érudit Bahá'í et professeur universitaire en étude comparée des religions
Table des matièresLa doctrine de l'Alliance est fondamentale dans la Révélation de Bahá'u'lláh. Elle s'y trouve exposée d'une manière très explicite qui évite les nombreuses interprétations divergentes que les autres religions connaissent. Elle concerne non seulement l'alliance générale qui présente Bahá'u'lláh comme le Promis de toutes les religions, mais aussi l'alliance particulière que Bahá'u'lláh a conclue avec ses disciples pour assurer l'unité de sa communauté.
1. L'alliance généraleL'alliance générale ou grande alliance est celle qui, depuis l'origine de l'humanité, lie l'homme à son créateur. Elle se trouve exprimée dans l'Ancien Testament: Dieu parla ainsi à Noé et à ses fils: Voici que je conclus mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous. Dieu renouvela cette alliance par Abraham, Moïse et Jésus: Voilà pourquoi il (Jésus) est médiateur d'une nouvelle alliance. Muhammad confirme le renouvellement de l'alliance: Croyez à ce que j'ai révélé à (Muhammad) pour confirmer le message que vous avez déjà reçu. Ne soyez point les premiers à le récuser.
Cette même alliance se trouve aujourd'hui redéfinie par les révélations du Báb et de Bahá'u'lláh: Dieu a envoyé ses Messagers ici-bas pour succéder à Moïse et à Jésus, et il continuera à faire de même jusqu'à la "fin qui n'a point de fin", pour que du ciel de la divine bonté, sa grâce puisse être accordée à l'humanité de façon continue.
L'alliance générale est donc le moteur des civilisations, car à chaque révélation, les valeurs essentielles sont renouvelées avec la dimension qui correspond aux besoins de la société en évolution. De même les lois des révélations précédentes sont abolies, confirmées ou remplacées pour permettre cette évolution. La forme précédente de l'alliance devient caduque et l'acceptation de la forme nouvelle est impérative. En parlant d'une alliance nouvelle, il a rendu ancienne la première ; or ce qui devient ancien et qui vieillit est près de disparaître
Cette obligation de souscrire au renouvellement de l'alliance est tout à fait logique. À quoi servirait un nouveau médiateur s'il était indifférent d'accepter ou de refuser ce que la volonté divine nous envoie. Jésus le déclare sans ambiguïté: Je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne va au Père si ce n'est par moi. Bahá'u'lláh est tout aussi catégorique: Le premier devoir que Dieu a prescrit à ses serviteurs est de reconnaître celui qui est l'Aurore de sa révélation, la Fontaine de ses lois, et qui représente la Divinité, à la fois dans le royaume de sa cause et dans le monde de la création.
Les écrits de Bahá'u'lláh font allusion à trois mondes. Le monde de l'essence divine ('alam al-Haqq), inaccessible à qui que ce soit, y compris les Manifestations de Dieu qui ne sont donc pas une incarnation de sa réalité essentielle. Le monde de la cause ('alam al-amr) qui est le monde des Manifestations de Dieu reflétant les noms et attributs divins dans leur plénitude et le monde de la création ('alam al-Khalq).
Dans ces deux derniers mondes, les Manifestations représentent la Divinité et peuvent donc proclamer: Il n'est d'autre Dieu que Moi. Car Dieu ne peut être conçu sans la médiation de ses Messagers: Celui qui, de toute éternité, est resté caché aux yeux des hommes ne peut être connu que par sa Manifestation. Ceux qui croient avoir accès à la connaissance du divin par leurs propres facultés et pouvoir se passer du Messager divin sont donc l'objet de leur propre illusion.
Qu'en est-il dès lors du libre-arbitre de l'homme car il est clair que de toutes les créatures, seul l'homme est doué de raison, donc de la faculté de choisir sa voie. Les écrits Bahá'ís ne nient pas cette faculté chez l'homme: Ayant créé le monde et tout ce qui y vit et s'y meut, Dieu a voulu conférer à l'homme, en privilège unique, par l'opération directe de sa volonté libre et souveraine, la capacité de le connaître et de l'aimer, le dotant ainsi d'une faculté dont l'exercice doit être regardé comme la raison d'être, la fin principale et dernière de la création.
Est-ce à dire que l'homme, parce qu'il a la responsabilité de choisir, est affranchi des conséquences de son choix ? C'est une fausse conception de la liberté. Si peu que vous le sachiez, la vraie liberté pour l'homme consiste à se soumettre à mes commandements. Le choix de l'homme engendre inéluctablement le jugement de Dieu. Quiconque accomplit ce devoir (reconnaître la Manifestation) a atteint au bien souverain et quiconque y manque s'est écarté du droit chemin. C'est ce que déclare Muhammad: la vraie religion est l'islám.
Si le choix de l'homme est soumis au jugement de Dieu, si donc il conditionne l'état spirituel de l'âme immortelle dans le monde de l'au-delà, il n'est en aucun cas soumis au jugement des hommes.
Celui qui reconnaît Bahá'u'lláh n'a aucun droit de se croire supérieur, ni de condamner ceux qui ne le reconnaissent pas. Ne savez-vous pas pourquoi nous vous avons tous créés de la même poussière ? C'est pour que nul ne s'élève au-dessus des autres. De plus celui qui a reconnu la Manifestation de Dieu n'a pas pour autant satisfait à tous ses devoirs.
À tous ceux qui atteignent ce rang le plus sublime, cette cime de gloire transcendante, il convient d'observer chaque ordonnance de celui qui est le Désir du monde. Ces devoirs jumeaux sont inséparables. Qui peut se vanter de pouvoir observer sans jamais faillir tout ce que nous ordonne le Messager divin dans sa révélation ? C'est pourquoi Dieu nous enjoint l'humilité afin qu'à notre égard, sa justice soit tempérée par sa miséricorde.
