour du Christ pour juger le monde à la fin des temps, accompagné d'événements apocalyptiques, dans lesquels on ne peut croire que s'il s'agit d'un avenir lointain. On oublie facilement le conseil de Jésus: "Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l'heure." On oublie également son avertissement: "Ainsi donc, tenez vous prêts, vous aussi, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra." (Matt.24:42-44)
2.2. Un nouveau nomJésus avertit ses disciples du danger des faux prophètes qui utiliseraient son nom: "Prenez garde que personne ne vous égare: car beaucoup viendront en se servant de mon nom, en disant: "Je suis le Christ" et ils en égareront beaucoup." (Matt.24:4-5) Et encore: "Alors, si quelqu'un vous dit: "Voyez, le Christ est ici!", ou "là!", ne le croyez pas." (Matt.24:23-24)
On peut donc supposer qu'à son retour il ne s'appellerait ni Jésus ni le Christ, mais aurait un nouveau nom. Saint Jean semble l'indiquer dans l'Apocalypse dans laquelle Jésus promet au "vainqueur" "un caillou blanc, et, sur le caillou un nom nouveau." (Apoc.2:16)
Dans le paragraphe suivant il précise qu'il parle de l'époque de son retour, car il dit: "A moins que tu ne te réveilles, je viendrai comme un voleur et tu ne sauras absolument pas à quelle heure je viendrai..." (Apoc.3:3) et ensuite, "Je viens promptement. Continue à tenir ferme..." (Apoc.3:11) et finalement, "Le vainqueur, j'en ferai une colonne dans le temple de mon Dieu... et j'écrirai sur lui le nom de mon Dieu, la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d'auprès de mon Dieu, et mon nom nouveau." Et il ajoute: "Que celui qui a des oreilles entende..." (Apoc.3:12-13)
Il apparaît donc que le "vainqueur", le vrai croyant qui ne s'est pas assoupi, reconnaîtra à son retour celui qui aura un nom nouveau; la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel aura un nom nouveau et, finalement, le Christ, lui aussi, aura un nom nouveau.
Si nous revenons au premier paragraphe de cette lettre, ces dernières citations donnent tout son sens à l'idée du chrétien qui pourrait rester fermé à la révélation de Bahá'u'lláh à cause de son nom.
Jésus lui-même a clairement indiqué le sens symbolique et spirituel du retour d'un prophète. Il le fait en parlant du retour d'Elie qui devait précéder la venue du Messie. Dans l'Evangile selon saint Matthieu il dit: "Je vous dis, en vérité, parmi ceux qui sont nés de femmes, il n'en a point paru de plus grand que Jean-Baptiste... car tous les prophètes et la Loi ont prophétisé jusqu'à Jean. Et si vous voulez le comprendre, c'est lui qui est l'Elie qui devait venir. Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende." (Matt.11:11-15)
Plus tard, en descendant de la montagne, après la Transfiguration sur la montagne, alors que les disciples venaient d'avoir la vision de Jésus qui conversait avec Moïse et Elie, ils lui demandèrent: "Que disent donc les scribes, qu'Elie doit venir d'abord?" Il répondit, "0ui, Elie doit venir et tout remettre en ordre; mais je vous le dis, Elie est déjà venu, et ils ne l'ont pas reconnu, mais l'ont traité à leur guise. Et le Fils de l'homme aura de même à souffrir d'eux." Alors les disciples comprirent que ses paroles visaient Jean-Baptiste." (Matt.17:10-13)
Ainsi, il est clair que les juifs attendaient le retour d'Elie avant la venue du Messie. Le Christ, veut-il dire que Jean-Baptiste était physiquement la même personne que le prophète Elie de l'Ancien Testament, ou la réincarnation de son âme? ... La citation qui suit semble indiquer que non. Pour qu'il n'y ait plus de doute concernant le caractère purement spirituel et symbolique de cette explication de Jésus, il est intéressant de se référer à l'Evangile selon saint Jean où une délégation des chefs juifs de Jérusalem est venue voir Jean-Baptiste afin de lui demander qui il était "Il confessa, il ne nia pas, il confessa: "Je ne suis pas le Christ." "Quoi donc?" lui demandèrent ils. "Es-tu Elie?" Il dit: "Je ne le suis pas..." (Jean.1:21-23)
Ainsi, sans aucun doute, Jean-Baptiste nia être Elie au sens littéral et physique, mais Jésus affirme que, pour ceux qui ont des oreilles pour entendre, il est le retour d'Elie qui devait précéder son avènement.
Donc, le retour d'Elie ne représente pas le retour de la même personne et il ne porte pas le même nom. Il représente pourtant le retour d'une réalité spirituelle. Il s'agit des mêmes qualités spirituelles que possédait Elie, le même rôle prophétique, renouvelés en Jean-Baptiste.
Puisque c'est ainsi que Jésus lui-même explique la signification du "retour" d'un prophète, pourquoi ne pas comprendre son propre retour "dans une nuée avec puissance et grande gloire" (Luc.21:28) de la même manière: un autre personnage qui réunit les mêmes perfections spirituelles que Jésus, qui remplit les mêmes fonctions d'intermédiaire choisi par Dieu, dont la tâche est de manifester aux hommes la volonté divine, ses perfections et ses enseignements?
Ainsi, selon Bahá'u'lláh, les chrétiens sont, pour la plupart, restés "fermés à Lui", se sont détournés de lui, surtout parce qu'ils n'ont pas saisi le sens figuratif des promesses du Christ - ceci, à cause de ce "nom nouveau". Ils n'ont donc pu reconnaître le retour du Christ dans la personne de Bahá'u'lláh, de la même manière que les juifs n'ont pu reconnaître ni le retour d'Elie dans la personne de Jean-Baptiste ni l'avènement du Messie dans la personne de Jésus. Dans chacun des cas la solution du mystère se trouve dans leurs propres Ecrits saints, mais c'est le Promis lui-même qui, seul, en possède la clef.
2.3. L'histoire se répète.Le Christ n'avait-il pas averti les juifs: "Je suis venu au nom de mon père et vous ne me recevez pas... Ne pensez pas que c'est moi qui vous accuserai auprès du père. Votre accusateur sera Moïse, en qui vous mettez votre espoir. Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car c'est de moi qu'il a écrit. Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez vous mes paroles?" (Jean.5:43-47)
La situation de Bahá'u'lláh est identique à celle du Christ. En ce sens, l'histoire se répète et la leçon est la même. Comparons cette dernière citation avec les paroles suivantes de Bahá'u'lláh: "Jour et nuit vous invoquiez votre Seigneur, l'Omnipotent, mais quand il descendit du ciel de l'éternité dans sa grande gloire, vous vous êtes détournés de lui et vous êtes restés plongés dans l'insouciance." (B) Et un peu plus loin: "Ils lisent l'Evangile et pourtant refusent de reconnaître le Seigneur très-glorieux, bien qu'il soit venu..." (E) On ne peut qu'être frappé par le parallèle du point de vue historique. C'est comme si l'on transposait dans la citation de saint Jean le nom du Christ à celui de Moïse et le nom de Bahá'u'lláh à celui de Jésus. Bahá'u'lláh insiste, à plusieurs reprises: le chrétien doit apprendre à profiter des erreurs du passé. Il les somme: "Considérez ceux qui rejetèrent l'Esprit (Jésus)..." et rappelle que seuls "ceux qui étaient dénués de tout pouvoir parmi les hommes" (C) reconnurent le Christ; il évoque la faillibilité de la connaissance humaine en se référant à Annas, "parmi les plus érudits de son époque en son pays..." , qui fut malgré cela le principal responsable de la condamnation à mort de Jésus, "tandis que celui qui n'était qu'un pêcheur (Pierre) crut en lui..." (C)
Bahá'u'lláh reproche ensuite aux moines, sous-entendu à toute la chrétienté, d'avoir répété la même erreur par rapport à lui: ils "ne parvinrent pas à s'approcher de lui..." (D)
De même que le Christ s'est sacrifié pour sauver l'homme du péché, de même, Bahá'u'lláh, faisant appel au coeur de chacun, affirme: "En vérité, nous sommes venu par amour pour vous et nous avons supporté les vicissitudes du monde pour votre salut." Et puis il s'écrie: "Allez vous fuir celui qui a sacrifié sa vie pour que vous soyez revivifiés?" (E)
Le lecteur se reportera aux autres oeuvres de Bahá'u'lláh (voir bibliographie DPPN, BEN et appendice 2) pour connaître l'étendue de ses souffrances à travers ses quatre exils successifs et ses années d'emprisonnement pendant les quarante ans de son ministère.
2.4. Rejet de l'envoyé de DieuEnsuite Bahá'u'lláh prévient les chrétiens de craindre Dieu et de ne pas marcher "sur les traces de tout ecclésiastique qui s'est gravement égaré".(E) Si ces propos paraissent un peu sévères ou provocateurs il faut se rappeler les propos encore plus durs utilisés par Jésus quand il s'adressa aux scribes et aux pharisiens en les nommant "hypocrites" , "guides aveugles", "serpents" et "engeance de vipères" etc. (Matt.23:15,16,33) Jésus justifia cette condamnation en affirmant qu'il les tenait pour responsables du rejet par le peuple, non seulement de lui-même, mais aussi de tous les prophètes qui l'avaient précédé. (Matt.23:33-36) Il affirme ainsi la responsabilité des membres du clergé à travers les âges, car ne se sont-ils pas proposés comme guides spirituels du peuple? S'ils reconnaissent celui qui a été promis dans les Ecrits saints quand il apparaît, alors l'arbre de leur foi aura porté son fruit. Leur responsabilité est proportionnelle à l'influence qu'ils exercent sur tant de croyants.
Néanmoins, un aspect fondamental du message de Bahá'u'lláh est que chaque individu est finalement seul responsable de son destin spirituel et que chacun doit rechercher la vérité pour lui-même. Il promet qu'en s'efforçant d'être juste "tu verras par tes propres yeux et non par ceux d'autrui, et tu comprendras par ta propre intelligence et non par celle de ton prochain."
Bahá'u'lláh conseille alors au lecteur d'être juste, de reconnaître que matériellement il n'avait rien à gagner en prétendant être le révélateur de la volonté divine et que cela ne lui a apporté que souffrances.
