2. L'ORDRE MONDIAL DE Bahá'u'lláh - AUTRES CONSIDERATIONS
Une bénédiction déguiséeL'assaut de tous les peuples et de toutes les tribus
Différence entre la foi bahá'íe et les organisations ecclésiastiques
Un organisme vivantLe plus grand drame de l'histoire spirituelle du monde
3. LE BUT D'UN NOUVEL ORDRE MONDIALEcroulement de la structure politique et économique
Le principe de la sécurité collective de Bahá'u'lláh
La communauté du plus Grand Nom1. Aux membres de l'Assemblée Spirituelle Nationale des Bahá'ís des États-Unis et du Canada.
Mes bien chers collaborateurs !À la lecture de vos dernières communications, j'ai pris connaissance de la nature des doutes qu'a exprimés publiquement une personne tout à fait mal informée des préceptes véritables de la cause concernant la validité des institutions qui sont inextricablement liées à la foi de Bahá'u'lláh. Ce n'est pas parce que je considère un instant ces vagues inquiétudes comme un défi public lancé à la structure qui incarne la foi, et ce n'est pas parce que je doute le moins du monde de l'inébranlable ténacité de la foi des croyants d'Amérique que je me permets d'insister sur ce qui me paraît être une observation appropriée au stade actuel de l'évolution de notre cause bien-aimée. Je suis, en fait, enclin à bien accueillir l'expression de ces appréhensions dans la mesure où elle me fournit une occasion de familiariser les représentants élus des croyants avec l'origine et le caractère des institutions qui sont à la base même de l'ordre mondial instauré par Bahá'u'lláh. Nous devrions être sincèrement reconnaissants envers ces tentatives futiles pour saper notre foi bien-aimée - tentatives qui, de temps à autre, avancent leur visage répugnant et semblent capables un moment de créer une brèche dans les rangs des fidèles, mais qui s'enfoncent finalement dans les ténèbres de l'oubli, et auxquelles on ne pense plus. Nous devrions considérer de tels incidents comme des interventions de la Providence destinées à fortifier notre foi, à clarifier notre vision et à approfondir notre compréhension des éléments essentiels de sa révélation divine.
Origines de l'ordre mondial bahá'íIl serait toutefois utile et instructif de garder à l'esprit certains principes de base relatifs au Testament de 'Abdu'l-Bahá qui, avec le Kitáb-i-Aqdas, constitue le réceptacle principal dans lequel sont enchâssés les éléments inestimables de cette civilisation divine dont l'établissement est la mission première de la foi bahá'íe. Une étude des dispositions de ces documents sacrés révélera le lien étroit qui existe entre eux, ainsi que l'identité des buts et des méthodes qu'ils inculquent. Loin de considérer leurs stipulations spécifiques comme incompatibles et contradictoires en esprit, tout investigateur équitable admettra volontiers que non seulement elles sont complémentaires, mais qu'elles se confirment mutuellement et sont les parties inséparables d'un seul et même tout. Une comparaison de leur contenu avec les autres Écrits sacrés Bahá'ís établira de même la conformité de ce contenu tant avec l'esprit qu'avec la lettre des paroles et des écrits authentifiés de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá. En fait, celui qui lit l'Aqdas avec soin et attention n'aura pas de mal à découvrir que le Livre très saint lui-même anticipe, dans de nombreux passages, les institutions ordonnées par 'Abdu'l-Bahá dans son testament. En laissant certaines matières non spécifiées et non réglementées dans son "Livre des lois", Bahá'u'lláh semble avoir délibérément laissé, dans le schéma général de la dispensation bahá'íe, une brèche que les dispositions sans équivoque du Testament du Maître ont comblée. Tenter de les séparer l'un de l'autre, d'insinuer que les enseignements de Bahá'u'lláh n'ont pas été soutenus, dans leur totalité et avec une intégrité absolue, par ce qu'a révélé 'Abdu'l-Bahá dans son testament, est un affront impardonnable à l'égard de la fidélité inébranlable qui a caractérisé la vie et l'oeuvre de notre Maître bien-aimé.
Je ne tenterai pas le moins du monde d'affirmer ou de démontrer l'authenticité du Testament de 'Abdu'l-Bahá, car cela trahirait déjà une appréhension de ma part quant à la confiance unanime des croyants en l'authenticité des derniers souhaits écrits de notre Maître disparu. Je limiterai donc mes observations aux questions susceptibles de les aider à apprécier l'unité essentielle qui est à la base des principes spirituels, humanitaires et administratifs énoncés par l'auteur et par l'interprète de la foi bahá'íe.
Je suis bien en peine d'expliquer cette étrange mentalité qui incline à tenir comme le seul critère de la vérité des enseignements Bahá'ís ce qui est reconnu comme n'étant qu'une traduction obscure et non authentifiée d'une déclaration verbale de 'Abdu'l-Bahá, et ce, avec une indifférence et un mépris absolus pour le texte disponible de tous ses écrits universellement reconnus. Je déplore sincèrement les déformations malheureuses qui ont résulté, dans le passé, de l'incapacité de l'interprète de saisir la pensée de 'Abdu'l-Bahá et de son incompétence à traduire de manière adéquate les vérités qui lui ont été révélées par les exposés du Maître. Une grande part de la confusion qui a obscurci la compréhension des croyants devrait être imputée à cette double erreur qu'implique la traduction inexacte d'une déclaration seulement partiellement comprise. Bien souvent, l'interprète n'a même pas réussi à transmettre le sens exact des questions spécifiques posées par l'enquêteur et, par l'insuffisance de sa compréhension et de son expression lorsqu'il communiquait la réponse de 'Abdu'l-Bahá, il a été responsable de rapports en désaccord total avec l'esprit et le but véritables de la cause. Ce fut surtout au vu de la nature trompeuse des comptes rendus des conversations informelles de 'Abdu'l-Bahá avec des pèlerins qui lui rendaient visite que j'ai exhorté les croyants d'Occident à considérer de telles déclarations comme de simples impressions personnelles sur les paroles de leur Maître, et à ne citer et ne considérer comme authentiques que les seules traductions basées sur le texte authentifié de ses paroles rapportées dans la langue originale.
Chaque adepte de la cause devrait se souvenir que le système administratif Bahá'í n'est pas une innovation imposée arbitrairement aux Bahá'ís du monde depuis l'ascension du Maître, mais qu'il tire son autorité du Testament de 'Abdu'l-Bahá, qu'il est prescrit spécifiquement dans d'innombrables tablettes et que, dans certains de ses traits essentiels, il repose sur les dispositions explicites du Kitáb-i-Aqdas. Ainsi, il unifie et met en corrélation les principes établis séparément par Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá, et il est indissolublement lié aux vérités essentielles de la foi. Dissocier les principes administratifs de la cause de ses enseignements purement spirituels et humanitaires équivaudrait à une mutilation de la cause même, à une séparation qui ne peut qu'aboutir à la désintégration de ses composantes et à l'extinction de la foi elle-même.
Maisons de justice locales et nationalesIl conviendrait de garder soigneusement à l'esprit que les maisons de justice - tant locales qu'internationale - ont été prescrites expressément dans le Kitáb-i-Aqdas; que l'institution de l'Assemblée spirituelle nationale, en tant que corps intermédiaire, désignée dans le Testament du Maître sous le nom de "maison de justice secondaire", dispose de la sanction formelle de 'Abdu'l-Bahá; et que la méthode à suivre pour l'élection des maisons de justice - internationale et nationales - a été exposée par lui dans son testament ainsi que dans nombre de ses tablettes. De plus, les institutions des fonds locaux et nationaux, qui sont maintenant les auxiliaires indispensables de toute assemblée spirituelle locale et nationale, n'ont pas été seulement établies par 'Abdu'l-Bahá dans les tablettes qu'il a révélées aux Bahá'ís d'Orient, mais il en a souligné maintes fois l'importance et la nécessité dans ses paroles et ses écrits. La concentration de l'autorité entre les mains des représentants élus des croyants; la nécessité pour chaque adhérent à la foi de se soumettre au jugement réfléchi des assemblées bahá'íes; la préférence de 'Abdu'l-Bahá pour l'unanimité dans la décision; le caractère décisif du vote à la majorité, et même l'intérêt d'une surveillance attentive de toutes les publications bahá'íes; tous ces éléments ont été inculqués assidûment par 'Abdu'l-Bahá, comme le prouvent ses tablettes authentifiées et largement diffusées. Accepter ses enseignements généraux et humanitaires d'une part et, de l'autre, rejeter et écarter, avec une indifférence coupable, ses préceptes plus provocateurs et plus distinctifs serait un acte de déloyauté manifeste à l'égard de ce qu'il a chéri le plus au cours de sa vie.
Que les assemblées spirituelles d'aujourd'hui seront remplacées en temps voulu par les maisons de justice, et qu'elles constituent, à tous égards, des organismes identiques - et non séparés -, 'Abdu'l-Bahá lui-même l'a abondamment confirmé. En fait, dans une tablette adressée aux membres de la première assemblée spirituelle de Chicago - le premier corps Bahá'í élu institué aux États-Unis - il les a mentionnés comme étant les membres de la "maison de justice" de cette ville et ainsi, de sa propre plume, il a établi sans l'ombre d'un doute l'identité des assemblées spirituelles bahá'íes d'aujourd'hui avec les maisons de justice auxquelles se référait Bahá'u'lláh. Pour des raisons aisées à imaginer, il a été jugé souhaitable de conférer aux représentants élus des communautés bahá'íes dans le monde l'appellation provisoire d'assemblées spirituelles, un terme qui, au fur et à mesure que la position et les buts de la foi bahá'íe seront mieux compris et reconnus plus pleinement, sera progressivement remplacé par la désignation définitive et plus appropriée de "maison de justice". Les assemblées spirituelles actuelles ne recevront pas seulement une appellation différente à l'avenir, elles auront aussi la faculté d'adjoindre à leurs fonctions actuelles les pouvoirs, les charges et les prérogatives rendues nécessaires par la reconnaissance de la foi de Bahá'u'lláh non seulement comme l'un des systèmes religieux reconnus du monde, mais comme la religion d'État d'une puissance indépendante et souveraine. Et, à mesure que la foi bahá'íe se répandra parmi les masses des peuples d'Orient et d'Occident, et que sa vérité sera adoptée par la majorité des peuples d'un grand nombre des États souverains du monde, la Maison Universelle de Justice atteindra la plénitude de sa puissance et, en tant qu'organe suprême de la fédération bahá'íe, exercera tous les droits, charges et responsabilités qui incomberont au futur super État mondial.
Il convient toutefois de souligner à ce propos que, contrairement à ce qui a été affirmé avec assurance, l'établissement de la Maison Suprême de Justice ne dépend nullement de l'adoption de la foi bahá'íe par la plupart des peuples du monde, ni ne présuppose son acceptation par la majorité des habitants de tel ou tel pays. En fait, 'Abdu'l-Bahá lui-même, dans une de ses premières tablettes, envisageait l'éventualité de la formation de la Maison Universelle de Justice de son vivant et, sans les circonstances défavorables qui prévalaient sous le régime turc, il aurait, selon toute probabilité, pris des mesures préliminaires en vue de son établissement. Il est donc clair que, moyennant des conditions favorables les Bahá'ís de Perse et des pays limitrophes sous domination soviétique seraient à même d'élire leurs représentants nationaux, conformément aux principes directeurs énoncés dans les écrits de 'Abdu'l-Bahá, alors le dernier obstacle à la formation effective de la Maison Internationale de Justice aura été éliminé. C'est, en effet, aux maisons nationales de justice d'Orient et d'Occident qu'incombe la tâche d'élire directement les membres de la Maison Internationale de Justice, conformément aux dispositions explicites du Testament. Ce n'est que lorsqu'elles seront elles-mêmes pleinement représentatives de l'ensemble des croyants dans leurs pays respectifs, ce n'est que lorsqu'elles auront acquis le poids et l'expérience qui leur permettront de fonctionner efficacement au sein de la vie organique de la cause, qu'elles pourront aborder leur tâche sacrée et fournir la base spirituelle que nécessite la constitution d'une assemblée aussi auguste dans le monde bahá'í.
L'institution du GardiennatChaque croyant doit aussi comprendre clairement que l'institution du Gardiennat n'abroge en aucune circonstance ni ne réduit, aussi peu que ce soit, les pouvoirs que Bahá'u'lláh a octroyés à la Maison Universelle de Justice dans le Kitáb-i-Aqdas, et qui furent confirmés à maintes reprises et solennellement par 'Abdu'l-Bahá dans son testament. L'institution du Gardiennat ne constitue en aucune manière une contradiction avec le Testament ni avec les Écrits de Bahá'u'lláh, pas plus qu'elle n'annule aucune de ses instructions révélées. Elle rehausse le prestige de cette glorieuse assemblée, stabilise sa position suprême, sauvegarde son unité, assure la continuité de ses travaux sans avoir la moindre prétention d'enfreindre l'inviolabilité de sa sphère de juridiction, qui est clairement définie. Nous sommes, en vérité, trop proches encore d'un document aussi monumental pour prétendre à une compréhension totale de toutes ses implications ou pour oser penser que nous avons saisi les multiples mystères qu'il contient indubitablement. Seules les générations futures pourront comprendre la valeur et la signification attachées à ce chef-d'œuvre divin que la main du Maître Architecte du monde a conçu pour l'unification et le triomphe de la foi mondiale de Bahá'u'lláh. Seuls ceux qui nous succéderont seront en mesure de réaliser la valeur de l'accent d'une force surprenante qui a été donné à l'établissement de la Maison de Justice et du Gardiennat. Eux seuls apprécieront la signification du langage vigoureux utilisé par 'Abdu'l-Bahá lorsqu'il parle de la clique des briseurs d'alliance qui se sont dressés contre lui de son vivant. C'est à eux seuls que sera révélée l'adéquation des institutions instaurées par 'Abdu'l-Bahá à la nature de la société future qui doit émerger du chaos et de la confusion de l'âge actuel. À ce propos, je ne puis qu'être amusé à l'idée, absolument absurde et invraisemblable, selon laquelle Muhammad-'Alí, le premier et le principal instigateur de l'hostilité implacable manifestée à l'encontre de la personne de 'Abdu'l-Bahá, se serait associé librement aux membres de la famille de ce dernier pour forger un testament qui, selon l'auteur elle-même, n'est qu'une "énumération des intrigues" auxquelles Muhammad-'Alí se livra activement trente années durant 1. À une si navrante victime d'idées confuses, la meilleure réponse que je puisse faire est l'expression sincère de ma compassion et de ma pitié, auxquelles s'ajoute le souhait qu'elle puisse être délivrée d'une erreur si profonde. C'est à cause des observations mentionnées ci-dessus que j'ai hésité - après le retard forcé et malencontreux causé par mon mauvais état de santé et par mon absence de Terre sainte à la mort du Maître - à recourir à une diffusion publique générale du Testament, car je me rendais parfaitement compte qu'il s'adressait principalement aux croyants reconnus, et ne concernait qu'indirectement le groupe plus étendu des amis et des sympathisants de la cause.
Le but moteur des institutions bahá'íesEt maintenant, il nous faut réfléchir au but moteur et aux fonctions primordiales de ces institutions divinement établies, dont le caractère sacré et l'efficacité universelle ne peuvent être démontrés que par l'esprit qu'elles répandent et par le travail qu'elles réalisent effectivement. Il est inutile que j'insiste ici sur ce que j'ai déjà souligné à maintes reprises, à savoir que l'administration de la cause doit être conçue comme un instrument et non comme un substitut à la foi de Bahá'u'lláh, qu'elle doit être considérée comme un canal par lequel les bénédictions qu'il a promises peuvent se répandre, qu'elle doit se garder d'une rigidité qui entraverait et bloquerait les forces libératrices mises en route par sa révélation. Il est inutile que je m'étende actuellement sur ce que j'ai déjà déclaré dans le passé : que les contributions aux fonds nationaux et locaux sont de nature purement volontaire; qu'aucune espèce de coercition ou de sollicitation en matière de fonds ne doit être tolérée au sein de la cause; que des appels généraux adressés aux communautés prises dans leur ensemble devraient être la seule façon de subvenir aux besoins financiers de la foi; que le soutien financier accordé à un nombre très restreint de personnes travaillant dans les domaines de l'enseignement et de l'administration revêt un caractère provisoire; que les restrictions imposées actuellement à la publication de la littérature bahá'íe seront définitivement abolies; que l'activité de l'Unité mondiale est actuellement exercée à titre expérimental afin de tester l'efficacité de la méthode indirecte d'enseignement; que tout le système des assemblées, des comités et des conventions doit être considéré comme un moyen, non comme une fin en soi; que ces organismes se développeront ou déclineront selon la capacité qu'ils auront à promouvoir les intérêts, à coordonner les activités, à appliquer les principes, à incarner les idéaux et à réaliser l'objectif de la foi bahá'íe. Qui, je me le demande, au vu du caractère international de la cause, de l'étendue de ses ramifications, de la complexité croissante de ses affaires, de la diversité de ses adhérents, et du désordre qui assaille de toutes parts la toute jeune foi de Dieu, qui donc peut mettre en doute un seul instant la nécessité d'une structure administrative quelle qu'elle soit, qui assurera, au milieu de la tempête et de l'agitation d'une civilisation en lutte, l'unité de la foi, la sauvegarde de son identité et la protection de ses intérêts ? Répudier la validité des assemblées des ministres élus de la foi de Bahá'u'lláh reviendrait à rejeter les innombrables tablettes dans lesquelles Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont exalté leurs privilèges et leurs devoirs, dans lesquelles ils ont souligné la gloire de leur mission, révélé l'immensité de leur tâche, et les ont mises en garde contre les attaques auxquelles elles doivent s'attendre du fait de la sottise de leurs amis comme de la malveillance de leurs ennemis. C'est, assurément, aux dépositaires d'un héritage aussi inestimable qu'il incombe de veiller pieusement à ce que l'outil ne prenne le pas sur la foi elle-même, à ce que le souci indu des menus détails de l'administration de la cause ne vienne obscurcir la vision de ses défenseurs, à ce que la partialité, l'ambition et l'attachement à ce monde ne viennent, au fil du temps, ternir l'éclat, souiller la pureté et altérer l'efficacité de la foi de Bahá'u'lláh.
Situation en ÉgypteDans mes communications précédentes des 10 janvier 1926 et 12 février 1927, j'ai déjà évoqué la situation troublante et pourtant hautement significative qui s'est présentée en Égypte, à la suite du jugement final prononcé par le tribunal religieux musulman de ce pays contre nos frères égyptiens, un jugement qui les dénonçait comme hérétiques, les expulsait de la communauté musulmane et leur refusait l'application et les avantages de la loi musulmane. Je vous ai fait part également des difficultés auxquelles ils sont confrontés et des projets qu'ils ont conçus afin d'obtenir des autorités civiles égyptiennes une reconnaissance du statut indépendant de leur foi. Toutefois, il me faut expliquer que, dans les pays musulmans du Proche et du Moyen-Orient, à l'exception de la Turquie qui a récemment aboli tous les tribunaux religieux sous sa juridiction, chaque communauté religieuse reconnue dispose, pour les affaires liées au statut personnel telles que le mariage, le divorce et l'héritage, de son propre tribunal religieux, totalement indépendant des tribunaux civils et pénaux, car il n'existe pour ces affaires aucun code civil promulgué par le gouvernement couvrant l'ensemble des communautés religieuses. Considérés jusqu'ici comme membres d'une secte de l'islám, les Bahá'ís d'Égypte, qui sont pour la plupart d'origine musulmane et ne peuvent, par conséquent, s'adresser aux tribunaux officiels d'une autre religion à des fins de mariage ou de divorce, se trouvent ainsi dans une position délicate et exceptionnelle. Ils ont naturellement décidé de soumettre leur cas au gouvernement égyptien et ils ont préparé à cet effet une requête adressée au chef du cabinet égyptien. Dans ce document, ils ont exposé les raisons qui les poussaient à demander à être officiellement reconnus par leurs gouvernants, ils ont affirmé qu'ils étaient prêts et aptes à exercer les fonctions d'un tribunal Bahá'í indépendant, ils ont assuré les autorités de leur obéissance et de leur loyauté absolues envers l'État et de leur volonté de non-intervention dans la politique de leur pays. Ils ont également décidé de joindre au texte de leur requête une copie du jugement du tribunal, un choix d'écrits Bahá'ís, et le document établissant les principes de leur constitution nationale qui, à quelques exceptions près, est identique aux statuts et aux règlements promulgués par votre Assemblée.
J'ai insisté pour que les dispositions de leur constitution soient en tous points conformes au texte des statuts et des règlements que vous avez établi, dans le souci de préserver l'uniformité qui, selon moi, est essentielle à toutes les constitutions nationales bahá'íes. Je voudrais donc, à cet égard, vous demander ce que je leur ai déjà suggéré, à savoir que tout amendement que vous pourriez décider d'introduire dans le texte des statuts et des règlements me soit dûment communiqué, afin que je puisse prendre les mesures nécessaires en vue d'introduire des modifications similaires dans le texte de toutes les autres constitutions nationales bahá'íes.
On admettra aisément que, du fait des privilèges particuliers consentis aux communautés religieuses reconnues dans les pays islamiques du Proche et du Moyen-Orient, la requête à soumettre au gouvernement égyptien par l'Assemblée Nationale Bahá'íe d'Égypte est plus substantielle et de portée plus grande que ce qui a déjà été consenti à votre Assemblée par les autorités fédérales. En effet, leur requête concerne essentiellement une demande officielle de reconnaissance, par les plus hautes autorités civiles d'Égypte, de l'Assemblée spirituelle nationale égyptienne en tant que tribunal Bahá'í reconnu et indépendant, libre et à même d'exécuter et d'appliquer, dans toutes les affaires de statut personnel, les lois et les décrets qui ont été promulgués par Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Aqdas.
Je leur ai demandé d'approcher officieusement les autorités concernées et de recueillir le plus d'informations possible, comme mesure préliminaire à la présentation officielle de leur requête historique. Toute assistance que votre Assemblée, après mûre délibération, pourrait juger souhaitable d'apporter aux vaillants promoteurs de la foi dans ce pays sera profondément appréciée et servira à affermir la solidarité qui caractérise les communautés bahá'íes de l'Est et de l'Ouest. Quelle que soit l'issue de ce problème essentiel - et nul ne manquera d'apprécier les possibilités incalculables de la situation actuelle - nous pouvons être assurés que la main qui les guide et qui a libéré ces forces continuera, dans sa sagesse insondable et par son pouvoir omnipotent, à tracer et à diriger leur route vers la gloire, l'émancipation finale et la reconnaissance sans réserve de sa foi.
Votre frère fidèle,2. L'ORDRE MONDIAL DE Bahá'u'lláh - AUTRES CONSIDERATIONS
Aux bien-aimés du Seigneur et aux servantes du Miséricordieux dans tout l'Ouest.
Mes bien chers collaborateurs !Parmi les nouvelles qui sont parvenues récemment en Terre sainte et dont la plupart témoignent de la marche triomphante de la cause, quelques-unes semblent trahir une certaine appréhension quant à la validité des institutions qui demeurent inséparablement associées à la foi de Bahá'u'lláh. L'expression de ces doutes semble avoir été suscitée par certains murmures émanant de milieux qui soit sont totalement mal informés des fondements de la révélation bahá'íe, soit cherchent délibérément à semer les graines de la discorde dans le coeur des fidèles.
Une bénédiction déguiséeConsidéré à la lumière des expériences passées, le résultat inévitable de ces tentatives futiles - quelque opiniâtres et malveillantes qu'elles puissent être - est de contribuer à une reconnaissance plus large et plus profonde, tant de la part des croyants que des incroyants, des traits spécifiques de la foi proclamée par Bahá'u'lláh. Ces critiques qui la mettent en question, qu'elles soient ou non dictées par la malveillance, ne peuvent servir qu'à galvaniser les âmes de ses ardents défenseurs et à consolider les rangs de ses promoteurs fidèles. Elles délivreront la foi de ces éléments pernicieux dont l'association persistante avec les croyants tend à nuire au bon renom de la cause et à ternir la pureté de son esprit. Nous devrions donc non seulement faire bon accueil aux attaques ouvertes que ses ennemis déclarés lancent continuellement contre elle, mais aussi considérer comme une bénédiction déguisée chacun des assauts qu'elle subit périodiquement du fait de ceux qui apostasient leur foi, ou qui prétendent en être les interprètes fidèles. Loin de saper la foi, de telles attaques, venant de l'intérieur comme de l'extérieur, consolident ses fondements et avivent l'intensité de sa flamme. Visant à obscurcir son éclat, elles proclament au monde entier combien ses préceptes sont élevés, son unité complète, sa position unique et son influence pénétrante.
Je ne pense pas un seul instant que de telles clameurs, principalement imputables à une rage impuissante contre la marche irrésistible de la cause de Dieu, puissent jamais faire du tort aux vaillants combattants de la foi. Car ces âmes héroïques, qu'elles luttent dans la forteresse inexpugnable de l'Amérique ou qu'elles se battent au coeur de l'Europe et, au-delà des mers, jusqu'au continent d'Australasie, ont déjà démontré abondamment la ténacité de leur foi et la valeur immuable de leur conviction.
