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Histoire-Bahaie
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histoire bahaie : Histoire-Bahaie
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Source : www.bahai-biblio.org
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Reportage réalisé par:
STEPHANE BOYER ET CHRISTOPHE DENIZEAU
8 RUE DU FAUBOURG MONTMARTRE 75009 PARIS
TEL : 01 48 24 25 12
Nombre de pages du texte: 12
LES Bahá'ís

Dernière-née des religions révélées, la Foi Baha'ie, comme l'appellent ses adeptes, est après un siècle et demi d'existence la religion à la plus vaste répartition géographique, après le Christianisme, et à la progression la plus importante. Partie de Perse, elle est aujourd'hui représentée dans plus de 200 pays et territoires pour un total de 6 millions de fidèles. Véritable phénomène religieux, cette nouvelle religion puise ses racines au cœur de cette Perse, éternel carrefour culturel, et dans cette longue tradition monothéiste, partie intégrante de notre civilisation.

Doucement, dans les bras d'Aïcha, son épouse, Mahomet (1) s'éteint en cette fin de matinée du 8 juin 632. Installée depuis 622 à Médine, la communauté musulmane (umma) était jusqu'alors dirigée par son prophète et guide ; celui-ci mort, sans dispositions explicites concernant sa succession, elle se retrouve orpheline. Rapidement, les proches du Prophète se réunissent et, après quelques tergiversations, le pouvoir khalifal échoit à Abou Bakr, le père d'Aïcha. Les tensions internes annoncent déjà les querelles de succession que l'Islam naissant devra affronter.

Bien que les 25 premières années suivant la mort de Mahomet soient fastes pour l'umma qui voit son influence grandir, la tension est à son comble lorsqu'en 656, Ali, gendre et neveu du prophète, prend la tête du khalifat. Partagée entre les partisans d'Ali, appelés Alides, et ceux, les Sunnites, soutenus par Aïcha, la communauté des croyants est au bord de la guerre civile. Dès 657, les partisans d'Aïcha attaquent les Alides, qui, devant la défaite de leur camps se divisent entre les fidèles à Ali et les Kharidjites (2) qui lui reprochent son attitude. Autant politiques que religieuses, les dissensions entre Kharidjites, Alides et Sunnites aboutiront à l'assassinat d'Ali en 661 par un de ses anciens partisans et le massacre de son fils, Husayn, par des Sunnites en 680 (3).

Dès lors la fracture devient définitive, chaque partie développant sa propre vision des règles de succession. Alors que les Kharidjites n'acceptent comme critère que la valeur morale du prétendant, les Sunnites y opposent la tradition (sunna) et les Alides la légitimité des descendant d'Ali. Marginalisés, face aux Sunnites majoritaires, les deux autres courants des premiers temps de l'Islam s'affirmeront bientôt en tant que groupes politico-religieux distincts.

LE SHI'ISME

Entrés dans l'Histoire sous le nom de Shi'ites (de l'arabe shi'ia Ali, parti d'Ali), les Alides développent le concept d'Imamat, qui reconnaît à ses descendants le rôle de guide de la communauté. Ainsi s'ouvre une lignée d'Imams dont Ali est le premier.

Bien que lui-même confronté à des querelles de succession dans la lignée des Imams, qui aboutiront à de nouveaux courants (4), et à une répression accrue, le Shi'isme imamite se trouvera une spécificité : De politique la rupture devient théologique.

Jusqu'en 874 (5), date de la mort du 11ème Imam et de la disparition de son fils et successeur, alors enfant, les théologiens shi'ites élaborent une tradition spécifique se basant sur un corpus regroupant les enseignements des 11 Imams successifs. L'attachement des Shi'ites aux Imams, que certains courants déifieront, et à leur rôle de guide mena progressivement à considérer le Coran comme tout à la fois exotérique et ésotérique et les Imams comme justes interprètes de ses sens cachés, quitte à favoriser leurs avis. Chaque Imam à des disciples, dont le plus proche, appelé Báb (de l'arabe signifiant porte), sert de lien entre l'Imam et les croyants. Cette fonction, attestée dans tous les courants du Shi'isme primitif (6), prendra des formes différentes et particulièrement après 940 (Grande Occultation), date de la mort du 4ème Báb du 12ème Imam. La perte de la "porte" entre les croyants et l'Imam, toujours pas réapparu, laisse la communauté sans guide désigné.

Loin d'être désemparés, les théologiens shi'ites donne une tournure messianique à cette occultation qu'ils considèrent comme annoncée par les Ecritures. Il y eu, d'après eux, 6 grands prophètes (Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mahomet), chacun d'eux eu successivement 12 Imams, le 12ème assurant la transmission au prophète suivant. Le retour du dernier Imam alide annonce donc un nouveau cycle prophétique. En aucune façon il n'est censé apporté une nouvelle shari'at (loi) mais la véritable interprétation ésotérique de la révélation coranique, clôturant ainsi la période mahométane.

Commence alors la longue attente (7).

Malgré la brève dynastie iranienne shi'ite des Bouyides au 10ème et 11ème siècle, le Shi'isme duodécimain subira une longue période de répression qui le mènera parfois à la clandestinité, et ce jusqu'à l'avènement des Séfévides en Perse au début du 16ème siècle. C'est dans cette période que les théologiens, vivant dans des communautés à travers tout le Moyen-Orient, affirment le corpus des traditions shi'ites qui s'enrichit considérablement de l'exégèse et de l'apport du mysticisme musulman d'auteurs tel Ibn Arabi. Ce nouveau rapport entre Shi'isme et Soufisme (8) marquera considérablement la pensée shi'ite et contribuera sans aucun doute à renforcer son image d'Islam ésotérique.

Instauré comme religion d'Etat par les Séfévides (9) en 1501 dans une Perse majoritairement sunnite, le Shi'isme n'est alors dans ce pays qu'un ensemble de communautés éparses, sans autorité religieuse commune. Désireux de légitimer son nouveau pouvoir, Shah Ismaïl (10) fait appel à des ulémas de Syrie et du Bahreïn, qu'il charge de constituer un clergé dans le but de faire appliquer la jurisprudence jafarite (11), du nom du 6ème Imam Jafar al-Sadeq, et ainsi de remplacer certaines traditions shi'ites. Cette institutionnalisation verra d'une part l'émergence de grandes écoles philosophiques, comme celle d'Ispahan, et l'accentuation de la lutte contre des pratiques jugées non conformes à la nouvelle religion d'Etat. Qu'ils soient Ismaéliens ou Soufis, tous seront malmenés. Même les Zoroastriens (12), pourtant adeptes d'une religion iranienne pré-islamique tolérée par l'Islam, n'échapperont pas à cette politique.