Et cette justice et cette miséricorde, il les accorde à tous et chacun selon leurs mérites que lui seul peut juger. Aussi le commandement formel de Bahá'u'lláh en ce qui concerne les relations entre les hommes est-il l'amour et la fraternité. Fréquentez les disciples de toutes les religions dans un esprit d'amour et de fraternité. La révélation de ces mots a annulé et aboli tout ce qui a pu amener les enfants des hommes à se fuir mutuellement et tout ce qui a causé des dissensions et des divisions parmi eux.
Est donc aussi abolie la distinction entre croyants et incroyants et tous sont invités à pratiquer le même respect réciproque et à se fréquenter en toute amitié. Bahá'u'lláh abroge toutes les dispositions que l'on trouve dans les Ecrits sacrés, de même que toutes les interprétations radicales imaginées par les autorités religieuses au cours de l'histoire des religions, dispositions qui ont trait de près ou de loin avec des notions comme la conversion forcée des peuples, l'inquisition, la guerre sainte ou l'apostasie, bref tout ce qui est dû à l'intolérance et au fanatisme.
Telles sont les implications de la grande alliance pour l'humanité. Dans celle-ci Bahá'u'lláh n'est pas tout à fait un Messager comme ses prédécesseurs. Ceci est une question délicate qu'il importe de bien comprendre. Chaque Manifestation de Dieu a annoncé son successeur comme une des clauses de l'alliance et Bahá'u'lláh a fait de même pour une révélation future qui ne se produira toutefois pas avant mille ans accomplis.
Quiconque prétend à une révélation directe de Dieu avant l'expiration de mille ans révolus est, assurément, un imposteur, un menteur. Mais la manifestation de Bahá'u'lláh a été annoncée par tous les Messagers qui l'ont précédé comme le Promis et le Désiré de toutes les nations dont l'arrivée marque "la fin des temps", le "jugement dernier". Les "temps" dont il est ici question sont une série de cycles prophétiques dont le dernier est celui de la manifestation de Muhammad. Chaque révélation est aussi un jour de "jugement "pour l'humanité.
À la fin des temps prophétiques, apparaît celui qui accomplit toutes les écritures saintes en clôturant ce cycle préparatoire et en inaugurant un nouveau cycle qui verra l'accomplissement progressif de toutes les promesses. Bahá'u'lláh nous déclare, d'une part que toutes les Manifestations de Dieu sont égales devant Dieu, qu'elles sont toutes "le sceau des prophètes".
Gardez vous, ô croyants en l'unité de Dieu, de distinguer entre les manifestations de sa cause, de faire à leur sujet quelque discrimination qui aille à l'encontre des signes dont s'est accompagnée leur révélation. Mais il occupe par ailleurs, un rang spécifique, celui de Messie de la fin des temps, évoqué par de nombreux noms: Gloire du Seigneur, Père éternel, Prince de la paix, Conseiller, Fils de l'homme venant dans la gloire du Père, la Gloire de Dieu, Sháh Bahrám, Bouddha Maytreya, dixième Avatar.
Il ne s'agit pas de reconnaître à la personne de Bahá'u'lláh une supériorité quelconque sur les autres Messagers, mais de reconnaître la place particulière qui est la sienne dans la succession des Messagers, ce qui lui vaut d'être qualifié de "Manifestation suprême".
Avec sa révélation, tous les noms de Dieu sont dévoilés, y compris le nom caché que Muhammad n'avait pas révélé, le plus grand Nom. Sa révélation est celle de l'unité de l'humanité, étape ultime de l'évolution humaine, mais qui demandera de nombreuses autres révélations pour accomplir toutes ses potentialités. Comment ne pas comprendre qu'il appartient à l'humanité tout entière de recevoir ce message destiné à unir tous les hommes et à établir la très grande Paix !
2. L'alliance spécialeL'alliance spéciale ou petite alliance est celle que la Manifestation de Dieu conclut avec ses disciples et qui est valable pour la durée de son cycle. Chaque Manifestation a établi une telle alliance.
Mais celle-ci n'a jamais été formulée de façon explicite, ni fait l'objet d'aucun document écrit. Cette absence de texte irréfutable est une des causes des nombreux schismes et divisions qui ont émaillé l'histoire des religions. Pour la première fois dans l'histoire d'une révélation, nous trouvons des textes qui définissent de façon précise les clauses de cette alliance spécifique.
Il s'agit notamment du Très-Saint Livre (Kitáb-i-Aqdas) et du Livre de l'alliance (Kitáb-i-'Ahd). 'Abdu'l-Bahá est désigné de manière incontestable comme le Centre de cette alliance avec le pouvoir de donner à tous les écrits de Bahá'u'lláh l'interprétation qui lie les croyants au même titre que le texte lui-même. Quand l'océan de ma présence aura reflué et que le livre de ma révélation sera achevé, tournez votre visage vers celui qui est le Dessein de Dieu, celui qui est la Branche issue de cette antique Racine.
Si ce texte pouvait laisser quelque doute pour savoir qui était cette Branche dont parle Bahá'u'lláh, le Testament de celui-ci enlève notoirement ce doute. Après avoir cité ce verset du Kitáb-i-Aqdas, Bahá'u'lláh précise: L'objet de ce verset sacré n'est autre que la plus grande Branche...