2.5. Un coeur purL'appel qui suit est à la base du message des Fondateurs de toutes les grandes religions: "Ouvrez la porte de votre coeur." (F) Bahá'u'lláh exprime la même idée ailleurs en parlant avec la voix de Dieu: "0 fils de l'existence! Aime moi pour que je puisse t'aimer. Si tu ne m'aimes pas, mon amour ne pourra jamais t'atteindre. Sache-le, ô serviteur."[12]
Afin de pouvoir ouvrir la porte de son coeur il faut d'abord être sûr que la personne concernée soit digne de foi. C'est pour cela que, tout de suite après, Bahá'u'lláh rassure le chrétien qu'une telle confiance est justifiée, car le Christ lui-même (l'Esprit) se tient devant cette porte. Dans ses Ecrits Bahá'u'lláh se réfère régulièrement à Jésus comme "l'Esprit". Ainsi Bahá'u'lláh affirme que Jésus est là pour guider l'âme sincère à le reconnaître afin de le conduire vers "un lieu resplendissant." Il fait donc appel au chrétien: "...en vérité, Nous vous avons ouvert les portes du Royaume. Allez-vous barricader les portes de vos maisons devant ma face?" (F)
2.6. Le Royaume de DieuA maintes reprises Bahá'u'lláh déclare qu'il est venu établir sur terre le Royaume de Dieu, si longtemps promis. Le "Royaume", tel qu'il est mentionné dans les Evangiles, semble revêtir deux sens: celui qui peut s'établir immédiatement dans le coeur de chacun et celui qui signifie la Rédemption de toute la société humaine, dont le Christ était le héraut. Comme George Townshend, ancien chanoine de la cathédrale St-Patrick, à Dublin, écrivit: "L'avènement final du royaume divin a été promis dès le commencement et cette promesse confère à la Bible son caractère d'espérance confiante, de succès et de triomphe."[13]
Il nous rappelle que ce thème date de Moïse qui avait prédit qu'après l'installation des Israélites en Terre Sainte ils seraient ensuite dispersés à travers le monde jusqu'au jour où "les temps étant accomplis", le Seigneur Dieu, pris de compassion, ramènerait et rassemblerait le peuple d'Israël et le rétablirait en Terre Sainte.(Deuteronome 30) Ceci devint le thème favori des prophètes mineurs qui suivirent Moïse et qui prévirent la synchronisation de ce retour des juifs en Israël avec l'avènement de "l'Eternel des Armées". D'après cette vision l'humanité sera unifiée autour de la Loi de Dieu. Par exemple: "L'Eternel sera roi de toute la terre: en ce jour là, l'Eternel sera le seul Eternel, et son nom sera le seul nom." (Zacharie.14:9-10) Ainsi que: "...car la terre sera remplie de la connaissance de l'Eternel, comme le fond de la mer par les eaux qui la couvrent." (Esaïe.11:9)
On peut comparer ce qui vient d'être cité avec ce passage de Bahá'u'lláh: "Ce que le Seigneur a ordonné comme souverain remède et comme plus puissant moyen de guérison du monde, c'est l'union de tous ses peuples en une Cause universelle, en une Foi commune. Ceci ne peut d'aucune façon être accompli que par le pouvoir d'un habile médecin, tout puissant et inspiré."[14]
Et encore: "L'objet fondamental de la Foi de Dieu et de sa religion est de sauvegarder les intérêts de la race humaine, d'établir son unité et de développer, entre les hommes, l'esprit d'amour et de fraternité."[15]
Et il continue plus loin: "Tout ce qui sera édifié sur une telle fondation, ni les changements et les vicissitudes du monde ne parviendront jamais à en réduire la force, ni le cours d'innombrables siècles à en miner la structure."[16]
2.7. La Paix mondiale - L'unité du MondeL'établissement du Royaume de Dieu doit signaler également 1'instauration de la paix mondiale: "...De leurs épées ils forgeront des socs et de leurs lances des faucilles. Les nations ne lèveront plus l'épée l'une contre l'autre et l'on ne s'exercera plus à la guerre..." (Michée.4:3)
Bahá'u'lláh a clairement expliqué que la paix mondiale découle de l'unité de l'humanité et que l'unité dépend du pouvoir régénérateur de la parole de Dieu: "Le bien être de l'humanité, sa paix et sa sécurité ne pourront être obtenus si son unité n'est pas fermement établie. Et cette unité ne pourra être elle-même réalisée tant que seront négligés les avis qu'a révélés la plume du Très-Haut... Par la seule puissance des paroles qu'il a prononcées, la race humaine peut être, toute entière, illuminée de la lumière de l'unité, et le souvenir de son nom sacré suffit à embraser les coeurs des hommes..."[l7]
Le Christ renoue également avec le thème du Royaume. D'un côté, lors de son interrogatoire par Pilate, Jésus insista sur le caractère non-politique de sa mission: "Mon royaume n'est pas de ce monde. Si mon royaume était de ce monde, mes gens auraient combattu pour que je ne fusse pas livré aux juifs." (Jean.18:36). De l'autre, il promet à ses disciples que chacun, en se tournant vers lui et en suivant ses enseignements, peut avoir accès au "royaume des cieux". (Matt.7:21)
Jésus affirme donc très clairement qu'à ce moment-là de l'histoire sa mission n'était pas d'établir le Royaume de Dieu sur terre. Sa dispensation (*) ne verrait pas l'établissement de la paix (le Royaume), mais devait plutôt le précéder: "N'allez pas croire que je sois venu apporter la paix sur la terre; je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive" (Matt.10-34). Cependant il apportait la paix dans le coeur de l'individu, comme il l'avait promis à ses disciples juste avant sa mort: "Je vous laisse la paix; je vous donne ma paix; je ne vous la donne pas comme le monde la donne. Que votre coeur cesse de se troubler et de craindre." (Jean.14:27)
[(*) nota : Le mot dispensation est utilisé ici dans le sens de la période que Dieu accorde à chaque messager divin. Donc, la dispensation de Moïse couvre la période de sa venue jusqu'à l'avènement de Jésus qui prend en quelque sorte la relève. La dispensation de Jésus dure jusqu'à son retour.]
Tout en affirmant que son royaume est céleste, plutôt que terrestre, et que la paix qu'il apporte est une paix intérieure et spirituelle, Jésus a néanmoins confirmé la promesse du Royaume de Dieu sur terre, mais pour un avenir plus lointain. Il l'a associée avec le jour de son retour dans la puissance et dans la gloire. Il est évident qu'un aspect de sa mission était de préparer les chrétiens afin qu'ils puissent être prêts pour un tel jour. On retrouve cette idée au coeur de la seule et unique prière qu'il a laissée à la postérité et que tous les chrétiens récitent: "...que ton règne arrive, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel..." (Matt.6:10)
Voilà qu'il définit lui-même de quel royaume il parle et il s'agit ici, sans aucun doute, de celui dont parle également l'Ancien Testament, c'est-à-dire: l'application de la volonté divine sur toute la planète. On peut supposer que si le Christ demanda à ses adeptes de prier pour la réalisation d'un tel événement, cela constitue donc une promesse que le Royaume de Dieu sur terre représente le sommet de l'évolution spirituelle et sociale de l'humanité et qu'il sera réalisé. Il est inconcevable qu'il demande à ses disciples de prier pour quelque chose qui ne peut se produire. Il s'agit donc, non seulement d'une prière, mais en même temps d'une promesse.
En retenant cette idée, examinons ce retentissant appel lancé par la plume de Bahá'u'lláh: "Le temps qui fut fixé aux peuples et tribus de la terre est aujourd'hui venu. Les promesses de Dieu, enregistrées dans les saintes Ecritures, ont toutes été tenues. De Sion est sortie la Loi de Dieu, et Jérusalem et ses collines, et le pays d'alentour sont remplis de sa Révélation."[l8]
Ceci se réfère évidemment à la prophétie d'Esaie: "Car c'est de Sion que viendra la Loi et de Jérusalem que sortira la parole de l'Eternel." (Esaïe 2:3)
2.8. Prince de la PaixC'est ainsi que Bahá'u'lláh, s'exprimant comme "l'Eternel des Armées" de l'Ancien Testament, écrivit de Terre Sainte, adressant à l'humanité les paroles citées ci-dessus. Comme sa mission suprême est d'établir l'unité de l'humanité dans le cadre du Royaume de Dieu sur terre, il est naturel qu'en plus des aspects spirituels, éthiques et mystiques de sa révélation, il fournisse aussi les institutions et les lois (voir bibliographie, BEN) nécessaires à incarner ce Royaume divin, ce nouvel ordre mondial - d'où la prophétie d'Esaïe: "...Et l'empire reposera sur son épaule; on l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, père éternel, Prince de la Paix. Donner à l'empire de l'accroissement, et une paix sans fin au trône de David et à son royaume, l'affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et pour toujours: voilà ce que fera le zèle de l'Eternel des Armées." (Esai'e.9:5-6)
La tradition veut que ce passage se réfère à l'avènement de Jésus et on le lit souvent dans les églises à Noël, mais, comme nous le verrons, bien que plusieurs de ces titres s'appliquent très bien au Christ, certains se rapportent plutôt à l'Eternel des Armées, donc au retour du Christ dans la gloire. Ceci devient plus clair si on examine de plus près ces descriptions:
1) Et l'empire reposera sur son épaule.L'autorité spirituelle et morale de Jésus est évidente. Pourtant, par rapport aux affaires de ce monde, comme nous l'avons vu, il fut catégorique: "Mon royaume n'est pas de ce monde." (Jean.18:36) Ailleurs il conseilla: "Rendez donc à César ce qui est à César..." (Matt.22:21) En revanche, vingt siècles plus tard, Bahá'u'lláh apporte le modèle pour un nouvel ordre mondial qui incarnera la justice et déclare: "L'équilibre du monde s'est trouvé rompu par la vibrante action de ce nouvel Ordre mondial... Bientôt, le présent ordre des choses sera retranché et un nouvel ordre sera déployé à sa place."[l9]
2) Dieu puissant.Le Christ se nomma le Fils de Dieu qui dépend entièrement de son père: "Je ne peux rien faire de moi-même... car ce n'est pas ma volonté que je cherche, mais la volonté de celui qui m'a envoyé." (Jean.5:30) Pourtant il indique qu'il est l'intermédiaire choisi par Dieu et qu'à travers lui l'homme peut atteindre et connaître Dieu. C'est ainsi qu'il dit: "Le père et moi, nous sommes un." (Jean.10:30)
De la même façon Bahá'u'lláh déclare: "0n ne voit en moi que Dieu et sa Cause..." [20]
3) Père Eternel.Nous avons déjà rappelé que Jésus se proclamait le "Fils de Dieu". Il dit: "...Le père est plus grand que moi." (Jean.10:30), tandis que Bahá'u'lláh annonce: "Celui qui est le père est venu, et le Fils (Jésus) dans la sainte vallée s'écrie: "Me voici, ô Seigneur, mon Dieu, me voici!"[21]
4) Prince de la Paix.Jésus vint apporter la paix au coeur de l'homme, mais non la paix sur terre. Bahá'u'lláh relie l'idée de paix mondiale à celle de l'unité. La vision qu'il transmet va au-delà de ce que les prophètes du passé ont pu concevoir. Elle se résume en partie ainsi: "Un système fédéral mondial régissant la terre entière et exerçant sur ses ressources d'une inimaginable ampleur une autorité à l'abri de toute discussion, incorporant et alliant les idéaux de l'Orient et de l'Occident, affranchi des malédictions de la guerre et de ses misères; veillant à l'exploitation de toutes les sources d'énergie disponibles sur toute la surface de la planète, un système dans lequel la force est mise au service du droit et dont la vie sera soutenue par la reconnaissance universelle d'un seul Dieu et par la fidélité à une Révélation commune, tel est le but vers lequel les forces unifiantes de la vie poussent l'humanité."[22]
5) Au trône de David et à son royaumeQu'on pense au Christ ou à Bahá'u'lláh, il est évident que ce trône a une signification symbolique, car ni l'un ni l'autre n'en possédait. Ce qui distingua le règne de David, tel que nous le conte l'Ancien Testament, c'est que Dieu lui-même l'avait choisi pour être roi. Il représente donc, symboliquement, le règne divin et l'autorité spirituelle conférée par Dieu. C'est vrai en ce qui concerne le Christ et cela revêt encore une autre dimension dans le cas de Bahá'u'lláh qui annonce: "Elle est venue la très grande Loi et, sur le trône de David, règne la Beauté ancienne (Bahá'u'lláh)."[23]
Le Royaume de Dieu implique l'idée de l'existence à la fois d'un roi qui règne et de lois qui doivent être observées. Dans sa proclamation aux rois de la terre Bahá'u'lláh déclare: "Vous n'êtes que des vassaux, ô rois de la terre! Celui qui est le Roi des rois est apparu, paré de sa gloire la plus merveilleuse... Délaissez vos palais et hâtez-vous d'obtenir l'accès à son Royaume."[24]
Cependant, insistant sur le caractère spirituel de cette déclaration, il poursuit: "Par la justice de Dieu! Nous n'avons pas l'intention de mettre la main sur vos royaumes. Notre mission est de nous emparer des coeurs des hommes et de les garder. Sur eux sont fixés les regards de Bahá."[25]
Par rapport à ses lois, il écrivit: "Ne croyez pas que nous vous ayons révélé un simple code de lois. Nous avons plutôt décacheté, avec les doigts de la force et du pouvoir, un vin scellé... Toutes les fois que paraissent mes lois, comme le soleil dans le ciel de ma parole, elles doivent être fidèlement obéies par tous..."[26]
6) Le Retour du Christ"En vérité, il est de nouveau descendu du ciel comme il en est descendu la première fois."(F) Dans ce passage Bahá'u'lláh annonce, non seulement son identité avec le Christ, mais il déclare qu'ils sont tous deux "descendus du ciel", c'est-à-dire qu'ils viennent tous les deux du Royaume de Dieu. "Car je suis descendu du ciel..." (Jean.6:38) affirmait le Christ, ce qui étonna quelque peu les juifs qui l'écoutaient et qui murmuraient à son sujet: "N'est il pas... ce Jésus, fils de Joseph, dont nous connaissons le père et la mère? Comment peut il dire à présent: Je suis descendu du ciel." (Jean.6:42)
Encore plus intrigante est son affirmation: "Nul n'est monté au ciel hormis celui qui est descendu du ciel, le Fils de l'Homme qui est au ciel." (Jean.3:13)
Ici, nous nous apercevons qu'en même temps qu'il avec ses disciples Jésus affirme qu'il est au ciel. Il dit qu'il est descendu du ciel, alors que tout le monde sait que, au moins, il est né du ventre de sa mère. Il est ces déclarations ont un sens spirituel et - ce que Jésus confirme en disant: "C'est l'esprit qui vivifie, la chair ne sert de rien." (Jean.6:63)
Finalement, Bahá'u'lláh écrit ailleurs: "Voici le jour ou le Très Miséricordieux est descendu du ciel, enveloppé des nuées de la connaissance et revêtu d'une souveraineté manifeste... Dis: Gardez vous quelques doutes touchant Dieu? Voyez comme il est descendu du ciel de sa grâce, ceint de puissance et investi de souveraineté." [27]
Encore une fois, après avoir clairement identifié sa propre révélation avec celle de Jésus, Bahá'u'lláh met en garde les chrétiens contre le danger de répéter les erreurs du passé. Il dit: "Prenez garde de crainte que vous ne contestiez ses paroles comme le peuple le fit avant vous." (F) Sans doute la troisième personne utilisée ici se réfère également au Christ, à Bahá'u'lláh ou, à travers eux, à Dieu, dont ce sont les paroles.