Traits distinctifs de l'ordre mondial bahá'íJe pense toutefois qu'il m'incombe, en vertu de la responsabilité attachée au gardiennat de la foi, de m'étendre davantage sur la nature essentielle et les traits distinctifs de cet ordre mondial tel qu'il a été conçu et proclamé par Bahá'u'lláh. Je me sens poussé, au stade actuel de l'évolution de la révélation bahá'íe, à déclarer, de bonne foi et sans aucune réserve, tout ce qui pourrait selon moi être susceptible d'assurer la protection de l'intégrité des institutions naissantes de la foi. Je ressens vivement l'urgence de clarifier certains faits qui révéleraient immédiatement à tout observateur impartial le caractère unique de cette civilisation divine dont les fondements ont été posés par la main infaillible de Bahá'u'lláh, et dont les éléments essentiels ont été divulgués par le Testament de 'Abdu'l-Bahá. Je considère qu'il est de mon devoir d'avertir chaque néophyte dans la foi que les gloires promises de la souveraineté que laissent présager les enseignements Bahá'ís ne pourront être révélées que lorsque les temps seront accomplis, que les implications de l'Aqdas et du Testament de 'Abdu'l-Bahá - les réceptacles jumeaux des éléments constitutifs de cette souveraineté - sont d'une portée trop vaste pour que cette génération les saisissent et les apprécient pleinement. Je ne puis m'empêcher d'appeler ceux qui s'identifient à la foi à ne tenir aucun compte des idées en vogue et des modes éphémères du jour, et à prendre conscience, comme jamais auparavant, du fait que les théories discréditées et les institutions chancelantes de la civilisation d'aujourd'hui doivent nécessairement contraster vivement avec les institutions accordées par Dieu et qui sont destinées à s'élever sur leurs ruines. Je prie afin que de toute leur âme et de tout leur coeur ils comprennent pleinement la gloire ineffable de leur vocation, la responsabilité écrasante de leur mission et l'immensité prodigieuse de leur tâche.
Que chaque défenseur sincère de la cause de Bahá'u'lláh se rende bien compte que les tempêtes que cette foi de Dieu devra nécessairement affronter dans sa lutte seront, à mesure que progressera la désintégration de la société, plus violentes que tout ce qu'elle a déjà connu. Qu'il soit conscient que, dès que la formidable revendication de la foi de Bahá'u'lláh sera reconnue dans sa pleine mesure par ces citadelles puissantes et séculaires de l'orthodoxie, dont le but délibéré est le maintien de leur mainmise sur les pensées et les consciences des hommes, cette toute jeune foi devra lutter contre des ennemis plus puissants et plus insidieux que les tortionnaires les plus cruels et les religieux les plus fanatiques qui l'ont tourmentée dans le passé. Au cours des convulsions qui saisiront une civilisation à l'agonie, quels ennemis n'apparaîtront pas qui ajouteront aux outrages qui, déjà, se sont accumulés sur elle ?
L'assaut de tous les peuples et de toutes les tribus
Il nous suffit de nous référer aux avertissements lancés par 'Abdu'l-Bahá pour réaliser l'étendue et la nature des forces destinées à combattre la foi sacrée de Dieu. Dans les moments les plus sombres de sa vie, sous le régime de 'Abdu'l-Hamíd, lorsqu'il s'apprêtait à être déporté vers les régions les plus inhospitalières d'Afrique du Nord, et à une époque où la lumière propice de la révélation bahá'íe commençait seulement à poindre sur l'Ouest, il prononça, dans son message d'adieu au cousin du Báb, ces paroles prophétiques et sinistres : Que la cause est grande, très grande ! Qu'il est féroce l'assaut de tous les peuples et de toutes les tribus de la terre ! Avant longtemps se feront entendre, aux quatre coins du monde, la clameur de la multitude à travers l'Afrique, à travers l'Amérique, le cri de l'Européen et du Turc, le gémissement de l'Inde et de la Chine. Tous sans exception, ils se dresseront, et de toute leur force ils résisteront à sa cause. Alors, les chevaliers du Seigneur, assistés de sa grâce céleste, raffermis par la foi, soutenus par la puissance de leur discernement et renforcés par les légions de l'alliance, se lèveront et manifesteront la vérité du verset : Voyez la confusion qui a frappé les tribus des vaincus !
Aussi formidable que soit la lutte que font présager ces paroles, elles témoignent aussi de la victoire totale que les défenseurs du plus Grand Nom sont destinés à remporter finalement. Des peuples, des nations, des adeptes de croyances différentes se lèveront conjointement et successivement pour briser son unité, saper sa force et avilir son nom sacré. Ils n'assailliront pas seulement l'esprit qu'elle inculque, mais aussi l'administration qui est la voie, l'instrument, l'incarnation de cet esprit. Car, à mesure que deviendra plus apparente l'autorité dont Bahá'u'lláh a investi la future fédération bahá'íe, le défi qui, de toutes parts, sera lancé aux vérités qu'elle renferme se fera plus terrible.
Différence entre la foi bahá'íe et les organisations ecclésiastiques
Il nous faut donc, chers amis, tenter non seulement de nous familiariser avec les traits essentiels de cette oeuvre suprême de Bahá'u'lláh, mais aussi de saisir la différence fondamentale qui existe entre cet ordre universel et divinement conçu, et les principales organisations ecclésiastiques du monde, qu'elles appartiennent à l'Église du Christ ou aux ordonnances de la dispensation de Muhammad.
Car ceux dont le privilège inestimable est de préserver ces institutions bahá'íes, d'en administrer les affaires et d'en promouvoir les intérêts seront, tôt ou tard, confrontés à cette question fondamentale : En quoi et comment cet ordre établi par Bahá'u'lláh, qui n'est en apparence qu'une réplique des institutions établies par le christianisme et l'islám, diffère-t-il de ces dernières ? Les institutions jumelles de la Maison de Justice et du Gardiennat, l'institution des Mains de la cause de Dieu, celle des assemblées nationales et locales, du Mashriqu'l-Adhkár, ne sont-elles que des noms différents donnés aux institutions de la papauté et du califat avec tous les ordres ecclésiastiques qui les accompagnent, que soutiennent et défendent les chrétiens et les musulmans ? Quel peut donc être l'organisme capable d'éviter à ces institutions bahá'íes si manifestement semblables, par certaines de leurs caractéristiques, à celles qui ont été créées par les pères de l'Église et les apôtres de Muhammad, d'assister à la détérioration de leur nature, à la destruction de leur unité et à l'extinction de leur influence, comme ce fut le cas pour toutes les hiérarchies religieuses organisées ? Pourquoi ne subiraient-elles pas, finalement, le même sort que les institutions créées par les successeurs du Christ et de Muhammad ?
De la réponse qui sera donnée à ces questions provocantes dépendra, dans une large mesure, le succès des efforts que font en ce moment même les croyants de tous pays, en vue de l'établissement du royaume de Dieu sur la terre. Tous, ou presque, reconnaîtront que l'esprit que Bahá'u'lláh a insufflé au monde - et qui se manifeste, à des degrés divers d'intensité, à travers les efforts déployés consciemment par ses défenseurs avoués et indirectement par certaines organisations humanitaires - ne pourra jamais imprégner l'humanité et exercer sur elle une influence durable à moins qu'il ne s'incarne dans un ordre visible qui portera son nom, s'identifiera totalement à ses principes et fonctionnera conformément à ses lois. Que Bahá'u'lláh, dans son livre de l'Aqdas et, plus tard, 'Abdu'l-Bahá dans son testament - un document qui confirme, complète et relie entre elles les dispositions de l'Aqdas - aient exposé dans leur intégralité ces éléments essentiels à la constitution de la fédération mondiale bahá'íe, nul ne le niera s'il a lu ces documents. C'est selon ces principes administratifs divinement ordonnés que la dispensation de Bahá'u'lláh - l'arche de salut du genre humain - devra être modelée. C'est de ces principes que découleront toutes les bénédictions futures, et c'est sur eux que reposera, en définitive, son inviolable autorité.
Car Bahá'u'lláh, il nous faut bien le reconnaître, n'a pas seulement imprégné l'humanité d'un esprit nouveau et régénérateur. Il ne s'est pas seulement contenté d'énoncer certains principes universels ou de proposer une philosophie particulière - aussi puissants, justes et universels qu'ils puissent être. Il a en outre, comme 'Abdu'l-Bahá l'a fait après lui et contrairement aux dispensation antérieures, établi clairement et spécifiquement une série de lois, créé des institutions bien définies et révélé l'essentiel d'une économie divine. Or, ces éléments sont destinés à être un modèle pour la société future, un instrument suprême pour l'instauration de la plus grande paix, et le seul moyen d'unifier le monde et de proclamer le règne de la droiture et de la justice sur la terre. Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá n'ont pas seulement révélé toutes les instructions nécessaires à la réalisation pratique des idéaux que les prophètes de Dieu ont évoqués et qui, de temps immémorial, ont enflammé l'imagination des mystiques et des poètes de toutes les époques. Ils ont aussi, dans un langage vigoureux et sans équivoque, désigné ces institutions jumelles de la Maison de Justice et du Gardiennat comme leurs successeurs choisis, ayant pour mission d'appliquer les principes, de promulguer les lois, de protéger les institutions, d'adapter fidèlement et intelligemment la foi aux exigences d'une société en progrès et de faire fructifier l'héritage incorruptible que les fondateurs de la foi ont légué au monde.
Si nous nous tournons vers le passé, si nous examinons l'Évangile et le Quran, nous reconnaîtrons aisément que, ni la dispensation chrétienne, ni la dispensation islamique ne peuvent offrir un parallèle au système d'économie divine établi si parfaitement par Bahá'u'lláh, ou aux garanties qu'il a prévues en vue de la protection et du développement de ce système. C'est là - j'en suis profondément convaincu - que réside la réponse aux questions auxquelles j'ai déjà fait référence.
Nul ne contestera, je pense, la raison fondamentale pour laquelle l'unité de l'Église du Christ a été irrémédiablement brisée et son influence minée au cours des siècles, à savoir que l'édifice que les pères de l'Église bâtirent après la mort de son premier apôtre ne reposait en aucune manière sur les directives explicites du Christ lui-même. L'autorité et les traits caractéristiques de son administration ont été entièrement inférés et indirectement dérivés, de façon plus ou moins justifiée, à partir de certaines allusions vagues et fragmentaires qu'ils trouvèrent disséminées parmi ses paroles telles qu'elles sont rapportées dans l'Évangile. Pas un seul des sacrements de l'Église; pas un seul des rites et des cérémonies conçus minutieusement et observés avec ostentation par les pères chrétiens; pas un seul des éléments de la discipline stricte qu'ils ont imposée rigoureusement aux premiers chrétiens; rien de tout cela ne reposait sur un mandat direct du Christ ou n'émanait de ses déclarations explicites. Rien de tout cela n'a été conçu par le Christ, et personne n'a été spécifiquement investi par lui d'une autorité suffisante pour pouvoir interpréter sa parole ou ajouter à ce qu'il n'avait pas explicitement décrété.
Pour cette raison, dans les générations qui suivirent, des voix s'élevèrent pour protester contre l'autorité qui s'était auto-désignée, s'était arrogé des privilèges et des pouvoirs n'émanant pas du texte explicite de l'Évangile de Jésus-Christ, et qui constituait un écart grave par rapport à l'esprit que cet Évangile inculquait aux hommes. Elles soutenaient avec force, et avec raison, que les canons promulgués par les conciles de l'Église n'étaient pas des lois divinement décrétées, mais seulement des inventions humaines qui ne reposaient même pas sur ce qu'avait vraiment dit Jésus. Leur argumentation se basait sur le fait que les paroles vagues et peu concluantes adressées par le Christ à Pierre : "Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église", ne pourraient jamais justifier les mesures extrêmes, les cérémonials compliqués, les croyances et les dogmes paralysants par lesquels ses successeurs avaient progressivement appesanti et obscurci sa foi. S'il avait été possible aux Pères de l'Église, dont l'autorité injustifiée était ainsi violemment attaquée de toutes parts, de réfuter les accusations accumulées contre eux par des citations de propos explicites du Christ au sujet de la future administration de son Église ou de la nature de l'autorité dévolue à ses successeurs, ils auraient sûrement été capables d'étouffer les flammes de la controverse et de préserver l'unité de la chrétienté. L'Évangile, cependant - le seul recueil des paroles du Christ - n'offrait aucun refuge à ces dignitaires de l'Église harcelés qui se trouvaient sans ressources face aux assauts impitoyables de leurs ennemis et qui, finalement, durent se soumettre aux forces schismatiques qui envahirent leurs rangs.
Quant à la révélation mahométane cependant - bien que sa religion, comparée à celle du Christ, fût plus complète et plus précise dans ses instructions relatives à l'administration de sa dispensation -, elle ne donnait, en matière de succession, aucune instruction écrite qui fût décisive et contraignante à ceux dont la mission était de propager sa cause. Car le texte du Quran - dont les décrets concernant la prière, le jeûne, le mariage, le divorce, l'héritage, le pèlerinage, etc., sont demeurés intacts et en application après l'écoulement de treize siècles - ne donne aucune directive définie quant à la loi de succession, source de toutes les dissensions, controverses et schismes qui ont démembré et discrédité l'islám.
Tel n'est pas le cas dans la révélation de Bahá'u'lláh. Contrairement à la dispensation du Christ, contrairement à celle de Muhammad, contrairement à toutes les dispensations antérieures, les apôtres de Bahá'u'lláh, dans chaque pays, où qu'ils oeuvrent et peinent, ont devant eux, en langage clair, vigoureux et sans équivoque, toutes les lois, tous les règlements, les principes, les institutions et la direction spirituelle dont ils ont besoin pour la poursuite et l'accomplissement de leur tâche. Pour les problèmes relatifs tant aux dispositions administratives de la dispensation bahá'íe qu'à la succession, incarnées par les institutions jumelles de la Maison de Justice et du Gardiennat, les adeptes de Bahá'u'lláh peuvent recourir à ces preuves irréfutables de la direction divine auxquelles nul ne peut résister, que nul ne peut amoindrir ou ignorer. Là réside le caractère distinctif de la révélation bahá'íe. Là réside la force de l'unité de la foi, celle de la validité d'une révélation qui ne prétend pas détruire ou déprécier les révélations antérieures, mais les relier, les unifier et les accomplir. C'est la raison pour laquelle Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá ont tous deux révélé, et même souligné, certains détails relatifs à l'économie divine qu'ils nous ont léguée, à nous leurs disciples. C'est pourquoi, dans leur testament, ils ont tant insisté sur les pouvoirs et les prérogatives des ministres de leur foi.
Car rien, hormis les instructions explicites de leur livre et le langage étonnamment énergique avec lequel ils ont rédigé les dispositions de leur testament, ne pouvait sauvegarder la foi pour laquelle ils ont tous deux oeuvré si glorieusement durant toute leur vie. Rien d'autre ne pouvait la protéger des hérésies et des calomnies par lesquelles les groupes religieux, les peuples et les gouvernements ont tenté et tenteront, avec toujours plus de vigueur, de l'attaquer dans l'avenir.
Nous devrions aussi garder à l'esprit que le caractère distinctif de la révélation bahá'íe ne réside pas uniquement dans la complétude et la validité incontestable de l'ordre établi par les enseignements de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá. La perfection de cet ordre réside aussi dans le fait que ces facteurs, qui dans les dispensations antérieures, sans être revêtus de la moindre autorité par leurs fondateurs, ont été une source de corruption et de maux incalculables pour la foi de Dieu, furent strictement écartés par le texte clair des Écrits de Bahá'u'lláh. Ces pratiques injustifiées relatives aux sacrements du baptême, à la communion, à la confession des péchés, à l'ascétisme, à la domination sacerdotale, aux cérémonials compliqués, à la guerre sainte et à la polygamie ont, sans exception, été supprimées inflexiblement par la plume de Bahá'u'lláh; tandis que la sévérité et la rigueur de certaines pratiques, telles que le jeûne, qui sont nécessaires à l'exercice d'une vie pieuse, ont été considérablement atténuées.
Un organisme vivantIl faut aussi garder à l'esprit le fait que l'organisation de la cause a été façonnée de telle manière que tout ce que l'on jugera nécessaire d'y incorporer afin de la maintenir à l'avant-garde de tous les mouvements progressistes peut, selon les dispositions prévues par Bahá'u'lláh, y être intégré en toute sécurité. C'est ce qu'attestent les paroles de Bahá'u'lláh consignées dans la "huitième feuille" du Paradis exalté : Il appartient aux administrateurs de la Maison de Justice de délibérer sur ces choses qui n'ont pas été ouvertement révélées dans le Livre, et de faire respecter ce qu'ils ont convenu. Dieu, en vérité, leur donnera l'inspiration de ce qu'Il veut et Il est, en vérité, le Pourvoyeur, l'Omniscient. La Maison de Justice n'a pas seulement été investie par Bahá'u'lláh de l'autorité de légiférer sur tout ce qui n'aurait pas été explicitement et ouvertement consigné dans ses Écrits sacrés, elle s'est également vu conférer, par le Testament de 'Abdu'l-Bahá, le droit et le pouvoir d'abroger, selon les changements et les nécessités du moment, tout ce qui a déjà été décrété et appliqué par une précédente Maison de Justice. À cet égard, il a révélé ce qui suit dans son testament : Et, dès lors que la Maison de Justice a le pouvoir d'édicter des lois qui ne sont pas expressément mentionnées dans le Livre et qui ont trait aux affaires quotidiennes, elle a de même le pouvoir d'abroger ces mêmes lois. Ainsi, par exemple, la Maison de Justice édicte aujourd'hui une certaine loi et la met en vigueur et, cent ans plus tard, les circonstances ayant profondément changé et la situation étant transformée, une autre Maison de Justice aura alors le pouvoir de modifier cette loi en fonction des besoins de l'époque. Si elle peut le faire, c'est que la loi en question ne fait pas partie du texte divin explicite. La Maison de Justice est à la fois l'auteur et le pouvoir abrogatif de ses propres lois. Telle est l'immuabilité de la parole révélée par Bahá'u'lláh. Telle est la souplesse qui caractérise les fonctions de ses ministres désignés. La première préserve l'identité de sa foi et garantit l'intégrité de sa loi. La seconde lui permet, tout comme à un organisme vivant, de se développer et de s'adapter aux besoins et aux nécessités d'une société en continuelle transformation.
Chers amis ! Si faible que puisse paraître aujourd'hui notre foi aux yeux des hommes qui la dénoncent comme un rejeton de l'islám, ou la regardent dédaigneusement comme l'une de ces sectes obscures qui prolifèrent en Occident, ce joyau sans prix de la révélation divine, actuellement encore au stade embryonnaire, se développera au sein de la loi de Bahá'u'lláh et progressera, entier et intact, jusqu'à embrasser l'humanité tout entière. Seuls ceux qui ont déjà reconnu le rang suprême de Bahá'u'lláh, seuls ceux dont les cœurs ont été touchés par son amour et qui se sont familiarisés avec la puissance de son esprit peuvent apprécier comme il convient la valeur de cette économie divine - son don inestimable à l'humanité.
Les chefs religieux, les commentateurs de théories politiques, les dirigeants d'institutions humaines qui assistent actuellement, avec perplexité et consternation, à la faillite de leurs idées et à la désintégration de leurs oeuvres, feraient bien de tourner leur regard vers la révélation de Bahá'u'lláh et de méditer sur l'ordre mondial qui, enchâssé dans ses enseignements, émerge lentement et imperceptiblement du tumulte et du chaos de la civilisation contemporaine. Qu'ils n'aient aucun doute, aucune crainte quant à la nature, à l'origine ou à la validité des institutions que les adeptes de la foi édifient dans le monde. Parce qu'elles sont scellées dans les enseignements mêmes, elles ne sont ni corrompues ni obscurcies par des inférences injustifiées ou des interprétations non autorisées de sa parole.
Combien pressante et sacrée est la responsabilité qui pèse maintenant sur ceux qui connaissent déjà ces enseignements ! Combien glorieuse est la tâche de ceux qui sont appelés à en défendre la vérité et à en démontrer la faisabilité à un monde dépourvu de foi ! Rien, si ce n'est une conviction inébranlable de leur origine divine et de leur nature unique dans les annales de la religion; rien, si ce n'est une ferme détermination de mettre en oeuvre ces enseignements et de les appliquer à l'organisation administrative de la cause, ne peut suffire à établir leur réalité et à garantir leur succès. Combien vaste est la révélation de Bahá'u'lláh ! Combien immense, l'ampleur de ses bénédictions déversées sur l'humanité en ce jour ! Et pourtant, qu'elle est pauvre et inadéquate notre conception de leur importance et de leur gloire ! Cette génération-ci est trop proche d'une révélation aussi colossale pour apprécier pleinement les possibilités infinies de sa foi, le caractère sans précédent de sa cause et les bienfaits mystérieux de sa providence.
Dans l'Íqán, Bahá'u'lláh, désirant mettre en relief le caractère transcendant de ce nouveau jour de Dieu, renforce la puissance de son argument d'une référence au texte d'une tradition exacte et autorisée, qui révèle : La connaissance se compose de vingt-sept lettres. Tout ce qu'ont révélé les prophètes, ce sont deux de ces lettres. Nul homme, à ce jour, n'a connu plus que ces deux lettres. Mais quand surviendra le Qá'im, il suscitera la manifestation des vingt-cinq lettres restantes. Et suivent immédiatement ces paroles de Bahá'u'lláh qui confirment et éclairent cette tradition : Réfléchissez : Il a déclaré que la connaissance se compose de vingt-sept lettres et a considéré tous les prophètes, depuis Adam jusqu'à Muhammad même - "le Sceau" - comme les interprètes de deux lettres seulement. Il dit aussi que le Qá'im révélera toutes les vingt-cinq autres lettres. Voyez par ces paroles combien grand et élevé est son rang ! Son rang surpasse celui de tous les prophètes, et sa révélation transcende l'entendement et la compréhension de tous leurs élus. De sa révélation, les prophètes de Dieu, ses saints et ses élus n'ont pas été informés ou, se conformant à l'impénétrable décret de Dieu, ils ne l'ont pas dévoilée - une telle révélation, ces gens vils et scélérats ont cherché à la mesurer avec leur propre esprit déficient, leur propre intelligence et leur compréhension insuffisante.
Dans un autre passage du même livre, Bahá'u'lláh, faisant allusion à la transformation effectuée par chaque révélation dans les habitudes, les pensées et les comportements des hommes, révèle ces paroles : L'objet de chaque révélation n'est-il pas d'effectuer une transformation complète de la nature de l'humanité, une transformation qui se manifestera tant extérieurement qu'intérieurement, qui affectera à la fois sa vie intime et son comportement ? Car si la nature de l'humanité n'était pas transformée, la futilité de la manifestation universelle de Dieu serait évidente.
Le Christ lui-même, s'adressant à ses disciples, n'a-t-il pas prononcé ces paroles : J'ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l'Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière.
À la lumière du texte de cette tradition reconnue, ainsi que des paroles du Christ attestées par l'Évangile, tout observateur impartial saisira facilement la grandeur de la foi révélée par Bahá'u'lláh et reconnaîtra la portée prodigieuse de la revendication qu'il a formulée. Il n'est pas étonnant que 'Abdu'l-Bahá ait décrit en des termes si noirs la violence de l'agitation qui entourera, dans les jours à venir, les institutions naissantes de la foi. Actuellement, nous ne pouvons encore que discerner vaguement le commencement de cette tourmente que l'essor et l'ascendance de la cause de Dieu sont destinés à lancer sur le monde.
Le plus grand drame de l'histoire spirituelle du monde
Que ce soit dans la féroce et insidieuse campagne de répression et de cruauté que les dirigeants de Russie ont lancée contre les défenseurs de la foi qu'ils tenaient sous leur autorité; que ce soit dans l'inflexible animosité avec laquelle les shiites de l'islám foulent aux pieds les droits sacrés des adeptes de la cause en ce qui concerne la maison de Bahá'u'lláh à Baghdád; que ce soit dans la rage impuissante qui a poussé les dignitaires ecclésiastiques de la secte sunnite de l'islám à expulser nos frères égyptiens; dans tous ces événements, nous pouvons percevoir les manifestations de la haine implacable que les peuples, les religions et les gouvernements nourrissent envers une foi si pure, si innocente, si glorieuse.
Il est de notre devoir de méditer ces événements en notre coeur, de nous efforcer d'élargir notre vision et d'approfondir notre compréhension de cette cause, et de nous lever, résolument et sans réserve, pour jouer notre rôle - si minime soit-il - dans ce drame, le plus grand de l'histoire spirituelle du monde.
Votre frère et collaborateur,La marche inexorable des récents événements a mené l'humanité si près du but annoncé par Bahá'u'lláh qu'aucun disciple responsable de sa foi, voyant partout les signes affligeants des douleurs de l'enfantement qui ont saisi le monde, ne peut rester insensible à la pensée de sa délivrance prochaine.