En vérité, Dieu a voulu que le rang de la grande Branche soit en dessous de celui de la plus grande Branche. Le terme arabe utilisé par Bahá'u'lláh, et qui signifie "branche" est "ghusn" désigne les descendants masculins en ligne directe de Bahá'u'lláh.
Parmi ceux-ci, Bahá'u'lláh avait attribué trois titres particuliers: Ghusn-i-A'zam (la plus grande Branche) à 'Abdu'l-Bahá, Ghusn-i-Akbar (Branche plus grande) à Muhammad 'Alí et Ghusn-i-Attar (Branche la plus pure) à Mirza Mihdí, le frère de 'Abdu'l-Bahá qui décéda dans un accident survenu dans la prison d'Acre. Aucun doute n'est donc permis quant à la désignation des personnes. 'Abdu'l-Bahá a été désigné sans contestation possible comme Centre de l'alliance et sa fonction est également précisée.
Ô peuples du monde ! Quand la Colombe mystique, de son sanctuaire de louange, aura pris son vol et cherché son but lointain, sa demeure cachée, adressez-vous pour tout ce que vous ne comprenez pas dans le Livre à celui qui est la Branche issue de cette puissante souche. Le "sanctuaire de louange" est le monde terrestre d'où Bahá'u'lláh adresse ses louanges et la "demeure cachée", le "but lointain" sont le Royaume d'Abhá.
Ce verset indique clairement que la fonction principale du Centre de l'alliance est d'interpréter les versets révélés lorsque cela est nécessaire. Cette interprétation a la même autorité que le texte lui-même et lie par conséquent ceux qui adhèrent à l'alliance particulière de Bahá'u'lláh. Cette désignation de 'Abdu'l-Bahá avait déjà été préparée par des textes où son rang était exalté. La Lawh-i-Khalíl répond aux questions soulevées en Iran par des lettres envoyées par Muhammad 'Alí dans lesquelles celui-ci prétend avoir reçu des révélations directes de Dieu.
Bahá'u'lláh précise qu'aucun de ses fils ne dispose de la grande infaillibilité dont jouit uniquement la Manifestation de Dieu. Il cite 'Abdu'l-Bahá en exemple et déclare que "de ses lèvres, Dieu fera couler les signes de sa puissance" ou qu'il est "celui que Dieu a spécialement choisi pour sa cause".
Plus remarquables encore sont les titres donnés à 'Abdu'l-Bahá dans la Súriy-i-Ghusn: Cet être sacré et glorieux, cette Branche de sainteté, ce bras de la loi de Dieu, sa plus grande faveur envers les hommes, sa plus parfaite générosité à leur égard.
Ce pouvoir d'interprétation, 'Abdu'l-Bahá l'a transmis avec la même autorité à Shoghi Effendi en tant que Gardien de la Cause. Ô mes amis affectueux ! Après la disparition de cet opprimé, il incombe aux Aghsán, aux Afnán de l'Arbre sacré, aux Mains de la cause de Dieu et aux bien-aimés de la beauté d'Abhá de se tourner vers Shoghi Effendi... car c'est lui le signe de Dieu, la branche élue, le Gardien de la cause de Dieu vers lequel doivent se tourner les Aghsán, les Afnán, les Mains de la cause de Dieu, ainsi que ses bien-aimés. Il est l'interprète des paroles de Dieu et, après lui, le premier-né de ses descendants directs lui succédera.
'Abdu'l-Bahá stipulait clairement dans son Testament que le Gardien devait nommer son successeur durant son vivant et faire ratifier son choix par un collège de neuf Mains de la cause. Pour cela, il eut fallu que Shoghi Effendi ait des descendants. Or toute lignée de descendants s'interrompt un jour et cette situation avait été prévue par Bahá'u'lláh.
Après lui (l'Orient de la révélation, Bahá'u'lláh) cette autorité (celle de gérer les dotations consacrées aux oeuvres de bienfaisance) passera aux Aghsán et, après eux, à la Maison de justice. Après eux, signifie bien après qu'il n'y aura plus de Branches restées fidèles à l'alliance car Bahá'u'lláh avait stipulé que la rupture de l'alliance entraînait la perte de tous les droits chez ses descendants. S'adressant de manière explicite à Muhammad 'Alí, Bahá'u'lláh déclare: S'il s'éloignait, fut-ce un moment, de l'ombre de la cause, il serait sûrement réduit à néant. Shoghi Effendi n'eut donc pas la possibilité de désigner de son vivant celui qui aurait pu lui succéder en tant que Gardien car avec lui s'accomplissait la prémonition de Bahá'u'lláh de voir s'interrompre la lignée de ses descendants fidèles à l'alliance.
Il n'y a pas lieu de spéculer sur le pourquoi de cette situation car souvent les chemins de Dieu sont insondables. Le fait est là ; Il n'y eut que deux personnes pour assumer la fonction d'interprète des écrits avec une autorité qui confère à ces interprétations la même valeur que le texte lui-même. Qu'il n'y ait plus de Gardien ne signifie pas que le Gardiennat n'existe plus. Celui-ci est représenté aujourd'hui par l'ensemble des écrits de 'Abdu'l-Bahá et de Shoghi Effendi, écrits auxquels la Maison de justice peut se référer pour exercer sa propre mission.
La fin de l'autorité en matière d'interprétation ne signifie nullement que les croyants n'aient pas le droit de comprendre le texte en faisant leur propre interprétation, à la condition que celle-ci reste compatible avec les interprétations éventuellement données par 'Abdu'l-Bahá ou Shoghi Effendi car leur autorité en la matière ne peut être contestée. Ce droit est le principe même de la recherche personnelle et indépendante de la vérité. Mais une telle interprétation, fut-elle l'oeuvre du plus grand savant de la cause, ne lie personne, même s'il est utile d'écouter avec attention les commentaires et remarques des grands instructeurs de la cause. Il est donc impossible sans rompre l'Alliance de créer des écoles de pensées qui entraîneraient des schismes et des divisions.