"Le Jourdain se joint au plus grand océan..." (G) Le plus grand océan signifie l'océan de la révélation de Bahá'u'lláh. Le Jourdain est le fleuve qui traverse la Terre Promise vers laquelle Moïse guida les Israélites, après avoir quitté l'Egypte. C'est aussi dans ce fleuve que Jean baptisa Jésus quand l'Esprit Saint descendit sous la forme d'une colombe et annonça: "Celui-ci est mon Fils bien aimé, qui a toute ma faveur." (Matt.3:17) Ceci met l'accent sur l'unité essentielle de la révélation divine, car tous les fleuves aboutissent obligatoirement dans l'océan, qui est leur destination ultime.
Accomplissement des promesses du passé :Le Christ (le Fils), dans la "vallée sainte"[28] qui se situe dans le désert du Sinaï, annonce sa présence lors de cette nouvelle révélation. Le Sinaï. et le Buisson Ardent se réfèrent tout naturellement à Moïse. Tous les deux accueillent cet événement en termes radieux. Cela nous rappelle ce que dit le Christ: "Abraham, votre père, exulta à la pensée de voir mon Jour..." (Jean.8:56) Egalement Bahá'u'lláh écrivit: "Les âmes de tous les prophètes et messagers divins ont eu soif de ce jour merveilleux."[29]
2.9. Le Père est venuSuit une déclaration de la plus haute importance: "Dis: Voyez! Le Père est venu, et ce qu'on vous a promis dans le Royaume est accompli." (G)
Afin de mieux apprécier la signification de cette déclaration il est nécessaire d'examiner quelques détails de la parabole du Christ au sujet des vignerons homicides. On se rappellera que le maître de la vigne avait envoyé à plusieurs reprises un serviteur aux vignerons pour se faire remettre sa part. Chacun de ces serviteurs fut maltraité et renvoyé les mains vides. Alors le maître se dit: "Que faire? Je vais envoyer mon fils bien aimé, peut être auront ils pour lui des égards." Mais, à sa vue, les vignerons se firent entre eux ce raisonnement "Voici l'héritier; tuons le, pour que l'héritage soit à nous." Alors ils le tuèrent." Jésus conclut: "Que leur fera donc le maître de la vigne? Il viendra, fera périr ces vignerons et donnera la vigne à d'autres." (Luc.20:13-16)
Evidemment la vigne représente la terre. L'homme qui plante la vigne signifie Dieu, le Créateur. Les vignerons sont principalement les chefs religieux. La suite de serviteurs qu'il a envoyés et qui furent malmenés, sont les prophètes, comme Jésus en témoigna plus tard: "Ô Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés..." (Matt.23:37)
Il est également clair que le fils, l'héritier tué par les vignerons, représente Jésus lui-même. Jésus n'entretenait donc aucun doute concernant son martyre proche. Ce qui est frappant pourtant, c'est que la mort du fils ne constitue pas l'apogée de l'histoire. L'apogée est l'arrivée du maître de la vigne lui-même. Jusqu'à ce moment-là les occupants de la vigne sont restés dans un état de perpétuelle rébellion. Même la venue du fils n'a pas réussi à mettre fin à cette désobéissance. L'arrivée du père change tout cela, car il remplace les vignerons par d'autres qui feront sa volonté. Cette dernière partie de la parabole semble donc en harmonie avec l'accomplissement des prophéties déjà examinées, qui concernent la venue de l'Eternel des Armées et le retour du Christ dans la gloire à la fin des temps. Elle coïncide à la fois avec le Jour du Jugement et le moment où Dieu établit sa Loi (son Royaume) sur la terre. Dès lors on comprend l'importance de l'avènement du maître de la vigne.
2.10. DieuD'après la doctrine bahá'ie, Dieu reste essentiellement un "insondable mystère [30]... infiniment supérieur à la compréhension de tout ce qui est créé et hors de la portée des esprits humains."[31]
Bahá'u'lláh affirme de façon catégorique: "Sache, à n'en point douter, que l'Invisible ne peut en aucune façon incarner son essence et la révéler aux hommes."[32]
Cela n'implique aucunement une limitation du pouvoir de Dieu, mais plutôt les limites que l'esprit humain ne peut dépasser. L'apparition de Dieu lui-même, au sens littéral ou physique, est donc inconcevable. Il s'ensuit que l'apparition du maître de la vigne, du "Père", signifie l'avènement de quelqu'un exerçant l'autorité du père céleste. Ainsi, quand Bahá'u'lláh déclare: "Le Père est venu, et ce qu'on vous a promis dans le Royaume est accompli!" (G) il parle de lui-même, dont l'avènement signifie le début de l'accomplissement de cette parabole et de toutes les autres prophéties concernant la fin des temps.
De même que le terme "Fils" exprime symboliquement le rapport d'obéissance parfaite de Jésus envers Dieu: "...Le Fils ne peut faire de lui même rien qu'il ne voie faire au père: ce que fait celui ci, le Fils le fait pareillement." (Jean.5:19) Et aussi: "Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi même: le père qui demeure en moi accomplit les oeuvres." (Jean.14:10); de même Bahá'u'lláh, en tant que "père" et "Maître de la vigne" symbolise l'autorité de Dieu. C'est lui qui réprouve les mauvais vignerons à qui il enlève la responsabilité de la vigne pour la confier à d'autres qui lui obéiront. A travers Bahá'u'lláh, Dieu est en train de mettre fin à la rébellion de ses créatures envers leur Créateur et d'établir sa Loi divine sur cette terre.
Lentement et sûrement, il construit son nouvel ordre mondial (voir bibliographie, Appel aux Nations. Shoghi Effendi), actuellement à l'état embryonnaire, à travers les bouleversements accélérés que nous connaissons depuis le début de ce siècle. Ceci correspond au processus de jugement du monde des mauvais vignerons - monde qui est en train de se détruire et de démontrer la faillite de ses croyances de substitution qui dominent la société actuelle. En même temps il y a le travail des Bahá'ís, qui s'efforcent d'appliquer les enseignements de Bahá'u'lláh et d'établir les solutions spirituelles qu'il propose et, plus généralement, celui de toutes les personnes de bonne volonté qui servent les intérêts de l'humanité, à travers une multitude d'activités d'une grande diversité et qui reflètent une conscience croissante de l'unité et de l'interdépendance de tous les peuples du monde.
C'est ainsi que Bahá'u'lláh annonce: "Bientôt, le présent ordre de choses sera retranché et un nouvel ordre sera déployé."[33]
2.11. Fils de DieuLes chrétiens ont toujours su que le rapport qu'ils ont avec Dieu passe par Jésus. C'est pour cela que traditionnellement ils terminent leurs prières avec l'invocation "par Jésus Christ, notre Seigneur". d'où l'idée que nous avons besoin d'un intermédiaire entre nous et l'Infini.
Bahá'u'lláh explique les rapports entre Dieu, le Christ et l'homme de la façon suivante. Il compare Dieu au soleil, source de toute vie sur terre, et le Christ à un miroir parfait qui nous reflète le soleil: quand nous regardons dans le miroir nous voyons le soleil.
Les rayons solaires nous apportent la chaleur et la lumière du soleil, et c'est grâce à l'Esprit Saint que nous recevons l'inspiration et la direction divines reflétées dans le parfait miroir du Christ, qui nous permet de connaître toutes les qualités que nous attribuons à la divinité telles que l'amour, la justice, l'autorité divine, la compassion, la miséricorde...
Donc, en regardant dans le miroir nous voyons le soleil (Dieu). C'est dans ce sens que nous comprenons l'affirmation de Jésus que le connaître, c'est connaître Dieu (le père) et que le Père est dans le Fils. (Jean.14:11)
A d'autres moments Jésus exprime sa parfaite soumission, sa servitude et son obéissance à Dieu. Il affirme qu'il n'est qu'un miroir, un intermédiaire, et que c'est Dieu qui importe. C'est ainsi qu'il refuse qu'on l'appelle bon, en affirmant: "Pourquoi m'appelles tu bon? Il n'y a de bon que Dieu seul." (Luc.18:19) et lorsqu'il dit qu'il ne fait rien de lui-même (Jean 5:19), mais qu'il ne fait qu'obéir à son père. (Jean.14:11)
En gardant à l'esprit cette image du soleil et du miroir, nous constatons que bien des expressions de Jésus relatives à sa relation avec Dieu s'éclaircissent à la lumière de la citation suivante, tirée du Livre de la Certitude de Bahá'u'lláh: "Si quelqu'une des Manifestations de Dieu venait à déclarer: "Je suis Dieu", elle dirait sans aucun doute la vérité. Car, par leur révélation, leurs attributs et leurs noms, c'est la révélation même de Dieu, Ses noms et Ses attributs qui sont manifestés au monde... Et si l'un d'eux disait: "Je suis le messager de Dieu", il dirait encore, indubitablement, la vérité... Considérés sous ce jour, ils ne sont que les messagers de ce Roi idéal, de cette immuable Essence..."[34]
"Et s'ils disaient: "Nous sommes les serviteurs de Dieu", ils énonceraient encore un fait manifeste et indiscutable. Car c'est dans l'état de la plus absolue servitude qu'ils ont été manifestés, une servitude qu'aucun homme ne peut atteindre."[35]
Ainsi, pour poursuivre cette analogie, le soleil n'est pas descendu sur terre (incarnation), mais se manifeste dans un parfait miroir (manifestation). La Manifestation de Dieu est à la fois la voix de Dieu, le Verbe qui se fait chair (Jean. 1:1 et 1:14) et l'exemple même de la soumission. Ce sont deux facettes d'une même réalité.
Si, au cours de l'histoire, il y a eu plusieurs miroirs (par exemple, Abraham, Moise, Jésus, Bahá'u'lláh), il n'y a jamais eu qu'un seul soleil.
2.12. La RésurrectionConcernant la résurrection du Christ, le même principe s'impose: celui de rechercher la signification spirituelle.
Admettons un instant la résurrection physique du Christ On peut se demander ce que cela prouve. Que le Christ n'est pas mort? Tous ceux qui croient à l'immortalité de l'âme en sont persuadés. L'immortalité de son corps, remarquable en soi, ne change rien, si nous acceptons les paroles mêmes de Jésus, qui affirme: "C'est l'Esprit qui donne la vie; la chair ne sert absolument de rien." (St.Jean.6:63)
Il s'agit donc moins de nier un miracle physique que de nier son importance par r apport à la réalité spirituelle. Les Ecrits Bahá'ís résument ainsi la situation: "Les apôtres, après le martyre du Christ, étaient troublés et confondus. La réalité du Christ, c'est à dire ses enseignements, ses bienfaits, ses perfections, son pouvoir spirituel, fut cachée et celée pendant deux à trois jours après son martyre; elle n'était ni apparente, ni visible; au contraire, elle était perdue. En effet, les croyants étaient peu nombreux... La Cause du Christ était comme un corps sans âme. "Lorsqu'après trois jours, les apôtres redevinrent fermes et assurés, lorsqu'ils se mirent au service de la Cause chrétienne et résolurent de répandre les enseignements divins, de mettre en vigueur les conseils du Christ et de se lever pour le servir, la réalité du Christ resplendit à nouveau, sa bonté devint apparente, sa religion prit vie... Autrement dit, la Cause du Christ était comme un corps sans vie: la vie et la bonté du Saint Esprit l'enveloppèrent."[36]
2.13. Les MiraclesOn peut se demander si Jésus aurait vraiment souhaité que les preuves de sa grandeur reposent sur les miracles. Lors de sa tentation il refusa l'idée de prouver l'authenticité de sa révélation par des miracles et à plusieurs reprises il demanda à ceux qu'il avait guéris de ne pas en parler.