Il ne serait pas inapproprié, à l'heure où nous célébrons dans le monde entier la fin de la première décennie depuis que 'Abdu'l-Bahá nous fut soudainement enlevé, de réfléchir, à la lumière des enseignements qu'il a légués au monde, aux événements qui ont contribué à accélérer l'émergence progressive de l'ordre mondial prévu par Bahá'u'lláh.
Il y a dix ans aujourd'hui que se répandait comme un éclair dans le monde la nouvelle du décès de celui qui, seul, par l'influence de son amour, de sa force et de sa sagesse qui ennoblissent, aurait pu lui apporter, dans les multiples afflictions qu'il allait subir, son soutien et sa consolation.
Comme nous nous rappelons bien, nous la petite troupe de ses adeptes déclarés, qui affirmons avoir reconnu la lumière qui brillait en lui, ses allusions réitérées, au soir de sa vie terrestre, à l'affliction et aux troubles dont souffrirait de plus en plus une humanité obstinée. Qu'il est poignant, pour certains d'entre nous, le souvenir des remarques lourdes de sens qu'il fit en présence des pèlerins et des visiteurs qui se pressaient à sa porte au lendemain des réjouissances qui saluèrent la fin de la guerre mondiale - une guerre qui, par les horreurs qu'elle provoqua, les pertes qu'elle entraîna et les complications qu'elle engendra, devait exercer sur les destinées de l'humanité une influence d'une si grande portée. Comme il insista sereinement, mais pourtant vigoureusement, sur la duperie cruelle qu'un pacte - salué par les peuples et les nations comme l'incarnation de la justice triomphante et l'instrument infaillible d'une paix durable - gardait en réserve pour une humanité impénitente. La paix ! la paix ! - combien de fois l'entendîmes-nous faire cette remarque - les lèvres des peuples et des potentats la proclament sans cesse, tandis que le feu de haines inassouvies couve toujours dans leur coeur. Combien de fois l'entendîmes-nous élever la voix pour déclarer avec assurance - alors que le tumulte d'un enthousiasme triomphant était encore à son apogée, et longtemps avant même que l'inquiétude la plus vague eût été ressentie ou exprimée - que le document prôné comme la charte de libération de l'humanité contenait en lui-même les germes d'une supercherie amère qui allait davantage asservir le monde. Comme elles sont abondantes à présent les preuves qui attestent de la perspicacité de son jugement infaillible !
Dix ans de troubles incessants, si chargés d'angoisse, si lourds de conséquences incalculables pour l'avenir de la civilisation, ont amené le monde au bord d'un désastre trop terrible pour qu'on veuille y réfléchir. Il est, en effet, malheureux le contraste entre les manifestations d'enthousiasme confiant auxquelles se livraient si volontiers les plénipotentiaires à Versailles, et le cri de détresse avouée que vainqueurs et vaincus élèvent ensemble aujourd'hui, à l'heure de la désillusion amère.
Un monde las de la guerreNi les forces rassemblées par les artisans et les garants des traités de paix, ni les nobles idéaux qui animaient initialement l'auteur du pacte de la Société des Nations ne furent un rempart suffisant contre les forces de désorganisation interne qui par conséquent assaillirent une structure si laborieusement échafaudée. Ni les dispositions d'un prétendu règlement que les puissances victorieuses tentèrent d'imposer, ni le mécanisme de l'institution que conçut l'illustre et clairvoyant président d'Amérique ne s'avérèrent, en théorie comme en pratique, des instruments capables d'assurer l'intégrité de l'ordre qu'ils s'étaient efforcés d'établir. Les maux dont souffre maintenant le monde, écrivait 'Abdu'l-Bahá en janvier 1920, se multiplieront; l'obscurité qui l'enveloppe s'épaissira. Les Balkans resteront mécontents. Leur effervescence augmentera. Les puissances vaincues continueront à entretenir l'agitation. Elles auront recours à toutes les mesures qui pourraient ranimer la flamme de la guerre. Des mouvements, récents et de portée mondiale, feront tout leur possible pour faire avancer leurs desseins. Le mouvement de la gauche prendra une grande importance. Son influence s'étendra.
Depuis que ces mots furent écrits, le désarroi économique, associé à la confusion politique, aux bouleversements financiers, à l'agitation religieuse et à l'animosité raciale ont, semble-t-il, conspiré pour accroître démesurément le fardeau sous lequel gémit un monde appauvri et las de la guerre. L'effet cumulatif de ces crises, qui se sont succédées avec une rapidité si effarante, a été tel que les fondements mêmes de la société se sont mis à trembler. Le monde, quel que soit le continent vers lequel nous tournions notre regard, si éloignées que puissent être les régions sur lesquelles notre vue s'étend, est partout assailli par des forces qu'il ne peut ni expliquer ni contrôler.
L'Europe, tenue jusqu'ici pour le berceau d'une civilisation hautement vantée, pour le porte-flambeau de la liberté et pour la principale source des forces du commerce mondial et de l'industrie, se trouve désorientée et paralysée à la vue d'un si formidable bouleversement. Des idéaux depuis longtemps en faveur dans la sphère tant politique qu'économique de l'activité humaine sont mis à rude épreuve sous la pression de forces réactionnaires d'une part, et d'un radicalisme insidieux et tenace de l'autre. Du coeur de l'Asie, de lointains grondements, sinistres et insistants, laissent présager l'attaque rangée d'une doctrine qui, par sa négation de Dieu, de ses lois et de ses principes, menace de désorganiser les assises de la société humaine. La clameur d'un nationalisme naissant, doublée d'une recrudescence du scepticisme et de l'incroyance, s'abat comme un surcroît de calamités sur un continent considéré jusque-là comme le symbole de la stabilité séculaire et de la résignation paisible. Du fond de l'Afrique noire, les premiers remous d'une révolte consciente et résolue contre les buts et les méthodes de l'impérialisme politique et économique se font de plus en plus distincts, apportant leur contribution aux vicissitudes croissantes d'un âge troublé. Même l'Amérique - qui tout récemment encore se targuait de sa politique traditionnelle de réserve, du caractère autarcique de son économie, de l'invulnérabilité de ses institutions et des signes de sa prospérité et de son prestige grandissants - n'a pu résister à la poussée des forces qui l'ont entraînée dans l'oeil d'un cyclone économique qui menace à présent d'affaiblir les bases de sa propre vie économique et industrielle. Même la lointaine Australie qui, par son éloignement des foyers d'agitation européens, aurait pu se croire à l'abri des épreuves et des tourments d'un continent malade, a été happée par ce tourbillon de passions et de luttes, impuissante qu'elle fut à se dégager du piège de leur influence pernicieuse.
Les signes d'un chaos imminentJamais, en vérité, ne se produisirent - dans les domaines aussi bien social qu'économique ou politique de l'activité humaine - des bouleversements d'une ampleur et d'une profondeur telles que ceux qui se développent actuellement en différentes parties du monde. Jamais les sources de danger ne furent aussi nombreuses et variées que celles qui menacent à présent la structure de la société. Les paroles suivantes de Bahá'u'lláh prennent tout leur sens lorsque nous nous arrêtons un instant pour méditer sur l'état actuel d'un monde étrangement désordonné : Pendant combien de temps l'humanité persistera-t-elle dans son obstination ? Pendant combien de temps l'injustice se perpétuera-t-elle ? Pendant combien de temps encore la confusion et le chaos régneront-ils parmi les hommes ? Pendant combien de temps encore la discorde agitera-t-elle la face de la société ? Les vents du désespoir, hélas, soufflent de tous côtés, et les différends qui divisent et affligent la race humaine s'aggravent de jour en jour. Les signes des bouleversements et du chaos imminents peuvent à présent être discernés, d'autant que l'ordre qui règne actuellement s'avère lamentablement défectueux.
L'inquiétante influence de plus de trente millions d'âmes vivant dans les conditions dévolues aux minorités sur tout le continent européen; l'armée énorme et grandissante des sans-emplois, avec son poids écrasant et son influence démoralisante sur les gouvernements et sur les peuples; la course aux armements, effrénée et perverse, qui engloutit une part toujours plus grande des richesses de nations déjà appauvries; la démoralisation extrême dont souffrent, de plus en plus, les marchés financiers internationaux; l'assaut de la laïcité qui envahit ce qui était regardé autrefois comme les bastions inexpugnables de l'orthodoxie chrétienne et musulmane; tout ceci ressort comme autant de symptômes les plus graves qui ne présagent rien de bon quant à la stabilité future des structures de la civilisation moderne. Il n'est guère étonnant qu'un des plus éminents penseurs d'Europe, honoré pour sa sagesse et sa modération, ait été contraint d'énoncer une affirmation aussi hardie : Le monde traverse la crise la plus grave de l'histoire de la civilisation. Nous sommes, écrit un autre, soit devant une catastrophe mondiale, soit, peut-être, à l'aube d'une ère plus grande, de sagesse et de vérité. C'est en de telles époques, ajoute-t-il, que des religions ont péri et sont nées.
Ne pouvons-nous déjà discerner, en scrutant l'horizon politique, l'alignement de ces forces qui divisent de nouveau le continent européen en camps de combattants virtuels, déterminés à une confrontation qui, à la différence de la dernière guerre, peut marquer la fin d'une époque, d'une très longue et importante époque dans l'histoire de l'évolution humaine ? Nous, les gardiens privilégiés d'une foi inestimable, sommes-nous appelés à être les témoins d'un changement cataclysmique, aussi fondamental politiquement et, spirituellement, aussi bénéfique que celui qui précipita la chute de l'Empire romain en Occident ? Ne se pourrait-il - et tout adepte vigilant de la foi de Bahá'u'lláh devrait prendre le temps d'y réfléchir - que de cette éruption mondiale pussent jaillir des forces d'une telle énergie spirituelle qu'elles rappelleront, et même éclipseront, la splendeur des signes et des merveilles qui accompagnèrent l'établissement de la foi de Jésus-Christ ? Ne se pourrait-il que, de l'agonie d'un monde ébranlé, émergeât un renouveau religieux d'une telle portée et d'une telle vigueur qu'il surpasserait même la puissance de ces forces guidant le monde par lesquelles les religions du passé ont, à intervalles déterminés et selon une sagesse impénétrable, redressé le destin des âges et des peuples sur le déclin ? Ne se pourrait-il que la faillite actuelle de cette civilisation matérialiste tant vantée exterminât d'elle-même l'ivraie qui étouffe à présent le déploiement et la floraison future de la foi militante de Dieu ?
Laissons Bahá'u'lláh lui-même répandre sur notre route la lumière de ses paroles, tandis que nous naviguons parmi les embûches et les malheurs de cet âge troublé ! Il y a plus de cinquante ans, dans un monde qui était encore loin des maux et des épreuves qui le tourmentent aujourd'hui, ces paroles prophétiques coulèrent de sa plume : Le monde est en travail, et son agitation croît de jour en jour. Sa face est tournée vers l'incroyance et l'obstination. Sa condition sera telle qu'il ne serait ni convenable ni décent de la dévoiler à présent. Il s'obstinera longtemps encore dans sa perversité. Et, quand l'heure fixée sera venue, apparaîtra soudain ce qui fera trembler l'humanité de tous ses membres. Alors, et alors seulement, l'étendard divin sera déployé, et le Rossignol du paradis chantera sa mélodie.
L'impuissance des hommes d'ÉtatAmis chèrement aimés ! Vue sous l'angle de la conduite individuelle de l'homme ou sous celui des relations entre les nations et les communautés organisées, l'humanité, hélas, s'est égarée trop loin et a subi un trop grand déclin pour être rachetée par les seuls efforts des meilleurs d'entre ses hommes d'État et ses dirigeants officiels, quelque désintéressés que soient leurs mobiles, quelque concertée que soit leur action, quelque prodigues qu'ils soient de leur zèle et de leur dévouement envers sa cause. Aucun projet que les calculs de la politique la plus altruiste puissent encore imaginer; aucune doctrine que le plus distingué des théoriciens économiques puisse espérer avancer; aucun principe que le plus ardent des moralistes s'efforcerait d'inculquer ne pourra, en dernier ressort, fournir les bases appropriées sur lesquelles puisse être édifié l'avenir d'un monde éperdu. Aucun appel à la tolérance mutuelle que pourraient lancer des personnes sages et expérimentées - si impérieux et insistant soit-il - ne pourra calmer ses passions ni contribuer à rétablir sa vigueur. Aucun plan général de simple coopération internationale organisée, dans quelque sphère que ce soit de l'activité humaine, si ingénieux qu'il soit dans sa conception, si vaste dans sa portée, ne pourra réussir à extirper la racine du mal qui a si rudement bouleversé l'équilibre de la société contemporaine. Même pas, j'ose l'affirmer, la planification effective des instances nécessaires en vue de l'unification politique et économique du monde - un principe prôné de plus en plus ces derniers temps - ne pourra à elle seule procurer l'antidote au poison qui mine sans répit la vitalité des nations et des peuples organisés. Rien d'autre - ne pouvons-nous l'affirmer avec confiance ? - si ce n'est l'adhésion sans réserve au divin programme qu'a énoncé Bahá'u'lláh avec tant de simplicité et de force il y a soixante ans déjà - programme qui incorpore, dans ses traits essentiels, le plan arrêté par Dieu en vue de l'unification de l'humanité en cet âge -, liée à une confiance inébranlable en l'efficacité infaillible de toutes ses dispositions sans exception, ne sera capable, en fin de compte, de résister aux forces de désintégration interne qui, si on les laisse agir, continueront inexorablement à ronger les organes vitaux d'une société désespérée. C'est ce but, celui d'un nouvel ordre mondial - divin dans son origine, universel dans sa portée, équitable dans son principe et provocateur dans son caractère - qu'une humanité harcelée doit s'efforcer d'atteindre.
Prétendre avoir saisi toutes les implications du plan prodigieux de Bahá'u'lláh pour organiser la solidarité humaine à l'échelle mondiale, ou en avoir mesuré toute la portée, serait présomptueux, même de la part des adeptes déclarés de sa foi. Tenter d'en imaginer toutes les possibilités, d'en évaluer les bienfaits futurs et d'en dépeindre la gloire serait prématuré, même à un stade aussi avancé de l'évolution de l'humanité.
Les principes directeurs de l'ordre mondialTout ce que nous pouvons raisonnablement oser entreprendre, c'est d'essayer d'entrevoir la première lueur de l'aube promise qui, lorsque les temps seront venus, doit chasser les ténèbres qui enveloppent l'humanité. Tout ce que nous pouvons faire, c'est indiquer, dans leurs très grandes lignes, ce qui nous apparaît comme les principes directeurs qui sous-tendent l'ordre mondial de Bahá'u'lláh, tels qu'ils furent annoncés et développés par 'Abdu'l-Bahá, le centre de son alliance avec toute l'humanité, l'interprète attitré et le commentateur de sa parole.
Que l'inquiétude et les souffrances qui affligent la masse de l'humanité soient, pour une grande part, les conséquences directes de la guerre mondiale, et qu'elles soient imputables au manque de sagesse et à la vue courte des artisans des traités de paix, seul un esprit partial peut se refuser à l'admettre. Que les obligations financières contractées au cours de la guerre ainsi que le fait d'imposer aux vaincus le fardeau écrasant des réparations aient été, pour une très grande part, responsables de la mauvaise répartition des réserves mondiales en or monétaire et de la pénurie qui s'ensuivit, laquelle, à son tour, accentua dans une très large mesure la phénoménale chute des prix, ce qui augmenta impitoyablement les charges des pays appauvris; tout cela, aucun esprit équitable ne le mettrait en doute. Que les dettes intergouvernementales aient imposé une lourde contrainte aux masses populaires d'Europe, qu'elles aient bouleversé l'équilibre des budgets nationaux, qu'elles aient paralysé les industries nationales et contribué à accroître le nombre des chômeurs, cela n'est pas moins évident pour un observateur sans préjugés. Que l'esprit de revanche, de suspicion, de crainte et de rivalité qu'a engendré la guerre, et que les clauses des traités de paix ont perpétué et nourri, ait conduit à une augmentation considérable de la compétition dans la course nationale aux armements - qui a entraîné, l'année dernière, des dépenses totales d'au moins mille millions de livres, dépenses qui, à leur tour, ont accentué les effets de la dépression mondiale - tout ceci encore constitue une vérité que même le plus superficiel des observateurs admettra aisément. Qu'un nationalisme brutal et borné, que les théories d'après-guerre sur l'autodétermination ont servi à renforcer, ait été le principal responsable de la politique des tarifs douaniers élevés et prohibitifs, si nuisibles au flux du commerce international et aux mécanismes de la finance internationale, est un fait que peu de gens s'aviseraient de contester.
Il serait vain, toutefois, de prétendre que la guerre - avec toutes les pertes qu'elle a occasionnées, les passions qu'elle a soulevées et les amertumes qu'elle a laissées derrière elle - ait été responsable à elle seule de la confusion sans précédent où sont actuellement plongées presque toutes les parties du monde civilisé. N'est-il pas manifeste - et c'est l'idée centrale sur laquelle je désire mettre l'accent - que la cause fondamentale du malaise universel est attribuable, non point tellement aux conséquences de ce qui en viendra, tôt ou tard, à être considéré comme une désorganisation temporaire des affaires d'un monde en perpétuel changement, mais surtout à l'échec de ceux qui, s'étant vu confier les destinées immédiates des peuples et des nations, s'avérèrent incapables d'adapter l'ensemble de leurs institutions économiques et politiques aux besoins impérieux d'une époque en rapide évolution ? Ces crises intermittentes qui convulsionnent la société actuelle ne sont-elles pas dues, en premier lieu, à l'incapacité lamentable des dirigeants officiels du monde d'interpréter correctement les signes du temps, de s'affranchir, une fois pour toutes, de leurs idées préconçues et des croyances qui les paralysent, et de remanier l'organisation de leurs gouvernements respectifs selon des normes implicitement contenues dans la déclaration suprême de l'unité de l'humanité de Bahá'u'lláh - le trait distinctif et principal de la foi qu'il a proclamée ? Car le principe de l'unité du genre humain, pierre angulaire de l'empire universel de Bahá'u'lláh, n'implique ni plus ni moins que la mise en application de son plan d'unification du monde - un plan dont nous avons déjà fait mention. Dans chaque dispensation, écrit 'Abdu'l-Bahá, la lumière de la direction divine a été concentrée sur un thème central... En cette révélation merveilleuse, en ce siècle glorieux, le fondement de la foi de Dieu et le caractère distinctif de sa loi, c'est la conscience de l'unité de l'humanité.
Qu'ils sont pathétiques, en vérité, les efforts de ces dirigeants d'institutions humaines qui, avec la plus profonde méconnaissance de l'esprit de leur époque, s'efforcent d'adapter des méthodes nationales appropriées aux temps passés - lorsque les nations se suffisaient à elles-mêmes - à un âge qui doit ou bien réaliser l'unité du monde telle que l'a esquissée Bahá'u'lláh, ou bien périr. À une heure aussi critique de l'histoire de la civilisation, il appartient aux dirigeants de toutes les nations du monde, grandes et petites, de l'Est ou de l'Ouest, aussi bien victorieuses que vaincues, de prêter attention à l'appel clair et puissant de Bahá'u'lláh et, imprégnés d'un sentiment de solidarité mondiale - condition sine qua non de la loyauté envers sa cause - de se lever hardiment pour appliquer intégralement le seul traitement curatif que lui, le divin médecin, a prescrit à une humanité souffrante. Qu'ils bannissent définitivement toute idée préconçue, tout préjugé nationaliste, et tiennent compte du conseil sublime de 'Abdu'l-Bahá, l'interprète autorisé de ses enseignements. Vous servirez le mieux votre pays, répondit 'Abdu'l-Bahá à un haut fonctionnaire au service du gouvernement fédéral des États-Unis d'Amérique qui l'avait questionné sur la meilleure manière de promouvoir les intérêts de son gouvernement et du peuple, si vous vous efforcez, en votre qualité de citoyen du monde, de collaborer à l'application définitive du principe fédéraliste - base du gouvernement de votre propre pays - aux relations qui existent à l'heure actuelle entre les peuples et les nations du monde.
Dans Le Secret de la civilisation divine (Les Forces mystérieuses de civilisation), éminente contribution de 'Abdu'l-Bahá à la future réorganisation du monde, nous lisons ce qui suit :
La vraie civilisation déploiera son drapeau au centre même du monde aussitôt qu'un certain nombre de ses souverains éminents et altruistes - exemples insignes de dévouement et de détermination - se lèveront, animés d'une ferme résolution et d'une vision claire, pour le bien et le bonheur de toute l'humanité, afin de servir la cause de la paix universelle. Ils auront à faire de la cause de la paix l'objet d'une consultation générale et à chercher, par tous les moyens en leur pouvoir, à établir une union des nations du monde. Ils devront conclure un traité à caractère obligatoire et instituer une alliance dont les clauses seront solides, inviolables et bien définies. Ils devront la proclamer au monde entier et lui obtenir la sanction de toute la race humaine. Cette suprême et noble entreprise - la véritable source de la paix et du bien-être du monde entier - devra être tenue pour sacrée par tous les habitants de la terre. Toutes les forces de l'humanité devront se mobiliser pour assurer la stabilité et la permanence de cette très grande alliance. Dans ce pacte universel, les limites et les frontières de tous les pays devront être clairement fixées, les principes régissant les relations réciproques entre gouvernements exactement stipulés, et toutes les obligations et tous les accords internationaux dûment précisés. De même, l'importance des armements de chaque gouvernement devra être strictement limitée car, si l'on permettait à une nation d'augmenter ses préparatifs de guerre et ses forces militaires, la suspicion des autres États s'éveillerait aussitôt. Le principe fondamental à la base de ce pacte solennel devrait être établi de telle sorte que si, par la suite, un gouvernement violait l'une de ces dispositions, tous les gouvernements de la terre devraient se lever pour le réduire à la plus complète soumission ou, mieux encore, l'ensemble de la race humaine devrait se résoudre à détruire ce gouvernement par tous les moyens en son pouvoir. Que ce remède, le plus grand de tous, soit appliqué au corps malade du monde, et il guérira assurément de ses maux et restera éternellement à l'abri de tout danger.
Quelques-uns, ajoute plus loin 'Abdu'l-Bahá, ignorant la puissance latente de l'effort humain, considèrent cette question comme hautement irréaliste, et même hors de portée des efforts les plus acharnés de l'homme. Tel n'est pourtant pas le cas. Au contraire, grâce à l'infaillible clémence de Dieu, à la bonté de ses élus, aux efforts incomparables d'âmes capables et sages, aux pensées et aux idées des dirigeants hors pair de cette époque, absolument rien ne peut être regardé comme inaccessible. L'effort, un effort incessant, est nécessaire. Seule une détermination indomptable pourra le produire. Bien des objectifs qui, autrefois, étaient tenus pour chimériques, sont devenus, de nos jours, faciles et réalisables. Pourquoi faudrait-il que cette sublime et noble cause - l'étoile matinale au firmament de la vraie civilisation et la source de la gloire, du progrès, du bien-être et du succès pour toute l'humanité - soit regardée comme impossible à réaliser ? Assurément, le jour viendra où sa très belle lumière illuminera l'assemblée des hommes.
Les sept lumières de l'unitéDans une de ses tablettes, 'Abdu'l-Bahá, clarifiant plus amplement son noble sujet, révèle ce qui suit :
Dans les cycles passés, bien que l'harmonie fût établie, l'unité de toute l'humanité n'avait cependant pu être accomplie en raison de l'absence de moyens. Les continents demeuraient largement divisés et, même entre les peuples d'un seul et même continent, l'association et l'échange de pensées étaient pour ainsi dire impossibles. Par conséquent, la communication, la compréhension et l'unité parmi tous les peuples et toutes les familles de la terre étaient inaccessibles. En ce jour, par contre, les moyens de communication se sont multipliés et les cinq continents de la terre se sont virtuellement fondus en un seul... De même, tous les membres de la famille humaine, peuples ou gouvernements, villes ou villages, sont devenus de plus en plus interdépendants; l'autarcie n'est plus possible pour personne, dans la mesure où des liens politiques unissent tous les peuples et toutes les nations, et où ceux tissés par le commerce et l'industrie, l'agriculture et l'éducation se renforcent chaque jour. C'est pourquoi, en ce jour, l'unité de toute l'humanité peut être réalisée. En vérité, ceci n'est rien d'autre qu'une des merveilles de cet âge prodigieux, de ce siècle glorieux. De cela, les temps anciens ont été privés, car ce siècle - le siècle de la lumière - a été doté d'une gloire, d'une puissance et d'un éclat uniques et sans précédent. De là, cette éclosion miraculeuse d'une nouvelle merveille chaque jour. Et à la fin, l'on verra de quel éclat brilleront ses flambeaux sur l'assemblée des hommes.