Quant au pouvoir de légiférer en toute matière qui ne serait pas prévue dans le Livre des lois ou qui demanderait une législation complémentaire, Bahá'u'lláh l'a explicitement conféré à la Maison universelle de justice selon l'épître d'Ishráqát, citée dans la publication du Kitáb-i-Aqdas.
De plus 'Abdu'l-Bahá confère à ces deux institutions, le Gardiennat et la Maison de justice, une protection particulière dans l'exercice de leur fonction respective. La jeune branche sacrée, le Gardien de la cause de Dieu, ainsi que la Maison universelle de justice qui doit être établie par des élections universelles sont toutes deux sous la garde et la protection de la Beauté d'Abhá, sous la sauvegarde et l'infaillible direction de sa Sainteté, le Glorifié (que ma vie leur soit offerte à tous deux).
Ce qui implique que la Maison de justice est affranchie de toute erreur. Cette notion est liée à la foi de chacun dans le pouvoir conféré à 'Abdu'l-Bahá par Bahá'u'lláh. Cette infaillibilité du Gardien et de la Maison universelle de justice n'est pas pour autant une infaillibilité d'essence car celle-ci est réservée à la seule Manifestation de Dieu, mais une infaillibilité conférée par l'infaillible protection du Báb et de Bahá'u'lláh.
De plus cette infaillibilité n'existe que dans le cadre des fonctions exercées par l'un et par l'autre: interprétation en ce qui concerne le Gardien, législation en ce qui concerne la Maison universelle de justice. Toutes choses doivent être déférées à cet organisme. C'est lui qui édicte toutes les lois et tous les règlements qui ne se trouvent pas explicites dans le Texte sacré.
C'est par cet organisme que tous les problèmes difficiles doivent être résolus. Car le Testament de 'Abdu'l-Bahá est formel. Quiconque n'obéit pas au Gardien ni à la Maison universelle de justice n'a pas obéi à Dieu ; quiconque s'est révolté contre lui et contre elle, s'est révolté contre Dieu.
L'autorité de la Maison universelle de justice prend sa source dans les Ecrits de Bahá'u'lláh où il n'est nulle part indiqué que cette autorité dépend de la présence d'un Gardien à sa tête. Cette disposition a été prise par 'Abdu'l-Bahá mais se limitait évidemment à une époque où les deux institutions auraient pu exister en même temps. Car, dans cette hypothèse, les rapports entre les deux institutions devaient être bien définis.
Le Testament de 'Abdu'l-Bahá y pourvoyait de même qu'une des lettres importantes écrites par Shoghi Effendi, "La Dispensation de Bahá'u'lláh". Comme la Providence en a décidé autrement, ces textes doivent être lus mutis mutandis, ce qui n'enlève rien à l'autorité dont chacun est investi.
3. La Rupture de l'AllianceL'alliance particulière, implicite dans les Révélations précédentes, n'a pu y maintenir l'unité des croyants. Il en est résulté schismes et divisions. Bahá'u'lláh a commenté cette situation dans l'épître adressée à Shaykh Salmán. Dans la déclaration coranique "Il n'est de dieu que Dieu", la phrase commence par une négation suivie d'une affirmation.
Bahá'u'lláh interprète que la négation représente les opposants et les briseurs d'alliance. Comme la négation précède l'affirmation, cela signifie que les opposants ont souvent eu préséance sur les vrais croyants représentés par l'affirmation. Mais dans la nouvelle Révélation, l'affirmation "Il est Dieu" garantira le triomphe de l'Alliance contre toute tentative de rupture. L'histoire de notre Foi a déjà démontré à plusieurs reprises la pertinence de cette promesse.
La rupture de l'alliance est toutefois annoncée par 'Abdu'l-Bahá comme une nécessité vitale pour la préservation de la pureté de celle-ci. Ces troubles causés par les violateurs ne sont guère que de l'écume, qui est un des éléments inhérents à l'océan, mais l'océan de l'Alliance se soulèvera et rejettera ces corps morts sur la rive parce qu'il lui est impossible de les garder. Ainsi on peut constater que l'océan de l'Alliance s'est soulevé en grandes vagues jusqu'à ce qu'il ait rejeté les corps morts, ces âmes qui ont été privées de l'Esprit de Dieu et qui se sont égarées dans les passions, l'égoïsme et la recherche de la puissance. Mais, cette écume de l'océan ne sera que passagère, elle se dispersera et disparaîtra, tandis que l'océan de l'Alliance se soulèvera et fera entendre éternellement son grondement.
Ce processus d'assainissement est confirmé par Shoghi Effendi: Le schisme que leurs chefs (des briseurs d'alliance) insensés tentèrent avec persévérance de provoquer dans la Foi sera vu rapidement, et à leur surprise complète, comme un processus d'assainissement, un agent nettoyant, qui, loin de décimer les rangs de ses disciples, renforce son unité indestructible et démontre une fois encore à un monde sceptique et indifférent, la force de cohésion de ses buts et de ses principes et le pouvoir de récupération inhérent à sa vie communautaire.