Les Ecrits Bahá'ís font remarquer que, comme les miracles sont historiquement invérifiables, il n'y a aucun critère pour différencier entre ceux du Christ et ceux qu'on trouve dans les autres religions.[37]
En outre, "Si les miracles sont des preuves pour ceux qui sont présents, ils n'en sont pas pour les absents."[38]
Les Ecrits Bahá'ís ne nient pas les miracles, mais ils nient leur importance. Par exemple, ressusciter les morts ne change pas grand-chose en soi, car la personne meurt sûrement à nouveau par la suite. "L'importance réside dans le don de la perception et de la vie éternelle, c'est-à-dire de la vie spirituelle et divine."[39]
Pour donner un autre exemple, les Ecrits Bahá'ís ne nient pas la naissance miraculeuse de Jésus (au contraire, ils la confirment), mais Jésus lui-même ne l'avance pas comme preuve de sa mission. Les Ecrits Bahá'ís insistent sur l'intention symbolique de 1'Image du fils qui obéit parfaitement à son père, une image particulièrement compréhensible dans le contexte de la société patriarcale des juifs. (Voir aussi l'analyse de la parabole du vigneron (Le père est venu), p, 48)
Les Ecrits Bahá'ís résument ainsi leur position sur ces questions: "...Quiconque cherche le Christ dans le corps physique a cherché vainement et sera séparé de lui comme par un voile, mais quiconque aspire à le trouver en esprit progressera, jour après jour, dans la joie, le désir, l'amour ardent, toujours près de lui... En ce jour nouveau et prodigieux, il t'incombe de chercher l'esprit du Christ."[40]
2.14. Intermédiaires DivinsBahá'u'lláh explique ailleurs que Dieu, essentiellement au-delà de notre compréhension, a comblé ce vide en manifestant "les étoiles du matin de sa direction divine ses divins intermédiaires, dont Moise, Jésus et Bahá'u'lláh, entre autres, "...et il a voulu que la science de ces Etres sanctifiés soit identique à sa propre science. Qui les reconnaît a reconnu Dieu. Qui écoute leur voix, écoute la voix même de Dieu, et qui atteste la vérité de leur révélation atteste la vérité de Dieu lui-même."[41]
2.15. Révélation progressiveRemarquons que dans la Bible ce rôle ne se limite pas à la seule personne de Jésus. En s'adressant à Abraham Dieu dit: "Je ferai de toi un grande peuple, et je te bénirai; je magnifierai ton nom...Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront Par toi se béniront toutes les nations de la terre." (Genèse.12:2-3) Et encore: "Je suis El Shadai (le Dieu Tout Puissant), marche en ma présence et sois parfait.. J'instituerai Mon alliance entre Moi et toi, et ta race après toi, de génération en génération..." (Genèse.17:1-2) "Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre, en retour de ton obéissance." (Genèse.22:18)
Les chrétiens ont tendance à négliger le haut rang de Moise, peut-être afin d'exalter Jésus au-dessus de tous ceux qui l'ont précédé ou qui le suivront. Pourtant, dans l'Ancien Testament nous apprenons que Moise ne pouvait être comparé aux autres prophètes, dont le rôle était de prédire l'avenir, de guider le peuple et de le réprimander quand il s'écartait de la Loi. Ces autres prophètes n'apportaient ni de nouvelles lois, ni de nouveaux enseignements. Nous apprenons par exemple que lorsque Miryam et Aaron avaient critiqué Moïse pour avoir pris une femme éthiopienne, Dieu les blâma, disant: "Ecoutez donc mes paroles: s'il y a parmi vous un prophète, c'est en vision que je me révèle à lui, c'est dans un songe que je lui parle. Il n'en est pas ainsi avec mon serviteur Moïse. Lui est à demeure dans ma maison. Je lui parle bouche à bouche, dans l'évidence, non en énigmes, et il voit la forme de Yahvé (Dieu). Pourquoi avez-vous osé parler contre mon serviteur Moïse?" (Nombres.12:6-9)
Quand Dieu annonce à Moïse qu'Aaron doit lui servir de porte-parole il s'exprime ainsi: "Il parlera pour toi au peuple; il te servira de bouche et tu tiendras pour lui la place de Dieu." (Exode.4:16)
Il semble qu'en réalité Dieu dota Moïse d'un rôle comparable, dans ce sens, à celui de Jésus: Moïse, l'Interlocuteur; Jésus, le Fils; tous deux intermédiaires divins, ayant un rapport direct avec Dieu, dont nous et même les autres prophètes, sommes privés. Cela semble être confirmé par le fait que la seule référence au Messie à venir venant de Moïse lui-même, se lit ainsi: "L'Eternel, ton Dieu, suscitera du milieu de toi, d'entre tes frères, un prophète comme moi: vous l'écouterez!... L'Eternel me dit: ...Je leur susciterai du milieu de leurs frères, un prophète comme toi, je mettrai mes paroles dans sa bouche et il leur dira tout ce que je lui commanderai." (Deut.18:15-19)
Revenons aux Evangiles et rappelons-nous, entre d'autres passages déjà cités, celui où Jésus annonce: "Car si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi; car c'est de moi qu'il a écrit. Mais si vous ne croyez pas ses écrits, comment croirez vous mes paroles?" (Jean.5:46)
Ainsi Moïse (L'Interlocuteur), Jésus (le Fils) et Bahá'u'lláh (le père) ont chacun une mission particulière, formant une chaîne, partageant le même rôle d'intermédiaire entre Dieu et l'humanité. Chacun, selon les exigences de son époque, a manifesté la volonté divine aux hommes, selon leur capacité à la recevoir.
Tout ceci cadre parfaitement avec l'enseignement de Bahá'u'lláh, qui indique que l'histoire, telle qu'elle se présente dans la Bible, ne constitue qu'une partie de l'ensemble du plan divin pour l'humanité, qui a une portée plus vaste que celle normalement envisagée par les théologiens. Nous nous bornerons pour l'instant à un seul exemple.
2.16. Un seul Troupeau, un seul PasteurDans l'Evangile selon saint Jean, Jésus décrit ses disciples (les chrétiens) comme ses brebis, et lui, comme la porte des brebis. "Qui entrera par moi sera sauvé..." (Jean.10:9) Après avoir comparé les chrétiens à un troupeau de brebis dont il est le "bon pasteur" qui donne sa vie pour les protéger (Jean.10:11), il continue: "J'ai d'autres brebis encore, qui ne sont pas de cet enclos; celles là aussi, je dois les mener; elles écouteront ma voix; et il y aura un seul troupeau, un seul pasteur." (Jean.10:16)
Dans un premier temps on peut comprendre ce passage de la façon suivante: au moment où Jésus parle, ses disciples se limitent aux juifs. On peut donc supposer que l'enclos représente les juifs qui l'ont reconnu et que plus tard il rassemblera d'autres, non-juifs (d'autres troupeaux), dans son Eglise.
Cependant, à la lumière de la révélation de Bahá'u'lláh on peut lui donner un sens plus vaste, plus universel. Si on comprend que le premier enclos (troupeau) représente l'ensemble des chrétiens (la religion chrétienne) et pas seulement ceux d'origine juive, il est logique de supposer que les autres troupeaux symbolisent les grandes religions du monde, à l'époque séparées les unes des autres par la distance. La vision de l'humanité en un seul troupeau est déjà une vision planétaire, alors qu'à l'époque de Jésus les moyens n'existaient pas pour la réaliser. Maintenant une telle vision est tout à fait conforme aux besoins de notre vingtième siècle. L'avènement du Maître de la vigne signifie donc l'union de toute l'humanité, de tous les troupeaux, de toutes les grandes religions, dans un seul enclos (un Ordre mondial), ce qui recouvre le concept du Royaume de Dieu sur terre.
D'autres extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh rejoignent ces idées d'une manière encore plus frappante: "Considérez les hommes comme un troupeau de moutons qui a besoin d'un berger pour les protéger. Voilà la vérité, l'indubitable vérité... La vraie liberté de l'homme consiste à se soumettre à mes commandements... La liberté qui vous est profitable, vous ne sauriez la trouver que dans votre entière servitude envers Dieu, l'éternelle Vérité. Quiconque a goûté à sa douceur ne l'échangerait pas pour l'empire de la terre et du ciel."[42]
"Voici, ô mes bien aimés, que vient d'être établi le tabernacle de l'union; ne vous regardez donc plus comme des étrangers. Vous êtes les fruits d'un même arbre...".
"Ô peuples et tribus en lutte sur la terre! Tournez vous vers l'unité afin que brille sur vous l'éclat de sa lumière. Rassemblez vous et, pour l'amour de Dieu, prenez la résolution de déraciner tout ce qui est cause de lutte entre vous. Alors la splendeur du grand Luminaire du monde enveloppera la terre entière, et ses habitants de viendront les citoyens d'une même cité... Il n'est point douteux, en effet, que tous les peuples de la terre, à quelque race qu'ils appartiennent, tirent leur inspiration spirituelle d'une même source céleste et qu'ils sont les sujets d'un seul Dieu. La diversité des règles et ordonnances religieuses qui les régissent tient à la diversité même des besoins et exigences propres aux âges où elles leur furent révélées. A l'exception du petit nombre de celles qu'a inspirées la perversité humaine, toutes viennent de Dieu, toutes sont un reflet de sa volonté et de son dessein. Armés du pouvoir de la foi, levez-vous pour briser les idoles de vos vaines imaginations, qui sèment parmi vous la discorde. Attachez-vous à ce qui vous rassemble et vous unit."
On arrive donc à l'annonce, sans équivoque, par Bahá'u'lláh que tous les troupeaux ont une même origine et s'abreuvent à "une même source céleste" et que le temps est venu de les réunir sous l'égide d'un seul berger. Qui peut encore douter qu'en ce siècle, pour la première fois, les moyens physiques et technologiques nécessaires à l'unification de la race humaine, existent? Qui peut ignorer que toute autre solution aux problèmes actuels du monde est vouée à l'échec? (Voir bibliographie, Appel aux Nations, Shoghi Effendi)
2.17. L'Esprit de Vérité"Voici la Parole que le Fils a cachée lorsqu'il dit à ceux qui l'entouraient: Vous ne pouvez pas la supporter maintenant." (G)
Comparons cela avec les paroles même du Christ: "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand il viendra, lui, l'Esprit de Vérité, il vous conduira vers la vérité, tout entière; car il ne parlera pas de lui même; mais tout ce qu'il entendra, il le dira, et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part. Tout ce qu'a le père est à moi. Voilà pourquoi j'ai dit: c'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part." (Jean.16:12-15)
Quelle meilleure description peut-on souhaiter de la révélation divine? Et quelle meilleure façon de nous rassurer que Jésus et l'Esprit de Vérité partagent la même source d'inspiration? D'ailleurs, il est évident que Jésus parle bel et bien d'une personne, car il dit: "...Il ne parlera pas de lui même; mais tout ce qu'il entendra, il le dira." (Jean.16-13) Ainsi l'Esprit de Vérité ou le Consolateur (le Paraclet) promis par le Christ, ne signifie pas, comme l'Eglise l'interprète, une référence à la descente du Saint-Esprit à la Pentecôte. En effet, aussi importante que fut l'expérience des disciples à cette occasion, rien n'indique qu'elle impliqua une révélation de la vérité plus complète que celle révélée par le Christ de son vivant: "Maintenant ils savent que tout ce que tu m'as donné vient de toi; car les paroles que tu m'as données, je les leur ai données... Et ils ont cru que tu m'as envoyé." (Jean.17:8)
Parallèlement Bahá'u'lláh a exprimé la même idée: "Cela ne vient pas de moi mais de celui qui est Tout-Puissant et Omniscient.". "Rien ne m'agite en dehors des brises de ta volonté et je ne laisse échapper aucune parole sauf les paroles que tu m'amènes à prononcer avec ta permission et ton inspiration.".
2.18. L'Alliance EternelleL'idée que la vérité est révélée selon la capacité des hommes à la recevoir est un concept fondamental, qui s'exprime implicitement dans la Bible et explicitement dans les Ecrits de Bahá'u'lláh. La révélation divine est progressive; chaque messager (Manifestation) de Dieu ouvre une nouvelle ère de progrès et de compréhension spirituels; la venue d'Abraham, de Moïse et de Jésus constituent les différentes étapes du plan divin, tel que la Bible nous le dévoile. Comme nous l'avons déjà constaté, Bahá'u'lláh enseigne clairement, "comme ayant autorité, et non pas comme leurs scribes." (Matt.7:29), que croire que la révélation prend fin, une fois pour toutes, avec Jésus, va à l'encontre de l'enseignement biblique et est contraire aux explications du Christ lui-même. Il s'agit là d'une doctrine bornée, instaurée par les hommes, qui reflète la peur de l'inconnu, le refus de l'expansion inévitable de nos connaissances et de notre évolution spirituelle. Il semblerait qu'un tel caractère exclusif soit une tendance naturelle de l'humanité, car les juifs, les chrétiens et les musulmans, chacun s'exprimant à sa façon, affirment que la révélation divine a pris fin - chacun contredisant ainsi ce que disent ses propres textes sacrés. A ce propos Bahá'u'lláh cite le Quran [47] qui rejette éloquemment toute idée de finalité par rapport à la révélation divine: "La main de Dieu, disent les juifs, est enchaînée. Qu'enchaînées soient leurs propres mains!... Au contraire, les deux mains de Dieu sont toujours étendues!".[48]
Bahá'u'lláh fait remarquer que les chrétiens et les musulmans, tout en continuant à critiquer les juifs sur la manière dont ils ont refusé toute nouvelle révélation depuis Moïse, commettent la même erreur par rapport à leur propre foi, chacun refusant la possibilité d'une nouvelle effusion de l'Esprit Saint. Chacun s'approprie la révélation définitive. Il conclut: "Ils ont imaginé que le flot de la grâce universelle et de l'immense miséricorde de Dieu avait cessé de couler."[49].