Cette tentative du clergé d'effacer certains aspects du Shi'isme iranien se heurtera dans la réalité à une résistance autant populaire qu'intellectuelle. Petit à petit, le clergé voit sont rôle religieux se transformer en rôle politique ; Les interprétations du pouvoir qui se dégagent de leurs différentes spéculations (osûl) renforcent le pouvoir séfévide. Face à cette tendance osûli, une tendance ahkbari apparaît et tente de reléguer les ulémas dans le seul rôle de transmetteur et préconise le recours exclusif aux traditions imamites.

LE BábISME

Après la chute des Séfévides en 1722, la tendance ahkbari prédominera dans la vie religieuse iranienne, voyant de fait l'influence des ulémas baisser. Très vite combattue par certains théologiens, cette tendance persistera malgré tout et jouera un rôle considérable auprès du théologien bahreïni Shaykh Ahmad al-Ahsai (13), fondateur de l'école shèykhi.

S'appuyant principalement sur une connaissance et une interprétation intuitive du Coran et des traditions, notamment par les rêves et les visions, al-Ahsai se démarque autant des écoles osûli et ahkbari. Acceptant la divinité des Imams et l'existence d'une porte (bab), ses théories bénéficieront pendant une vingtaine d'années de l'oreille bienveillante de Fath Ali Shah, neveu et successeur du fondateur de la dynastie Qadjar (14), alors régnante en Perse. Installé à Yazd, il y rédigera ses principales œuvres. Périodiquement excommunié et condamné pour hérésie, il mourra sur le chemin de La Mecque en 1826, clôturant quatre années d'une campagne de dénigrements après sa condamnation pour apostasie en 1822.

Son successeur, le jeune persan Kazim Rashti, renforcera, jusqu'à sa mort en 1843 à Kerbala (Irak), les théories développées par al-Ahsai, considérées dorénavant comme une école à part entière. Juste avant sa mort, il envoya un de ses disciples, Mulla Husayn, parcourir la Perse à la recherche du Báb, dont la venue proche est attendue. Cette lecture des Ecritures renoue avec les origines messianiques du Shi'isme duodécimain en y intégrant une dimension millénariste. La réapparition d'un Báb annoncerait le retour du 12ème Imam, mille années lunaires après sa Petite Occultation en 874 (15).

C'est à Chiraz que l'envoyé de Kazim rencontrera Ali Mohammad (16), jeune homme de 24 ans et ami de Kazim depuis leur rencontre lors d'un pèlerinage à Kerbala. Fasciné par les réponses apportées à ses questions théologiques et par le commentaire de la sourate de Joseph (17), qu'il rédige en arabe dans la nuit du 23 mai 1844, Mulla Husayn reconnaît aussitôt Ali Mohammad comme le Báb attendu. La petite communauté ne résistera pas à la mort de Kazim et se scindera en deux courants rivaux. Celui mené par Muhammad Karim Kirmani se rapprochera progressivement du courant osûli, alors que celui mené par Ali Mohammad, les Bábis, réaffirmera l'importance de l'intuition et l'existence d'un Báb.

De nombreux adeptes rejoignent bientôt celui qu'ils reconnaissent comme le Báb. L'essor du Bábisme tient sans doute autant du contexte socio-politique que de la personnalité du Báb, présenté par le Comte de Gobineau comme "[...] renfermé en lui-même, toujours occupé de pratiques pieuses, d'une simplicité de mœurs extrême, d'une douceur attrayante, et relevant ces dons par son extrême jeunesse et le charme merveilleux de sa figure [...](18)". Dès l'été 1844 les premiers Bábis, surnommés "Lettres du Vivant" (19), parcourent la Perse, dispensant leur enseignement et annonçant l'arrivée de la "porte" avec l'Imam. Désireux d'annoncer sa mission, le Báb se rend en pèlerinage à La Mecque l'automne suivant mais rencontre peu d'écho auprès des fidèles musulmans, le séjour lui laissera un souvenir désagréable.

De retour à Chiraz au printemps 1845, où il s'installe, le Báb y fait de nombreuses prédications publiques précisant sa mission et invitant ses disciples à ajouter à l'adhân (20) une phrase faisant de lui et d'Ali "les miroirs du souffle de Dieu". Les affrontements entre Shi'ites et Bábis décide le gouverneur de la ville à mettre le Báb en résidence surveillée et à expulser ses fidèles. Envoyé par les autorités afin de l'interroger, le théologien Yahya-i-Darabi, y découvre un personnage qu'il le fascinera au point qu'il se convertira sur le champ, tout comme Mirza Husayn Ali (21) (futur Baha-u-llah) et son frère Mirza Yahya (22) (futur Subh-i-Azal) lors de leur rencontre avec Mulla Husayn à Téhéran en septembre de la même année.

Chassé de Chiraz par le choléra, le Báb s'installe à Ispahan, sous la protection du gouverneur de la province, un Géorgien chrétien. A la mort de celui-ci courant de l'été 1847, arrêté, le Báb est envoyé, sur ordre du grand vizir Mirza Aqasi, dans la forteresse de Mahku, au cœur des montagnes de l'Azerbaïdjan, sous domination perse. Les troubles causés par la propagande Bábie amènent une nouvelle fois les autorités perses à transférer le Báb vers un autre lieu de détention ; au château de Cihriq, près du lac Urmia. Décidé à en finir avec le Bábisme, le nouveau vizir de Mohammad Shah convoque, à Tabriz, une commission de mollahs, sous la direction du prince héritier Nasiru-d-Din, chargée d'entendre les arguments du Báb. Il reviendra sur ses aspirations religieuses après avoir été torturé et sera condamné à mort pour apostasie. Il est soigné par le docteur William Cormik, seul Occidental à l'avoir approché.

Malgré les nouvelles qui leur arrivent de Cihriq, les Bábis ne cessent de propager l'avènement d'une nouvelle religion, à l'image de la poétesse Kurrat al-ayn Tahirih (23) qui apparaît désormais non-voilèe en public, symbole de sa rupture avec l'Islam, et appelle les Musulmans à considérer la shari'at comme abrogée. Révoltés par la violence des autorités et n'ayant pu mener à terme leur projet d'évasion du Báb, ses fidèles profitent des querelles pour la succession du shah, mort le 4 septembre, pour prendre les armes et se soulever dans le Mazindaran. Sous la direction Mulla Husayn, 300 Bábis tentent de s'emparer de la ville de Barfurus mais sont repoussés dans le sanctuaire de Sayh Tabarsi, qui subira le siège des troupes persanes jusqu'au 22 mai 1849. Arrêtés alors qu'ils allaient rejoindre les assiégés, Mirza Husayn Ali et Mirza Yahya échappent au massacre des survivants. A l'annonce de la chute du sanctuaire et de la mort d'un de ses meneurs, Mulla Mohammad Ali, Mirza Yahya est saisi d'un "saint trouble", avertit, le Báb y reconnaît un signe le désignant comme étant le "retour" du meneur tombé au sanctuaire de Sayh Tabarsi. Désormais surnommé Subh-i-Azal (Matin d'Eternité), Mirza Yahya est désigné par le Báb comme son dauphin.