Ces ruptures de l'Alliance n'ont toutefois pas le pouvoir de briser l'unité de la Cause comme l'a garanti Bahá'u'lláh dans l'épître à Salmán, ce que confirme Shoghi Effendi: L'extinction de l'influence précaire exercée par quelques-uns de ces ennemis, le déclin subi par le destin d'autres, le repentir sincère que d'autres encore exprimèrent puis leur réintégration dans le cadre des activités d'enseignement et de l'administration de la Foi, tout cela forme une évidence suffisante de la force irrésistible et de l'esprit invincible qui anime ceux qui s'identifient avec le Testament de 'Abdu'l-Bahá et appliquent ses clauses et ses injonctions.
Nous ne devons donc pas nous faire de souci ou nous décourager lorsque nous constatons des oppositions. Venant de l'extérieur, ces oppositions nous ont été prédites ; elles se sont déjà produites à plusieurs reprises et se produiront encore. Très souvent, elles ont une influence bénéfique sur l'évolution de la Cause ; elles attirent l'attention et permettent souvent aux institutions de la Foi d'avoir accès aux media pour donner les informations correctes.
Ce qui nous affecte le plus, c'est lorsque l'opposition naît à l'intérieur de la communauté, sous forme de critique négative ou de mise en cause de nos institutions.
Il ne faut pas confondre ces critiques négatives émises dans un esprit d'opposition avec le droit fondamental des croyants d'exprimer librement leur avis, leurs suggestions ou recommandations... En ce qui concerne votre... lettre où vous demandez si les croyants ont le droit d'exprimer publiquement leur critique au sujet de toute action ou politique de l'assemblée ; c'est non seulement le droit, mais la responsabilité vitale de tout membre loyal et intelligent de la communauté d'offrir totalement et franchement à l'assemblée, avec tout le respect dû à l'autorité de celle-ci, toute suggestion, recommandation ou critique qu'il pense, en âme et conscience, capable d'améliorer ou corriger certaines conditions ou tendances dans sa communauté locale, et c'est le devoir de l'assemblée d'accorder une attention minutieuse aux vues que lui soumet tout croyant.
Une fois son opinion offerte, le croyant doit avoir confiance en son assemblée et accepter sa décision quelle qu'elle soit, sauf d'exercer son droit de recours auprès de l'assemblée elle-même ou de l'institution supérieure dans le cas où il est convaincu que certains principes de la Foi n'ont pas été respectés, avec le souci d'accepter de tout coeur la décision qui s'en suivra.
Il arrive que des membres de la communauté demandent à quitter celle-ci. Certains le font parce qu'ils ne sont pas d'accord avec des décisions de la Maison universelle de justice et expriment leur désaccord publiquement, notamment sur des sites Internet. Nous ne pouvons les considérer comme des briseurs d'alliance, même lorsqu'ils se conduisent comme de véritables ennemis de la Foi. Ils ne sont plus membres de la communauté, parce qu'ils méconnaissent une des conditions fondamentales de cette appartenance: la fidélité dans l'alliance particulière de Bahá'u'lláh.
Nous devons toutefois nous préserver de l'influence pernicieuse que peuvent avoir leurs déclarations. Pour cela, le meilleur moyen est de nous approfondir dans la connaissance des écrits de Bahá'u'lláh, de 'Abdu'l-Bahá et de Shoghi Effendi, et de rechercher les conseils de la Maison universelle de justice. Certaines personnes qui ont quitté la Foi se conduisent d'une manière sérieusement destructive, sans que leurs actions doivent nécessairement être considérées comme une rupture de l'Alliance. Lorsque ces personnes ont montré qu'elles étaient imperméables aux explications et exhortations des institutions bahá'íes, une association continue avec elles peut s'avérer lourde de conséquences et peut exercer une influence spirituelle corrosive sur la foi des croyants. Dans de tels cas, l'Institution suprême de la foi, peut simplement conseiller aux Bahá'ís de les laisser à leur sort.
Est briseur d'alliance celui que l'Institution centrale de la Foi a formellement déclaré comme tel, représentée d'abord par 'Abdu'l-Bahá, puis par Shoghi Effendi et maintenant par la Maison universelle de justice. Personne d'autre n'a le droit de dire quelqu'un briseur d'alliance si cela n'a été déclaré par cette Institution centrale. Le chemin vers la rupture de l'Alliance commence souvent par l'opposition à l'Institution centrale de la Foi. Malgré tous les efforts déployés pour "aider cette personne à reconnaître le caractère erroné et illogique de son action", on ne parvient pas toujours à empêcher celui qui s'engage dans cette voie, à persister dans son attitude. Si bien qu'il ne reste d'autre alternative à l'Institution centrale de la Foi que de déclarer cette personne "briseur d'alliance".
Lorsque nous rencontrons quelqu'un qui rejette une notion fondamentale de notre Foi, comme l'institution du Gardiennat, nous devons nous assurer que cela n'est pas la conséquence de l'ignorance ou d'un manque de formation avant de prendre des mesures. Nous ne devons pas imaginer immédiatement que cette personne est infectée par l'esprit de la rupture de l'Alliance. Si toutefois, cela s'avère être le cas, alors l'assemblée doit prendre des mesures radicales.
L'attitude que les croyants doivent avoir envers les briseurs d'alliance est définie par Bahá'u'lláh lui-même: Protégez-vous avec la plus grande vigilance, si vous ne voulez pas tomber dans le piège de la déception et de la tromperie. Ainsi vous le conseille la Plume du destin. En conséquence, éviter ces gens est le chemin le plus proche pour atteindre la bienveillance divine, car leur haleine est contagieuse comme du poison. Efforcez-vous de vous protéger au mieux, car Satan apparaît sous différents vêtements et attire chacun selon son tempérament au point de s'identifier à lui ; alors il (Satan) l'abandonnera à lui-même... Si vous décelez en quelqu'un le moindre signe de violation, rejetez-le et écartez-vous de lui. En vérité, ils sont les manifestations de Satan.