Pour résumer, Bahá'u'lláh affirme que "Chaque révélation divine a été dispensée et dosée dans les conditions qui convenaient le mieux à l'âge où elle apparaissait."[50]
Retenant cette affirmation du Christ déjà citée: "J'ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant." (Jean.16:12),nous lisons: "Tout vrai prophète a tenu son message pour foncièrement le même que les messages des prophètes qui l'avaient précédé... Seule diffère la mesure elle même des révélations apportées au monde par les prophètes de Dieu."[51]
Que Bahá'u'lláh, de nos jours, nous ait apporté une mesure de révélation plus vaste que celle apportée auparavant, Bahá'u'lláh lui-même l'atteste: "La révélation qui, de temps immémorial, a été acclamée comme le dessein et la promesse de tous les prophètes de Dieu ainsi que le plus cher désir de ses messagers, est maintenant donnée aux hommes par la vertu de la volonté partout présente du Tout-Puissant et à son commandement irrésistible. L'avènement de cette révélation a été annoncé dans toutes les écritures sacrées."[52]
"Dieu ne laisse pas ses créatures sans aucun réconfort. Quand les ténèbres de l'hiver les enveloppent, de nouveau il leur envoie ses messagers, les prophètes."[53]
2.19. L'heure promise"Et quand le temps désigné fut achevé et que L'heure eut sonné, la parole brilla au dessus de l'horizon de la volonté de Dieu. Prenez garde, ô disciples du Fils, à ne pas la rejeter." (G)
A propos du "temps désigné" et de "l'heure", le jeune Báb, le précurseur de Bahá'u'lláh, écrivit: "Chaque fois que des gens s'interrogent sur l'heure fixée, dis: En vérité, seul mon Seigneur, qui connaît l'invisible, en a la connaissance"[54]
Cela ne fait que confirmer ce que le Christ répondit quand les disciples le questionnèrent au sujet de l'heure: "Quant à la date de ce jour, ou à l'heure, personne ne les connaît, ni les anges dans le ciel, ni le Fils, personne que le père." (Marc.13:32)
En réponse à ceux qui le questionnaient au sujet de l'heure Bahá'u'lláh s'exclame: "Parmi eux sont ceux qui ont dit: ...L'heure est elle arrivée? Non, plutôt; elle est passée..."[55]
Le "temps désigné" et "l'heure" se rapportent à l'accomplissement de toutes les prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testament concernant le "temps de la fin",le jour du jugement, l'apparition de l'Eternel des Armées et le retour du Christ. En bref, il s'agit de l'avènement de Bahá'u'lláh, qui, selon le résumé mémorable de Shoghi Effendi, "n'était autre que celui que la postérité acclamera, et que d'innombrables partisans reconnaissent déjà comme le Juge, le Législateur et le Rédempteur de toute l'humanité, comme l'organisateur de la planète tout entière, celui qui inaugure le millénaire tant attendu et qui unifiera les enfants des hommes...Le fondateur de la plus grande paix, la source de la très haute justice, le héraut annonçant la majorité de toute la race humaine, le créateur d'un nouvel ordre mondial, l'inspirateur et le fondateur d'une civilisation mondiale."[56]
2.20. La ParoleA propos de la "parole", Bahá'u'lláh donne le conseil suivant: "Prenez garde, ô disciples, à ne pas la rejeter." (G)
Cette parole est d'une part, la Parole de Dieu, le Logos, le Verbe fait chair (Jean.1:14). D'autre part, cela semble se rapporter plus directement à la "parole que le Fils a cachée" (G) que nous venons d'étudier. Dans les deux cas, de toute façon, cela concerne cette nouvelle révélation.
A maintes reprises, les Evangiles eux-mêmes mettent l'accent sur le risque que les disciples de Jésus soient pris au dépourvu et ne soient pas prêts, comme l'a indiqué Jésus en affirmant que personne ne savait l'heure, même pas lui, seulement le père. Ensuite il déclare: "Comme les jours de Noé ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme... Veillez donc, car vous ne savez pas quel jour va venir votre maître.
Comprenez le bien; si le maître de la maison avait su à quelle heure le voleur devait venir, il aurait veillé et n'aurait pas permis qu'on perçât les murs de sa demeure. Ainsi donc tenez vous prêts, vous aussi, car c'est à l'heure que vous ne pensez pas que le Fils de l'homme viendra." (Matt.24:37-44)
Effectivement, en ce qui concerne l'heure précise du retour du Christ, Bahá'u'lláh confirme qu'on ne pouvait pas la connaître par avance et nous appelle à examiner sa Cause avec justice: "Tardives ou précoces les preuves sont là, manifestes, de sa gloire resplendissante. Il vous convient seulement de vérifier si cette lumière est, ou non, apparue. Il n'est ni en votre pouvoir, ni au mien, de fixer l'heure de sa manifestation. L'impénétrable sagesse de Dieu en a d'avance déterminé le temps."[57]
"Voici le Jour où le Très Miséricordieux est descendu du ciel, enveloppé des nuées de la connaissance et revêtu d'une souveraineté manifeste."[58]
2.21. Symbolisme et imagesLe caractère à la fois symbolique et spirituel de ces images devient évident. N'oublions pas que lors de son premier avènement Jésus était censé s'asseoir sur le trône de David. Il est également vrai qu'au moment d'écrire cette dernière citation, Bahá'u'lláh était prisonnier en exil. Dans son Livre de la Certitude Bahá'u'lláh s'étend en détail sur l'utilisation du mot "souveraineté" dans les Ecrits saints et à un moment donné il rappelle l'occasion où Jésus avait guéri un paralytique, tout en l'assurant que ses péchés étaient remis. Quand certains scribes dans l'assistance firent objection, pensant que seul Dieu peut remettre les péchés, Jésus leur répondit: "Quel est le plus facile, de dire au paralytique: Tes péchés sont remis, ou de lui dire: lève toi prends ton grabat et marche? Eh bien! pour que vous sachiez que le Fils de l'homme a le pouvoir de remettre les péchés sur la terre, je te l'ordonne, dit-il au paralytique, lève toi, prends ton grabat et va-t-en chez toi." (Marc.2:3-12)
Bahá'u'lláh ajoute: "Tels sont la réelle puissance et le pouvoir des Elus ."[59]
2.22. Il me glorifiera"Dis: En vérité, il 0e Christ) a témoigné pour moi et je témoigne pour lui." (G)
Ici encore on trouvé un lien direct et évident avec l'affirmation du Christ: "Il me glorifiera, car c'est de mon bien qu'il prendra pour vous en faire part." (Jean.16:14)
Jésus poursuit en affirmant que tout ce qu'il a enseigné lui vient de son père. Il s'ensuit donc qu'ils partagent la même source, car leurs messages viennent de Dieu. Ainsi l'Esprit de Vérité (Bahá'u'lláh) se rapporte directement aux paroles du Christ et le glorifie. Dans le chapitre précédant de cet Evangile Jésus dit également: "Mais le Consolateur, l'Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom, vous enseignera toutes choses, et vous rappellera ce que je vous ai dit." (Jean.15:26)
Comme nous l'avons déjà constaté, Bahá'u'lláh a largement rempli ces conditions.
2.23. La souffrance des Envoyés de DieuEnsuite Bahá'u'lláh s'attarde brièvement sur ses propres souffrances, expliquant qu'il a accepté de les supporter afin que nous puissions être "libérés de l'esclavage" de notre "moi" pour "atteindre la gloire". (H) Les Ecrits abondent qui nous racontent ses souffrances. Souffrir, donner sa vie afin de transmettre le message de Dieu, est le destin de tous les messagers divins et de ce point de vue la nature humaine n'a pas changé de nos jours. On découvre la répétition de ce sacrifice que saint Pierre résume ainsi: "Le Christ lui-même est mort une fois pour les péchés, juste pour les injustes, afin de nous mener à Dieu." (lPierre.3:18)
Sur ce thème Bahá'u'lláh s'est exprimé plus longuement ailleurs: "Celui qui est la Beauté ancienne (Bahá'u'lláh) s'est laissé charger de chaînes pour que l'humanité soit libérée de son esclavage, et il a accepté d'être fait prisonnier dans cette puissante forteresse (à Saint-Jean-d'Acre) pour que le monde entier parvienne à la vraie liberté. Il a bu jusqu'à la lie le calice de l'infortune, afin que tous les peuples de la terre puissent atteindre à la joie éternelle et qu'ils soient remplis d'allégresse."[60]
2.24. Le BábBahá'u'lláh rappelle alors le message du Báb, son précurseur, qui avait préparé le peuple à le reconnaître et dont le rôle ressemble beaucoup à celui de Saint Jean Baptiste.
De même que Jean-Baptiste disait du Christ: "...Celui qui vient après moi est plus puissant que moi, et je ne suis pas digne de porter ses souliers." (Matt.3:11),le Báb écrivait concernant Bahá'u'lláh: "...En, vérité, je ne suis moi même qu'un anneau placé au doigt de celui que Dieu rendra manifeste... Il le fait tourner comme il lui plaît..."[6l]
Le Bayán est le nom donné par le Báb au livre de ses lois et indique aussi, d'une façon plus générale, l'ensemble
de ses Ecrits. C'est ainsi que nous lisons ensuite: "Dis, n'avez vous pas entendu la voix du Crieur qui clamait dans le désert du Bayán, vous apportant la bonne nouvelle de la venue de votre Seigneur, le très miséricordieux?" (I)
Nous pouvons comparer cette citation avec celle du prophète Esaïe: "Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. Une voix crie dans le désert: préparez les chemins du Seigneur, aplanissez ses sentiers." (Marc.1:2-3)
On aura déjà remarqué que dans cette lettre Bahá'u'lláh utilise souvent la troisième personne pour parler de lui-
même. De tels extraits commencent souvent par "Dis !" pour indiquer que c'est Dieu qui lui dicte ce qu'il doit écrire.
Ainsi Bahá'u'lláh déclare, après avoir réitéré qu'il est notre Seigneur et qu'il a apporté d'amples preuves de la validité de sa mission: "Ceux qui croient vraiment en lui considèrent sa présence comme l'incarnation du Royaume de Dieu." (I)
Le Royaume de Dieu est donc d'abord une réalité spirituelle qui consiste à croire en la manifestation de Dieu et à s'unir à lui. Quand Bahá'u'lláh affirme qu'atteindre sa présence équivaut à atteindre la présence divine il ne fait que renouveler la déclaration du Christ: "Le Père et moi, nous sommes un." (Jean.10:30)
2.25. Invitation au clergéBahá'u'lláh invite ensuite le clergé, d'une manière à la fois pressante et majestueuse, à s'avancer et à proclamer sa cause. Voici son vibrant appel: "0 assemblée de prêtres! Laissez vos cloches et sortez de vos églises." (L) Ceci après avoir annoncé: "Voyez! Celui qui est le souverain est venu!" (J)
Cela nous rappelle ses paroles adressées à Napoléon III qui commencent ainsi: "0 souverain de Paris! Avertis les prêtres de ne plus faire sonner les cloches. Par Dieu, le Vrai! La plus puissante cloche est apparue sous l'aspect de celui qui est le plus grand nom; et les doigts de la volonté de ton Seigneur, le très élevé, le sublime, le très glorieux, la font tinter en son nom au ciel d'immortalité." [62]
Après d'autres références à l'accomplissement des promesses du Christ il exhorte le clergé : "Purifiez vos oreilles et tournez votre coeur vers lui"(K) Il s'agit d'un véritable coup de trompette adressé aux chefs de le chrétienté: "Préférez-vous garder le silence alors que chaque pierre et chaque arbre s'écrient: Le Seigneur est venu dans toute sa gloire! Heureux l'homme qui se hâte vers lui..." (L)
2.26. La mort et la vieSes paroles sont à la fois affectueuses et poétiques: "Heureux celui qui, s'étant endormi, se voit ranimé par la brise de Dieu et se lève d'entre les morts en dirigeant ses pas vers le chemin du Seigneur. En vérité, un tel homme est considéré par Dieu, le Vrai, comme un joyau parmi les hommes et il est compté parmi les bienheureux." (L)
Comme le Christ, Bahá'u'lláh parle de l'incrédulité comme "la mort" et de la foi comme étant la "résurrection" ou la "vie". Nous lisons dans le Nouveau Testament: "Suis moi et laisse les morts enterrer les morts." (Matt.8:22) et saint Paul explique: "Car le désir de la chair, c'est la mort, tandis que le désir de l'esprit, c'est la vie et la paix." (Romains.8:6)
Enfin Bahá'u'lláh assure le clergé que celui qui parmi eux se tourne vers lui et se lève "d'entre les morts" est considéré par Dieu comme un "joyau parmi les hommes". (L) Un joyau est, par définition, à la fois précieux et rare. Peu à peu, à travers le monde, quelques joyaux se sont manifestés parmi le clergé, les moines et les religieuses des diverses églises.