Voyez comme sa lumière se lève à l'horizon assombri du monde. Le premier flambeau est l'unité dans l'ordre politique, dont les premières lueurs sont déjà discernables. Le deuxième flambeau est l'unité de pensée dans les entreprises mondiales, à l'accomplissement de laquelle on assistera avant peu. Le troisième flambeau est l'unité dans la liberté, qui assurément se réalisera. Le quatrième flambeau est l'unité dans la religion, qui est la pierre angulaire de la fondation même et qui, par le pouvoir de Dieu, sera révélée dans toute sa splendeur. Le cinquième flambeau est l'unité des nations - une unité qui sera fermement établie dans le courant de ce siècle et qui entraînera tous les peuples du monde à se considérer comme les citoyens d'une même patrie. Le sixième flambeau est l'unité des races qui fera, de tous les habitants de la terre, des peuples et des tribus, une seule race. Le septième flambeau est l'unité de langage, c'est-à-dire le choix d'une langue universelle que tous les peuples apprendront, et dans laquelle ils converseront. Tout ceci s'accomplira inévitablement, car la puissance du royaume de Dieu portera aide et assistance à sa réalisation.
Un super État mondialIl y a plus de soixante ans, dans sa tablette à la reine Victoria, Bahá'u'lláh, s'adressant à "l'assemblée des souverains de la terre", révélait ce qui suit :
Consultez-vous, et que votre seul souci soit ce qui profite au genre humain et en améliore la condition... Considérez le monde comme le corps humain qui, bien que créé complet et parfait, a été affligé, pour des causes diverses, de maux et de souffrances graves. Loin de lui laisser le moindre répit, ses maladies n'ont fait que croître en gravité, car il a été livré au traitement de médecins incapables qui ont éperonné le coursier de leurs désirs terrestres et se sont cruellement trompés. Et s'il arriva que, grâce aux soins d'un médecin compétent, un des membres de ce corps fût guéri, le reste en demeura aussi souffrant qu'auparavant... Voici ce que vous annonce l'Omniscient, le Très-Sage... Ce que le Seigneur a ordonné comme le remède souverain et l'instrument le plus puissant pour la guérison du monde entier est l'union de tous ses peuples en une cause universelle, en une foi commune. Ceci ne peut être atteint que par le pouvoir d'un médecin habile, tout-puissant et inspiré. Ceci, vraiment, est la vérité, et tout le reste n'est qu'erreur.
Dans un autre passage, Bahá'u'lláh ajoute ces paroles :
Nous vous voyons augmenter chaque année vos dépenses et en reporter le fardeau sur le peuple que vous gouvernez; ceci, en vérité, n'est rien d'autre qu'une grave injustice. Craignez les soupirs et les larmes de cet Opprimé, et n'accablez pas vos peuples au-delà de ce qu'ils peuvent supporter... Réconciliez-vous, afin de n'avoir besoin d'autres armements que ceux qui sont nécessaires à la sauvegarde de vos territoires et de vos possessions. Soyez unie, ô assemblée de souverains du monde, car ainsi sera apaisée la tempête de discorde qui souffle parmi vous, et vos peuples trouveront le repos... Si l'un d'entre vous prend les armes contre un autre, levez-vous tous contre lui, car ce n'est là que justice manifeste.
Quelle autre signification pourraient avoir ces graves paroles si ce n'est d'indiquer que la réduction inévitable d'une souveraineté nationale libre de toute contrainte est le prélude indispensable à la formation de la future fédération de toutes les nations du monde ? Une certaine forme de super État mondial devra absolument être élaborée, un super État en faveur duquel toutes les nations du monde auront volontairement abandonné toute prétention à faire la guerre, certains droits à lever des impôts et tout droit à maintenir des armements, si ce n'est pour le maintien de l'ordre dans les territoires relevant de leurs autorités respectives. Un tel État devra inclure dans son orbite un pouvoir exécutif international capable d'imposer son autorité suprême et incontestable à tout membre récalcitrant de la Fédération; un parlement mondial dont les membres seront élus par les peuples dans leurs pays respectifs, avec ratification de cette élection par leurs gouvernements respectifs; et un tribunal suprême dont les jugements auront force de loi, même dans l'éventualité où les parties concernées n'auraient pas volontairement consenti à soumettre leur cas à son examen. Une communauté mondiale dans laquelle toutes les barrières économiques auront été définitivement abattues, et l'interdépendance du capital et du travail explicitement reconnue; dans laquelle les clameurs des luttes et du fanatisme religieux auront été apaisées pour toujours; dans laquelle la flamme de l'animosité raciale aura été définitivement éteinte; dans laquelle un seul code de droit international - issu du jugement réfléchi des représentants fédérés du monde - disposera, pour appliquer sa sanction, de l'intervention immédiate et coercitive des forces conjuguées des unités fédérées; et finalement une communauté mondiale dans laquelle l'acharnement d'un nationalisme militant et capricieux aura été converti en une conscience permanente de la citoyenneté mondiale; voici, en vérité, comment se présente dans ses très grandes lignes l'ordre prévu par Bahá'u'lláh, un ordre qui en viendra à être considéré comme le fruit le plus beau d'un âge qui arrive lentement à maturité.
Dans son message à tout le genre humain, Bahá'u'lláh proclame : Le tabernacle de l'unité a été élevé; ne vous considérez pas les uns les autres comme des étrangers... Vous êtes tous les fruits d'un même arbre, les feuilles d'une même branche... La terre n'est qu'un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens... Qu'un homme ne se fasse pas gloire d'aimer son pays, qu'il se glorifie plutôt d'aimer ses semblables.
Unité dans la diversitéQu'il n'y ait aucun doute quant au but qui anime la loi universelle de Bahá'u'lláh. Loin de viser à la subversion des fondements existants de la société, elle cherche à en élargir les bases et à en remodeler les institutions pour les adapter aux besoins d'un monde en évolution constante. Elle ne peut entrer en conflit avec aucune allégeance légitime, pas plus qu'elle ne peut ébranler les loyalismes fondamentaux. Son objet n'est point d'étouffer la flamme d'un patriotisme sain et intelligent dans le coeur des hommes, ni d'abolir le système de l'autonomie nationale, qui est si indispensable si l'on veut éviter les maux liés à une centralisation excessive. Elle n'ignore pas, ni ne veut supprimer, la diversité due aux origines ethniques, au climat, à l'histoire, aux langues et aux traditions, aux manières de penser et aux coutumes qui différencient les nations et les peuples du monde. Elle en appelle à une loyauté plus large, à une aspiration plus vaste que celles qui ont jamais animé la race humaine; elle insiste sur la nécessité de subordonner les impulsions et les intérêts nationaux aux revendications impérieuses d'un monde unifié; elle refuse une centralisation excessive, d'une part, et rejette toute tentative d'uniformité, de l'autre. Son mot d'ordre est : l'unité dans la diversité, ainsi que 'Abdu'l-Bahá lui-même l'a expliqué : Observez les fleurs d'un jardin. Bien qu'elles diffèrent par leur espèce, leur couleur, leur forme et leur aspect, pourtant, parce qu'elles sont rafraîchies par les eaux d'une même source, revivifiées par les souffles d'une même brise et tonifiées par les rayons d'un même soleil, cette diversité augmente leur charme et ajoute à leur beauté. Comme il serait peu agréable à l'oeil que toutes les fleurs et les plantes, les feuilles et les bourgeons, les fruits, les branches et les arbres de ce jardin aient la même forme et la même couleur ! La diversité des tons, des tailles et des formes enrichit et pare le jardin, rehaussant l'impression qu'il produit. Ainsi, quand diverses nuances de pensée, de tempérament et de caractère se trouveront réunies grâce au pouvoir et à l'influence d'un même agent central, la gloire et la beauté de la perfection humaine seront révélées et rendues manifestes. Seule la puissance céleste du Verbe de Dieu, qui gouverne et transcende les réalités de toutes choses, peut harmoniser les pensées, les sentiments, les idées et les convictions divergentes des enfants des hommes.
L'appel de Bahá'u'lláh est, en premier lieu, dirigé contre toute forme d'esprit de clocher, d'étroitesse d'esprit et de préjugés. Si des idéaux longtemps chéris, si des institutions vénérées, si certains postulats sociaux et certaines formules religieuses ont cessé de promouvoir le bien-être de la grande majorité des hommes, s'ils ne contribuent plus aux besoins d'une humanité en développement continuel, alors, qu'ils soient balayés et relégués dans les oubliettes des doctrines abandonnées et dépassées. Pourquoi, dans un monde soumis à la loi immuable du changement et du déclin, seraient-ils exempts de la détérioration qui doit gagner toute institution humaine ? Car les normes légales, les théories politiques et économiques ont pour seul but la sauvegarde des intérêts de l'humanité dans son ensemble, et l'humanité n'a pas à être crucifiée pour préserver l'intégrité d'une loi ou d'une doctrine particulière.
Le principe d'unitéQu'il n'y ait point de malentendu. Le principe de l'unité de l'humanité - pivot autour duquel gravitent tous les enseignements de Bahá'u'lláh - n'est pas le simple élan d'une sentimentalité ignorante ou l'expression d'un espoir vague et pieux. L'appel qu'il lance ne doit pas simplement être assimilé au réveil de l'esprit de fraternité et de bonne volonté parmi les hommes, et il ne vise pas seulement à entretenir une coopération harmonieuse entre des peuples de différentes ethnies et nations. Ses implications sont plus profondes, ses revendications sont plus importantes qu'aucune de celles que les prophètes du passé furent autorisés à avancer. Son message ne vaut pas seulement pour l'individu, il vise avant tout la nature des rapports essentiels qui doivent lier tous les États et toutes les nations comme les membres d'une même famille humaine. Il ne constitue pas simplement l'énoncé d'un idéal, mais il est inséparablement associé à une institution propre à incarner sa vérité, à démontrer sa validité et à perpétuer son influence. Il suppose un changement organique dans la structure de la société contemporaine, un changement tel que le monde n'en a jamais connu. Il constitue un défi à la fois audacieux et universel aux mots d'ordre désuets des credos nationaux - credos qui ont fait leur temps et qui, selon le cours normal des événements réglés et contrôlés par la Providence, doivent céder la place à un nouvel Évangile foncièrement différent et infiniment supérieur à ce que, jusqu'ici, il a été donné au monde de concevoir. Ce principe de l'unité n'implique rien de moins que la reconstruction et la démilitarisation du monde civilisé tout entier - un monde qui sera organiquement unifié dans tous les aspects essentiels de sa vie, dans son système politique, son aspiration spirituelle, son commerce et sa finance, son écriture et son langage, et pourtant d'une infinie diversité par les particularités nationales de ses unités fédérées.
Il représentera le couronnement de l'évolution humaine - une évolution dont les prémices ont été la naissance de la vie familiale, dont le développement suivant fut la réalisation de la solidarité tribale, celle-ci conduisant à son tour à la constitution de la cité État, qui s'est élargie plus tard dans l'institution de nations souveraines et indépendantes.
Le principe de l'unité de l'humanité, tel que l'a proclamé Bahá'u'lláh, apporte avec lui ni plus ni moins que l'affirmation solennelle selon laquelle, dans cette prodigieuse évolution, l'accession à ce stade final est non seulement nécessaire mais inéluctable, que sa réalisation approche à grands pas, et que rien si ce n'est un pouvoir né de Dieu ne peut réussir à l'établir.
Une conception si merveilleuse trouve ses premières manifestations dans les efforts sciemment déployés et les modestes débuts déjà réalisés par les adeptes déclarés de la foi de Bahá'u'lláh qui, conscients de la sublimité de leur vocation et initiés aux principes de son administration qui les ennoblissent, progressent dans l'établissement de son royaume sur cette terre. Elle se révèle aussi, indirectement, par la diffusion progressive de l'esprit de solidarité mondiale qui émerge spontanément de l'agitation d'une société désorganisée.
Il serait stimulant de suivre l'histoire de la croissance et du développement de cette conception sublime qui attirera de plus en plus l'attention des gardiens responsables du destin des peuples et des nations. Aux États et aux principautés qui venaient de sortir du chaos provoqué par le grand bouleversement napoléonien, et dont la principale préoccupation était de recouvrer leurs droits à une existence indépendante ou de réaliser leur unité nationale, l'idée d'une solidarité mondiale ne semblait pas seulement éloignée, elle était inconcevable. Il faudra attendre que les forces du nationalisme soient parvenues à renverser les fondements de la Sainte-Alliance - qui avait essayé de brider leur pouvoir grandissant - pour que la possibilité d'un ordre mondial, surpassant en portée les institutions politiques établies par ces nations, en arrive à être envisagée sérieusement. Il faudra la fin de la guerre mondiale pour que ces tenants d'un nationalisme arrogant en viennent à regarder un tel ordre comme le but d'une doctrine pernicieuse visant à saper ce loyalisme essentiel dont dépend le maintien de la vie de leur nation. Avec une vigueur qui rappelait l'énergie avec laquelle les membres de la Sainte-Alliance cherchaient à étouffer l'esprit d'un nationalisme montant parmi les peuples libérés du joug napoléonien, ces champions d'une souveraineté nationale absolue se sont à leur tour mis à travailler - et travaillent encore - à discréditer les principes desquels dépendra finalement leur propre salut.
L'opposition violente qui salua le projet mort-né du protocole de Genève, la manière accablante dont fut ridiculisée la proposition avancée par la suite pour des États-Unis d'Europe, et l'insuccès du projet général pour l'union économique européenne peuvent apparaître comme autant d'échecs aux efforts qu'une poignée de gens clairvoyants déploient avec ardeur pour qu'avance ce noble idéal. Et pourtant, n'avons-nous pas raison de sentir notre courage renouvelé lorsque nous voyons que la seule prise en considération de tels projets est en elle-même un signe de leur progrès régulier dans l'esprit et le coeur des hommes ? Avec les tentatives organisées pour discréditer une si haute conception, n'assistons-nous pas à la répétition, à plus grande échelle, de ces luttes mouvementées et de ces controverses véhémentes qui précédèrent la naissance et aidèrent à la reconstruction des nations unifiées d'Occident ?
La fédération de l'humanitéPrenons un seul exemple : avec quelle assurance n'affirmait-on pas, au cours des journées précédant l'unification des États d'Amérique du Nord, que des barrières insurmontables se dressaient sur la voie de leur fédération finale ! Ne déclarait-on pas partout, et avec insistance, que les intérêts opposés, la méfiance mutuelle, les différences de coutumes et de gouvernements divisant les États étaient tels qu'aucune force, tant spirituelle que temporelle, ne pourrait jamais espérer les harmoniser ou les maîtriser ? Et pourtant, comme la situation qui prédominait il y a cent cinquante ans était différente de celle qui caractérise notre société actuelle ! Il ne serait vraiment pas exagéré de dire que l'absence des moyens que le progrès scientifique moderne a mis à présent au service de l'humanité faisait du problème de souder en une fédération unique les États américains - aussi semblables qu'ils aient pu être par certaines traditions - une tâche infiniment plus complexe que celle à laquelle se trouve confrontée, dans ses efforts pour réaliser l'unification de tout le genre humain, une humanité divisée.
Qui sait si, pour qu'une conception aussi élevée puisse prendre forme, une souffrance plus intense qu'aucune de celles qu'elle a jamais connues ne devra pas être infligée à l'humanité ? Hormis le feu d'une guerre civile, avec toutes ses violences et ses vicissitudes - une guerre qui a failli déchirer la grande République américaine - qu'est-ce qui aurait pu souder ces États, non seulement en une union d'unités indépendantes, mais en une nation, malgré toutes les différences ethniques caractérisant ses parties composantes ? Qu'une révolution aussi fondamentale, entraînant des changements d'une telle portée dans la structure de la société, puisse s'obtenir par le recours aux processus habituels de la diplomatie et de l'éducation semble hautement improbable. Nous n'avons qu'à tourner nos regards vers l'histoire sanglante de l'humanité pour bien comprendre que rien, hormis une intense souffrance, mentale autant que physique, n'a pu précipiter ces changements déterminants qui constituent les jalons les plus marquants de l'histoire de la civilisation humaine.
Le feu de l'épreuveSi grands et si influents qu'aient pu être autrefois ces changements, une fois placés dans leur juste perspective, ils ne peuvent apparaître que comme des ajustements secondaires préludant à cette transformation d'une envergure et d'une majesté sans parallèle que l'humanité, en cet âge, est obligée de subir. Que rien, hormis les forces d'une catastrophe mondiale, ne puisse précipiter la venue de cette nouvelle phase de la pensée humaine, cela devient, hélas, de plus en plus apparent. Qu'il ne faille rien de moins que le feu d'une épreuve douloureuse, d'une intensité sans égale, pour fondre et souder les entités en désaccord qui constituent les éléments de la civilisation actuelle, et faire d'elles les parties intégrantes de la fédération mondiale de l'avenir, c'est là une vérité que les événements futurs démontreront de manière croissante.
La voix prophétique de Bahá'u'lláh, avertissant les peuples du monde, dans les derniers passages des Paroles cachées, qu'une calamité imprévue les poursuit et qu'un châtiment douloureux les attend, projette, en effet, une lumière sinistre sur le destin immédiat d'une humanité souffrante. Seule une terrible épreuve du feu, d'où l'humanité sortira châtiée et prête, peut réussir à implanter ce sens de la responsabilité que les dirigeants d'un âge nouveau devront assumer.
Et je voudrais à nouveau attirer votre attention sur ces paroles inquiétantes de Bahá'u'lláh, déjà citées : Et, quand l'heure fixée sera venue, apparaîtra soudain ce qui fera trembler l'humanité de tous ses membres.
'Abdu'l-Bahá lui-même n'a-t-il pas déclaré en un langage sans équivoque qu'une autre guerre plus acharnée que la dernière éclaterait assurément ?
De l'accomplissement de cette entreprise colossale, de cette entreprise indiciblement glorieuse, celle qui confondit les ressources de la diplomatie romaine, et que les efforts désespérés de Napoléon ne purent mener à bien, dépendra l'ultime réalisation de ce millenium chanté par les poètes de tous les temps et dont les inspirés rêvèrent longtemps. D'elle dépendra l'accomplissement des prophéties énoncées par les prophètes d'autrefois, où il est dit que les épées seront transformées en socs de charrues, et que le lion et l'agneau dormiront côte à côte. Elle seule peut inaugurer le royaume du Père des cieux comme le promettait la foi de Jésus-Christ. Elle seule peut fonder les bases du nouvel ordre mondial évoqué par Bahá'u'lláh - ordre mondial qui réfléchira, si faiblement que ce soit dans ce monde terrestre, les splendeurs ineffables du royaume d'Abhá.
Un mot encore pour conclure. La proclamation de l'unité de l'humanité - pierre angulaire de l'empire universel de Bahá'u'lláh - ne peut, en aucun cas, se comparer aux expressions d'espoir pieux proférées autrefois. Sa proclamation n'est pas simplement cet appel qu'il lança, seul et sans soutien, à la face de l'opposition implacable et combinée de deux des plus puissants potentats orientaux de son temps - alors qu'il était lui-même un exilé et un prisonnier entre leurs mains. Cette proclamation suppose à la fois un avertissement et une promesse : l'avertissement qu'en elle réside la seule voie de salut d'un monde plongé dans de grandes souffrances, la promesse que sa réalisation est à portée de main.
Prononcée à une époque où l'éventualité de sa réalisation n'avait encore été sérieusement envisagée nulle part au monde, cette proclamation en est venue, grâce à cette force céleste que lui a insufflée l'esprit de Bahá'u'lláh, à être enfin considérée, par un nombre croissant d'hommes avisés, non seulement comme une éventualité prochaine, mais comme l'aboutissement nécessaire des forces agissant maintenant dans le monde.
Le porte-parole de DieuAssurément, le monde - resserré et transformé en un seul organisme extrêmement complexe grâce aux merveilleux progrès accomplis dans le domaine de la science physique, et grâce à l'expansion mondiale du commerce et de l'industrie, et occupé à se débattre, sous la pression des forces économiques mondiales, parmi les pièges d'une civilisation matérialiste - a grand besoin d'un rappel de cette vérité qui est à la base de toutes les révélations du passé, reformulée dans un langage approprié à ses besoins essentiels. Et quelle autre voix que celle de Bahá'u'lláh - le porte-parole de Dieu pour cette époque - est capable d'effectuer une transformation de la société aussi radicale que celle qu'il a déjà accomplie dans le coeur de ces hommes et de ces femmes, si divers et apparemment si implacablement hostiles, qui constituent l'effectif de ses adeptes déclarés à travers le monde ?
Que cette conception puissante soit en train de germer rapidement dans l'esprit des hommes, que des voix s'élèvent pour la soutenir, que ses traits saillants doivent bientôt se cristalliser dans la conscience de ceux qui détiennent l'autorité, rares, en vérité, sont ceux qui pourraient en douter. Que ses débuts modestes aient déjà pris la forme d'une administration mondiale, à laquelle les adeptes de la foi de Bahá'u'lláh demeurent associés, seuls ceux dont le coeur est corrompu par les préjugés peuvent ne pas s'en rendre compte.
C'est à nous, mes chers collaborateurs, qu'incombe le devoir souverain de continuer à aider, avec une vision claire et un zèle qui ne tiédit pas, à la construction finale de cet édifice dont Bahá'u'lláh a posé les fondements dans nos coeurs, de tirer une force et un espoir accrus de la tendance générale des événements récents - quelque sombres que soient leurs effets immédiats - et de prier, avec une ferveur incessante, pour qu'il puisse hâter l'approche de la réalisation de cette vision merveilleuse qui constitue l'émanation la plus brillante de son esprit et le plus beau fruit de la plus belle civilisation que le monde ait jamais vue.
Le centième anniversaire de la déclaration de la foi de Bahá'u'lláh ne pourrait-il marquer le commencement d'une ère aussi vaste de l'histoire humaine ?
Votre frère fidèle,Aux bien-aimés de Dieu et aux servantes du Miséricordieux à travers les États-Unis et le Canada.
Amis et codéfenseurs de la foi de Bahá'u'lláh !Si importants qu'aient été les changements qui, récemment, ont frappé une humanité qui s'éveille rapidement en cette phase de transition de son histoire mouvementée, la consolidation régulière des institutions que les administrateurs de la foi de Bahá'u'lláh s'efforcent d'établir dans tous les pays n'en devrait pas sembler moins remarquable, même à ceux qui ne sont encore qu'imparfaitement informés des obstacles qu'ils ont eu à surmonter ou des maigres ressources sur lesquelles ils pouvaient compter.
Qu'une foi qui, il y a dix ans, fut durement ébranlée par la brusque disparition d'un maître incomparable ait pu, face à des obstacles formidables, préserver son unité, résister aux assauts empreints de malignité des malveillants, réduire au silence ses calomniateurs, élargir la base de son administration déjà très étendue et édifier sur celle-ci des institutions qui symbolisent ses idéaux de service et d'adoration envers Dieu devrait être considéré comme une preuve suffisante du pouvoir invincible dont le Tout-Puissant a choisi d'investir cette foi dès sa naissance.
Que la cause associée au nom de Bahá'u'lláh se nourrisse à ces sources cachées de force céleste que nulle énergie émanant d'une personnalité humaine, quels que soient ses attraits, ne peut remplacer; qu'elle ne compte que sur cette seule source mystique à laquelle nul avantage terrestre - que ce soit la richesse, la renommée ou le savoir - ne peut être comparé; qu'elle se propage par des voies mystérieuses en contradiction totale avec les critères acceptés par une grande part de l'humanité : tout cela deviendra, si ce n'est déjà manifeste, toujours plus évident à mesure qu'elle progressera vers de nouvelles conquêtes dans sa lutte pour la régénération spirituelle de l'humanité.
En vérité, comment la cause aurait-elle pu réussir, alors qu'elle ne fut jamais soutenue par les conseils et les ressources des sages, des riches et des savants dans le pays de sa naissance, à briser les entraves qui pesaient sur elle à l'heure de sa naissance, à émerger indemne des tempêtes qui agitèrent son enfance, si son souffle n'avait été vivifié par cet Esprit qui est né de Dieu et dont doit finalement dépendre toute réussite, où et de quelque manière qu'elle soit recherchée ?
Je n'ai pas besoin de rappeler, même très schématiquement, les détails navrants de cette tragédie effroyable qui a marqué l'enfantement douloureux de notre foi bien-aimée en un pays tristement célèbre pour son fanatisme sans frein, son ignorance crasse, sa cruauté débridée. Je n'ai pas à m'étendre non plus sur la vaillance, le courage sublime qui défia les tortionnaires cruels de cette race, ni à souligner le nombre, ou à insister sur la pureté de la vie de ceux qui acceptèrent volontairement la mort afin que leur cause vive et prospère. Il n'est pas non plus nécessaire que je m'attarde sur l'indignation que suscitèrent ces atrocités et sur les sentiments d'admiration sans réserve qui montèrent du coeur d'hommes et de femmes innombrables, dans des régions éloignées de la scène où se produisirent ces cruautés indescriptibles. Il suffira de dire qu'à ces héros de la terre natale de Bahá'u'lláh fut octroyé le privilège inestimable de sceller de leur sang les premiers triomphes de leur foi chérie, et de préparer la voie pour sa victoire prochaine. Dans le sang des martyrs innombrables de la Perse se trouvait la semence de l'administration divinement désignée qui, bien que transplantée de son sol natal, éclôt à présent, grâce à votre sollicitude aimante, pour donner naissance à un ordre nouveau destiné à envelopper l'humanité tout entière.