Las des insurrections Bábies qui se multiplient dans le pays (24), le pouvoir perse décide d'appliquer la peine de mort prononcée contre le Báb à Tabriz en 1848. Le 9 juillet 1850, il est conduit avec deux de ses fidèles à Tabriz afin d'y être fusillé, mais sur ses conseils l'un des fidèles, Agha Sayyid Husayn, feint de renier sa foi (25), permettant ainsi de sauver les écrits du Báb et de faire appliquer ses dernières volontés : Mission qu'il réussira avant d'être tué à Téhéran. Suspendu, une corde passée sous les aisselles, en vue d'être fusillé, le Báb échappe de manière inexplicable aux balles qui ne font que briser les liens (26) ; la seconde tentative lui sera fatale.

Jeté dans un fossé, son corps sera récupéré par des Bábis (27) et caché plusieurs années à Téhéran dans l'attente d'une sépulture digne (28). Ses restes reposent désormais dans un mausolée sur les pentes du Mont Carmel, en Terre Sainte.

La mort du Báb n'entama pas la dynamique qu'il créa. Bien au delà de ses attentes le Bábisme est devenu un véritable mouvement de réforme morale et sociale qu'aucune violence ne réussira à faire taire comme le dit très bien Ernest Renan : "Notre siècle a vu un mouvement religieux tout aussi extraordinaire que ceux d'autrefois, mouvement qui a provoqué autant d'enthousiasme, qui a eu déjà, toute proportion gardée, plus de martyrs. Le Bábisme a été un phénomène considérable." (29)

Bahá'ís ET AZALIS

En représailles de la mort du Báb deux ans auparavant, 3 Bábis tentent d'assassiner Nasiru-d-Din Shah, le 15 août 1852 à Téhéran. Cet acte manqué permit au Shah de lancer une vague de répressions qui fera 20000 morts et contraindra les Bábis à fuir la ville. Subh-i-Azal et plusieurs proches réussirent à s'enfuir vers Bagdad, sous domination ottomane, mais son frère, Mirza Husayn Ali est arrêté sur la route et envoyé à la prison de Siyah Cal (Trou Noir) de Téhéran. La tradition baha'ie fait remonter le début de la mission prophétique du futur Baha-u-llah à cette détention pendant laquelle il dit avoir entendu des voix et reçu des signes surnaturels. Mais sous la pression des diplomates russes (30), Mirza Husayn Ali est libéré, puis expulsé vers Bagdad avec sa famille au mois d'avril 1853, non sans avoir vu tout ses biens confisqués.

Arrivé à Bagdad, il y retrouve la petite communauté Bábie regroupée autour de Subh-i-Azal. Mais des dissensions apparaissent bientôt entre les deux frères, poussant Mirza Husayn Ali à rejoindre le Kurdistan dans une retraite, où, menant une vie de derviche errant, il établira des contacts avec des soufis Naqshabandis (31), très implantés dans la région. Persuadé par Subh-i-Azal de quitter ce Kurdistan dans lequel il vit depuis deux ans, il se décide à réintégrer la communauté bagdadi à l'été 1856. Mirza Husayn Ali s'occupera dorénavant de l'aspect économique et son frère héritera de l'autorité spirituelle.

La période 1856-1863 est charnière pour les Bábis qui, d'une part s'organisent grâce aux dons venus d'Iran, et d'autre part entrent dans un cycle de violence réciproque qui aboutira à la rupture. La multiplication de Bábis se proclamant "Manifestation Divine" (32) n'est pas étrangère aux écrits du Báb, notamment le Bayan (33), qui annonce de manière controversé la venue de celui qui abrogera la shari'at, clôturera le cycle de Mohammad et édictera la nouvelle loi divine.

Passage obligatoire sur la route du pèlerinage des lieux saints du Shi'isme, Bagdad devient un lieu de propagande Bábie auprès des fidèles perses. Inquiet de cette influence grandissante, le Shah demande aux autorités ottomanes de les expulser vers un lieu où les contacts avec des Perses seraient limités. Les tensions entre Bábis et Musulmans seront le déclencheur de la réponse positive donnée au Shah et l'expulsion de la communauté vers Mossoul. La tradition baha'ie situe à cette date (22 avril - 3 mai 1863) la retraite de Mirza Husayn Ali et de douze de ses disciples dans un jardin de Ridwan, près de Bagdad. Il s'y déclare être la "Manifestation Divine" prédit par le Báb et prend le nom de Baha-u-llah, "Splendeur de Dieu" et ses adeptes celui de Bahá'ís. Après un court séjour à Mossoul où il y rejoignirent Subh-i-Azal arrivé en mars, les Bábis sont envoyés à Istanbul puis à Edirne (Andrinopole) en Turquie d'Europe où ils arrivent en décembre 1863.

C'est de cette ville qu'en 1866 (ou 1867) Baha-u-llah appelle l'ensemble des communautés de Turquie, de Syrie et d'Iran à le considérer comme la "Manifestation Divine" et à reconnaître son autorité. Le cycle prophétique de Mohammad est terminé et tous les fidèles peuvent rejeter la shari'at devenue caduque : La Foi Baha'ie est la nouvelle loi divine.

"Levez-vous tous de vos places quand vous entendez mentionner le nom de celui que Dieu doit manifester [...] Et dans la neuvième année, vous atteindrez à tout le bien" a écrit le Báb dans le Bayan. Les Bahá'ís y voient l'annonce de la mission de Baha-u-llah qui, 9 années lunaires après le millénaire de l'occultation du 12ème Imam (1852-53 / 1269), avait perçu des "signes" du fond de sa prison à Téhéran. Au contraire, Subh-i-Azal et quelques membres de la famille du Báb estiment que cette venue est impossible seulement 22 ans après la mort de celui-ci alors que selon leur lecture du Bayan cette venue ne peut se produire avant 1500 ou 2000 ans : se réclamant d'une stricte application des écrits du Báb, les Azalis (fidèles de Subh-i-Azal) ne reconnaissent ni la mission prophétique de Baha-u-llah, ni ses prétentions à la direction de la communauté.