Dans la Foi Bahá'ie elle-même il n'existe pas de clergé, et d'une façon générale Bahá'u'lláh a indiqué qu'à l'avenir le clergé dans toutes les grandes religions du monde verra une nette diminution de son pouvoir et de son influence - un processus qui, en grande partie, s'est déjà réalisé de façon évidente depuis cette prédiction au dix-neuvième siècle. Il a également constaté que dans le passé le clergé, sentant son pouvoir menacé, a toujours été parmi les premiers à s'opposer à chaque nouvelle effusion de l'Esprit Saint, à chaque nouvelle révélation. Il a néanmoins déclaré: "Le prêtre dont la conduite est droite et le sage qui pratique la droiture sont comme l'esprit pour le corps du monde." Et il ajoute: "Le prêtre qui, au nom du souverain Ordonnateur, s'est saisi du vin très sacré et l'a bu à longs traits est comme un oeil pour le monde." [63]
2.27. Comme l'éclairPour revenir au texte, Bahá'u'lláh se réfère encore une fois à l'accomplissement des prophéties bibliques. Ainsi nous trouvons chez saint Matthieu: "Car comme l'éclair part à l'0rient et se montre jusqu'en 0ccident, ainsi sera l'avènement du Fils de l'homme." (Matt.24:27)
C'est dans ce contexte que nous devrions lire ces paroles de Bahá'u'lláh: "Dis: la lumière de sa révélation a point à l'Orient; en Occident les signes de son autorité sont apparus." (M) Et plus tard: "O Bethléem! Cette lumière s'est levée à l'Orient et s'est déplacée vers l'Occident jusqu'à ce qu'elle te parvienne au soir de sa vie." (Q)
Cette "lumière" se réfère à Bahá'u'lláh qui venait de l'Iran et qui, par la suite, fut progressivement exilé vers l'Occident, vers l'Iraq d'abord, ensuite à Constantinople (Istanbul), ancien siège de l'empire byzantin chrétien, puis à Andrinople (Edirne) en Turquie européenne, et finalement, une quatrième fois, à Saint-Jean-d'Acre en Palestine (Israël), en Terre Sainte.
Se référant toujours à ce chapitre prophétique de saint Matthieu, si riche en images, Bahá'u'lláh quitte le clergé en général pour s'adresser plus particulièrement aux évêques: "O assemblée d'évêques! Vous êtes les étoiles du ciel de ma connaissance. Ma miséricorde ne désire pas vous voir tomber à terre. Cependant ma justice déclare: "C'est ce que le Fils (Jésus) a décrété!" (N)
Si nous revenons à ce décret de Jésus, nous trouvons: "Aussitôt après la détresse de ces jours là le soleil s'obscurcira, la lune perdra son éclat, les étoiles tomberont du ciel..." (Matt.24:29) De cette manière, sans s'étendre en explications compliquées, Bahá'u'lláh indique clairement que l'imagerie est prophétique, surtout symbolique et ne doit pas être comprise de façon littérale.
Ailleurs aussi Bahá'u'lláh fait directement appel aux évêques: "0 assemblée d'évêques! Toutes les tribus du monde ont été saisies d'un frémissement, et celui qui est le Père éternel appelle à haute voix entre ciel et terre...
Bénie est l'oreille qui a entendu, l'oeil qui a vu, et le coeur qui s'est tourné vers (lui)..."[63]
Un peu plus sévèrement il annonce: "Ô assemblée d'archevêques! Celui qui est le Seigneur de tous les hommes est paru. De la plaine de la direction, il appelle l'humanité, mais vous êtes toujours parmi les morts. Grande est la bénédiction de celui que ranime la brise de Dieu et qui s'est levé parmi les morts à ce nom irréfutable!"[64]
De manière semblable il s'adresse aux moines, leur offrant la possibilité de devenir "les héritiers" du "Royaume". Ailleurs il les conseille: "0 assemblée de moines! Ne vous confinez pas dans des cloîtres et dans des le jour de Dieu; tournez vous vers Lui... Vous faites mention de moi mais ne me connaissez pas. Vous m'invoquez mais ne vous souciez pas de ma révélation"[72]
Voilà, en effet, le noeud du dilemme, non seulement pour la chrétienté, mais aussi pour toute l'humanité: "Nos appels et notre message n'ont jamais été destinés au bénéfice exclusif de tel pays ou de tel peuple. C'est toute l'humanité qui doit adhérer fermement à ce qui lui a été révélé et octroyé. Alors, et alors seulement, elle atteindra à la vraie liberté." Ensuite Bahá'u'lláh ajoute: "Toute la terre est illuminée de la gloire resplendissante de la révélation divine."73
2.28. La Terre SainteDans les paragraphes suivants Bahá'u'lláh s'adresse à la Terre Sainte en général (à l'époque la Syrie comprenait toute la Palestine, ainsi que le Levant), à Bethléem et au mont Sinaï, qui sont associés avec les révélations du Christ et de Moïse en particulier. Ils lui répondent comme si, curieusement, ils étaient plus conscients de la réalité de l'accomplissement des promesses divines du passé et de la présence de celui qui incarnait cet accomplissement, que ses habitants "endormis".
D'abord il suggère la cécité spirituelle du peuple quand il demande à la Syrie: "Qu'est devenue ta droiture?" (P) Après avoir affirmé: "En vérité, les pas de ton Seigneur t'ont ennoblie", il lui demande ensuite, tout simplement: "As-tu perçu le parfum de la sainte réunion?" (P) Particulièrement touchantes dans ces extraits, sont les questions qu'il pose, laissant la réponse implicite.
Alors il annonce: "Bethléem s'anime sous la brise de Dieu." Et Bethléem répond: "O toi, Seigneur très-généreux! Où s'est établie ta grande gloire? Les suaves parfums de ta présence m'ont vivifié alors que je languissais à cause de ma séparation de toi. Toute louange à toi qui enleva les voiles et vint revêtu d'une puissance et d'une gloire évidentes" (Q) Le renvoi est implicite, mais clair: "Et l'on verra le Fils de l'homme venir sur les nuées du ciel avec puissance et grande gloire." (Matt.24:30)
Comme nous l'avons déjà vu, il rappelle ses divers exils vers l'Occident et puis arrive le moment le plus tendre et le plus émouvant où Bahá'u'lláh s'enquiert doucement: "Dis-moi: Les fils reconnaissent-ils le père et l'acceptent-ils? Ou bien le renient-ils, de même que le peuple d'autrefois le renia (Jésus)?" La réponse de Bethléem se fait plutôt discrète: "Tu es vraiment l'Omniscient." (Q)
A cet égard Bahá'u'lláh affirme quelque chose d'apparemment paradoxal: "Certaines nous reconnaissent et témoignent, tandis que la plupart témoignent et ne nous reconnaissent pas." (Q)
Au siècle dernier, la majorité des gens s'identifiaient fermement à l'une ou l'autre des grandes religions du monde qui, toutes, prévoient le rassemblement et la réconciliation ultime de l'humanité, selon l'image chrétienne, en un seul troupeau avec un seul berger. Toutes prient pour sa réalisation, mais jusqu'à présent relativement peu ont reconnu l'accomplissement de ces promesses dans la personne de Bahá'u'lláh.
Cela nous rappelle un autre passage dans l'Epître au Pape Pie IX: "Considérez encore ces nombreux moines qui, en ce jour, se sont, en mon nom, cloîtrés dans leurs églises et qui, après nous avoir invoqué soir et matin ne nous reconnurent pas lorsqu'arriva le temps prévu pour dévoiler notre beauté."74 Les moines prient matin et soir pour le retour du Christ et répètent le Pater Noster pour l'établissement du Royaume de Dieu, pour que "sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel" (Matt.6:10) et réalisent ainsi cette affirmation de Bahá'u'lláh.
Pour terminer cette partie, le Mont Sinaï, lieu de la révélation à Moïse des Lois divines, s'exprime en termes. Je sens le parfum de ton mystiques d'extase: "0 Seigneur! manteau. Il me semble que tu es proche, revêtu des signes de Dieu. Tu as ennobli ces régions de tes pas." (R) Ensuite avec des implications à la fois tragiques et pourtant pleines d'espoir, le Mont Sinaï s'écrie: "Combien serait béni ton peuple, si seulement il pouvait te reconnaître et respirer tes doux parfums! Et malheur à ceux qui restent plongés dans le sommeil." (R)
Bahá'u'lláh revient brièvement à celui à qui cette lettre s'adresse au départ et il le félicite encore une fois d'avoir "déchiré les voiles" et reconnu son Seigneur. Bien que cette lettre concerne surtout le monde chrétien, Bahá'u'lláh fait remarquer que c'est spécialement le monde musulman qui porte la lourde responsabilité de tous les tourments qu'ils firent subir avec tant de fanatisme et de cruauté, à lui et à ses adeptes, surtout dans son pays natal - et ce, jusqu'à nos jours. Néanmoins, ses paroles s'avèrent, avec le passage du temps, tout à fait véridiques: "Ils s'imaginent futilement que les tribulations sont susceptibles de faire échouer notre dessein." (S)
Bahá'u'lláh se déclare prêt au martyre, à accepter la crucifixion même, afin d'exécuter la volonté de Dieu. Cela représente un avertissement aux membres de toutes les religions: "Ne t'afflige pas à cause de ce qu'ils m'ont fait subir. Ils sont vraiment plutôt morts que vivants. Laisse les avec les morts puis tourne ton visage vers celui qui donne la vie au monde" (U), ce qui nous renvoie encore une fois aux paroles du Christ: "...Laisse les morts enterrer leurs morts." (Matt.8:22)
Après avoir béni ce Murád qui s'est tourné vers lui et dont nous n'avons pour l'instant trouvé aucune trace, cette lettre se termine par une série de béatitudes pleines de tendresse, qui rappellent celles prononcées par Jésus sur la montagne. Elles s'adressent surtout au coeur et bénissent d'abord tous ceux qui, en ce Jour de Dieu, ont atteint la "résurrection" et la "renaissance spirituelle". Il est probable que seul celui qui, lui abandonnant son coeur, est entré dans son Royaume, peut vraiment savourer ces paroles, car elles se prêtent, comme celles de Jésus, à n'être prononcées que par quelqu'un qui s'y identifie entièrement. Elles élèvent le lecteur qui s'y prête à un état de prière et de communion.
Elles enflamment son âme. A un tel niveau, il répond à l'appel de Dieu exprimé dans ce verset: "Celui qui suivra ce conseil, brisera ses chaînes,... comblera le désir de son coeur et remettra son âme à Dieu. Brisant les barreaux de sa cage, telle la colombe mystique, il prendra son essor vers son nid d'éternelle sainteté."[75]
Et encore: "Ô ombre fugitive! Dépasse les stades inférieurs du doute et monte vers les sommets exaltés de la certitude. Ouvre l'oeil de vérité afin de contempler la beauté sans voile et de t'exclamer: Béni soit le Seigneur, le plus excellent des créateurs."[76]
NOTE DE L'AUTEURDans les textes que nous venons d'étudier ici, Bahá'u'lláh se concentre presqu'exclusivement sur les paroles du Christ lui-même, sans se référer aux doctrines et dogmes de telle ou telle église. Examiner plus en détail ces questions dépasse les limites de cette étude. Le lecteur qui se pose des questions sur ces sujets pourra consulter la bibliographie à la fin de ce volume. On découvrira dans d'autres ouvrages disponibles la position de la Foi bahá'ie sur des sujets tels que la vie après la mort, la Trinité, l'Eucharistie, le baptême et sur les autres prophéties de l'Ancien et du Nouveau Testaments ainsi que dans les autres religions.