'Abdu'l-Bahá nous le confirme: Et maintenant, parmi les principes fondamentaux de la cause de Dieu, l'un des plus importants est de fuir et d'éviter entièrement les briseurs d'alliance, car ils détruiraient la cause de Dieu de fond en comble, extermineraient sa loi et rendraient inutiles tous les efforts exercés dans le passé.
Cette injonction est valable, non seulement envers le briseur d'alliance lui-même, mais aussi envers ses descendants ou les membres de sa famille qui n'auraient pas pris leurs propres distances avec la personne dont question ainsi qu'envers toute personne qui la fréquente. Les croyants n'ont aucune excuse lorsqu'ils continuent à fréquenter... ou ceux qui, en connaissance de cause, persistent à le faire ; ils doivent être rejetés par les croyants. Cela s'applique aussi à ceux qui ont quitté la Foi et continuent à fréquenter... Les enfants des briseurs d'alliance, qui ont grandi et sont toujours en relation avec leurs parents, sont probablement sous l'influence profonde de l'esprit de rupture de l'alliance. Aussi, les amis doivent veiller à ne pas les fréquenter jusqu'à ce que les Mains de la cause aient acquis la certitude que ces enfants ont compris l'erreur de leurs parents et ont cessé de les fréquenter.
Qu'en est-il de la littérature produite par les briseurs d'alliance et les ennemis de la Foi ? Shoghi Effendi écrivait: Il est préférable de ne pas lire les livres des briseurs d'alliance car ceux-ci "haïssent la lumière" et souffrent d'une "lèpre spirituelle" si l'on peut dire.
Cette exhortation est confirmée par la Maison universelle de justice: La Maison universelle de justice nous demande de vous dire qu'elle recommande aux amis d'ignorer ces livres ainsi que toute littérature similaire écrite par les ennemis de la Foi. Il s'agit de conseils pour mettre en garde les croyants fermes dans l'alliance et pour leur éviter le danger d'être ébranlés par des arguties insidieuses, contre lesquelles les croyants ne sont pas toujours armés pour comprendre comment la vérité est détournée.
Il ne s'agit donc pas d'une loi à laquelle le croyant devrait obéir sous peine de sanction, mais les exhortations du Centre de la cause sont tout aussi importantes que les lois elles-mêmes et il est vital pour nous de suivre de tels conseils. Il y a bien sûr des cas où la lecture de cette littérature est nécessaire. Les institutions chargées de la protection de la Cause, comme les Conseillers ou les membres des conseils auxiliaires lorsqu'ils sont mandatés à cette fin par les Conseillers, doivent évidemment être capables de répondre aux questions des croyants. Il en est de même pour ceux qui doivent publier des ouvrages dans les milieux académiques et qui ne peuvent ignorer la littérature des briseurs d'alliance ou des ennemis de la Foi. Ils sont bien obligés de s'exposer à ce danger de contamination. En tout état de cause, le meilleur remède contre cette "lèpre" est l'approfondissement dans les écrits de la Foi car là est la vérité.
La Cause a connu plusieurs générations de briseurs d'alliance. La première de celles-ci est représentée par Mízá Yahyá, le demi-frère de Bahá'u'lláh, qui rompit l'alliance du Báb et entraîna dans son sillage un certain nombre de Bábís qui se privèrent de la bénédiction de la révélation de
Bahá'u'lláh. Mirza Yahyá finit misérablement ses jours à Chypre, abandonné de tous, y compris de ses fils. Ses partisans qui reçurent le nom d'azalís, se dispersèrent et leurs descendants actuels ne sont plus une communauté organisée.
Après l'ascension de Bahá'u'lláh, ce fut le tour de tous les demi-frères et demi-soeurs de 'Abdu'l-Bahá. Mirza Muhammad 'Alí, ses deux frères Mirza Dhiyá'u'lláh et Mirza Badí'u'lláh, sa soeur Samadíyyih avec son mari, Majdu'd-Dín - fils de Mirza Músá, frère de Bahá'u'lláh - et sa demi-soeur Furúghíyyih avec son mari, Siyyid 'Alí Afnán - fils du Grand Afnán, frère de l'épouse du Báb - se groupèrent pour s'opposer à 'Abdu'l-Bahá et contester la validité du Testament de Bahá'u'lláh.
C'est ainsi que Mirza Muhammad 'Alí eut le triste privilège d'être appelé "'archibriseur de l'Alliance". Ils réussirent à entraîner avec eux quelques croyants éminents comme Mirza Aqá Ján, le secrétaire personnel de Bahá'u'lláh, ainsi que Muhammad Javád-i-Qazvíní, Siyyid Mihdíy-i-Dahají, Jamal-i-Burújirdí, tous trois honorés par Bahá'u'lláh du titre de 'Ismu'lláh (le nom de Dieu) parce qu'ils furent pendant la vie de Bahá'u'lláh de grands instructeurs de la Cause.
Cet épisode illustre une constante dans la Cause et qui se produit encore aujourd'hui. Pour avoir côtoyé Bahá'u'lláh, ou plus tard le Centre de la Cause, et pour avoir reçu pendant leur vie honneurs et flatteries, des personnages éminents qui ont rendu d'incontestables services, deviennent imbus de leur personne et pensent qu'ils jouissent d'une autorité particulière ou prétendent avoir une connaissance supérieure. Aussi s'écartent-ils de l'Alliance et finissent par la rompre.