La contribution de l'Amérique à la causeSi grandes qu'aient été les réalisations et si inoubliables les services des pionniers de l'âge héroïque de la cause en Perse, la contribution, que leurs descendants spirituels, les croyants d'Amérique, maîtres bâtisseurs de la structure organique de la cause, apportent actuellement à l'accomplissement du plan qui doit inaugurer l'âge d'or de la cause, n'en est pas moins méritoire en cette période ardue de son histoire. J'ose affirmer qu'ils sont rares, sinon inexistants, parmi ces artisans et ces gardiens privilégiés de la constitution de la foi de Bahá'u'lláh, ceux qui sont, fût-ce confusément, conscients du rôle prépondérant que le continent d'Amérique du Nord est destiné à jouer dans l'orientation future de leur cause universelle. De même, seul un petit nombre d'entre eux paraissent suffisamment conscients de l'influence décisive qu'ils exercent déjà dans la direction et la gestion de ses affaires.
Le continent américain, écrivait 'Abdu'l-Bahá en février 1917, est, aux yeux du seul vrai Dieu, le pays où les splendeurs de sa lumière seront révélées, où les mystères de sa foi seront dévoilés, où les hommes droits demeureront et où les hommes libres s'assembleront.
Que les défenseurs de la cause de Bahá'u'lláh, à travers les États-Unis et le Canada, démontrent toujours davantage la vérité de cette affirmation solennelle est évident, même pour un observateur fortuit de leurs états de service nombreux et variés, que ce soit à titre individuel ou grâce à leurs efforts concertés. Les manifestations de loyauté spontanée qui ont caractérisé leur réponse aux souhaits exprimés par un Maître disparu; la générosité avec laquelle ils se sont levés plus d'une fois pour tendre une main secourable aux nécessiteux et aux gens harcelés parmi leurs frères en Perse; la vigueur avec laquelle ils ont résisté aux attaques éhontées que leurs ennemis implacables, tant de l'intérieur que de l'extérieur, lançaient contre eux avec une fréquence toujours accrue; l'exemple que le corps de leurs représentants nationaux a donné aux assemblées sœurs dans l'élaboration des instruments essentiels à l'accomplissement efficace de leurs devoirs collectifs; le succès de leur intervention au bénéfice de leurs collaborateurs persécutés en Russie; le soutien moral qu'ils ont étendu à leurs condisciples égyptiens à un stade éminemment critique de leur combat pour se libérer des entraves de l'orthodoxie islamique; les services historiques rendus par ces pionniers intrépides qui, fidèles à l'appel de 'Abdu'l-Bahá, abandonnèrent leurs foyers pour aller planter, aux extrémités du globe, l'étendard de sa foi; et, le dernier mais non le moindre, la magnificence de leur abnégation, culminant dans l'achèvement de la superstructure du Mashriqu'l-Adhkár; toutes ces réalisations sont autant de témoignages éloquents du caractère indomptable de la foi que Bahá'u'lláh a allumée dans leur coeur.
Qui, au vu d'états de services aussi splendides, peut douter que ces intendants fidèles de la grâce rédemptrice de Dieu aient préservé, entier et intact, l'inestimable héritage confié à leurs soins ? Ne pourrait-on pas penser qu'ils se sont approchés, d'une manière dont seuls les historiens du futur pourront témoigner, de la norme élevée qui caractérisait ces actes de renommée impérissable qu'ont accomplis ceux qui les ont précédés ?
Ce n'est pas en fonction des ressources matérielles dont les membres de cette communauté naissante peuvent disposer à présent; ce n'est pas en fonction de la force numérique de ses défenseurs d'aujourd'hui ni selon les bienfaits directs et tangibles que ses adeptes dévoués peuvent dispenser en ce jour à la multitude des nécessiteux et des inconsolés parmi leurs compatriotes, que ses potentialités devraient être éprouvées, ou sa valeur déterminée. Nulle part ailleurs - si ce n'est dans la pureté de ses préceptes, la sublimité de ses normes, l'intégrité de ses lois, la rationalité de ses revendications, l'étendue de son champ d'action, l'universalité de son programme, la souplesse de ses institutions, la vie de ses fondateurs, l'héroïsme de ses martyrs et la puissance transformatrice de son influence -, l'observateur impartial ne devrait chercher à obtenir le critère véritable qui lui permette de sonder ses mystères ou d'apprécier sa vertu.
Déclin de l'empire mortelComme il serait injuste et hors de propos de risquer une comparaison entre la consolidation lente et progressive de la foi proclamée par Bahá'u'lláh et ces mouvements créés par l'homme qui, tirant leur origine des désirs humains et centrant leurs espoirs sur l'autorité du monde mortel, doivent inévitablement décliner et périr ! Nés d'un esprit fini, engendrés par l'imagination humaine et, bien souvent, le fruit de desseins mal conçus, de tels mouvements, parce qu'ils sont nouveaux, qu'ils font appel aux bas instincts de l'homme et qu'ils sont dépendants des ressources d'un monde sordide, réussissent un temps à éblouir les yeux des hommes, pour plonger finalement, des sommets de leur carrière météorique, dans les ténèbres de l'oubli, dissous par les forces mêmes qui avaient contribué à leur création.
Il en est autrement de la révélation de Bahá'u'lláh. Née dans un environnement de dégradation épouvantable, issue d'un sol imbibé de corruption, de haines et de préjugés séculaires, inculquant des principes inconciliables avec les normes de l'époque et affrontant, dès le départ, l'hostilité implacable du gouvernement, de l'Église et du peuple, cette foi naissante de Dieu, grâce au pouvoir céleste dont elle a été investie, a réussi, en moins de quatre-vingt-dix ans, à se libérer des chaînes irritantes de la domination islamique, à proclamer l'autosuffisance de ses idéaux et l'intégrité indépendante de ses lois, à planter sa bannière dans non moins de quarante 1 des pays les plus développés du monde, à établir ses avant-postes dans des pays situés au-delà des mers les plus lointaines, à consacrer ses édifices religieux au coeur même des continents asiatique et américain, à inciter deux des plus puissants gouvernements de l'Ouest à ratifier les instruments essentiels à ses activités administratives, à obtenir des rois les hommages seyant à l'excellence de ses enseignements et, finalement, à imposer ses griefs à l'attention des représentants du plus haut tribunal du monde civilisé, et à recueillir, auprès de ses membres, des affirmations écrites équivalant à une reconnaissance tacite de son statut religieux et à une déclaration expresse du bien-fondé de sa cause.
Pour restreinte que puisse encore paraître sa puissance en tant que force sociale, et si évidente que puisse sembler l'inefficacité, à l'heure actuelle, de son programme universel, nous, qui nous identifions à son nom béni, nous ne pouvons que nous émerveiller de l'étendue de ses réalisations si nous les comparons aux modestes accomplissements qui marquèrent l'avènement des dispensations du passé. Où donc, si ce n'est dans la révélation de Bahá'u'lláh, l'étudiant en religions comparées, libre de préjugés, peut-il alléguer des exemples d'une revendication aussi prodigieuse que celle qu'a avancée l'auteur de cette foi, d'ennemis aussi implacables que ceux auxquels il fut confronté, d'une dévotion plus sublime que celle qu'il suscita, d'une vie aussi mouvementée et captivante que celle qu'il vécut ? Le christianisme ou l'islám, ou l'une des dispensations qui les précédèrent, ont-ils offert des exemples d'une telle alliance de courage et de retenue, de magnanimité et de puissance, de largeur d'esprit et de loyauté, que celle qui caractérisa la conduite des héros de la foi de Bahá'u'lláh ? Trouvons-nous ailleurs des preuves d'une transformation aussi rapide, aussi complète et aussi soudaine que celle qui s'accomplit dans la vie des apôtres du Báb ? Rares sont, en effet, dans les annales authentifiées des religions du passé, les exemples relevés d'une abnégation aussi totale, d'une constance aussi ferme, d'une magnanimité aussi sublime, d'une loyauté aussi inflexible que ceux qui portèrent témoignage de la nature de ce groupe qui survit et survivra éternellement dans la mémoire des hommes, associé à cette révélation divine - la dernière et la plus irrésistible des manifestations de l'amour et de l'omnipotence du Tout-Puissant !
Contraste avec les religions du passéNous chercherions vainement, dans le récit des tout premiers débuts de n'importe quelle religion reconnue du passé, des épisodes aussi poignants dans leurs détails ou d'une telle portée dans leurs conséquences, que ceux qui illuminent les pages de l'histoire de cette foi. Les circonstances presque incroyables qui ont accompagné le martyre de ce jeune Prince de gloire; les forces de répression barbare que libéra par la suite cette tragédie; les manifestations d'héroïsme inégalé auxquelles elle donna lieu; les exhortations et les avertissements qui coulèrent à flot de la plume du divin prisonnier dans ses épîtres aux potentats de l'Église et aux monarques et aux dirigeants du monde; la loyauté intrépide avec laquelle nos frères se battent, dans les pays musulmans, avec les forces de l'orthodoxie religieuse; ce sont là sans doute les traits les plus marquants de ce que le monde sera amené à reconnaître comme le plus grand drame de l'histoire spirituelle du monde.
Je n'ai pas besoin de rappeler, à cet égard, les épisodes malheureux qui ont, comme on sait, porté atteinte - et dans une très grande mesure - aux débuts de l'histoire tant du judaïsme que de l'islám. Il n'est pas nécessaire non plus de souligner l'effet préjudiciable des excès, des rivalités et des divisions, des explosions de fanatisme et des actes d'ingratitude qui sont associés aux premiers temps du peuple d'Israël et à la carrière militante des pionniers impitoyables de la foi de Muhammad.
Il suffirait à mon propos d'attirer l'attention sur le grand nombre de ceux qui, au cours des deux premiers siècles de l'ère chrétienne, acquirent une vie ignominieuse en livrant les saintes Écritures aux mains des infidèles, sur la conduite scandaleuse de ces évêques qui furent ainsi stigmatisés en tant que traîtres, sur la discorde de l'Église africaine, sur l'infiltration progressive dans la doctrine chrétienne des principes du culte mithriaque, de l'école de pensée alexandrine, des préceptes du zoroastrisme et de la philosophie grecque, et sur l'adoption par les Églises de Grèce et d'Asie d'institutions de synodes provinciaux d'un modèle qu'elles empruntèrent aux conseils représentatifs de leurs pays respectifs.
Combien grande était l'obstination avec laquelle les juifs convertis parmi les premiers chrétiens persistaient à maintenir les cérémonies de leurs ancêtres, et combien fervent était leur désir intense de les imposer aux gentils ! Les quinze premiers évêques de Jérusalem n'étaient-ils pas tous des juifs circoncis, et la congrégation qu'ils présidaient n'avait-elle pas allié les lois de Moïse à la doctrine du Christ ? N'est-il pas établi que pas plus d'un vingtième des sujets de l'Empire romain ne s'était enrôlé sous la bannière du Christ avant la conversion de Constantin ? La ruine du temple, dans la cité de Jérusalem, et de la religion officielle des juifs ne fut-elle pas fort cruellement ressentie par les "Nazaréens" qui persévérèrent, plus d'un siècle durant, dans la pratique de la loi mosaïque ?
Combien frappant est le contraste lorsque, à la lumière des faits précités, nous nous souvenons du nombre de ces disciples de Bahá'u'lláh qui, en Perse et dans les pays voisins, s'étaient enrôlés lors de son ascension en tant que défenseurs convaincus de sa foi ! Comme il est encourageant d'observer la loyauté constante avec laquelle ses adeptes valeureux préservent la pureté et l'intégrité de ses enseignements, clairs et sans équivoque ! Qu'il est édifiant le spectacle de ceux qui combattent les forces d'une orthodoxie solidement retranchée dans leur lutte pour se libérer des entraves d'une doctrine désuète ! Quelle source d'inspiration que la conduite de ces disciples musulmans de Bahá'u'lláh qui voient - non pas avec regret ou indifférence, mais avec des sentiments de satisfaction non dissimulée - le châtiment mérité que le Tout-Puissant a infligé à ces institutions jumelées du sultanat et du califat, ces instruments du despotisme et ces ennemis jurés de la cause de Dieu !
Principe fondamental de la vérité religieuseQue nul, cependant, ne se méprenne sur mon propos. La révélation dont Bahá'u'lláh est la source et le centre n'abroge aucune des religions qui l'ont précédée et ne cherche, en aucune manière, à en déformer les traits ou à en déprécier la valeur. Elle se défend d'avoir la moindre intention d'amoindrir un seul des prophètes du passé ou d'amenuiser la vérité éternelle de leurs enseignements. Elle ne peut, en aucune façon, être en désaccord avec l'esprit qui animait leurs revendications, et elle ne cherche pas non plus à saper les fondements de l'allégeance de quiconque envers leur cause. Son but déclaré et primordial est de permettre à chaque adepte de ces religions d'avoir une compréhension plus complète de la religion à laquelle il s'identifie et d'acquérir une perception plus claire de son objectif. Elle n'est ni éclectique dans la présentation de ses vérités ni arrogante dans l'affirmation de ses revendications. Ses enseignements gravitent autour du principe fondamental selon lequel la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative, et la révélation divine progressive, non définitive. Elle proclame, sans équivoque et sans la moindre réserve, que toutes les religions établies sont divines par leur origine, identiques dans leurs objectifs, complémentaires dans leurs fonctions, continues dans leur dessein, indispensables par leur valeur pour l'humanité.
Tous les prophètes de Dieu, affirme Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Íqán, demeurent dans le même tabernacle, volent dans le même ciel, sont assis sur le même trône, prononcent les mêmes paroles et proclament la même foi. Depuis le commencement qui n'a pas de commencement, ces interprètes de l'unité de Dieu et ces canaux de sa parole incessante ont répandu sur l'humanité la lumière de l'invisible beauté et continueront, jusqu'à la fin qui n'a pas de fin à accorder de nouvelles révélations de sa puissance et des expériences supplémentaires de sa gloire inconcevable. Prétendre que n'importe quelle religion particulière revêt un caractère définitif, que toute révélation est terminée, que les portes de la miséricorde divine sont fermées, que des sources de la sainteté éternelle ne se lèvera plus aucun soleil, que l'océan de munificence perpétuelle s'est à jamais apaisé et que, du tabernacle de la gloire ancienne, les messagers de Dieu ont cessé d'être manifestés, ne serait, en effet, rien de moins qu'un pur blasphème.
Ils ne diffèrent, explique Bahá'u'lláh dans cette même épître, que par l'intensité de leur révélation et par la puissance relative de leur lumière. Et ceci non pas en raison de quelque incapacité inhérente à l'un ou à l'autre de révéler dans une plus large mesure la gloire du message qui lui fut confié, mais plutôt à cause de l'immaturité et du manque de préparation de l'âge dans lequel il vécut, qui ne pouvait percevoir et absorber toutes les potentialités latentes de cette foi.
Sachez en toute certitude, explique Bahá'u'lláh, que, dans chaque dispensation, la lumière de la révélation divine a été octroyée aux hommes en proportion directe de leur capacité spirituelle. Considérez le soleil. Comme ses rayons sont faibles au moment où il apparaît au-dessus de l'horizon. Comme sa chaleur et sa puissance augmentent progressivement à mesure qu'il se rapproche de son zénith, permettant pendant ce temps-là à toutes choses créées de s'adapter à l'intensité croissante de sa lumière. Comme il décline régulièrement jusqu'à ce qu'il atteigne le point de son coucher. S'il venait à manifester subitement les énergies latentes qu'il renferme, il provoquerait, sans nul doute, des dommages à toutes choses créées... De même, si le Soleil de Vérité devait révéler soudainement, aux premiers temps de sa manifestation, la pleine mesure des pouvoirs que lui a accordés la providence du Tout-Puissant, la terre de la compréhension humaine serait affaiblie et consumée; car les coeurs des hommes ne supporteraient pas l'intensité de sa révélation et seraient incapables de refléter l'éclat de sa lumière. Consternés et accablés, ils cesseraient d'exister.
C'est pour cette raison - et pour cette raison seulement - que ceux qui ont reconnu la lumière de Dieu en cet âge ne prétendent pas au caractère définitif de la révélation à laquelle ils s'identifient et n'attribuent pas sans bonne raison à la foi qu'ils ont embrassée des pouvoirs et des attributs intrinsèquement supérieurs, ou essentiellement différents de ceux qui ont caractérisé n'importe lequel des systèmes religieux qui l'ont précédée.
Bahá'u'lláh lui-même ne fait-il pas allusion au caractère progressif de la révélation divine et aux limites qu'une sagesse impénétrable a choisi de lui imposer ? Que peut impliquer d'autre ce passage des Paroles cachées, si ce n'est que celui qui le révélait désavouait le caractère définitif de la révélation que lui avait confiée le Tout-Puissant ? Ô fils de la justice ! À la nuit, la beauté de l'Être immortel se rendit des hauteurs émeraude de la fidélité au Sadratu'l-Muntahá, et versa tant de larmes que l'assemblée suprême et les habitants des royaumes célestes gémirent devant ses lamentations. Sur quoi, on lui demanda la raison des pleurs et des gémissements. Il répondit : Selon l'ordre reçu, j'étais dans l'attente sur la colline de la fidélité, mais je n'ai pas humé le parfum de fidélité des habitants de la terre. Alors, invité à revenir, je regardai, et vis que quelques colombes de sainteté étaient douloureusement meurtries dans les griffes des chiens de la terre. Sur ce, la céleste houri, dévoilée et resplendissante, se précipita hors de sa demeure mystique et demanda leur nom; tous furent donnés sauf un. Sur son insistance, la première lettre en fut prononcée, sur quoi les habitants des célestes retraites s'élancèrent hors de leur demeure de gloire. Et tandis que la seconde lettre était dite, tous sans exception tombèrent dans la poussière. À ce moment, une voix se fit entendre du fond du sanctuaire : "Jusque-là, et pas plus loin." En vérité, Nous sommes témoin de ce qu'ils ont fait et de ce qu'ils font encore.
La révélation dont je suis le porteur, déclare explicitement Bahá'u'lláh, est adaptée à la réceptivité et à la capacité spirituelles de l'humanité; autrement, la lumière qui brille en moi ne peut ni croître ni décroître. Tout ce que je manifeste n'est rien de plus ni de moins que la mesure de la gloire divine que Dieu m'a ordonné de révéler.
Si la lumière qui maintenant pénètre à flots une humanité toujours plus réceptive, avec un éclat qui promet d'éclipser la splendeur des triomphes que les forces de la religion ont remportés autrefois; si les signes et les preuves qui proclamèrent son avènement ont été, à maints égards, uniques dans les annales des révélations antérieures; si ses disciples ont manifesté des qualités et des traits inégalés dans l'histoire spirituelle de l'humanité, ceux-ci ne devraient pas être attribués à un mérite supérieur que posséderait la foi de Bahá'u'lláh en tant que révélation isolée et étrangère à toute dispensation précédente, mais plutôt être considérés et expliqués comme la conséquence inévitable des forces qui ont fait de cet âge-ci un âge infiniment plus avancé, plus réceptif et plus pressé de recevoir une part plus ample de la direction spirituelle divine que celle accordée jusqu'ici à l'humanité.
Nécessité d'une nouvelle révélationAmis chèrement aimés ! Qui, contemplant l'impuissance, les craintes et les misères de l'humanité en ce jour, peut douter plus longtemps de la nécessité d'une nouvelle révélation du pouvoir vivifiant de la direction spirituelle et de l'amour rédempteurs de Dieu ? Qui, assistant, d'une part, aux progrès prodigieux accomplis dans les domaines du savoir, du pouvoir, de l'habileté et du don d'invention des humains et voyant, d'autre part, la nature spécifique, sans précédent, des souffrances qui affligent la société contemporaine et des dangers qui l'accablent, peut être assez aveugle pour douter que l'heure a enfin sonné de l'avènement d'une nouvelle révélation, d'une réaffirmation du dessein divin et, par conséquent, de la renaissance de ces forces spirituelles qui ont, à intervalles déterminés, redressé le cours de la société humaine ? La seule action des forces unificatrices du monde à l'œuvre en cet âge n'exige-t-elle pas que celui qui est le porteur du message de Dieu en ce jour non seulement réaffirme la même norme élevée de comportement individuel que celle inculquée par les prophètes qui l'ont précédé, mais aussi incorpore, dans son appel à tous les gouvernements et à tous les peuples, l'essentiel de ce code social, de cette économie divine qui doit guider l'humanité dans ses efforts concertés en vue d'établir cette fédération universelle destinée à marquer l'avènement du royaume de Dieu sur cette terre ?
Ne pouvons-nous donc, puisque nous reconnaissons la nécessité d'une telle révélation du pouvoir rédempteur de Dieu, méditer sur la suprême majesté du système dévoilé par la main de Bahá'u'lláh en ce jour ? Ne pouvons-nous nous arrêter un moment - même si les préoccupations quotidiennes que doit entraîner la diversité toujours plus grande des activités administratives de sa foi nous pressent - pour réfléchir à la sainteté des responsabilités que nous avons le privilège d'assumer ?
Le rang du BábCe n'est pas seulement dans la nature de la révélation de Bahá'u'lláh - aussi formidable que soit sa revendication - que réside la grandeur de cette dispensation. Car, parmi les traits distinctifs de sa foi, figure, comme une preuve supplémentaire de son unicité, la vérité fondamentale selon laquelle, en la personne de son prédécesseur, le Báb, chaque disciple de Bahá'u'lláh reconnaît non seulement un annonciateur inspiré, mais une manifestation directe de Dieu. C'est leur ferme conviction que, quelque courte qu'ait été la durée de sa dispensation et si brève qu'ait été la période d'application de ses lois, le Báb avait été doué d'un pouvoir qu'aucun fondateur d'aucune religion du passé n'avait, par la providence du Tout-Puissant, été autorisé à posséder. Qu'il ne fut pas seulement le précurseur de la révélation de Bahá'u'lláh, qu'il fut plus qu'un personnage divinement inspiré, que son rang fut celui d'une manifestation de Dieu indépendante et autonome, lui-même le prouve abondamment, ceci est affirmé en termes clairs par Bahá'u'lláh et attesté enfin par le Testament de 'Abdu'l-Bahá.
Nulle part ailleurs que dans le Kitáb-i-Íqán - l'exposé magistral de Bahá'u'lláh de cette vérité unificatrice unique qui se trouve à la base de toutes les révélations du passé - il ne nous est possible d'acquérir une compréhension plus claire du pouvoir des forces inhérentes à cette manifestation préliminaire à laquelle sa propre foi est indissolublement associée. Dissertant sur la portée inexplorée des signes et des preuves qui ont accompagné la révélation proclamée par le Báb, le Qá'im promis, il rappelle ces paroles prophétiques : La connaissance se compose de vingt-sept lettres. Tout ce qu'ont révélé les prophètes, ce sont deux de ces lettres. Nul homme, à ce jour, n'a connu plus que ces deux lettres. Mais quand surviendra le Qá'im, il suscitera la manifestation des vingt-cinq lettres restantes. Voyez, ajoute Bahá'u'lláh, combien grand et élevé est son rang ! De sa révélation, ajoute-t-il encore, les prophètes de Dieu, ses saints et ses élus n'ont pas été informés ou, se conformant à l'impénétrable décret de Dieu, ils ne l'ont pas dévoilée.
Et cependant, si immensément élevé que soit le rang du Báb, et si merveilleux qu'aient été les événements qui ont signalé l'avènement de sa cause, une révélation si prodigieuse ne peut que pâlir devant l'éclat de cet orbe de splendeur inégalée dont il prédit l'apparition et dont il reconnut volontiers la supériorité. Il nous suffit de nous tourner vers les Écrits du Báb lui-même pour apprécier la signification de cette quintessence de la lumière dont il n'était, avec toute la majesté de son pouvoir, que l'humble précurseur choisi.
Maintes et maintes fois le Báb admit, en termes enthousiastes et sans équivoque, le caractère prééminent d'une foi destinée à être rendue manifeste après lui et à supplanter sa cause. Dans le Bayán persan, le réceptacle principal et le mieux préservé de ses lois, il affirme : Le germe, qui détient en lui-même les potentialités de la révélation à venir, est doté d'un pouvoir supérieur aux forces combinées de tous ceux qui me suivent. De tous les hommages que j'ai rendus à celui qui doit venir après moi, proclame le Báb à plusieurs reprises dans ses écrits, en voici le plus grand : mon aveu écrit qu'aucune de mes paroles ne peut le décrire adéquatement, et qu'aucune référence à lui dans mon livre, le Bayán, ne peut rendre justice à sa cause. S'adressant à Siyyid Yahyáy-i-Dárábí, dit Vahíd, le plus érudit et le plus influent parmi ses disciples, il dit : Par la droiture de celui dont le pouvoir fait germer la graine et qui insuffle en toutes choses l'esprit de vie, si je devais être assuré qu'au jour de sa manifestation tu le renierais, je te désavouerais sans hésitation et je répudierais ta foi... Si, d'autre part, on me disait qu'un chrétien qui n'a pas juré fidélité à ma foi croira en lui, celui-là je le considérerais comme la prunelle de mes yeux.