APPENDICE 1 - Le destinataire de la Très Sainte Tablette (Lawh-i-Aqdas )
L'identité exacte de la personne à qui cette "Tablette" fut adressée à l'origine est incertaine et il faudra attendre des recherches supplémentaires pour savoir s'il sera possible de l'identifier un jour. Jusqu'à présent, on supposait qu'elle s'adressait à un certain médecin chrétien nommé Fáris qui fut très probablement le premier chrétien à devenir bahá'i. Puisque l'on sait que Bahá'u'lláh lui écrivit, il est possible qu'elle s'adressât à lui. C'est pourquoi il est intéressant de raconter son histoire, telle qu'on la découvre en anglais, dans des ouvrages comme Bahá'u'lláh, the King of Glory de Hasan Balyuzi, et dans l'histoire en quatre volumes d'Adib Taherzadeh intitulée: The Revelation of Bahá'u'lláh, tous deux publiés chez George Ronald Publishers, Oxford.
L'histoire commence avec un personnage nommé Nabil-i-A'zam, auteur d'une chronique détaillée des débuts de la Foi Bahá'ie et de son précurseur, le Báb (voir bibliographie). En 1868, vers la fin de son exil à Andrinople, Bahá'u'lláh envoya Nabil en mission en Egypte. Le consul général d'Iran, ennemi invétéré de la Foi, en apprenant la présence de Nabil au Caire, fit pression sur le gouvernement égyptien pour qu'il le fasse arrêter en lançant contre lui plusieurs fausses accusations. Par conséquent Nabil fut emprisonné, d'abord au Caire puis à Alexandrie.
Dans la prison d'Alexandrie Nabil se lia d'amitié avec le docteur Fáris, un Syrien, emprisonné à la suite de problèmes financiers. Au départ ce fut Fáris qui essaya de convertir Nabil au Christianisme, mais lorsque Nabil lui confia la bonne nouvelle de la venue de Bahá'u'lláh, le retour du Christ dans la gloire du père, Fáris fut transformé et enflammé par cette nouvelle révélation.
Sans que Nabil le sache, Bahá'u'lláh venait de commencer son quatrième exil, cette fois-ci vers Saint-Jean-d'Acre, en Palestine, et il fut obligé de faire escale à Alexandrie pour changer de navire.
Le 26 août, donc, vers le coucher du soleil, Nabil, qui était sur le toit de la prison, aperçut à son grand étonnement, un des compagnons de Bahá'u'lláh qui venait de débarquer pour acheter des provisions. Il l'appela et réussit à persuader le gardien de permettre à son ami de monter le voir. De cette façon il put apprendre les dernières nouvelles. Fáris retrouva Nabil, très accablé d'être à la fois si près et pourtant si loin de Bahá'u'lláh. Nabil avoua à son ami qu'il avait beaucoup de raisons de se réjouir, mais "...hélas, la datte est sur le palmier et hors de notre portée."
Cette nuit-là, incapables de dormir, ils décidèrent d'écrire une lettre à Bahá'u'lláh. Le lendemain matin Fáris réussit à s'arranger pour qu'un ami, un jeune horloger nommé Constantin, chrétien lui aussi, puisse porter leurs lettres à Bahá'u'lláh sur le navire, avec les poèmes que Nabil avait écrits pendant sa détention.
Observant son trajet du toit de la prison, ils furent déchirés de voir que le navire commençait à partir avant que Constantin, dans un bateau à rames, puisse l'atteindre. Mais à leur grande surprise, au bout de quelques minutes le capitaine fit arrêter le navire afin de permettre à Constantin de le rattraper et de monter à bord.
On transmit les lettres à Bahá'u'lláh et les membres de sa famille et ses compagnons furent très excités par leur contenu, surtout par la lettre de Fáris que Bahá'u'lláh leur lut à haute voix et dont voici un extrait:
"0 toi, gloire des gloires et le plus exalté des exaltés! J'écris cette lettre et l'adresse à celui qui a été soumis aux mêmes souffrances que Jésus-Christ... Je te supplie par le mystère de ton Etre très joyeux, par ton prophète qui discuta avec toi(Moise),par ton Fils (Jésus), par ton ami (Muhammad) et par ton précurseur (le Báb) qui sacrifia sa vie par amour pour toi dans ton sentier, de ne pas m'empêcher, moi et ma pauvre famille, de voir la splendeur de ton visage.
0 toi qui as enduré tant de souffrances et de tribulations par amour pour nous! Fortifie notre foi, choisis-nous pour ton service et accepte-nous comme martyres dans ton sentier afin que nous puissions verser notre sang par amour pour toi. Nous sommes faibles et ignorants, accorde-nous ta gloire afin que nous ne soyons pas parmi les perdants. Accorde-nous de nous distinguer par notre amour et notre foi, et purifie nos coeurs de tout ce qui va à l'encontre de ton bon plaisir. Aide-nous à oublier notre ego pour que nous ne cherchions aucun repos dans ton service sauf avec ton accord. Ô toi qui connais les secrets des coeurs! Vogues-tu dans une arche en bois? 0 que je languis de faire partie de ce vaisseau béni, car il porte son Seigneur. 0 mer houleuse! Ton agitation , est-elle suscitée par ta crainte du Seigneur glorieux? 0 Alexandrie! Es-tu accablée de chagrin parce que celui qui est l'Eternel, le Très-Sage, quitte tes rivages? 0 ville déserte de Saint-Jean-d'Acre! Tu applaudis, emportée par la joie et tu t'extasies, car le Seigneur dans sa grande gloire bénira ton sol de ses pieds..."[77]
Alors Bahá'u'lláh écrivit une lettre à Nabil dans laquelle il loua et bénit Fáris. Ensuite il appela Constantin et lui remit une lettre en lui témoignant beaucoup d'affection. Constantin fut tellement bouleversé par cette brève rencontre que lorsqu'il revint remettre la lettre à Fáris on l'entendit crier tout haut: "Par Dieu, j'ai vu le père céleste!"
Fáris l'embrassa sur les yeux et dit: "A nous le feu de la séparation, à toi les bienfaits de contempler le Bien-Aimé du monde."[77]
Comme Bahá'u'lláh l'avait promis dans sa lettre, Fáris fut libéré trois jours plus tard et se leva pour propager sa nouvelle foi parmi son peuple.. Nabil, lui aussi, fut libéré bientôt après et, étant obligé de quitter l'Egypte, il se hâta de rejoindre Bahá'u'lláh en Terre Sainte.
APPENDICE 2 - Bahá'u'lláhLa souffrance de Bahá'u'lláh fut celle de tous les fondateurs des grandes religions du monde. On peut toujours trouver des exemples de plus grandes souffrances physiques. La vraie nature de leurs souffrances vient sans doute de leur plus grande perception de la réalité et, donc, de la conscience de tout ce que l'homme perd lorsqu'il
rejette l'Envoyé de Dieu, le persécute, ou l'ignore tout simplement.
Le ministère de Bahá'u'lláh fut très différent de celui de Jésus. D'abord, celui de Jésus fut très court - à peu près trois ans. En fait, l'histoire de la vie de Jésus et de sa mort sur la croix ressemble étonnamment à celle du Báb, le précurseur de Bahá'u'lláh, dont la vie fut tout aussi courte et tragique.
Bahá'u'lláh naquit en 1817 à Tihrán (Téhéran) dans une famille noble et riche. Son père était vizir du - Shah. Son éducation fut limitée à celle que devait recevoir tout fils de noble de l'époque - l'équitation, le maniement d'un fusil et d'une épée, la calligraphie, la littérature persane classique et le Quran, enfin, l'acquisition de bonnes manières. Il avait vingt-sept ans quand il fit connaissance de la révélation du Báb qui avait deux ans de moins que lui et dont il reconnut instantanément la mission divine. Bahá'u'lláh joua un rôle prépondérant dans la propagation du nouveau message, au service duquel il subit bastonnade et emprisonnement.
Le Báb, peu avant son martyre, lui envoya symboliquement sa plume et ses sceaux. Et lorsque plus tard Bahá'u'lláh se déclara être celui promis par le Báb, le Rédempteur du monde annoncé par les Ecritures saintes du passé, la grande majorité des Bábis se rangèrent à ses côtés.
Dans les persécutions qui s'abattirent sur la nouvelle communauté Bahá'u'lláh perdit tout et fut incarcéré dans un cul-de-basse-fosse de Tihrán (Téhéran) où les conditions de survie étaient terribles. C'est ainsi qu'il écrivit plus tard dans une de ses méditations: "La gorge que tu avais accoutumée au contact de la soie, tu l'as en fin de compte enserrée de lourdes chaînes et de fers, et le corps que tu avais enveloppé de brocart et de velours, tu l'as à la fin assujetti à l'humiliation d'un cachot... Que de nuits pendant lesquelles le poids des chaînes et des fers ne me laissaient pas en repos, et que de jours où la paix et la tranquillité m'ont été refusées, en raison des afflictions que me causaient les mains et les paroles des hommes!"[78]
Bahá'u'lláh subit en tout quatre exils: d'abord à Baghdád, ensuite à Constantinople, puis à Andrinople (Edirne) en Turquie d'Europe et, finalement, il fut condamné à l'emprisonnement à perpétuité à Saint-Jean-d'Acre (Akká) en Palestine. Son ministère dura quarante ans, de 1852 jusqu'en 1892. Durant tout ce temps il fut soit en exil, soit en prison, soit en résidence surveillée.
A l'heure de son ascension il était entouré de nombreux croyants fidèles qui avaient choisi de partager les rigueurs de son exil et de son emprisonnement et il avait des milliers d'adeptes répartis dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Le télégramme qui annonça son décès au sultan de la Turquie commença par ces mots: "Le Soleil de Bahá s'est couché."[79]
Voilà un résumé très sommaire de la vie de Bahá'u'lláh. Pour plus de détails, le lecteur est renvoyé au livre Bahá'u'lláh publié en 1992 à l'occasion du centenaire de son décès, à Dieu Passe Près de Nous de Shoghi Effendi et à la Chronique de Nabil. Voir Bibliographie, La Chronique de Nabil et DPPN
APPENDICE 3 - Histoire de la communauté bahá'ie depuis Bahá'u'lláh
Une des caractéristiques uniques de la Foi bahá'ie par rapport aux anciennes religions est le testament que fit Bahá'u'lláh, qui assura l'unité de la communauté bahá'ie après sa mort. Ce testament a fait ses preuves, car ses dispositions sont suffisamment claires pour que chaque tentative de schisme échoue, ceci, malgré l'énorme diversité de la communauté actuelle - une réussite unique dans l'histoire religieuse.
Dans son testament Bahá'u'lláh désigne, Abdu'l-Bahá, son fils aîné, comme successeur et interprète de ses Ecrits. A son tour , Abdu'l-Bahá, mort en 1921, désigna Shoghi Effendi, son petit-fils, comme Gardien de la Foi. Suite au décès de Shoghi Effendi en 1957 il existait suffisamment d'assemblées spirituelles nationales dans le monde pour permettre l'élection, en 1963, de la première Maison Universelle de Justice, le Conseil International prévu par Bahá'u'lláh, qui est réélu tous les cinq ans.
En fait, Bahá'u'lláh lui-même avait créé les institutions qui devaient constituer la structure, déjà planétaire, de son administration et celles-ci ne peuvent donc être dissociées de sa révélation. La responsabilité pour les affaires de la communauté repose sur des collèges de neuf adultes, élus par bulletin secret sans aucune propagande électorale ni candidats, en fonction des seules qualités spirituelles d'intégrité, de capacité et d'expérience. Ces collèges existent au niveau local, national et international. Il n'y a pas de clergé et individuellement les membres de ces assemblées n'ont aucun pouvoir personnel. Les décisions se font, à tous les niveaux, à travers la consultation, qui est considérée comme un art qui exige beaucoup de maturité.
Concepts essentiels de son message un bref résumé
Bahá'u'lláh affirme qu'il n'y a qu'un seul Dieu, qui est essentiellement au-delà de notre compréhension, mais que nous pouvons connaître à travers ces Etres qui manifestent ses qualités et sa volonté - les fondateurs des grandes religions révélées. C'est à travers eux que Dieu nous guide.
Chacun de ces grands révélateurs (Manifestations divines) a révélé, selon les limites imposées par la capacité et l'évolution de la société de l'époque, les vérités spirituelles et les lois qui leur conviennent. C'est le principe de la révélation progressive de la vérité, dont notre perception ne peut être que relative.
Il y a un fil d'or qui court dans la trame de toutes les religions, car les principes spirituels restent essentiellement les mêmes. Ce qui les différencie sont les lois sociales, l'organisation, les cérémonies et les rites. A cela il faudrait ajouter toutes les divergences, et non les moindres, qui proviennent de tout ce que l'homme, au fil des siècles, a ajouté à sa religion et qui contribuent à tout ce qui peut les rendre, apparemment, incompatibles.