Cette opposition à 'Abdu'l-Bahá fut l'épisode le plus tragique de l'histoire de la Foi, car elle se produisit au sein même de la famille de Bahá'u'lláh et sous l'instigation de celle-ci. Que la Cause l'ait totalement surmonté, démontre son pouvoir et sa capacité à traverser ces crises sans dommage pour son unité. Tous ont connu la désillusion d'une fin de vie peu recommandable, si bien qu'il n'en reste rien aujourd'hui. Mirza Muhammad 'Alí et Majdu'd-Dín vécurent très vieux et connurent la faillite de leur entreprise pernicieuse ainsi que les succès d'une communauté qu'ils avaient voulu détruire.
Ce fut encore le cas de Khayru'lláh, qui avait introduit la Foi aux Etats Unis et qui rejoignit les partisans de Mirza Muhammad 'Alí, parce que 'Abdu'l-Bahá n'avait pas voulu confirmer ses thèses déviantes et lui reconnaître autorité sur les croyants occidentaux comme il le revendiquait.
Lorsque Shoghi Effendi assuma la fonction de Gardien que son grand-père lui avait conférée, il eut à surmonter le même type de crise. Les descendants de Bahá'u'lláh qui s'étaient opposés à 'Abdu'l-Bahá, continuèrent à créer des difficultés à Shoghi Effendi qui eut à vivre le désespoir de voir toute sa famille et tous les descendants de 'Abdu'l-Bahá rompre l'alliance. Tous les membres de la famille de Bahá'u'lláh grandirent à l'ombre de la violation du Covenant... Il m'a toujours semblé que la division qui eut lieu dans la famille après l'ascension de Bahá'u'lláh et la désaffection successive, deux générations plus tard après la mort de 'Abdu'l-Bahá, de toute la famille de Shoghi Effendi, avaient commencé par une attitude d'esprit qui prit naissance à Bagdad avant même que Bahá'u'lláh ait déclaré sa mission.
On ne peut qu'y voir une intervention de la Providence car un seul Ghusn de la première génération est resté fidèle à Bahá'u'lláh. De même, un seul descendant de 'Abdu'l-Bahá est resté fidèle à son Testament, ce dont 'Abdu'l-Bahá avait eu la prémonition: Mes fils passèrent à l'éternité dans leur tendre enfance et dans ma lignée, parmi ma parenté, seul le petit Shoghi porte l'ombre de ce grand appel dans la profondeur de ses yeux
D'autre part, quelques croyants orgueilleux, mais proches de 'Abdu'l-Bahá, ne purent accepter qu'un tout jeune homme ait préséance sur eux. Ahmad Sohrab, Amínu'lláh Faríd, fils de Mirza Asadu'lláh beau-frère de 'Abdu'l-Bahá, furent parmi ceux-ci. Quant à une Américaine, Mrs White, elle partit en croisade pour démontrer que le Testament de 'Abdu'l-Bahá était un faux. Ce poison se répandit jusqu'en Europe où il contamina Hermann Zimmer qui écrivit un livre dans lequel il accusait Shoghi Effendi d'avoir inventé l'ordre administratif Bahá'í et dévalué la religion de Bahá'u'lláh en un shoghisme politique. De telles allégations méconnaissent des passages du Kitáb-i-Aqdas, des écrits postérieurs et du Testament de 'Abdu'l-Bahá, qui fondent de manière explicite les institutions de l'ordre administratif de Bahá'u'lláh.
Un Suisse du nom de Ficcichia, qui se révolta contre la Maison universelle de justice, reprit ce thème dans un livre qui reçut l'appui d'un Mouvement évangélique allemand, trouvant en cela un moyen de discréditer la Foi.
Quelques semaines après la mort, en novembre 1957, de Shoghi Effendi, les Mains de la Cause se réunirent en Terre Sainte et signèrent une déclaration conjointe dans laquelle ils déclarèrent Puisque tous les Aghsán sans exception soit sont morts soit ont été déclarés violateurs de l'Alliance par le Gardien, il est clair que Shoghi Effendi n'a pu nommer aucun successeur. En avril 1960, Mason Remey, un des cosignataires, revendiqua pour lui-même la fonction de "deuxième Gardien" en dépit de sa signature du document susmentionné, basant cette revendication sur le motif fallacieux que Shoghi Effendi l'avait nommé président du Conseil international bahá'í. Il n'y eut qu'une poignée de Bahá'ís pour le reconnaître.
Un petit groupe se réunit à New Mexico en 1961 pour créer "l'Assemblée spirituelle nationale des Bahá'ís des Etats-Unis sous le Gardiennat héréditaire". Ils intentèrent un procès, qu'ils perdirent, à l'Assemblée nationale légitime, revendiquant la propriété du Temple de Wilmette. Les attendus du jugement interdirent même à ce groupe d'utiliser la terminologie bahá'íe reconnue. Remey les empêcha de tenter une nouvelle action et prononça la dissolution de cette assemblée.
Le 21 septembre 1964, Remey créa le soi-disant "Deuxième Conseil international bahá'í" dont il nomma à la présidence Joël Marangella , un pionnier américain établi en France , qui avait accepté de le suivre dès les premières heures. Mais il y eut tellement de dissensions au sein de ce conseil que Remey prononça sa dissolution en octobre 1966.
En Mai 1967, Remey annonça la nomination de Donald Harvey, un autre de ses partisans, pour lui succéder en tant que "troisième gardien". C'est alors que Marangella prétendit détenir depuis décembre 1961 une lettre de Remey le nommant "troisième gardien", lettre que Remey lui avait demandé de ne pas ouvrir avant sa mort. En conséquence Marangella décréta que l'Ordre administratif Bahá'í ne concernait que la Foi Bábíe et devait être dissout, que Remey était atteint de sénilité et que lui, Marangella devait être considéré comme "le premier gardien de la foi bahá'íe". Shoghi Effendi n'avait donc pas été, à ses yeux, le Gardien de la foi bahá'íe mais le Gardien de la foi Bábíe.