L'effusion de la grâce divineSi tous les peuples du monde, affirme Bahá'u'lláh lui-même, étaient investis des pouvoirs et des attributs destinés aux Lettres du Vivant, les disciples choisis du Báb, dont le rang est dix mille fois plus glorieux que celui qu'atteignirent les apôtres de jadis, et s'ils devaient hésiter, tous sans exception, fût-ce le temps d'un battement de paupière, à reconnaître la lumière de ma révélation, leur foi serait sans valeur et ils seraient comptés parmi les infidèles. Si immense est l'effusion de la grâce divine en cette dispensation, écrit-il, que si des mains mortelles pouvaient être assez rapides pour les consigner par écrit en l'espace d'un seul jour et d'une seule nuit, il en jaillirait des versets en si grand nombre qu'ils équivaudraient à la totalité du Bayán persan.
Telle est, amis chèrement aimés, l'effusion de grâce céleste octroyée par le Tout-Puissant à cette époque, à ce siècle très éclairé ! Nous sommes trop proches d'une révélation si colossale pour espérer parvenir en ce siècle - le premier de son ère - à une juste appréciation de sa grandeur très élevée, de ses possibilités infinies, de sa beauté transcendante. Aussi réduits que soient nos effectifs actuels, aussi limitées que soient nos capacités ou circonscrite notre influence, nous, qui nous sommes vu confier un héritage aussi pur, tendre et précieux, nous devrions nous efforcer à tout moment, avec une vigilance soutenue, de nous abstenir de toute pensée, parole ou action qui puisse ternir sa splendeur ou porter atteinte à son développement. Combien formidable est notre responsabilité; combien délicate et laborieuse est notre tâche !
Chers amis, si claires et si directes que soient les instructions répétées par notre Maître disparu dans d'innombrables tablettes qu'il a léguées à ses disciples dans le monde, quelques-unes, étant donné l'influence restreinte de la cause à l'Ouest, ont été délibérément cachées à l'ensemble de ses disciples occidentaux qui, malgré leur infériorité numérique, exercent à présent une influence prépondérante sur la direction et l'administration de ses affaires. Par conséquent, je pense qu'il m'incombe, maintenant que le moment est venu, de souligner l'importance d'une instruction qui, au stade actuel de l'évolution de notre foi, devra toujours davantage être mise en avant, qu'il s'agisse de son application à l'Est ou à l'Ouest. Et ce principe n'est autre que celui qui implique la non-participation, de la part des adeptes de la foi de Bahá'u'lláh - tant en leur nom propre que collectivement, en tant qu'assemblées locales ou nationales - à toute forme d'activité susceptible d'être interprétée, directement ou indirectement, comme une ingérence dans les affaires politiques de tel ou tel gouvernement. Que ce soit dans les publications qu'ils créent et qu'ils supervisent, ou dans leurs délibérations officielles et publiques, ou dans les postes qu'ils occupent et les services qu'ils rendent, ou dans les communications qu'ils adressent à leurs condisciples, ou dans leurs rapports avec des hommes éminents et investis d'autorité, ou dans leurs affiliations à des sociétés et à des organisations ayant des affinités avec la cause, c'est pour eux - j'en suis fermement convaincu - une obligation primordiale et sacrée de s'abstenir de toute parole ou de toute action qui puisse être interprétée comme une violation de ce principe vital. Il est de leur devoir, d'une part, de manifester le caractère apolitique de leur foi et, d'autre part, d'affirmer leur loyauté et leur obéissance sans réserve envers tout ce qui représente le jugement réfléchi de leur gouvernement respectif.
Le système politique divinQu'ils s'abstiennent de s'associer - en paroles ou en actions - aux activités politiques de leur nation respective, aux politiques de leur gouvernement, aux programmes et aux combines des partis et des factions. Dans ce genre de controverses, il faudrait qu'ils ne portent aucune accusation, ne prennent aucun parti, ne favorisent aucun dessein et ne s'identifient à aucun système préjudiciable aux meilleurs intérêts de cette communauté mondiale qu'ils ont pour but de protéger et d'aider. Qu'ils prennent garde de devenir les instruments de politiciens sans scrupules ou d'être pris au piège par les stratagèmes déloyaux des intrigants et des perfides parmi leurs compatriotes. Qu'ils façonnent leur vie et règlent leur conduite de telle sorte qu'aucune accusation de dissimulation, de fraude, de concussion ou d'intimidation ne puisse être portée contre eux, si peu fondée soit-elle. Qu'ils s'élèvent au-dessus de tout particularisme et de tout esprit de parti, au-dessus des vains conflits, des calculs mesquins, des passions éphémères qui agitent la face, et retiennent l'attention, d'un monde en mutation. Il est de leur devoir de s'efforcer de distinguer, aussi clairement qu'ils le peuvent et, au besoin, avec l'aide de leurs représentants élus, les postes et les fonctions à caractère diplomatique ou politique de ceux qui sont de type purement administratif et qui, en aucune circonstance, ne sont affectés par les changements et les aléas que comportent nécessairement, dans tous les pays, les activités politiques et les gouvernements partisans. Qu'ils affirment leur détermination inébranlable de défendre, fermement et sans réserve, la voie de Bahá'u'lláh, d'éviter les embarras et les querelles mesquines inséparables des activités du politicien, et de devenir les dignes instruments de ce système politique divin qui incarne, pour tous les hommes, l'immuable dessein de Dieu.
Il devrait être parfaitement clair qu'une telle attitude ne suppose pas la moindre indifférence à l'égard de la cause et des intérêts de leur propre pays, ni quelque insubordination de leur part à l'autorité de gouvernements reconnus et établis. Elle ne constitue pas non plus une répudiation de leur obligation sacrée de promouvoir, de la manière la plus efficace, les meilleurs intérêts de leur gouvernement et de leur peuple. Elle dénote le désir, que chérit chaque disciple véritable et loyal de Bahá'u'lláh, de servir, de façon désintéressée, discrète et patriotique, les plus hauts intérêts du pays auquel il appartient, et d'une manière qui n'entraînerait aucune déviation des normes élevées d'intégrité et de véracité associées aux enseignements de sa foi.
À mesure que le nombre de communautés bahá'íes se multipliera dans les diverses parties du monde et que leur pouvoir, en tant que force sociale, deviendra de plus en plus apparent, ces communautés se trouveront sans nul doute soumises toujours davantage à la pression qu'exerceront des hommes de pouvoir et d'influence dans le domaine politique, dans l'espoir d'obtenir le soutien dont ils ont besoin pour l'avancement de leurs objectifs. Ces communautés éprouveront en outre le besoin croissant de pouvoir compter sur la bonne volonté et sur l'assistance de leurs gouvernements respectifs, dans leurs efforts pour élargir la portée et consolider les bases des institutions confiées à leur charge. Qu'ils prennent garde, par leur désir ardent de promouvoir les buts de leur cause bien-aimée, d'être amenés sans le vouloir à "marchander" avec leur foi, à transiger sur leurs principes essentiels ou à sacrifier l'intégrité de leurs idéaux spirituels en échange d'avantages matériels dont pourraient bénéficier leurs institutions. Qu'ils proclament que, quel que soit le pays où ils résident et aussi développées que soient leurs institutions, ou aussi profond que soit leur désir de faire respecter les lois et d'appliquer les principes énoncés par Bahá'u'lláh, ils subordonneront sans hésitation l'action de telles lois et l'application de tels principes aux exigences et aux décrets légaux de leurs gouvernements respectifs. Il n'entre pas dans leurs objectifs, alors qu'ils s'efforcent de conduire et de perfectionner les affaires administratives de leur foi, de violer, quelles que soient les circonstances, les clauses de la constitution de leur pays et encore moins de permettre aux structures de leur administration de supplanter le gouvernement de leurs nations respectives.
Il faudrait aussi garder à l'esprit le fait que l'extension même des activités dans lesquelles nous sommes engagés, et la variété des communautés qui oeuvrent sous des formes diverses de gouvernements - si profondément différents quant à leurs critères, leurs politiques et leurs méthodes - font qu'il est absolument fondamental, pour tous les membres déclarés de l'une ou l'autre de ces communautés, d'éviter toute action qui puisse, en éveillant la suspicion ou en excitant l'antagonisme d'un gouvernement, impliquer leurs frères dans de nouvelles persécutions ou compliquer la nature de leur tâche. De quelle autre manière, pourrais-je demander, une foi aussi étendue dans sa portée - qui transcende les frontières politiques et sociales, qui inclut en son sein une si grande diversité de races et de nations, qui devra de plus en plus faire confiance, à mesure qu'elle progressera, à la bonne volonté et au soutien des divers gouvernements de la terre opposés les uns aux autres - de quelle autre manière une telle foi pourrait-elle réussir à préserver son unité, à sauvegarder ses intérêts et à assurer le développement régulier et pacifique de ses institutions ?
Une telle attitude, cependant, n'est pas dictée par des considérations d'opportunisme égoïste; elle est motivée, d'abord et avant tout, par le large principe selon lequel les disciples de Bahá'u'lláh ne se laisseront pas impliquer, quelles que soient les circonstances, que ce soit à titre individuel ou collectif, dans des affaires qui pourraient entraîner la plus infime déviation des vérités et des idéaux fondamentaux de leur foi. Ni les accusations que des gens mal informés ou mal intentionnés peuvent être amenés à porter contre eux, ni l'attrait des honneurs et des récompenses ne les détermineront jamais à abandonner leur confiance ou à dévier de leur chemin. Que leurs paroles proclament, et que leur conduite témoigne que ceux qui suivent Bahá'u'lláh, quel que soit le pays dans lequel ils résident, ne sont ni poussés par une quelconque ambition égoïste ni assoiffés de pouvoirs, et qu'ils ne se soucient pas des vagues d'impopularité, de méfiance ou de critique qu'une stricte adhésion à leurs normes pourrait provoquer.
Aussi difficile et délicate que soit notre tâche, le pouvoir fortifiant de Bahá'u'lláh et de sa divine direction nous assistera assurément si nous suivons fermement son chemin et si nous nous efforçons de maintenir l'intégrité de ses lois. La lumière de sa grâce rédemptrice, qu'aucune puissance terrestre ne peut obscurcir si nous persévérons, illuminera notre route tandis que nous naviguons parmi les écueils et les pièges d'un âge troublé, et nous permettra d'accomplir nos devoirs d'une manière qui contribue à la gloire et à l'honneur de son nom béni.
Notre temple bien-aiméEt enfin, frères chèrement aimés, laissez-moi attirer une fois de plus votre attention sur l'action urgente que réclame le Mashriqu'l-Adhkár, notre temple bien-aimé. Ai-je besoin de vous rappeler la nécessité impérative de mener à bien, pendant qu'il en est temps encore, la grande entreprise dans laquelle nous nous sommes engagés aux yeux d'un monde qui nous observe ? Ai-je besoin de souligner le grand préjudice qu'un nouveau retard dans la poursuite de cette tâche divinement ordonnée, même dans ces circonstances critiques et imprévues, infligerait au prestige de notre cause bien-aimée ? Je suis - je peux vous l'assurer - intensément conscient de la rigueur des circonstances auxquelles vous êtes confrontés, des difficultés parmi lesquelles il vous faut oeuvrer, des soucis qui vous accablent, de l'urgence pressante des demandes dont vos ressources épuisées font continuellement l'objet. Je suis toutefois encore plus profondément conscient du caractère sans précédent de l'occasion que vous avez le privilège de saisir et d'utiliser. Je suis conscient des bénédictions incalculables que doit attendre l'achèvement d'une entreprise collective qui, par l'étendue et la nature des sacrifices impliqués, mérite d'être rangée parmi les exemples les plus éminents de la solidarité bahá'íe, depuis que ces actes d'héroïsme brillant immortalisèrent la mémoire des héros de Nayríz, de Zanján et de Tabarsí. J'en appelle donc à vous, amis et condisciples de Bahá'u'lláh, pour une plus grande part d'abnégation, pour un plus grand effort concerté, pour une preuve encore plus irrésistible de la réalité de la foi qui rayonne en vos coeurs.
Et, dans ce fervent plaidoyer, ma voix est, une fois de plus, renforcée par l'ardente et peut-être dernière supplique de la plus Sainte Feuille - dont l'esprit, s'attardant à présent au bord du grand au-delà, se languit de prendre son vol vers le royaume d'Abhá et la présence d'un Père divin et tout-puissant - : l'assurance du joyeux achèvement d'une entreprise dont le progrès a tellement illuminé les derniers jours de sa vie terrestre. Que les croyants d'Amérique, ces vaillants pionniers de la foi de Bahá'u'lláh, répondront unanimement, avec cette même générosité spontanée et cette même mesure d'abnégation qui ont caractérisé leur réponse à ses appels dans le passé, aucune personne qui connaisse bien la vivacité de leur foi ne peut en douter.
Plût à Dieu que, pour la fin du printemps de l'année 1933, les foules qui, des recoins éloignés du globe, afflueront sur les terrains de la grande Foire qui se tiendra au voisinage de ce lieu sacré aient le privilège de contempler, grâce à votre infatigable esprit d'abnégation, la splendeur de son dôme - un dôme qui se dressera, tel un phare flamboyant, comme un symbole d'espoir au milieu des ténèbres d'un monde plongé dans le désespoir.
Votre frère fidèle,Aux bien-aimés du Seigneur et aux servantes du Miséricordieux d'un bout à l'autre des États-Unis et du Canada.
Amis et copromoteurs de la foi de Dieu !Quarante années se seront écoulées, avant la fin de l'été prochain, depuis la première mention du nom de Bahá'u'lláh sur le continent américain. Elles doivent apparaître bien étranges, à tout observateur qui médite en son coeur la signification d'un jalon aussi important dans l'histoire spirituelle de la grande République américaine, les circonstances qui ont accompagné cette première référence publique à l'auteur de notre foi bien-aimée. Plus étranges encore doivent sembler les associations que les brèves paroles prononcées en cette occasion historique ont dû provoquer dans l'esprit de ceux qui les entendirent.
De pompe et d'apparat, de démonstrations de joie ou d'approbation populaire, il n'y en eut point pour saluer cette première annonce 1 faite aux citoyens américains de l'existence et des buts de la révélation proclamée par Bahá'u'lláh. Et celui qui en fut l'instrument choisi ne croyait pas en la force potentielle contenue dans les nouvelles qu'il transmettait ni ne suspectait la puissance des forces qu'une allusion aussi brève était destinée à libérer.
Annoncé par la bouche d'un défenseur avoué de cet esprit clérical étroit que la foi elle-même défie et cherche à extirper, dépeint, au moment de sa naissance, comme le rejeton obscur d'une doctrine méprisable, le message du plus Grand Nom, nourri par des flots incessants d'épreuves et réchauffé par le soleil des tendres soins de 'Abdu'l-Bahá, est parvenu à enfoncer profondément ses racines dans le sol nourricier de l'Amérique; il a, en moins d'un demi-siècle, étendu ses rejetons et ses vrilles jusqu'aux plus lointains confins du globe, et se tient désormais, revêtu de la majesté de l'édifice consacré qu'il a élevé au coeur de ce continent, déterminé à proclamer son droit et à faire valoir sa capacité de racheter un peuple éprouvé. Privée des avantages que le talent, le rang et les richesses peuvent conférer, la communauté des croyants d'Amérique, malgré son âge tendre, sa force numérique réduite, son expérience limitée, a obtenu, grâce à la sagesse inspirée, à la volonté unifiée, à la loyauté incorruptible de ses administrateurs et de ses enseignants, la distinction d'une primauté incontestée parmi ses communautés soeurs de l'Est et de l'Ouest dans l'avancement de l'avènement de l'âge d'or auguré par Bahá'u'lláh.
Et pourtant, qu'elles furent graves les crises que cette toute jeune communauté, que cette communauté bénie a surmontées au cours de son histoire mouvementée ! Qu'il fut lent et pénible le processus qui l'a progressivement sortie de l'obscurité d'une inattention absolue pour la conduire au grand jour de la reconnaissance publique ! Qu'ils furent sévères les chocs qu'ont subis les rangs de ses adeptes dévoués du fait de la défection des pusillanimes, de la malveillance des méchants, de la traîtrise des orgueilleux et des ambitieux ! À quelles tempêtes de sarcasmes, d'injures et de calomnies ses représentants n'ont-ils pas dû faire face dans leur soutien opiniâtre de l'intégrité et leur défense courageuse du prestige de la foi qu'ils avaient épousée ! Combien persistantes les vicissitudes et déconcertants les revers que ses membres privilégiés, jeunes ou vieux, individuellement et collectivement, ont dû combattre dans leurs efforts héroïques pour se hisser jusqu'aux sommets qu'un Maître aimant les avait appelés à atteindre !
Nombreux et puissants furent ses ennemis, et, aussitôt qu'ils découvrirent les signes de l'ascendant grandissant de ses défenseurs déclarés, ils rivalisèrent entre eux pour lui jeter à la face les accusations les plus viles et lâcher la bonde à leur fureur la plus vive contre l'objet de sa dévotion. Combien de fois n'ont-ils pas ricané de la faiblesse de ses ressources et de la stagnation apparente de sa vie ! De quelle manière cinglante n'ont-ils pas ridiculisé ses origines et, comprenant mal son dessein, ne l'ont-ils pas rejetée comme un appendice inutile d'une doctrine moribonde ! N'ont-ils pas, dans leurs attaques écrites, stigmatisé la personne héroïque du précurseur d'une aussi sainte révélation en tant que lâche renégat, apostat perverti, et dénoncé l'ensemble de ses écrits volumineux comme le vain bavardage d'un homme irréfléchi ? N'ont-ils pas choisi d'attribuer à son fondateur divin les plus vils motifs qu'un intrigant et un usurpateur sans scrupules puissent concevoir, et considéré le Centre de son alliance comme l'incarnation d'une tyrannie impitoyable, comme un fomentateur de discorde et un protagoniste notoire d'expédients et de fraudes ? Ses principes pour l'unification du monde, ces ennemis impuissants d'une foi en progrès constant les ont, maintes et maintes fois, dénoncés comme fondamentalement défectueux, ils ont déclaré son programme universel totalement extravagant et considéré sa vision de l'avenir comme chimérique et positivement mensongère. Les vérités fondamentales qui constituent sa doctrine, les malveillants insensés les ont présentées comme un tissu de dogmes sans fondement; son appareil administratif, ils ont refusé de le distinguer de l'âme même de la foi, et les mystères qu'elle révère et soutient, ils les ont assimilés à de la superstition pure et simple. Le principe d'unification qu'elle préconise et auquel elle s'identifie, ils l'ont compris comme une tentative superficielle d'uniformisation; ses assertions réitérées sur la réalité d'actions surnaturelles, ils les ont condamnées comme vaine croyance en la magie, et la magnificence de son idéalisme, ils l'ont rejetée comme pure utopie. Chacun des processus de purification par lequel une sagesse impénétrable a choisi de purger, périodiquement, la communauté de ses disciples élus de la souillure des indésirables et des indignes, ces victimes d'une jalousie implacable l'ont salué comme un symptôme de l'invasion des forces du schisme qui devait bientôt saper sa force, corrompre sa vigueur et achever sa ruine.
Amis chèrement aimés ! Il n'est pas de ma compétence ni, semble-t-il, de celle de la génération actuelle, de tracer l'histoire précise et complète de la naissance et de la consolidation graduelle de ce bras invincible, de cet organe puissant d'une cause en continuel progrès. Il serait prématuré, à ce stade précoce de son évolution, de tenter une analyse exhaustive, ou d'arriver à une estimation correcte des forces irrésistibles qui l'ont poussée en avant jusqu'à une place aussi élevée parmi les divers instruments que la Main d'omnipotence a façonnés, et qu'elle perfectionne à présent en vue de l'accomplissement de son but divin. Les historiens futurs de cette révélation grandiose, dotés de plumes plus aptes que celles que peuvent prétendre posséder ses défenseurs actuels, transmettront assurément à la postérité un exposé magistral des origines de ces forces qui, par un remarquable mouvement de pendule, ont fait graviter le centre administratif de la foi de son berceau vers les rivages du continent américain, et jusqu'à son coeur même - qui est à présent le ressort et le rempart principal de ses institutions en rapide évolution. C'est à eux que sera dévolue la tâche de consigner l'histoire et d'estimer l'importance d'une révolution aussi radicale dans la destinée d'une foi qui se développe lentement. Ce sont eux qui auront l'occasion d'exalter les vertus et d'immortaliser le souvenir de ces hommes et de ces femmes qui ont participé à son accomplissement. À eux reviendra le privilège d'évaluer la part de chacun de ces maîtres bâtisseurs de l'ordre mondial de Bahá'u'lláh dans l'annonce de ce précieux millenium d'or, dont la promesse est enchâssée dans ses enseignements.
L'histoire de la chrétienté primitive et celle de la naissance de l'islám n'offrent-elles pas, chacune à sa manière, un parallèle frappant avec les débuts de ce phénomène étrange dont nous sommes actuellement les témoins en ce premier siècle de l'ère bahá'íe ? La divine impulsion qui donna naissance à chacun de ces grands systèmes religieux n'a-t-elle pas été amenée, grâce à l'action de ces forces que les progrès irrésistibles de la foi elle-même ont libérées, à rechercher loin de la terre de sa naissance, en des régions plus propices, un terrain accueillant et un milieu mieux approprié à l'incarnation de son esprit et à la propagation de sa cause ? Les Églises asiatiques de Jérusalem, d'Antioche et d'Alexandrie, composées principalement de ces convertis juifs que leur caractère et leur tempérament inclinaient à s'associer de coeur avec les cérémonies traditionnelles de la dispensation mosaïque, n'ont-elles pas été forcées, alors qu'elles déclinaient régulièrement, de reconnaître l'ascendant croissant de leurs frères grecs et romains ? N'ont-elles pas été obligées d'admettre la valeur supérieure et l'efficacité qui ont permis à ces porte-étendard de la cause de Jésus-Christ d'ériger les symboles de son règne mondial sur les ruines d'un empire qui s'effondrait ? L'esprit vital de l'islám n'a-t-il pas été contraint, sous la pression de circonstances similaires, d'abandonner les déserts inhospitaliers de son Arabie natale, théâtre de ses plus grandes souffrances et de ses plus grands exploits, pour donner en un pays lointain le plus beau fruit de sa civilisation en lente évolution ?
Du commencement des temps jusqu'à ce jour, affirme 'Abdu'l-Bahá lui-même, la lumière de la révélation divine s'est levée à l'Est et a dardé ses rayons sur l'Ouest. La clarté ainsi répandue a toutefois acquis, à l'Ouest, un éclat extraordinaire. Considérez la foi proclamée par Jésus : bien qu'elle fût d'abord apparue à l'Est, c'est seulement lorsque sa lumière se répandit sur l'Ouest que la pleine mesure de ses potentialités devint manifeste. Le jour approche, nous assure-t-il dans un autre passage, où vous serez témoins de la manière dont, par la splendeur de la foi de Bahá'u'lláh, l'Ouest aura remplacé l'Est dans le rayonnement de la lumière de la direction spirituelle divine. Dans les livres des prophètes, affirme-t-il encore, certaines bonnes nouvelles sont enregistrées, nouvelles qui sont absolument vraies et indubitables. L'Est a toujours été le point d'aurore du Soleil de Vérité. C'est à l'Est que sont apparus tous les prophètes de Dieu... L'Ouest a reçu son illumination de l'Est mais, à certains égards, la réflexion de la lumière a été plus grande en Occident. Ceci est vrai, en particulier, du christianisme. Jésus-Christ apparut en Palestine et ses enseignements y virent le jour. Bien que les portes du royaume aient d'abord été ouvertes dans ce pays et que les bienfaits de Dieu aient rayonné de son centre, les peuples de l'Ouest ont davantage embrassé et propagé le christianisme que ceux de l'Est.