La fracture est sérieuse. Assassinats et tentatives d'empoisonnement mutuels rythment les rapports entre Azalis et Bahá'ís, troubles que les autorités ottomanes ne peuvent tolérer bien longtemps et en réaction desquels elles décident de les séparer géographiquement. Subh-i-Azal et quelques fidèles arrivent à Chypre en août 1868 et Baha-u-llah et 70 de ses proches partent pour Saint-Jean d'Acre, en Palestine ottomane, qu'ils atteignent le 31 août de la même année. Logés dans des baraquements militaires dans des conditions déplorables, les Bahá'ís, qui voient plusieurs d'entre eux mourir, n'en sont pas moins actifs et particulièrement Baha-u-llah que cela n'empêche pas d'adresser des lettres à tous les "puissants" de son époque (34), les invitant à se convertir à la nouvelle foi et à être tolérant envers les Bahá'ís.

En 1870, les Bahá'ís sont autorisé à s'installer en ville. Aidé par de nombreux dons arrivant de Perse, la communauté s'installe plus chichement et gagne la sympathie d'un milieu tout d'abord méfiant. Le peu de liberté patiemment acquis est brusquement interrompu le 23 janvier 1872 lorsque, victimes des manipulations politico-diplomatiques ottomanes, 7 Bahá'ís assassinent 3 Bábis azalis, chacun accusant l'autre d'être un agent turc. La condamnation ferme de Baha-u-llah n'empêche nullement les autorités de l'incarcérer avant de le libérer faute de charges réelles. Plus libre de ses mouvements, il s'installe en 1878 à Mazra'ih à quelques kilomètres d'Acre mais choisit en 1880 de se rapprocher d'Acre. De cette date à sa mort le 29 mai 1892, Baha-u-llah n'aura de cesse d'œuvrer pour les pauvres en parallèle d'une intense activité épistolaire qui lui vaudront un nombre croissant de fidèles, particulièrement en Iran, où l'orientaliste Edgar Granville Browne (35) y estime le nombre de fidèles à plusieurs centaines de milliers.

Les Bábis azalis, libres depuis le passage de Chypre sous autorité britannique (1878), verront leur effectif se réduire au rythme des conversions (36) à la nouvelle religion que forme désormais la Foi Baha'ie. Subh-i-Azal s'éteint à Chypre le 29 avril 1912, sans successeur désigné.

L'EXPANSION DE LA FOI BAHA'IE

Désigné par le Kitáb-i-Ahdi (Livre de mon Pacte), le testament que rédigea Baha-u-llah, son fils aîné prend la direction des fidèles. Simple dépositaire du message prophétique de son père, Abbas Effendi, né en 1841 ou 1844 (37) et connu sous le nom Abdu-l-Bahá (Serviteur de Baha), est rapidement contesté par Mohammad Ali qui lui reproche de vouloir outrepasser la lettre du testament. Héritier en second, Mohammad Ali s'entoure de quelques fidèles et membres de la famille de Baha-u-llah, sous le nom d'Unitariens, afin de contester Abdu-l-Bahá qui, selon eux, cherche à s'attribuer la même autorité que son père.

Après la France avec la publication en 1865 du livre de Gobineau et l'Angleterre en 1888, les Etats-Unis prennent connaissance de l'existence de la nouvelle religion, en 1893, lors de l'Exposition Internationale de Chicago. Sous l'impulsion d'Ibrahim Georges Hayrallah (38), un Libanais chrétien convertit en Egypte, le nombre de fidèles américains augmente jusqu'à atteindre plus d'un milliers en 1898, dont la milliardaire Phoebe Apperson Hearst qui finance en décembre de la même année le premier pèlerinage de fidèles américains à Acre. Exaspéré par la tournure que prend la querelle (39) entre Abdu-l-Bahá et Mohammad Ali, ce dernier prend contact avec Hayrallah, alors en pèlerinage, et le convainc de rejoindre les rangs des Unitariens. Exportée outre-Atlantique, la "contestation" unitarienne sème le trouble dans une communauté maintenant divisée et dont les effectifs régressent.

Restreint dans sa liberté de mouvement à la suite d'une manœuvre (40) de Mohammad Ali auprès des Turcs en 1901, Abdu-l-Bahá n'en continue pas moins son action, recevant fidèles et multipliant les contacts, jusqu'en 1909 où le gouvernement des Jeunes Turcs lui accorde une totale liberté. Enfin libre, Abdu-l-Bahá décide d'entreprendre un long voyage missionnaire devant le mener en Egypte, en Suisse, en Angleterre et en France.

Arrivé en France en Octobre 1911, Abdu-l-Bahá s'installe près du Trocadéro (41) où il séjournera plus de 9 semaines occupant son temps en causeries pour lesquelles le Tout-Paris intellectuel se passionne. Le Bábisme et le Bahá'ísme ne sont pas totalement inconnus en France : outre le livre de Gobineau (42), les travaux de Nicolas (43) et la presse qui relate parfois les persécutions dont sont victimes les Bahá'ís en Iran (44), le travail réalisé par la petite communauté française, créée à l'initiative d'une jeune américaine, May Bolles, en 1898, n'est pas étranger au succès rencontré par Abdu-l-Baha. Avocat au barreau de Paris, Hyppolyte Dreyfus multiplie les conférences et les rencontres dont la presse se fait l'écho (45) en parallèle d'un long travail de traduction des principales œuvres baha'ies, favorisant sans doute le bon accueil et l'intérêt dont les Théosophes, les Protestants, les Libre-Penseurs et nombre d'intellectuels feront preuve.

Il est de retour en Egypte à l'hiver 1911.

Son second voyage (Avril 1912 - Décembre 1913) le mène aux Etats-Unis qu'il traverse pendant 8 mois, donnant interviews, conférences, menant débats et inaugurant la construction de la première "Maison d'Adoration" baha'ie sur le sol américain. L'un des buts inavoués de cette visite est de contrecarrer l'influence des Unitariens restés fidèles à Mohammad Ali (46). De retour en Europe en décembre 1912, il visite les communautés d'Angleterre, de France, d'Allemagne, d'Autriche et de Hongrie et finalement rentre à Acre le 5 décembre 1913, après 6 mois passés avec les Bahá'ís d'Egypte. Incontestablement, ces voyages renforcent l'implantation du Bahá'ísme en Occident : le message de paix d'Abdu-l-Bahá arrive à la veille de la Première Guerre mondiale qui déchirera l'Europe.

Haïfa, sa résidence depuis 1913 le verra s'éteindre le 28 novembre 1921. Pendant cette période, Abdu-l-Bahá mène une action sociale telle que les Britanniques le nomment Knight of the British Empire le 27 avril 1920, presque deux ans après le passage de la ville sous autorité anglaise. Sa dépouille repose maintenant dans un mausolée proche de celui du Báb..