Remey avait aussi été soutenu dès le départ par John Carré, un américain qui vécut en Belgique et épousa Georgine Mestach, une des premières croyantes de la communauté belge et qui avait été membre de la première Assemblée spirituelle locale de Bruxelles. John Carré, qui était un écrivain prolifique, inonda les Bahá'ís dont il connaissait l'adresse, de lettres les appelant à reconnaître Mason Remey. Lorsque les disputes éclatèrent entreHarvey et Marangella au sujet de la succession de Remey, Carré abandonna ceux-ci pour suivre un Iranien, Jamshíd Ma'ání, établi au Pakistan qui s'était proclamé "celui qui crée les Messagers à chaque instant (sic)".
Ma'ání fut rapidement interné à Téhéran pour maladie mentale. Aussi Carré se sentit-il investi lui-même d'une nouvelle mission, celle d'annoncer "les catastrophes de la fin du siècle" préparatoires à l'apparition de "la troisième Manifestation de Dieu". Il prit alors le nom de John Christofil (sans doute du grec, christophilos, ami du Christ).
Il reste à mentionner deux épisodes aussi tragi-comiques que les précédents. L'ancien secrétaire de l'Assemblée de New Mexico, Reginald ("Rex") King revendiquait la direction des Reymistes aux Etats-Unis ; il se rendit en Italie pour essayer de vaincre la résistance de Remey à ses projets. L'entrevue se passa très mal et King fut dénoncé par Remey comme "ayant désormais et pour l'éternité le rang de Sata"". Pour King, ni Remey ni Marangella n'avaient été "gardiens". Remey avait seulement assumé la fonction de "Régent" et lui, King, était "le second régent".
La revendication de leader des Reymistes aux Etats-Unis n'était pas l'apanage du seul Rex King. C'est ce que revendiquait aussi Leland Jensen qui avait aussi été membre de l'Assemblée de New Mexico et qui se disputait depuis lors avec King. Jensen annonça avoir reçu la visite d'un ange qui lui donna le nom de "Joshua", ce qui signifiait à ses yeux qu'il était le retour du Christ. Sa prédication de la "fin du monde" à trois occasions (29 avril, 7 mai et 22-23 mai 1980), lui valut l'abandon de ses quelques partisans.
Il n'en continua pas moins sa prétention à vouloir "couronner Roi du Royaume sous le Grand Prêtre (Jensen)" un certain Giuseppe Pepe, fils adoptif de Mason Remey. Ce Pepe écrivit aux institutions bahá'íes pour leur dire qu'il n'était pour rien dans cette mascarade et que son nom était utilisé abusivement. Jensen fut condamné pour conduite "obscène et lascive" et incarcéré dans la prison d'état du Montana.
De tout cela, il ne reste pratiquement rien aujourd'hui. La plupart des protagonistes sont morts (Remey en 1974, King en 1977, Harvey en 1991, Jensen en 1996). John Carré s'est égaré dans des rêves ésotériques. Seul Marangella continue encore ses activités. Il présente son mouvement sous le titre "La foi orthodoxe bahá'íe". Incapable d'intéresser le public à ses prétentions, il dépense son argent à essayer de détourner les Bahá'ís de l'Alliance par des annonces dans les journaux et des sites sur Internet.
Ces crises que l'histoire de la Foi a connues, ne sont pas secrètes. Le détail en a été publié par des historiens qualifiés. En être informés a aujourd'hui un intérêt pour les croyants, car la destinée lamentable de ces tentatives est une preuve irréfutable de la force de l'Alliance de Bahá'u'lláh et de la réalité de la promesse que les schismes ne prévaudront pas contre elle. Cela doit aussi nous inciter à faire preuve de vigilance et de discernement afin de ne pas être contaminés par l'influence pernicieuse qu'une littérature déformée peut exercer sur nous.
La rupture de l'Alliance est une chose extrêmement sérieuse. Bahá'u'lláh prédit un sort funeste pour ceux qui sont infidèles: Si elle (l'âme) est fidèle à Dieu, elle reflétera sa lumière et retournera un jour à lui. Si elle faillit dans son allégeance à son Créateur, elle sera victime de son ego et de ses passions et sombrera finalement dans les profondeurs de leur abîme. Encore que personne n'ait à juger de l'évolution de l'âme dans l'au-delà, car l'âme de tout homme est certes soumise à la justice de Dieu mais aussi à sa miséricorde et nous n'avons ni les moyens, ni le droit de dire comment il les exerce.
C'est pourquoi le Gardien et la Maison universelle de justice ont pratiqué la plus grande prudence et exercé tous les efforts possibles avant de déclarer un croyant briseur d'alliance.
Aujourd'hui encore, la Maison universelle de justice ne prononce une telle sentence que dans les cas où la personne concernée essaye de créer un schisme, se contentant de constater que certains ont tout simplement cessé d'être Bahá'ís, parce qu'ils ne remplissent plus les conditions pour faire partie de la communauté. Elle met les croyants en garde contre leur influence pernicieuse si tel est le cas, mais toute personne qui a quitté librement la Foi, tout comme elle y est librement entrée, doit être considérée comme faisant partie de l'humanité dans son ensemble, que les Bahá'ís sont fortement encouragés à fréquenter dans un esprit de joie et d'harmonie".
BIBLIOGRAPHIE