Il n'est guère étonnant que de la même plume infaillible aient jailli, après la visite mémorable de 'Abdu'l-Bahá à l'Ouest, ces paroles souvent citées dont il me serait impossible d'exagérer l'importance : Le continent d'Amérique, annonça-t-il dans une tablette qui dévoilait son plan divin aux croyants résidant dans les États du nord-est de la République américaine, est, aux yeux du seul vrai Dieu, la terre où seront révélées les splendeurs de sa lumière, où les mystères de sa foi seront dévoilés, où les justes demeureront et où les hommes libres s'assembleront. Puisse cette démocratie américaine, l'entendit-on remarquer au cours de son séjour en Amérique, être la première nation à jeter les bases d'un accord international. Puisse-t-elle être la première nation à proclamer l'unité de l'humanité. Puisse-t-elle être la première à déployer l'étendard de la "plus grande paix"... Le peuple américain est digne en effet d'être le premier à édifier le tabernacle de la grande paix et à proclamer l'unité de l'humanité... Puisse l'Amérique devenir le centre de diffusion de l'illumination spirituelle, et puisse le monde tout entier recevoir cette bénédiction céleste ! Car l'Amérique a développé des facultés et des pouvoirs plus vastes et plus merveilleux que les autres nations... Puissent les habitants de ce pays devenir tels des anges du ciel, leur visage continuellement tourné vers Dieu ! Puissent-ils tous devenir des serviteurs de l'Omnipotent ! Puissent-ils s'élever au-dessus de leurs réalisations matérielles actuelles pour atteindre une telle hauteur, afin que l'illumination céleste puisse jaillir de ce centre vers tous les peuples du monde... Cette nation américaine a la capacité et les moyens d'accomplir ce qui embellira les pages de l'histoire, de devenir l'objet de l'envie du monde et d'être bénie, de l'est à l'ouest, pour le triomphe de son peuple... Le continent américain donne des signes et des preuves d'un très grand progrès. Son avenir est encore plus prometteur, car son influence et son rayonnement s'étendent loin. Il guidera spirituellement toutes les nations.
Paraîtrait-il extravagant, à la lumière de si sublimes paroles, de s'attendre que, du sein d'une région de la terre aussi enviable, de l'agonie et des ruines d'une crise sans précédent, surgisse une renaissance spirituelle qui, à mesure qu'elle se propagera grâce au concours des croyants d'Amérique, rétablira le destin d'un âge décadent ? Ce fut 'Abdu'l-Bahá lui-même - comme en témoignent ses compagnons les plus intimes - qui, en plus d'une occasion, suggéra que l'établissement de la foi de son père sur le continent nord-américain compterait comme la facette la plus éminente du triple but qui, selon lui, constituait l'objectif principal de son ministère. Ce fut lui qui, dans la fleur de l'âge, presque immédiatement après l'ascension de son père, conçut l'idée d'inaugurer sa mission en enrôlant les habitants d'un pays si riche de promesses sous la bannière de Bahá'u'lláh. Ce fut lui qui, dans son infaillible sagesse et la plénitude de son coeur, choisit de dispenser à ses disciples, jusqu'au dernier jour de sa vie, les preuves de sa sollicitude intarissable, et de les inonder des marques de ses faveurs particulières. Ce fut lui qui, au déclin de sa vie, dès qu'il fut délivré des entraves d'une incarcération longue et cruelle, décida de rendre visite au pays qui était demeuré, depuis tant d'années, l'objet de ses soins et de son amour infinis. Ce fut lui qui, par le pouvoir de sa présence et par le charme de son discours, instilla à toute la communauté de ses disciples ces sentiments et ces principes qui, seuls, pourraient les soutenir au milieu des épreuves que la poursuite même de leur tâche engendrerait inévitablement. Ne leur léguait-il pas, à travers les nombreuses fonctions qu'il exerça tandis qu'il demeurait parmi eux, que ce fût dans la pose de la pierre angulaire de leur maison d'adoration ou lors de la fête qu'il leur offrit et durant laquelle il choisit de les servir personnellement, ou lorsqu'il insista, en une occasion plus solennelle, sur les implications de son rang spirituel - ne leur léguait-il pas ainsi délibérément l'essentiel de cet héritage spirituel dont il les savait capables d'assurer la sauvegarde, et qu'ils enrichiraient continuellement par leurs actions ? Et enfin, qui peut douter que, dans le plan divin qu'il dévoila devant eux au soir de sa vie, il les ait investis de cette primauté spirituelle sur laquelle ils pouvaient compter dans l'accomplissement de leur haute destinée ?
Ô vous, apôtres de Bahá'u'lláh, ainsi s'adresse-t-il à eux dans l'une de ses tablettes, puisse ma vie vous être sacrifiée !... Voyez les portes que Bahá'u'lláh a ouvertes devant vous ! Considérez comme est élevé et sublime le rang que vous êtes destinés à atteindre; combien uniques sont les faveurs dont vous avez été dotés. Mes pensées, leur dit-il dans un autre passage, sont tournées vers vous et mon coeur tressaille à la mention de vos noms. Si vous pouviez savoir combien mon âme brûle de votre amour, un si grand bonheur inonderait vos coeurs que vous vous éprendriez les uns des autres. La pleine mesure de votre succès, déclare-t-il dans une autre tablette, n'est pas encore révélée, sa portée n'est pas encore comprise. Bientôt, de vos propres yeux, vous serez témoins de quel éclat chacun de vous, telle une étoile brillante, irradiera au firmament de votre pays la lumière de la direction spirituelle divine, et dispensera à son peuple la gloire d'une vie éternelle. Le champ de vos réalisations futures, affirme-t-il une fois de plus, demeure encore caché. J'espère avec ferveur que, dans un avenir proche, la terre entière pourra être remuée par les résultats de vos accomplissements. Le Tout-Puissant, leur assure-t-il, vous accordera sans aucun doute le secours de sa grâce, Il vous investira des signes de sa puissance et dotera vos âmes du pouvoir fortifiant de son Esprit saint. Ne soyez pas soucieux, les exhorte-t-il, de votre nombre réduit, et ne soyez pas non plus accablés par la grande foule du monde mécréant... Redoublez vos efforts; votre mission est ineffablement glorieuse. Si le succès couronne votre entreprise, l'Amérique deviendra assurément un centre d'où émaneront les ondes du pouvoir spirituel, et le trône du royaume de Dieu, dans la plénitude de sa majesté et de sa gloire, sera fermement établi.
Il les exhorte ainsi : L'espoir que nourrit pour vous 'Abdu'l-Bahá est que le même succès qu'ont remporté vos efforts en Amérique puisse couronner vos tentatives en d'autres régions du monde, que, grâce à vous, la renommée de la cause de Dieu se propage à travers l'Est et l'Ouest, et que l'avènement du royaume du Seigneur des armées soit proclamé sur les cinq continents du globe... Jusqu'ici, vous avez été infatigables dans votre labeur. Que vos efforts, désormais, soient multipliés par mille ! Appelez les gens dans ces pays, dans ces capitales, dans ces îles, dans ces assemblées et dans ces églises à entrer dans le royaume d'Abhá. Il faut que le champ de vos efforts s'étende. Plus sa portée sera grande, plus frappantes seront les preuves de l'assistance divine... Oh ! Que ne puis-je voyager, même à pied et dans le plus extrême dénuement, vers ces régions, et, lançant l'appel "Yá Bahá'u'l-Abhá !" dans les villes, les villages, les montagnes, les déserts et les océans, promouvoir les enseignements divins ! Cela, hélas, je ne puis le faire ! Comme je le déplore intensément ! Plaise à Dieu que vous puissiez l'accomplir. Et finalement, comme pour couronner toutes ses paroles antérieures, 'Abdu'l-Bahá fait cette affirmation solennelle qui incarne sa vision de la destinée spirituelle de l'Amérique : Au moment où ce message divin, porté par les croyants d'Amérique, quittera les rivages de l'Amérique, se répandra sur les continents d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Australasie, et jusqu'aux îles du Pacifique, alors cette communauté se trouvera fermement établie sur le trône d'un empire éternel. Alors, tous les peuples du monde seront témoins que cette communauté est spirituellement éclairée et guidée divinement. Alors, la terre entière retentira des louanges à sa majesté et à sa grandeur.
C'est à la lumière des paroles de 'Abdu'l-Bahá citées ci-dessus que tout croyant réfléchi et consciencieux devrait méditer sur la portée de ces paroles capitales de Bahá'u'lláh : À l'Est, la lumière de sa révélation a point; à l'Ouest sont apparus les signes de son autorité suprême. Méditez cela dans vos coeurs, ô peuples, et ne soyez pas de ceux qui font la sourde oreille aux avertissements de celui qui est le Tout-Puissant, le Très-Loué... S'ils tentaient de voiler sa lumière sur le continent, il relèverait assurément la tête en plein coeur de l'océan et, élevant la voix, proclamerait : Je suis celui qui donne la vie au monde !
Amis chèrement aimés ! Nos yeux peuvent-ils être assez aveugles pour ne pas reconnaître - dans l'angoisse et le trouble qui, plus qu'en aucun autre pays et d'une manière sans précédent dans son histoire, accablent actuellement la nation américaine - les preuves de l'amorce de cette renaissance spirituelle que ces paroles chargées de sens de 'Abdu'l-Bahá font si clairement présager ? Les affres des tourments intenses que commence à ressentir l'âme d'une nation dans les douleurs de l'enfantement le proclament abondamment. Comparez la triste situation des nations de la terre, et en particulier de cette grande République de l'ouest, avec la fortune grandissante de cette poignée de ses citoyens dont la mission, s'ils demeurent fidèles à leurs responsabilités, est de soigner ses plaies, de restaurer sa confiance et de raviver ses espérances brisées. Comparez les convulsions effroyables, les conflits meurtriers, les querelles mesquines, les controverses usées, les révolutions interminables qui agitent les masses, avec la paisible nouvelle lumière de paix et de vérité qui enveloppe, guide et soutient ces vaillants héritiers de la loi et de l'amour de Bahá'u'lláh. Comparez les institutions en voie de désintégration, la politique gouvernementale vouée au discrédit, les théories fallacieuses, la dégradation épouvantable, la folie et la fureur, les échappatoires, les impostures et les compromis qui caractérisent l'époque actuelle avec la consolidation constante, la discipline sacrée, l'unité et la cohésion, la conviction sûre, la loyauté inflexible, l'abnégation héroïque qui constituent les traits caractéristiques de ces fidèles intendants et hérauts de l'âge d'or de la foi de Bahá'u'lláh.
Il n'est guère étonnant que ces paroles prophétiques aient été révélées par 'Abdu'l-Bahá : L'Est, nous assure-t-il, a été, en vérité, illuminé par la lumière du royaume. Bientôt cette même lumière répandra sur l'Ouest une illumination plus grande encore. Alors, les coeurs de ses peuples seront vivifiés par la puissance des enseignements de Dieu, et leurs âmes embrasées par le feu impérissable de son amour. Le prestige de la foi de Dieu, affirme-t-il, s'est immensément accru. Sa grandeur est à présent manifeste. Le jour approche où elle aura jeté dans le coeur des hommes un tumulte formidable. Réjouissez-vous donc, ô habitants de l'Amérique, réjouissez-vous avec une allégresse extrême !
Mes frères bien-aimés et très estimés ! Lorsque nous faisons un retour sur les quarante années écoulées depuis que les rayons propices de la révélation bahá'íe réchauffèrent et illuminèrent pour la première fois le continent américain, nous constatons qu'elles peuvent être divisées en quatre périodes distinctes, chacune culminant dans un événement assez important pour constituer un jalon essentiel sur la route menant les croyants d'Amérique vers leur victoire promise. De la première de ces quatre décennies (1893-1903), caractérisée par un processus de fermentation lente et régulière, on peut dire qu'elle eut pour point culminant les pèlerinages historiques entrepris par les disciples américains de 'Abdu'l-Bahá vers le tombeau de Bahá'u'lláh. Les dix années suivantes (1903-1913), si riches en essais et épreuves qui ont agité, purifié et stimulé l'ensemble des premiers pionniers de la foi dans ce pays, eurent pour heureuse apogée la visite mémorable de 'Abdu'l-Bahá en Amérique. La troisième période (1913-1923), une période de consolidation paisible et ininterrompue, eut pour résultat inévitable la naissance de cette administration divinement ordonnée dont les bases avaient été établies clairement dans le testament d'un Maître disparu. Les dix années restantes (1923-1933), qui se distinguèrent par de nouvelles évolutions internes aussi bien que par une expansion notable des activités internationales d'une communauté qui s'agrandissait, virent l'achèvement de la superstructure du Mashriqu'l-Adhkár - le rempart puissant de l'administration, le symbole de sa force et le signe de sa gloire future.
Il semblerait que chacune de ces périodes successives ait apporté sa contribution distinctive à l'enrichissement de la vie spirituelle de cette communauté et à la préparation de ses membres à l'exercice des responsabilités formidables de leur mission unique. Les pèlerinages que ses représentants les plus éminents furent poussés à entreprendre en cette première période de son histoire embrasèrent les âmes de ses membres d'un amour et d'un zèle qu'aucune adversité ne put éteindre. Les épreuves et les tribulations qui la frappèrent ensuite permirent à ceux qui y survécurent de comprendre les implications de leur foi, que nulle opposition, si déterminée et organisée qu'elle fût, ne pouvait espérer affaiblir. Les institutions que ses disciples testés et éprouvés établirent par la suite apportèrent à leurs promoteurs cet équilibre et cette stabilité que réclamaient de manière pressante l'accroissement du nombre de ses adeptes et l'extension constante du champ de leurs activités. Et, finalement, le temple que les représentants d'une administration déjà solidement établie eurent l'inspiration d'ériger leur donna cette vision que ni les tempêtes du désordre intérieur ni les rafales de l'agitation internationale ne pourraient obscurcir.
Il me faudrait trop de temps pour tenter ne fût-ce qu'une brève description des premiers remous que l'introduction de la révélation bahá'íe dans le Nouveau Monde, conçue, instituée et dirigée par notre Maître bien-aimé, suscita instantanément. La place me manque également pour conter les circonstances qui entourèrent la visite inoubliable des premiers pèlerins d'Amérique au tombeau sanctifié de Bahá'u'lláh, pour relater les actes qui marquèrent le retour vers leur pays natal de ces porteurs d'un évangile nouveau, ou pour évaluer les conséquences immédiates de leurs accomplissements. Aucune de mes paroles ne suffirait à exprimer à quel point, instantanément, la révélation des espoirs de 'Abdu'l-Bahá, de ses attentes et de ses desseins pour un continent éveillé, électrifia l'esprit et le coeur de ceux qui eurent le privilège de l'entendre, dont il fit les bénéficiaires de ses bénédictions inestimables et les dépositaires élus de sa foi et de sa confiance. Je ne puis espérer me faire jamais l'interprète fidèle des sentiments qui montèrent dans ces coeurs héroïques alors qu'ils étaient assis aux pieds de leur Maître dans le refuge de sa maison prison, brûlant de se fondre dans les effusions de sa sagesse divine et résolus à les préserver. Je ne pourrai jamais rendre un hommage suffisant à cet esprit de détermination inflexible que l'impact d'une personnalité magnétique et le charme d'un verbe puissant allumèrent dans le groupe tout entier de ces pèlerins sur le chemin du retour, de ces hérauts consacrés de l'alliance de Dieu, à une époque aussi décisive de leur histoire. Le souvenir de noms tels que Lua, Chase, MacNutt, Dealy, Goodall, Dodge, Farmer et Brittingham - pour n'en citer que quelques-uns parmi cette galaxie immortelle unie à présent à la gloire de Bahá'u'lláh - demeurera à jamais associé à l'apparition et à l'établissement de sa foi sur le continent américain, et continuera à déverser sur ses annales un éclat que le temps ne ternira jamais.
Ce fut par ces pèlerinages, qui se succédèrent au cours des années qui suivirent immédiatement l'ascension de Bahá'u'lláh, que la splendeur de l'alliance - obscurcie pour un temps par l'ascendant apparent de son archibriseur - sortit victorieuse des vicissitudes qui l'avaient accablée. Ce fut grâce à l'arrivée de ces pèlerins, et d'eux seuls, que fut enfin dissipée la mélancolie qui avait enveloppé les membres inconsolables de la famille de 'Abdu'l-Bahá. Par l'intermédiaire de ces visiteurs successifs, la plus Sainte Feuille - qui, seule avec son frère parmi les membres de la maisonnée de son père, devait faire face à la rébellion de la presque totalité de ses parents et de ses associés - trouva cette consolation qui la soutint si puissamment jusqu'à son dernier souffle. Les forces que ce petit groupe de pèlerins fut à même de libérer au coeur de ce continent sonnèrent le glas de tous les plans ourdis par celui qui aurait voulu la ruine de la cause de Dieu.
Les tablettes révélées ensuite par la plume infatigable de 'Abdu'l-Bahá, qui renfermaient, dans un langage passionné et sans équivoque, ses instructions et ses conseils, ses appels et ses commentaires, ses espoirs et ses désirs, ses craintes et ses avertissements, commencèrent rapidement à être traduites, publiées et diffusées à travers tout le continent de l'Amérique du Nord, apportant au cercle toujours plus large des premiers croyants cette nourriture spirituelle qui, seule, pourrait leur permettre de survivre aux épreuves cruelles qu'ils allaient bientôt subir.
L'heure d'une crise sans précédent approchait toutefois inexorablement. Des signes de discorde, inspirée par l'orgueil et l'ambition, commençaient à ternir l'éclat et à freiner la croissance de la nouvelle communauté que les enseignants apostoliques de ce continent avaient travaillé à établir. Celui-là même qui avait été l'instrument de l'inauguration d'une ère aussi splendide de l'histoire de la foi, auquel le Centre de l'alliance de Bahá'u'lláh avait conféré les titres de "Pierre de Bahá", de "Berger des troupeaux de Dieu", de "Conquérant de l'Amérique", et auquel avait été accordé le privilège unique d'aider 'Abdu'l-Bahá à poser la première pierre du mausolée du Báb sur le mont Carmel - un tel homme, aveuglé par son succès extraordinaire et aspirant à une domination absolue sur les convictions et les activités de ses condisciples, leva insolemment l'étendard de la révolte. Rompant avec 'Abdu'l-Bahá et s'alliant à l'ennemi juré de la foi de Dieu, cet apostat qui s'abusait lui-même s'efforça, en déformant les enseignements de 'Abdu'l-Bahá et en menant une campagne de dénigrement incessant contre sa personne, de saper la foi de ces croyants à la conversion desquels il avait, durant non moins de huit années, oeuvré avec zèle. Par les tracts qu'il publia, par la collaboration active des émissaires de son principal allié, et renforcé par les efforts que commençaient à déployer les ecclésiastiques chrétiens ennemis de la révélation bahá'íe, il réussit à porter à la foi naissante de Dieu un coup dont elle ne put se relever que lentement et péniblement.
Il est inutile que je m'étende sur les effets immédiats de cette fissure grave, bien que passagère, dans les rangs des adeptes américains de la cause de Bahá'u'lláh. Je n'ai pas besoin non plus de disserter sur la nature des écrits diffamatoires dont ils furent submergés. Il me semble également superflu de rappeler les mesures auxquelles eut recours un Maître toujours vigilant afin d'atténuer et, finalement, de dissiper leurs appréhensions. C'est à l'historien du futur qu'il reviendra d'apprécier la valeur de la mission de chacun des quatre messagers choisis par 'Abdu'l-Bahá qui, coup sur coup, furent envoyés par lui afin de pacifier et de revigorer cette communauté troublée. C'est à lui qu'incombera la tâche de retracer, dans l'œuvre que ces délégués de 'Abdu'l-Bahá furent chargés d'entreprendre, les débuts de cette vaste administration dont ces messagers devaient poser la pierre angulaire - une administration dont l'édifice symbolique devait être, par la suite, fondé par 'Abdu'l-Bahá en personne, et dont les bases et la portée devaient être élargies par les dispositions de son testament.
Il me suffit de dire qu'à ce stade de son évolution, les activités d'une foi invincible avaient pris des dimensions telles que, d'une part, elle força ses ennemis à concevoir de nouvelles armes pour leurs attaques à venir et que, d'autre part, elle encouragea son promoteur suprême à enseigner à ses disciples, par les soins de représentants et d'enseignants qualifiés, les rudiments d'une administration qui, au fur et à mesure de son évolution, devrait tout à la fois incarner, protéger et promouvoir son esprit. Les oeuvres d'agresseurs obstinés tels que Vatralsky, Wilson, Jessup et Richardson rivalisent entre elles dans leurs vaines tentatives de ternir sa pureté, de freiner sa marche et de la forcer à la reddition. Devant les accusations de nihilisme, d'hérésie, de gnosticisme musulman, d'immoralité, d'occultisme et de communisme si couramment portées contre elles, les victimes impassibles de telles dénonciations outrageantes, agissant selon les instructions de 'Abdu'l-Bahá, ripostèrent en lançant une série d'activités qui, par leur nature même, devaient être les préliminaires d'institutions administratives permanentes et officiellement reconnues. L'inauguration de la première maison de spiritualité à Chicago, désignée par 'Abdu'l-Bahá comme la "maison de justice" de cette ville; l'établissement de la société de publication bahá'íe; la fondation de la "Green Acre Fellowship" (Fraternité de Green Acre); la publication du Star of the West; la tenue de la première convention nationale bahá'íe, qui coïncida avec le transfert des reliques sacrées du Báb vers le lieu de sa dernière sépulture sur le mont Carmel; la constitution de l'Unité pour le temple Bahá'í et la formation du comité exécutif du Mashriqu'l-Adhkár - telles sont les réalisations les plus éclatantes des croyants d'Amérique qui ont immortalisé le souvenir de la période la plus tumultueuse de leur histoire. Lancée par ces actes mêmes sur les mers tourmentées de tribulations incessantes, pilotée par le bras puissant de 'Abdu'l-Bahá et manoeuvrée par les initiatives courageuses et la vitalité abondante d'un groupe de disciples cruellement éprouvés, l'arche de l'alliance de Bahá'u'lláh a, depuis lors, poursuivi inlassablement sa route, dédaigneuse des tempêtes de durs malheurs qui firent rage et qui continueront à l'assaillir tandis qu'elle avance vers le havre promis de sécurité et de paix sans nuages.
Non contente des réalisations qui couronnèrent les efforts concertés de ses représentants élus sur le continent américain, et enhardie par les premiers succès de ses enseignants pionniers hors de ses frontières, en Grande-Bretagne, en France et en Allemagne, la communauté des croyants d'Amérique résolut d'aller gagner dans des régions lointaines de nouvelles recrues pour l'armée en marche de Bahá'u'lláh. Quittant les rivages occidentaux de leur terre natale, poussés par l'énergie indomptable d'une foi nouvelle, ces enseignants itinérants de l'Évangile de Bahá'u'lláh avancèrent vers les îles du Pacifique, jusqu'en Chine et au Japon, déterminés à établir, au-delà des mers les plus lointaines, les avant-postes de leur foi bien-aimée. Tant chez elle qu'à l'étranger, cette communauté avait maintenant démontré sa capacité d'étendre le champ de ses vastes entreprises et d'en consolider les bases. Les voix irritées qui s'étaient élevées pour protester contre son essor furent noyées par le flot des acclamations avec lesquelles l'Est accueillait ses victoires récentes. Ces néfastes éléments, naguère si menaçants, s'estompaient progressivement, laissant à ces nobles guerriers un champ encore plus vaste pour l'exercice de leur énergie latente.
La foi de Bahá'u'lláh sur le continent américain avait bel et bien été ressuscitée. Tel un phénix, elle s'était relevée dans toute sa fraîcheur, sa vigueur et sa beauté et, à présent, par la voix de ses interprètes triomphants, elle appelait 'Abdu'l-Bahá avec insistance, l'implorant d'entreprendre un voyage vers ses rivages. Les premiers fruits de la mission confiée à ses dignes défenseurs avaient conféré à leur appel un caractère si poignant que 'Abdu'l-Bahá, qui venait d'être libéré des chaînes d'une tyrannie odieuse, ne put y résister. Son grand, son incomparable amour pour ses enfants préférés le força à y répondre. Leur supplication passionnée avait, en outre, été appuyée par les nombreuses invitations que lui avaient adressées les représentants de diverses organisations intéressées, tant religieuses qu'éducatives ou humanitaires, exprimant leur désir ardent d'entendre, de sa bouche même, un exposé des enseignements de son père.
Bien qu'il fût courbé par l'âge, bien qu'il souffrît de maux résultant des soucis accumulés par cinquante années d'exil et de captivité, 'Abdu'l-Bahá partit pour son voyage mémorable, au-delà des mers, vers le pays où il pourrait bénir par sa présence et sanctifier par ses actes les actions grandioses que son esprit avait poussé ses disciples à accomplir. Les circonstances qui marquèrent sa marche triomphale à travers les villes principales des États-Unis et du Canada, ma plume est absolument incapable de les décrire. La joie que suscita l'annonce de son arrivée, la publicité provoquée par ses activités, les forces libérées par ses paroles, l'opposition que les implications de ses enseignements firent naître et les épisodes significatifs auxquels ses paroles et ses actes donnèrent continuellement lieu, il ne fait pas de doute que les générations futures les enregistreront minutieusement et convenablement. Elles décriront avec soin leurs caractéristiques, chériront et préserveront leur souvenir, et transmettront intact à leurs descendants le récit de leurs plus infimes détails. Il serait en effet présomptueux de notre part de tenter, à l'heure actuelle, d'esquisser ne fût-ce que les grandes lignes d'un sujet aussi vaste et captivant. En contemplant, après plus de vingt ans, ce jalon remarquable de l'histoire spirituelle de l'Amérique, nous nous trouvons encore forcés d'admettre notre incapacité à en saisir la portée ou à en pénétrer le mystère. J'ai fait allusion, dans les pages qui précèdent, à quelques-uns des traits les plus saillants de cette visite inoubliable. Ces événements, lorsque nous nous penchons sur le passé, proclament avec éloquence le dessein particulier de 'Abdu'l-Bahá de conférer à la première-née des communautés de l'Ouest, par ces fonctions symboliques, cette primauté spirituelle qui devait être le "droit d'aînesse" des croyants d'Amérique.