Etudiant à Oxford à la mort de son grand-père, Shoghi Effendi (47) est désigné pour lui succéder. Outre le nom de son successeur, le testament (48) rédigé en 1908 par Abdu-l-Bahá explicite toutes les institutions baha'ie, prévue par Baha-u-llah et non encore mises en place.

Mais de nouveau, la querelle avec les Unitariens resurgit par le truchement du droit coranique, dont dépend toujours la famille d'Abdu-l-Baha, et qui donne droit pour Mohammad Ali à l'usufruitier sur le tombeau de Baha-u-llah à Bahji. De petites mesquineries aux excommunications, le différend est tranché par les autorités britanniques et prend fin en 1930 avec la mort du dirigeant des Unitariens, Mohammad Ali.

Souvent contesté, parfois jusqu'au schisme (49), le rôle de Shoghi Effendi est décisif pour la Foi Baha'ie qui voit sa situation s'améliorer et le nombre de ses fidèles en constante augmentation pendant ses 36 années à la tête de la communauté. Fidèle au testament de son grand-père il s'efforce de mettre en place un Conseil International Baha'i, provisoire, chargé d'assurer la transition vers la "Maison Universelle de Justice", sorte de gouvernement démocratique baha'i, embryon du futur gouvernement mondial, et qui ne verra pas le jour de son vivant. En décembre 1951, il désigne douze (50) "Mains de la Cause", chargées de le suppléer, qui elles-mêmes désignent cinq auxiliaires représentant chacun un continent. Lors de la mort du Gardien, surnom de Shoghi Effendi, le 4 novembre 1957 (51), la direction de la communauté échoit à ces "Mains de la Cause".

Mais la propagation de la foi semblent être la priorité de Shoghi Effendi : il invite les Bahá'ís américains à se constituer en Assemblées Spirituelles Locales et en Assemblée Spirituelle Nationale. En 1926, ils adoptent une Constitution, base de toutes les Assemblées Nationales à travers le monde. Le Gardien s'appuie sur les Bahá'ís américains, puis iraniens, pour lancer de vastes plans d'expansion de la foi vers les Amériques (1937 - 1944), l'Europe (1946 - 1953) et en direction de plus de 130 pays lors de la Croisade Décennale Internationale (1953 - 1963). L'activité de ces pionniers Américains, parcourant le monde, propageant la Foi Baha'ie remportent un succès important. Ce travail de propagandiste que Shoghi Effendi effectue se double d'un travail d'exégèse considérable (52), conformément à son pouvoir testamentaire, et de l'amélioration des lieux saints du Bahá'ísme. Les tombeaux du Báb et de Baha-u-llah sont embellis et aménagés afin de pouvoir y recevoir les milliers de pèlerins attendus.

Alors qu'en Iran l'arrivée au pouvoir de la dynastie Pahlavi en 1926 ouvre une ère de calme relatif (53) pour les Bahá'ís iraniens, qui leur permet l'élection de la première Assemblée Spirituelle et l'ouverture d'un centre Bahá'í à Téhéran en 1940, et qu'un tribunal islamique égyptien déclare la Foi Baha'ie religion indépendante (54) par rapport à l'Islam, la situation est tout autre en Europe. L'Allemagne hitlérienne et la Russie stalinienne n'épargnent pas les fidèles qui sont dans l'une (55) interdits et déportés pour leur croyance en l'unité raciale de l'espèce humaine et dans l'autre en tant "qu'opium du peuple". La proclamation de l'Etat d'Israël en 1948 et l'assurance donnée par Shoghi Effendi de la fidélité et du soutien au "peuple juif", dont le retour est annoncé par Baha-u-llah, aura des conséquences certaines sur la situation des Bahá'ís dans les pays arabes, où ils sont généralement considérés comme sionistes : Accusation, qui est encore de nos jours un des griefs de l'Iran islamique, et que la présence des institutions baha'ies à Haïfa, en Israël, ne fait qu'envenimer.

Quelque peu désemparées par la mort de Shoghi Effendi, sans enfant ni successeur désigné, les "Mains de la Cause", réunies à Haïfa, annoncent que neuf d'entre elles assumeront provisoirement le rôle du Gardien. En avril 1963, cent ans après que Baha-u-llah se soit proclamé "Manifestation Divine", la première "Maison Universelle de Justice" est élue par toutes (56) les Assemblées Spirituelles Nationales. Véritable gouvernement de la communauté baha'ie, le rôle de cette institution, dont le mandat est quinquennal, est autant exécutif que législatif jusqu'alors du seul ressort du Gardien (56). De son siège à Haïfa, la "Maison Universelle de Justice" rythme encore aujourd'hui la vie des Bahá'ís, organisant des plans d'expansion de la foi, donnant des avis, issus de l'exégèse, sur divers sujets d'actualité et accueillant les milliers de fidèles qui se rendent aux tombeaux du Báb et de Baha-u-llah.

LA FOI BAHA'IE

Les Bahá'ís considère le Báb comme le précurseur de la nouvelle religion. Profondément monothéistes, les écrits du Báb abrogent clairement beaucoup de préceptes coraniques (57) ou tout du moins en adoucissent les côtés les plus durs, laissés à l'appréciation de chacun. Le Bayan introduit la notion de Révélation progressive : tout comme le Shi'isme duodécimain, le Bábisme reconnaît 6 prophètes majeurs (Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus et Mohammad) mais pense que la parole de chaque prophète abroge celle du précédent, la venue du Báb, "Miroir de Dieu" (et non 12ème Imam), signifie donc l'abrogation de la loi islamique. Le Bayan est considéré comme un nouveau Coran, apte à légiférer les rapports sociaux et fait du Bábisme un mouvement de réforme morale et donc politique. Malgré sa prétention à l'universalité, l'influence du milieu socio-culturel dans lequel il est apparu est parfois encore assez forte (58).

En aucune façon le Báb pensait être le dernier, au contraire ses écrits prédisent la venue de "Celui que Dieu Manifestera", le futur prophète.

Les écrits du Báb sont avec le Kitáb-i-Aqdas (Livre le Plus Saint), écrit par Baha-u-llah, la source dans laquelle tout Bahá'í doit puiser : Vient s'ajouter l'énorme travail exégétique de leurs successeurs, Abdu-l-Baha, Shoghi Effendi et la "Maison de Justice". Le Bahá'ísme s'est largement différencié de l'Islam, milieu dans lequel il est apparu, bien plus que le Bábisme et peut à juste titre être considéré en tant que religion distinct, sans pour autant nier son héritage.