Chacune des grandes religions du monde prévoit, en termes symboliques et imagés, une époque où Dieu, à travers une période de turbulence et de jugement, mettra de l'ordre dans les affaires des hommes et établira l'unité du genre humain et la paix mondiale. Toutes les religions prévoient un tel aboutissement. La particularité de la Foi bahá'ie est d'annoncer que nous sommes maintenant au début de cette période charnière où l'unité et la paix mondiales sont devenues non seulement possibles, mais inéluctables. Ce qui est nouveau, c'est que les solutions aux grands problèmes mondiaux sont à notre portée. Nous avons les moyens; seule manque la volonté. Les Bahá'ís sont persuadés que bientôt la nécessité nous y poussera. Les lois et les enseignements de Bahá'u'lláh fournissent le modèle pour cette société future. Les utopies d'aujourd'hui sont les réalités de demain et les Bahá'ís considèrent qu'une telle vision des choses, loin d'être utopique, est hautement réaliste et réalisable, car l'alternative n'est guère attrayante.
L'unité de l'humanité est la base même des enseignements de Bahá'u'lláh. Il s'agit non seulement d'une vérité intellectuelle, spirituelle et morale, mais d'une réalité que nous devons concrétiser. Il affirme même que si la religion n'est pas source d'harmonie et d'unité son absence serait préférable - donc, pas de fanatisme!
Liés à ce grand principe il y en a d'autres qui le renforcent: l'élimination, par l'éducation, de tous les préjugés qui divisent l'humanité; la religion et la science étant deux façons complémentaires d'aborder la réalité elles ne peuvent être en contradiction réelle; chacun doit rechercher la vérité pour lui-même. Ce dernier principe est une nouveauté: ce n'est qu'aujourd'hui que l'information devient de plus en plus accessible à tous - d'où la nécessité d'un autre principe: l'éducation obligatoire pour tous et le choix d'une langue auxiliaire internationale à être enseignée dans toutes les écoles.
La Foi bahá'ie prévoit une évolution spirituelle, intellectuelle et sociale dans la vie collective des hommes. Parallèlement, sur le plan individuel, elle confirme l'immortalité de l'âme humaine qui, à partir de ce qu'elle accomplit sur cette terre, doit progresser à travers les mondes spirituels en poursuivant son cheminement vers Dieu. Le ciel et l'enfer sont des états d'âme qui correspondent à notre rapprochement ou à notre éloignement de Dieu.
Au niveau planétaire, la Foi bahá'ie prévoit un système fédéral de gouvernement qui maintiendra l'unité des nations dans toute la richesse de sa diversité. Un gouvernement mondial, lié à un tribunal suprême serait soutenu par une force exécutive internationale capable d'assurer l'application des décisions de ce tribunal. Ceci suppose le désarmement des nations avec un système de contrôle international et l'élimination des extrêmes de richesse et de pauvreté.
APPENDICE 4 - les lois baha'iesAu niveau individuel, la discipline spirituelle de base pour un Bahá'í repose sur la prière quotidienne et un temps de méditation sur les Ecrits saints matin et soir, ainsi qu'un jeûne annuel; la promotion de l'harmonie dans toutes ses relations à l'intérieur et en dehors de la communauté bahá'ie; un effort constant pour éviter la médisance, et que chacun considère son travail comme une expression de son adoration envers Dieu, comme une forme de prière. Elle reconnaît l'importance du mariage et de l'unité de la famille comme un élément essentiel pour la stabilité de la société, ceci ne pouvant être assuré que par le développement des qualités de fidélité et d'amour et par la chasteté des deux sexes en dehors du mariage. L'égalité de l'homme et de la femme doit être réalisée dans la pratique. D'ailleurs, la pleine participation des femmes, sur un pied d'égalité, dans toutes les sphères de la société, est considérée comme une condition préalable indispensable à l'établissement de la paix dans le monde.
APPENDICE 5 - La communauté bahá'ie (en 1994)En 1921 la Foi Bahá'ie s'était répandue dans 37 pays, y compris la Chine, la Birmanie, l'Inde, l'Australie, la Russie,8 pays européens, 3 en Afrique, le Brésil, le Canada et les Etats-Unis.
De nos jours, elle est établie dans plus de 119 400 localités dans 343 pays et territoires (dont 205 nations indépendantes). Ses Ecrits sont traduits en plus de 800 langues et dialectes. Elle regroupe 2 112 races, ethnies et minorités différentes et, au total, entre 5 et 6 millions de personnes.
La diversité à l'intérieur de la communautés est une de ses caractéristiques distinctives et, d'après "l'Encyclopaedia Britannica", la Foi bahá'ie est maintenant la deuxième religion dans le monde, après le Christianisme, du point de vue de la diversité raciale et ethnique de ses membres et de son expansion géographique.
Depuis 1948, la Communauté Internationale Bahá'ie est accréditée auprès des Nations Unies en tant qu'Organisation Internationale Non-Gouvernementale (ONG). En 1970 elle fut dotée d'un statut consultatif auprès du Conseil Economique et Social et, en 1976, auprès de l'UNICEF. Elle est membre du WWF et officiellement associée au Programme des Nations Unies pour l'Environnement (PNUE) et au Service de l'Information de l'ONU. Depuis 1989 elle travaille également avec l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Elle a des représentants à New-York, Genève, Vienne et Naïrobi.
Lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992, parmi les 14 000 ONG présentes, la Communauté Internationale Bahá'ie fut choisie avec 12 autres pour intervenir directement en séance plénière de la CNUED. Elle avait été chargée, seule, de représenter l'ensemble des traditions religieuses et spirituelles de l'humanité.
En 1992, les Bahá'ís géraient plus de 1 300 projets de développement social et économique dans 79 pays, notamment dans le Tiers Monde. Leurs 666 établissements scolaires et leurs stations de radio dispensent aux populations de ces pays des programmes d'alphabétisation et d'hygiène ainsi qu'un enseignement agricole et technique.
En 1993, les Bahá'ís ont participé à la Conférence mondiale des droits de 1'homme à Vienne et en 1994, à la Conférence internationale sur la population et le développement au Caire et tout dernièrement, au Sommet Mondial pour le développement social et économique à Copenhague en mars 1995.
APPENDICE 6 - La BibleArrivé à Londres, en septembre 1911, 'Abdu'l-Bahá, fils de Bahá'u'lláh et son successeur à la tête de la communauté bahá'ie, fut invité à parler à l'église du "City Temple". Avant de la quitter il fit cette inscription dans la vieille Bible de l'église: "Ce livre est le Livre Saint, d'inspiration divine. C'est la Bible du salut, le noble évangile. C'est le mystère du Royaume et sa lumière. C'est la bonté divine, le signe de la divine direction."80
En ce qui concerne les textes sacrés Bahá'ís, on en possède les originaux. Il n'y a donc aucun doute sur leur authenticité. Ces textes constituent, pour les Bahá'ís, l'expression la plus récente de la parole divine.
La Bible est évidemment d'une autre nature, étant une compilation de différents textes, choisis parmi d'autres. Les Evangiles sont des témoignages parsemés de citations des paroles du Christ lui-même.
Même si l'exactitude de tel ou tel détail de la Bible peut être discutée, pour les Bahá'ís il s'agit plus de relire la Bible à la lumière de la révélation de Bahá'u'lláh, de la même façon que les Chrétiens ont relu l'Ancien Testament à la lumière de la révélation du Christ, plutôt que de remettre en question la validité de la source même.
Dans le Livre de la Certitude Bahá'u'lláh critique les musulmans qui affirment que les chrétiens ne possèdent plus le véritable message du Christ. Il leur dit: "Vous avez beau dire que leurs livres sont altérés et apocryphes, et qu'ils ne viennent pas de Dieu, les paroles mêmes des Evangiles témoignent de leur origine divine..."[81]
Ailleurs, dans le même ouvrage, Bahá'u'lláh confirme sans ambiguïté la fiabilité de la Bible pour comprendre les messages divins de Moïse et du Christ. En parlant de ceux qui cherchent à atteindre la "Cité de Dieu" ou la "Cité de la certitude" il dit: "Cette cité n'est autre que le Verbe de Dieu: la Bible au temps de Moise (en version anglaise: "le Pentateuque", ce qui semble plus exact); l'Evangile au temps du Christ... Dans cette cité on trouve en abondance de la nourriture spirituelle et des plaisirs incorruptibles. Cette nourriture est le pain céleste..."[82]
La position bahá'ie est cependant plus nuancée, car si les Ecrits Bahá'ís confirment que la Bible transmet fidèlement l'essentiel du message divin, elle n'en est pas moins un ensemble de textes divers, souvent écrits bien après l'événement par des tierces personnes. On ne peut donc lui accorder la même authenticité que des textes dont la source ne peut être mise en doute. C'est sans doute pour cela que Shoghi Effendi, le Gardien, explique que les Ecrits Bahá'ís et le Quran peuvent être considérés comme des textes authentiques alors que "la Bible n'est pas entièrement authentique..."[83]
Néanmoins, même si, pour des raisons historiques évidentes, on ne peut démontrer l'absolue authenticité de la Bible, les Ecrits Bahá'ís font la distinction entre "authenticité" et "inspiration divine". A cet égard, ils affirment sans ambiguïté "...que la divine inspiration de l'Evangile est pleinement reconnue."[84]
Arrivé à New York, , Abdu'l-Bahá s'adressa ainsi à une classe de catéchisme: "Ne vous contentez pas de paroles, mais cherchez à comprendre les sens cachés au coeur des paroles... Les paroles divines ne doivent pas être comprises d'après leur sens littéral. Elles sont symboliques et contiennent des réalités de signification spirituelle... ce n'est pas la lecture des paroles qui vous enrichit, mais le fait d'en saisir la signification. Priez donc Dieu pour que vous puissiez comprendre les mystères de ces Testaments divins... Je prie donc pour vous que vous puissiez recevoir la capacité de comprendre les sens réels cachés dans les Saintes Ecritures et que vous soyez informés des mystères déposés dans les paroles bibliques, afin que vous puissiez atteindre à la vie éternelle et que vos coeurs soient attirés vers le royaume de Dieu. Puissent vos âmes être illuminées par la lumière des paroles divines, que vous deveniez les dépositaires des mystères de Dieu, car il n'y a rien de plus réconfortant, aucun bonheur plus doux que la compréhension des enseignements divins."[85]
BIBLIOGRAPHIELa traduction du Lawh-i-Aqdas (La Très Sainte Tablette, la Lettre aux Chrétiens) a été réalisée à partir de la version anglaise dans Tablets of Bahá'u'lláh indiquée ci-dessous. Cette traduction, ainsi que les autres tirées de publications en anglais, sont les fruits de la collaboration entre l'auteur et Pierre Spierckel.
Les autres livres cités sont également indiqués ci-dessous avec les abréviations utilisées pour les références qui suivent cette bibliographie. Tous les livres qui y figurent sans mention de maison d'édition proviennent de la Maison d'Editions Bahá'ies (M.E.B.) à Bruxelles.
A.L. ! Abdu'l-Bahá in London, (Bahá'í Publishing Trust, London)
A.N. Appel aux Nations, (compilation), Shoghi Effendi.
B.E.N. Bahá'u'lláh et l'Ere Nouvelle, Esslemont.Bible, Traduction catholique (Ecole Biblique de Jérusalem, Edition du Cerf) OU protestante (Louis Segond, Maison de la Bible, Genève).
Causeries Causeries d'Abdu'l-Bahá.E.S.W. Epistle to the Son of the Wolf, (Epître au Fils du Loup), Bahá'u'lláh (Bahá'í Publishing Trust, Wilmette, lllinois).
Extr. Extraits des Ecrits de Bahá'u'lláh.F.M.B. Foi Mondiale Bahá'ie, (compilation d'extraits des Ecrits saints)
K.I. Kitáb-i-Iqán, (Livre de la Certitude), Bahá'u'lláh. (Presses Universitaires de France)
L.G. Lights of Guidance, Helen Hornby. (Bahá'í Publishing Trust, India)
L.S.J.A. Leçons de Saint-Jean-d'Acre, I Abdu'l-Bahá.
P.C. Paroles Cachées, Bahá'u'lláh.P.M. Prayers and Meditations of Bahá'u'lláh, (Bahá'í Publishing Trust, London)
P.B. La Proclamation de Bahá'u'lláhP.U.P. Promulgation of Universal Peace, Abdu'l-Bahá. (Bahá'í Publishing Trust, Wilmette, Illinois)
R.B. The Revelation of Bahá'u'lláh, Taherzadeh (4 vols). (George Ronald, Oxford)
S.E.A. Sélections des Ecrits d'Abdu'l-Bahá.T.B. Tablets of Bahá'u'lláh. (Bahá'í Publishing Trust, London)
Les Tablettes de Bahá'u'lláh