Le dogme Bahá'í repose sur l'affirmation d'une triple unicité - de Dieu, des religions et de l'Humanité - de laquelle découle plusieurs grands principes. La notion de Dieu, unique, omniscient, incréé et inaccessible est similaire au Dieu du Báb et de l'Islam : il est celui qui guida les différents prophètes. De cette unicité divine découle l'unicité des religions dont les différences s'expliquent aisément par la révélation progressive, ainsi les Bahá'ís reconnaissent Baha-u-llah, Bouddha et Zoroastre (59) en plus des prophètes acceptés par la doctrine Bábie : A chaque époque correspond un prophète, distinct du précédent, dont le message est adapté au contexte. Avec le Báb, se clôture le cycle adamique et s'ouvre le cycle baha'i, censé durer au moins mille ans, ce qui explique le peu d'années entre la venue des deux prophètes, généralement espacée d'environ mille ans. L'Humanité est "l'Apogée de la Création", donc unique. A ce titre, toutes les formes de racisme ou de préjugé, obstacles à l'unification humaine, doivent être combattues. Les différences, conséquences des contextes culturels, climatiques et politiques, ne doivent pas être gommées (60) mais acceptées et comprises.

De cette triple unicité découlent les principes éthiques du Bahá'ísme : Egalité Homme-Femme, abolition de tous les préjugés raciaux, ethniques, religieux, linguistiques et de classe, promotion de l'accès à l'éducation, d'une langue universelle d'échange (61), diminution des disparités entre riches et pauvres, harmonie entre science et religion, refus total de toute violence et de toute participation politique (62)...

Sans clergé ni sacrements, la religion Baha'ie n'en comporte pas moins quelques rites. Quotidiennement la vie religieuse est rythmée par la prière, recommandée une fois par jour, consistant dans la récitation de l'un des trois textes prescrits par Baha-u-llah, le regard en direction de Saint-Jean d'Acre. Elle peut aussi s'effectuer dans une "Maison d'Adoration" (63), ouverte aux croyants de toutes religions.

Chaque début de mois du calendrier Bahá'í les fidèles se réunissent dans un centre local, lorsqu'il en existe un. Cette rencontre communautaire se divise en trois temps ; le premier est consacrée à la prière et à la lecture de textes, le second aux questions administratives et le dernier consiste en une collation. L'année est divisée en 19 mois de 19 jours et commence à l'équinoxe de printemps, le 21 mars : c'est Norouz (64). Ponctuée de fêtes marquant les événements importants de la foi (65), elle se termine le 26 février par l'ajout de quatre jours intercalaires (66), appelés Ayyam-i-Ha, consacrés à la fête et à l'hospitalité. Le dernier mois de l'année, ala (du 2 au 20 mars) est un mois de jeun. L'ère baha'ie s'ouvre en 1844 et se divise en kull-isay (Toutes Choses), périodes de 19 vahid (Unité) correspondant à 19 ans chacune.

Le Bahá'ísme condamne l'absorption d'alcool, de drogue, les jeux de hasard, la médisance et prône la monogamie, la fidélité et d'une manière générale une hygiène de vie saine et des rapports humains courtois.

L'ACTION DES Bahá'ís

Depuis Baha-u-llah, ses adeptes se sont toujours impliqués dans les actions caritatives et dans le militantisme civique, entamé par Abdu-l-Bahá lors de son discours contre toutes les formes de racisme (67) à Chicago en 1912. Les premiers missionnaires Bahá'ís, fidèles à leurs principes éthiques, ont implantés des écoles et des dispensaires dans les territoires dont ils avaient la "charge". Accréditée en 1948 auprès de l'ONU en tant qu'Organisation Non-Gouvernementale (ONG), la communauté baha'ie a dès lors participé à de vastes campagnes d'hygiène et d'éducation en association avec d'autres ONG. Son statut consultatif obtenu en 1970 auprès du Conseil Economique et Social et en 1976 à l'UNICEF renforce l'action des Bahá'ís qui s'investissent dans toutes les conférences internationales (68). Au niveau local, leur action est toute aussi importante dans la promotion de micro-crédits, de l'agriculture, de l'artisanat et des cultures minorisées.

A l'occasion du centenaire de sa présence en France, la communauté baha'ie de ce pays a organisé en 1998 un gala au profit des Restos du Cœur et décerné pour la première fois son prix de l'Espoir, remis à l'association ATD Quart-Monde pour son action auprès des plus démunis.

Au nom de leur conception des rapports humains, ce militantisme touche des domaines aussi divers que les entreprises, l'Art, la médecine...

SITUATION EN IRAN

Dès son apparition en Iran, le Bábisme fut combattu politiquement et religieusement, et les insurrections noyées dans le sang et l'assassinat du Báb laissèrent un goût amer à ses fidèles. L'impact du mouvement sur la vie politique iranienne fut tel que le terme Bábi était employé pour désigner, à tort, certains réformateurs (69) opposés à la monarchie Qadjar.

Le climat de violence et d'hostilité dans lequel est apparu le Bahá'ísme n'est pas sans contraste avec le pacifisme déclaré, et pratiqué (70), de Baha-u-llah. L'histoire du Bahá'ísme est une alternance de calme relatif et de "pogroms". Leur refus de toute participation à la vie politique n'empêche nullement certains Bahá'ís de se rapprocher de l'entourage du Shah, sensible aux cultures iraniennes non-shi'ites, à la vieille de la révolution islamique de février 1979. Cette bienveillance est remise en cause au lendemain de la révolution khomeyniste : Faussement accusés de collusion avec la SAVAK (71), la police secrète du Shah, et d'hérétiques par le nouveau pouvoir (72), les Bahá'ís sont privés explicitement de tout droit civique et cultuel. Pourchassés, la maison du Báb à Chiraz (un des lieux saint du Bábisme et du Bahá'ísme) est détruite en septembre 1979, expulsés de leurs emplois et des écoles ils subiront une période de dure répression. Tous les membres de l'Assemblée Nationale, que personne n'a jamais revu, sont arrêtés en août 1980 (73) et malgré les protestations de l'ONU le bilan de la période 78-85 est accablant : plus de 150 morts, une vingtaine de lynchés et 14 disparus. Amnesty International et l'ONU dénoncent régulièrement le traitement réservé à cette minorité religieuse, forte de 300000 à 500000 fidèles (sur une population d'environ 60 millions d'habitants), sans résultat. La communauté baha'ie internationale s'est mobilisée, et se mobilise encore, afin de leur porter secours par divers plans d'immigration et d'aide à la réinsertion dans un pays d'accueil.

Le rapport d'octobre 1997, du rapporteur spécial des Nations-Unies sur les droits de l'Homme, le professeur Copithorne, fait état de la poursuite des persécutions et de la multiplication de meurtres de Bahá'ís, non élucidés. Il ressort de cette enquête que les persécutions sont essentiellement d'ordre religieux.

ET DEMAIN ?

La situation dans les autres pays du globe n'est en aucune façon comparable. Ses 6 millions de fidèles, sa présence dans plus de 200 pays et territoires dépendants et sa reconnaissance internationale confère à la communauté baha'ie une autorité spirituelle de fait. De multiples pays lui accordent un statut cultuel ou associé, et certains (74) reconnaissent leurs fêtes religieuses, mais le retour de l'Islam politique fait de nouveau craindre une répression ou tout du moins un harcèlement des Bahá'ís dans certains pays (75).

Les bouleversements de ce siècle, que les Bahá'ís expliquent par la venue de Baha-u-llah, et la très forte progression de leur foi dans les 50 dernières années leur laissent penser que ce 21ème siècle annoncé comme "spirituel" par Malraux sera celui de la Foi Baha'ie. "La terre n'est qu'un seul pays et tous les Hommes en sont les citoyens" a prophétisé Baha-u-llah.

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NOTES
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1 Mahomet est la transcription francisée de Mohammad, Prophète de l'Islam.

Dans le texte, la translittération adoptée pour l'ensemble des noms propres est simplifiée.

2 De l'Arabe khârijiya qui signifie "sortant" ou "révolté". Ils contestent la position d'Ali qui accepte de se soumettre à un arbitrage humain et ce en contradiction avec un verset du Coran (Les Appartements, XLIX, 9).

3 Considéré comme le premier martyr du Shi'isme, sa mort à Kerbala est encore commémoré de nos jours lors de la fête de l'âshûrâ qui donne lieu à des scènes spectaculaires où les fidèles s'affligent de nombreux sévices.

4 Kaysanisme, Zaydisme , Ismaélisme qui se différencieront aussi par des dissensions internes..

5 Le 25 décembre 873 ou le 1er janvier 874

6 La notion de Báb est présente chez les Ismaéliens.

7 Certains théologiens shi'ites affirment que le 12ème Imam est le Paraclet de l'Evangile de Jean, ou le Saoshyant des Zoroastriens. Les Bahá'ís identifient Mahomet comme le Paraclet, et Baha-u-llah comme le Saoshyant.

8 De l'Arabe sûf, nom de la robe de laine que portaient ses premiers représentants, le Soufisme désigne un large courant mystique présent dans l'ensemble du monde islamique dès le 8ème siècle. Bien que souvent considérées comme hétérodoxes par les courants "officiels" de l'Islam, les centaines de confréries soufies ont largement influencé la théologie musulmane.

9 De safawiya, nom d'une confrérie soufie sunnite, née au 13ème siècle dans la province d'Azerbaïdjan. Ralliés au Shi'isme au 15ème siècle, ce nom restera attaché à la dynastie.

10 Ismaïl ibn Haydar régna de 1501 à 1521 sous le nom d'Ismaël Shah. Premier souverain de la dynastie des Séfévides qui dirigera la Perse jusqu'en 1732.

11 Le Shi'isme est parfois considéré comme un rite, dénommé jafarite, et non comme un schisme, au même titre que les quatre rites du Sunnisme (hanafite, chaféite, hanbalite, malékite)

12 Religion monothéiste révélée, enseignée au 7ème siècle av. JC par Zarathushtra son prophète.

13 Ahmad al-Ahsai (1753-1826)
14 Dynastie d'origine turkmène.

15 Date de la mort du 11ème Imam et de la disparition de son fils, Muhammad al-Mahdi al-Muntazar, 12ème Imam. Le millénaire de cette date (260 du calendrier musulman) correspond à 1844-45 (1260 du calendrier musulman).

16 Ali Mohammad est né le 20 octobre 1818 ou le 9 octobre 1820 à Chiraz dans une famille de marchands.

17 kayyun al-asma ou commentaire de la Sourate de Joseph (Coran, XII), considéré par les Bábis comme la première œuvre révélée du Báb

18 Joseph Arthur de Gobineau, Les religions et les philosophie dans l'Asie centrale, Paris, 1865.

19 L'influence des Hurufis (de l'Arabe huruf, lettre), courant mystique musulman du 14ème siècle qui donne une valeur numérique à chaque lettre (numérologie) de l'alphabet arabe et en tire une exégèse du Coran un peu à l'image des Kabbalistes juifs, est plus marquée chez les Bábis que chez les Bahá'ís qui ne gardent que le côté symbolique des chiffres.

20 adhân, terme désignant l'appel lancé avant l'heure de chaque prière par le mu'adhdhin, le "muezzin" en Français.

21 Mirza Husayn Ali, né le 12 novembre 1817 dans une famille aisée de Téhéran.

22 Mirza Yahya, demi-frère de Mirza Husayn Ali, né en 1830

23 Zarrin-Taj, une des "Lettres du Vivant", connu sous le nom de Kurrat al-ayn (Lumière de l'œil) ou de Tahirih (La Pure) est la traductrice du Kayyun al-asma en persan. Sarah Bernhardt demandera à Catulle Mendès de réaliser une pièce de théâtre sur la vie de cette héroïne Bábie qui mourra étranglée sur ordre des autorités.

24 Insurrections à Nayriz dans le Fars, dirigée par Yahya-i-Darabi, de juin 1849 à janvier 1850, ainsi qu'à Zanjan dans le Hamse de janvier à décembre 1850... qui se solderont à chaque fois par le massacre de tous les survivants malgré des réditions négociées.

25 taqiya, terme arabe signifiant "prudence, crainte", désignant le précepte coranique (Coran, XVI, 108) qui autorise les croyants à dissimuler leur foi dans un environnement hostile. Il n'est pas utilisé par les Bahá'ís.

26 Selon des sources Bábies et musulmanes.

27 Mirza Musa, jeune frère de Baha-u-llah, sauve les restes du Báb avant de mourir à Acre en 1887.

28 Baha-u-llah en ordonnera la construction.
29 Ernest Renan, Les Apôtres, 1863

30 Depuis les nombreuses guerres russo-iraniennes du début du 19ème siècle, la Russie joue un rôle important dans la vie politique du pays. La Russie et la Grande-Bretagne s'affrontent pour le contrôle de l'espace iranien qui offre un accès au Golfe Persique et à l'Océan Indien pour les premiers alors que les Britanniques y voit une charnière importante, tout comme pour l'Afghanistan, sur la route des Indes qu'ils tentent de conserver.

31 Naqshabandiya, confrérie mystique, fidèle au Sunnisme, fondée au 14ème siècle par Bahá al-Din al-Nasqshabandi

32 Plusieurs "Lettres du Vivant" se déclareront "Manifestation divine" ainsi que le Bábi Mirza Asadu-llah, assassiné par un autre Bábi.

33 Le Bayan arabe et le Bayan persan (plus long) sont considérés comme les livres sacrés du Bábisme. Les principales règles du Bayan sont l'attente de la "Manifestation Divine", l'instauration d'une nouvelle qibla, orientation de la prière, vers la demeure du Báb et l'abrogation de nombreuses règles de l'Islam.

Le terme bayan signifie "Exposé" en arabe et est parfois utilisé pour désigné le Coran lui-même. Certaines traditions shi'ites attribuent à Fatima, la fille du Prophète Mohammad, la rédaction d'un livre intitulé Bayan.

34 La Reine Victoria, le Tsar, Napoléon III, Pie IX... Les deux lettres qu'il enverra à Napoléon III resteront sans effet sur celui-ci mais son traducteur et émissaire, César Catafago, vice-consul de France à Saint-Jean d'Acre, se convertira à la nouvelle foi.

35 Edward Granville Browne visitera Baha-u-llah à Acre et Subh-i-Azal à Famagouste en 1890 afin de recueillir leurs versions de l'histoire du Bábisme et de la naissance du Bahá'ísme. Browne est le premier Occidental à faire mention des Bahá'ís devant l'Essay Society le 29 mars 1888 ; il sera le traducteur de la première histoire des Bahá'ís écrite par Abbas Effendi le successeur de Baha-u-llah

36 Les Bábis fidèles au Bayan et à Subh-i-Azal sont de nos jours plusieurs milliers en Iran. Ils ont été très actifs au sein du mouvement constitutionnaliste (1906-1908) qui verra l'instauration d'un régime parlementaire en Iran et la proclamation d'une constitution, contrairement aux Bahá'ís qui refusent toute action politique.

37 Né le 23 mai 1844, le jour de la reconnaissance du Báb par Mulla Husayn, selon la tradition baha'ie.

38 La première communauté baha'ie américaine est créée en février 1894.

39 Un Unitarien est assassiné après avoir reçu une lettre menaçante d'Abdu-l-Baha.

40 Mohammad Ali accuse Abdu-l-Bahá de vouloir construire une forteresse sur le Mont Carmel et de préparer une insurrection, alors qu'il y construit un bâtiment qui servira en partie à recevoir les restes du Báb.

41 Au 4 rue de Camoëns
42 Réédité 3 fois.

43 A.L.M Nicolas est historien, interprète officiel de la Légation française à l'étranger il traduit des écrits du Báb et réalise plusieurs travaux sur le sujet. Séduit, il se convertit et devient le premier Bábi occidental.

44 Le Temps, 6 octobre 1903 pour les troubles anti-Bahá'ís de Yazd et d'Ispahan.

45 Echos Lyonnais, 24 mai 1908 ; Le Figaro, 10 avril 1909 ; La Liberté, 13 octobre 1911

46 En 1914, les Unitariens, en perte de vitesse, se réorganiseront en créant la National Association for Universal Religion sous la direction de Mohammad Ali.

47 Né le 3 mars 1898 à Acre. Fils de la fille aînée d'Abdu-l-Bahá et d'un membre de la famille du Báb.

48 Se basant sur une expertise graphologique, Ruth White, une Baha'ie américaine, conteste l'authenticité de ce testament. Quelques Bahá'ís créent Les Bahá'ís Libres.

49 Mouvement Baha'i, Irviniens et New History Society

50 En 1957, leur nombre passe à 27.

51 Enterré au Great Northern Cimetary de New Southgate au Royaume-Uni.

52 Environ 25000 lettres et différentes traductions des œuvres baha'ies. Il réalisera entre autre une histoire du Bábisme / Bahá'ísme (1844 - 1944) sous le titre de God Passes By.

53 Emeutes anti-baha'ies en 1955 après la tentative de coup d'Etat de Mossadegh.

54 Le 10 mai 1925.

55 En Allemagne, les Bahá'ís sont interdit en 1937.

56 Charles Manson Remey, président du Conseil International Baha'i, nommé par Shoghi Effendi, revendique son droit de succession. Dissident, il fonde La Foi Internationale Baha'ie Orthodoxe au début des années 60.

57 Les Qarmates du Bahreïn, au 10ème siècle, et les Nizaris d'Iran, au 12ème siècle, tout deux issus du Shi'isme ismaélien, abolirent tout ou partie de la loi coranique après la venue de "leur" prophète.

58 Beaucoup de dispositions légales sont une réponse à celles imposées par l'Islam. De plus de nombreuses références aux cultures iraniennes pré-islamiques sont présentes dans la théologie Bábie.

59 Les deux derniers sont issus de l'exégèse d'Abdu-l-Baha. Krishna est maintenant ajouté à cette liste.

60 Les textes Bahá'ís sont traduits dans plus de 800 langues et dialectes.

61 Ils sont très intéressé par l'IDO
62 Contrairement aux Bábis azalis.

63 Il en existe 7 dans le monde réparties entre les cinq continents. Un projet de construction est en cours d'élaboration pour la France.

64 Norouz est le nouvel an du calendrier iranien et zoroastrien.

65 21 avril, révélation de Baha-u-llah en 1863 ; 23 mai, manifestation du Báb ; 29 mai, mort de Baha-u-llah ; 9 juillet, martyr du Báb ; 20 octobre, naissance du Báb ; 12 novembre, naissance de Baha-u-llah.

66 Cinq jours pour les années bissextiles.

67 Le 30 avril 1912, lors de la 4ème conférence annuelle de l'Association pour le Progrès des Personnes de Couleur, au Handel Hall de Chicago.

68 Droits de l'Enfant, New York, 1991 ; Environnement, Rio, 1992 ; Droit de l'Homme, Vienne, 1993 ; Sommet Social, Copenhague, 1995 ; Droit des Femmes, Pékin, 1995 ; Habitat, Istanbul, 1996

69 Malkom Khan (1833-1908) et Djamaledin Asadabadi al-Afghani (1839 - 1897)

70 A l'exception des violences engendrées par les querelles de succession.

71 Responsable avec certains religieux de la propagande anti-Bahá'ís qui aboutit aux massacres de 1955 et 1963.

72 La Foi Baha'ie est officiellement interdite depuis le 29 août 1983

73 Le Monde, 29 août 1980
74 71 en 1986

75 Algérie, Egypte, Pakistan et Indonésie entre autres.

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