Les graines que les activités incessantes de 'Abdu'l-Bahá avaient si généreusement semées avaient doté les États-Unis et le Canada - ou plutôt, le continent tout entier - de potentialités qu'il n'avait jamais connues dans son histoire. Au petit groupe de ses disciples formés et bien-aimés et, par eux, à leur descendants, il avait légué par cette visite un héritage inestimable - un héritage qui contenait l'obligation première et sacrée de se lever et de poursuivre, en ce terrain fertile, l'oeuvre qu'il avait si glorieusement commencée. Nous pouvons confusément imaginer les souhaits qui durent jaillir de son coeur ardent lorsqu'il fit son dernier adieu à cette terre pleine de promesses. Nous pouvons fort bien l'imaginer, la veille de son départ, faisant cette remarque à ses disciples : Une sagesse impénétrable a, dans sa bonté infinie, désigné votre pays natal pour l'exécution d'un dessein grandiose. Par l'intermédiaire de l'alliance de Bahá'u'lláh, moi, son laboureur, j'ai été appelé depuis le début de mon ministère à retourner et ameublir sa terre : les puissants encouragements qui, aux premiers jours de votre apostolat, tombèrent en pluie sur vous, ont préparé et revigoré son sol. Les tribulations qu'on vous a fait subir par la suite ont creusé de profonds sillons dans le champ que j'avais préparé de mes mains. Les graines qui m'avaient été confiées, je les ai disséminées en tous lieux devant vous. Grâce à vos soins affectueux, à vos efforts incessants, chacune de ces graines doit germer, chacune doit donner son fruit prédestiné. Vous devrez bientôt affronter un hiver d'une rigueur sans précédent. Ses nuages menaçants s'amoncellent rapidement à l'horizon. Des vents de tempête vous assailliront de toutes parts. La lumière de l'alliance sera obscurcie par mon départ. Ces rafales puissantes, cette désolation hivernale se dissiperont toutefois. La graine endormie éclatera d'une activité nouvelle. Elle poussera ses bourgeons, elle révélera - en de grandioses institutions - ses feuilles et ses fleurs. Les ondées printanières que les tendres soins miséricordieux de mon père céleste déverseront sur vous permettront à cette jeune plante d'étendre ses rameaux à des régions situées bien au-delà des frontières de votre terre natale. Et, enfin, la montée régulière du soleil de sa révélation, rayonnant de toute la splendeur de son zénith, permettra à cet arbre puissant de sa foi de donner, quand les temps seront accomplis, et sur votre sol, son fruit d'or.
Les implications d'un tel message d'adieu ne pouvaient demeurer longtemps ignorées des disciples initiés de 'Abdu'l-Bahá. À peine avait-il terminé son voyage long et ardu à travers les continents d'Amérique et d'Europe, que les événements terribles auxquels il avait fait allusion commencèrent à se manifester. Un conflit qu'il avait prédit coupa, pour un temps, tout moyen de communication avec ceux en qui il avait été amené à placer une confiance aussi absolue, et dont il attendait tellement en retour. La désolation hivernale, provoquant dégâts et carnages, poursuivit son cours inexorable quatre années durant, tandis que 'Abdu'l-Bahá, dans la solitude paisible de sa résidence à proximité du tombeau sanctifié de Bahá'u'lláh, continuait à communiquer ses pensées et ses souhaits à ceux qu'il avait laissés derrière lui et auxquels il avait accordé les marques uniques de sa faveur. Dans les tablettes immortelles qu'il fut amené à révéler durant ses longues heures de communion avec ses amis chèrement aimés, il dévoila à leurs yeux sa conception de leur destinée spirituelle, son plan pour la mission qu'il désirait les voir entreprendre. Les graines qu'il avait semées de ses mains, il les arrosait à présent avec le même soin, le même amour et la même patience qui avaient caractérisé ses efforts antérieurs, du temps où il oeuvrait parmi eux.
L'appel retentissant qu'avait lancé 'Abdu'l-Bahá fut le signal de l'explosion d'un regain d'activité que, tant dans les motifs qui l'inspirèrent que dans les forces qu'elle mit en mouvement, l'Amérique n'avait guère connu jusqu'alors. Donnant un élan sans précédent à l'oeuvre qu'avaient amorcée les entreprenants ambassadeurs du message de Bahá'u'lláh dans des pays lointains, ce mouvement puissant a continué à s'étendre jusqu'à ce jour, il a gagné en force à mesure qu'il étendait ses ramifications sur la surface du globe, et il continuera d'accélérer sa marche jusqu'à l'accomplissement intégral des derniers souhaits de son premier promoteur.
Abandonnant leur foyer, leur famille, leurs amis et leur situation, brûlant d'un zèle et d'une confiance qu'aucune activité humaine n'aurait pu susciter, une poignée d'hommes et de femmes se levèrent pour accomplir l'ordre que leur avait donné 'Abdu'l-Bahá. Naviguant vers le nord jusqu'en Alaska, poussant vers les Antilles, pénétrant sur le continent sud-américain jusqu'aux rives de l'Amazone et, à travers les Andes, jusqu'aux confins méridionaux de la République argentine, avançant rapidement vers l'ouest, jusqu'à l'île de Tahiti et, au-delà, au continent australien, puis, encore plus loin, jusqu'à la Nouvelle-Zélande et la Tasmanie, ces hérauts intrépides de la foi de Bahá'u'lláh ont réussi, par leurs actes mêmes, à donner à la génération actuelle de leurs condisciples à travers l'Est un exemple dont ils peuvent devenir les émules. Conduits par leur illustre représentante qui, depuis l'appel lancé par 'Abdu'l-Bahá, a fait deux fois le tour du monde et continue, avec une force d'âme et un courage merveilleux, à enrichir ses incomparables états de service, ces hommes et ces femmes ont contribué à étendre, dans une mesure encore inégalée dans l'histoire bahá'íe, l'influence de l'empire universel de Bahá'u'lláh. Confrontés à des obstacles presque insurmontables, ils ont réussi, dans la plupart des pays où ils sont passés ou ont résidé, à proclamer les enseignements de leur foi, à diffuser sa littérature, à défendre sa cause, à jeter les bases de ses institutions et à accroître le nombre de ses adeptes déclarés. Il me serait impossible, dans des limites aussi étroites, de développer le récit de ces actions héroïques. Aucun hommage que je puisse faire ne rendra justice à l'esprit qui a permis à ces porte-étendard de la religion de Dieu de remporter de tels lauriers et de conférer une telle distinction à la génération qui est la leur.
La cause de Bahá'u'lláh avait à cette époque fait le tour du globe. Sa lumière, née dans les ténèbres de la Perse, avait été successivement transmise aux continents européen, africain et américain, et pénétrait à présent au coeur de l'Australie, ceignant ainsi toute la terre d'une ceinture de gloire éclatante. La part qu'ont prise ces disciples dignes et valeureux à illuminer les derniers jours de la vie terrestre de 'Abdu'l-Bahá, lui seul l'a vraiment reconnue et a pu l'apprécier à sa juste valeur. La portée unique et éternelle de ces accomplissements sera assurément révélée par le labeur de la génération montante, leur souvenir sera préservé et exalté comme il convient par leurs oeuvres. Quelle profonde satisfaction dut ressentir 'Abdu'l-Bahá, alors qu'il savait proche l'heure de son départ, en voyant les premiers fruits des services internationaux rendus par ces héros de la foi de son père ! Il avait confié à leurs soins un grand et bel héritage. Au crépuscule de sa vie terrestre, il pouvait se reposer avec satisfaction sur l'assurance sereine qu'on pourrait faire confiance à de telles mains, capables de préserver son intégrité et d'exalter sa vertu.
La disparition de 'Abdu'l-Bahá, si soudaine dans les circonstances qui la causèrent, si dramatique dans ses conséquences, ne pouvait ni entraver l'action d'une force aussi dynamique ni obscurcir son dessein. Ces appels fervents, contenus dans le Testament d'un Maître disparu, ne pouvaient que confirmer son but, définir sa nature et renforcer la promesse de son succès ultime.
Des affres de l'angoisse de ses disciples en deuil, de la fièvre et des désordres qu'avaient précipités les attaques lancées par un ennemi toujours en éveil, était née l'administration de la foi invincible de Bahá'u'lláh. Les énergies puissantes libérées par l'ascension du Centre de son alliance se cristallisèrent dans ce suprême, cet infaillible instrument de l'accomplissement d'un but divin. Le Testament de 'Abdu'l-Bahá en dévoilait la nature, en réaffirmait les fondements, en complétait les principes, en revendiquait le caractère indispensable et en énumérait les principales institutions. Avec la même spontanéité qui avait caractérisé sa réponse au message proclamé par Bahá'u'lláh, l'Amérique s'était à présent levée pour épouser la cause de l'administration qu'avait clairement établie le Testament de son fils. C'est à elle, et à elle seule, qu'il fut donné, durant les années tumultueuses qui suivirent la révélation d'un document aussi capital, de devenir le champion intrépide de cette administration, le pivot de ses toutes nouvelles institutions et le promoteur principal de son influence. À leurs frères perses qui, à l'âge héroïque de la foi, avaient gagné la couronne du martyre, succédaient à présent dignement les croyants d'Amérique, précurseurs de son âge d'or, qui portaient à leur tour la palme d'une victoire remportée de haute lutte. La liste ininterrompue de leurs actes illustres avait établi, sans l'ombre d'un doute, le rôle prépondérant qu'ils avaient joué dans le développement des destinées de leur foi. Dans un monde en proie à la souffrance et glissant vers le chaos, cette communauté - l'avant-garde des forces libératrices de Bahá'u'lláh - réussit, dans les années qui suivirent l'ascension de 'Abdu'l-Bahá, à élever, bien au-dessus des institutions établies par ses communautés soeurs à l'Est et à l'Ouest, ce qui pourrait bien constituer le pilier principal de la future Maison - une Maison que la postérité considérera comme le dernier refuge d'une civilisation chancelante.
Dans la poursuite de leur tâche, ils ne laissèrent ni les murmures des traîtres ni les attaques virulentes de leurs ennemis avérés les détourner de leur noble dessein ou saper leur foi en la sublimité de leur vocation. L'agitation - provoquée par celui qui, dans sa quête incessante et sordide de biens terrestres, aurait, sans l'avertissement de 'Abdu'l-Bahá, souillé le nom immaculé de leur foi - n'avait guère entamé leur sérénité. Formés par les tribulations, protégés par la citadelle de leurs institutions en pleine évolution, ils dédaignèrent ses insinuations et surent, par leur loyauté constante, briser ses espérances. Ils refusèrent de laisser toute prise en considération des services passés et du prestige reconnu de son père et de ses associés affaiblir leur détermination d'ignorer complètement la personne que 'Abdu'l-Bahá avait si énergiquement condamnée. Les attaques voilées par lesquelles une poignée d'enthousiastes abusés cherchèrent par la suite, dans les pages de leur périodique, à freiner le développement et à flétrir les perspectives d'une administration naissante, avaient également échoué. L'attitude qu'adopta ensuite une femme hébétée, ses assertions grotesques, son audace à faire fi du Testament de 'Abdu'l-Bahá et à contester son authenticité, ses tentatives visant à subvertir ses principes furent encore une fois impuissantes à ouvrir la moindre brèche dans les rangs de ses vaillants défenseurs. Les plans déloyaux tramés par l'ambition d'un ennemi perfide et encore plus récent, par lesquels il s'efforce encore à présent de défigurer l'oeuvre éminente de 'Abdu'l-Bahá et de corrompre ses principes administratifs, ces plans sont en passe d'être, une fois de plus, totalement déjoués. Ces tentatives intermittentes et vouées à l'échec, de la part de ses assaillants, pour forcer la reddition de la citadelle nouvellement construite de la foi ont été, dès le début, absolument dédaignées par ses défenseurs. Si féroces qu'aient été les assauts de l'ennemi ou si habiles ses stratagèmes, ils ont refusé de céder un iota des convictions qu'ils chérissent. Ils ont uniformément ignoré ses insinuations et ses vociférations. Les motivations qui inspiraient ses actions, les méthodes qu'il suivait sans trêve, les privilèges précaires dont il semblait provisoirement jouir, ils ne pouvaient que les mépriser. Profitant du succès passager des stratagèmes conçus par leur esprit intrigant, et soutenus par les avantages éphémères que peut conférer la renommée, la capacité ou la fortune, ces représentants notoires de la corruption et de l'hérésie ont réussi à montrer un moment leurs visages hideux, pour disparaître ensuite, aussi rapidement qu'ils s'étaient élevés, dans la boue d'une fin ignominieuse.
De ces épreuves accablantes qui rappellent, par certains de leurs aspects, la tempête violente qui avait accompagné la naissance de la foi dans leur pays natal, les croyants d'Amérique étaient à nouveau sortis vainqueurs, leur marche non déviée, leur renommée intacte, leur héritage préservé. Une série de réalisations magnifiques, chacune plus significative que la précédente, devait conférer un éclat toujours croissant à un état de service déjà illustre. Durant les années sombres qui suivirent immédiatement l'ascension de 'Abdu'l-Bahá, leurs actes brillèrent d'un éclat qui fit d'eux l'objet de l'envie et de l'admiration des moins privilégiés de leurs frères. La communauté tout entière, libre de contrainte et suprêmement confiante, se montrait à la hauteur d'une grande et glorieuse opportunité. Les forces qui avaient motivé sa naissance, qui avaient aidé à son essor, accéléraient à présent sa croissance, d'une telle manière et si rapidement que ni les douleurs d'une affliction mondiale ni les convulsions incessantes d'une époque troublée ne pouvaient paralyser ses efforts ou retarder sa progression.
Sur le plan interne, la communauté s'était engagée dans une série d'entreprises qui devaient lui permettre, d'une part, d'étendre encore le champ de sa juridiction spirituelle et, d'autre part, de façonner les instruments essentiels à la création et à la consolidation des institutions qu'exigeait impérativement une telle extension. À l'extérieur, ses entreprises étaient inspirées par le double objectif visant à poursuivre, encore plus intensément qu'auparavant, l'oeuvre admirable commencée par ses enseignants internationaux sur chacun des cinq continents, et à prendre une part toujours plus grande au traitement et à la solution des problèmes délicats et complexes auxquels était confrontée une foi récemment émancipée. La naissance de l'administration sur ce continent avait marqué ces efforts louables. Sa consolidation progressive était destinée à assurer leur continuité et à accentuer leur efficacité.
Me borner à énumérer les réalisations les plus saillantes qui, dans leur propre pays et au-delà de ses frontières, ont si grandement rehaussé le prestige des croyants d'Amérique et contribué à la gloire et l'honneur du plus Grand Nom constitue tout ce que je peux faire actuellement; je laisse aux générations futures la tâche d'expliquer l'importance de ces accomplissements et d'en estimer la juste valeur. C'est au corps de leurs représentants élus que doit être attribué l'honneur d'avoir été le premier parmi les assemblées soeurs de l'Est et de l'Ouest à concevoir, à promulguer et à légaliser les instruments essentiels à l'exécution efficace de leurs devoirs collectifs - des instruments que chaque communauté bahá'íe convenablement constituée doit considérer comme un modèle digne d'être adopté et imité. C'est également à leurs efforts que doivent être attribuées les réalisations historiques que sont l'établissement de leurs investissements nationaux sur une base permanente et inattaquable, ainsi que la création de l'instance nécessaire à la formation des organes auxiliaires dont la fonction est de gérer, pour le compte de leurs dépositaires, les biens que ceux-ci peuvent acquérir en dehors des limites de leur compétence immédiate. Par le poids de leur soutien moral accordé si généreusement à leurs frères égyptiens, ils ont pu lever quelques-uns des obstacles les plus formidables que la foi ait dû surmonter dans sa lutte pour s'affranchir des chaînes de l'orthodoxie musulmane. Grâce à l'intervention efficace et opportune de ces mêmes représentants élus, ils ont pu prévenir les malheurs et les dangers qui avaient menacé leurs collaborateurs persécutés dans les républiques soviétiques, et parer la fureur qui avait menacé de ruine immédiate l'une des institutions bahá'íes les plus précieuses et les plus nobles. Rien d'autre que l'assistance sincère, qu'elle ait été morale ou financière, que les croyants d'Amérique se sont sentis poussés à plusieurs reprises à accorder, individuellement et collectivement, à leurs frères perses tourmentés et dans le besoin, n'aurait pu sauver ces victimes malheureuses des conséquences des calamités qui les avaient frappées dans les années qui suivirent l'ascension de 'Abdu'l-Bahá. Ce fut la publicité que les efforts de leurs frères d'Amérique avaient suscitée, les protestations qu'ils furent amenés à formuler, les appels et les pétitions qu'ils ont présentés qui atténuèrent ces souffrances et continrent la violence des pires et des plus tyranniques adversaires de la foi dans ce pays. Qui d'autre, si ce n'est l'un de leurs représentants les plus éminents, s'est levé pour imposer à l'attention du plus haut tribunal que le monde ait jamais connu les griefs dont une foi dépouillée de l'un de ses sanctuaires les plus sacrés avait souffert aux mains de l'usurpateur ? Qui d'autre a réussi, par des efforts patients et persistants, à obtenir ces affirmations écrites qui proclament la justice d'une cause persécutée et reconnaissent tacitement son droit à un statut religieux indépendant ? La résolution adoptée par la Commission permanente des mandats de la Société des Nations est celle-ci : La Commission recommande au Conseil de prier le gouvernement britannique de faire des représentations près du gouvernement irakien en vue du redressement immédiat du déni de justice souffert par les requérants (l'Assemblée spirituelle bahá'íe de Baghdád). Qui d'autre qu'un croyant d'Amérique a pu obtenir de la royauté de tels témoignages remarquables et répétés du pouvoir régénérateur de la foi de Dieu, des références aussi frappantes à l'universalité de ses enseignements et à la sublimité de sa mission ? L'enseignement bahá'í, déclare le témoignage écrit de la reine, apporte la paix et la compréhension. Il est comme une vaste étreinte rassemblant tous ceux qui ont longtemps cherché des paroles d'espoir. Il accepte tous les grands prophètes du passé, il ne détruit aucune autre confession et laisse ouvertes toutes les portes. Attristée par les luttes continuelles entre croyants de nombreuses confessions et lassée par leur intolérance mutuelle, j'ai découvert dans l'enseignement Bahá'í le véritable esprit du Christ si souvent renié et incompris : l'unité au lieu de la lutte, l'espoir au lieu de la condamnation, l'amour au lieu de la haine, et un grand réconfort pour tous les hommes. Les adeptes américains de la foi de Bahá'u'lláh n'ont-ils pas, grâce au courage manifesté par l'un des membres les plus brillants de leur communauté, contribué à préparer le terrain pour la suppression de ces barrières qui, pendant près d'un siècle, avaient entravé la croissance et paralysé l'énergie de leurs coreligionnaires de Perse ? N'est-ce pas l'Amérique qui, toujours attentive à la supplication passionnée de 'Abdu'l-Bahá, a dépêché aux extrémités du globe un nombre toujours croissant de ses citoyens les plus dévoués - des hommes et des femmes dont l'unique désir de leur vie est de consolider les bases de l'empire universel de Bahá'u'lláh ? Dans les capitales les plus lointaines du nord de l'Europe, dans la plupart de ses États centraux, dans toute la péninsule balkanique, le long des rivages des continents africain, asiatique et sud-américain, l'on peut rencontrer aujourd'hui un petit groupe de pionnières qui, seules et avec de maigres ressources, peinent pour l'avènement du jour qu'a prédit 'Abdu'l-Bahá. L'attitude de la plus Sainte Feuille, alors qu'elle approchait du terme de sa vie, n'a-t-elle pas témoigné éloquemment de la part incomparable que ses amis affectueux et pleins d'abnégation, sur ce continent, prirent à alléger le fardeau qui avait pesé si longtemps et si lourdement sur son coeur ? Et, enfin, qui aurait l'audace de nier que l'achèvement de la superstructure du Mashriqu'l-Adhkár - la gloire suprême des réalisations américaines, passées et présentes - ait forgé cette chaîne mystique qui reliera, plus solidement que jamais, le coeur de ses maîtres bâtisseurs à celui qui est la source et le centre de leur foi et l'objet de leur adoration la plus fidèle ?
Mes coreligionnaires sur le continent américain ! Elles sont grandes, en effet, vos réalisations passées et présentes ! Et immensément plus grands les prodiges que vous réserve l'avenir ! L'édifice qu'ont fait naître vos sacrifices doit encore être habillé. La Maison qui devra être soutenue par la plus haute institution administrative que vos mains aient érigée n'a pas encore été édifiée. Les dispositions du principal réceptacle de ces lois qui devront régir son fonctionnement n'ont, pour la plupart, pas été divulguées à ce jour. L'étendard qui, s'il faut que les souhaits de 'Abdu'l-Bahá se réalisent, doit être levé dans votre propre pays n'a pas encore été déployé. L'unité dont cet étendard doit être le symbole est encore loin d'être établie. Le mécanisme qui doit impérativement incarner et préserver cette unité n'a même pas été créé. Sera-ce l'Amérique, sera-ce l'un des pays d'Europe, qui se lèvera pour assumer la direction indispensable au façonnement des destinées de cet âge troublé ? L'Amérique permettra-t-elle aux communautés soeurs de l'Est ou de l'Ouest d'atteindre à un ascendant tel qu'il la prive de cette primauté spirituelle dont elle a été investie et qu'elle a, jusqu'ici, si noblement gardée ? Ne contribuera-t-elle pas, plutôt, par une nouvelle révélation encore de ces forces intrinsèques qui fondent son existence, à rehausser l'héritage sans prix que lui ont conféré l'amour et la sagesse d'un Maître disparu ?
Son passé a constitué un témoignage de la vivacité inépuisable de sa foi. Son avenir n'en apportera-t-il pas la confirmation ?
Votre frère fidèle,Aux bien-aimés de Dieu et aux servantes du Miséricordieux dans tout l'Ouest.
Compagnons de travail dans le divin vignoble !Le 23 mai de cette année d'heureux augure, le monde Bahá'í célébrera le quatre-vingt-dixième anniversaire de la fondation de la foi de Bahá'u'lláh. Nous, qui nous trouvons à présent au seuil de la dernière décennie du premier siècle de l'ère bahá'íe, ne devrions-nous pas nous arrêter pour méditer sur les mystérieuses faveurs d'une révélation si auguste et si importante ? Comme il est vaste, comme il est enchanteur le panorama qui se déroule sous nos yeux après ces quatre-vingt-dix années ! Nous sommes presque écrasés par son imposante grandeur ! La simple contemplation de ce spectacle unique, la représentation, même vague, des circonstances qui ont accompagné la naissance et le développement progressif de cette suprême théophanie, le rappel, même dans leurs très grandes lignes, des luttes affligeantes qui proclamèrent son ascension et accélérèrent son évolution, suffiront à convaincre tout observateur impartial de ces vérités éternelles qui motivent la vie de cette manifestation et qui doivent continuer à la pousser en avant jusqu'à ce qu'elle atteigne la suprématie qu'elle est destinée à exercer.
Bahá'u'lláhDominant dans toute son étendue ce spectacle fascinant, l'incomparable figure de Bahá'u'lláh se dresse, transcendante dans sa majesté, inspirant la crainte, sereine, d'une gloire inaccessible. Associée, bien que subordonnée en rang, et investie de l'autorité de présider avec lui aux destinées de cette ère suprême, la gloire juvénile du Báb illumine cette vision - le Báb à la tendresse infinie, au charme irrésistible, à l'héroïsme jamais surpassé, et dont les circonstances dramatiques de la vie courte mais fertile en événements n'eurent point d'égales. Et finalement apparaît, sur un plan qui lui est propre et dans un espace tout à fait distinct de celui qui est occupé par les figures jumelles qui l'ont précédée, la vibrante, la magnétique personnalité de 'Abdu'l-Bahá, qui reflète, à un degré qu'aucun homme - de rang si élevé soit-il - ne peut espérer concurrencer, la gloire et le pouvoir dévolus à ceux-là seuls qui sont les manifestations de Dieu.
Avec l'ascension de 'Abdu'l-Bahá et, plus particulièrement, avec la disparition de sa soeur illustre et bien-aimée, la Feuille la plus exaltée - la dernière survivante d'un âge glorieux et héroïque -, se termine le premier et le plus émouvant chapitre de l'histoire bahá'íe, marquant la conclusion de l'âge primitif et apostolique de la foi de Bahá'u'lláh. C'est 'Abdu'l-Bahá qui, par les dispositions de son testament puissant, a forgé le lien vital qui doit à jamais relier l'âge qui vient d'expirer à celui que nous vivons - la période de transition et de formation de la foi -; une phase qui doit, quand les temps seront accomplis, atteindre son épanouissement et produire ses fruits dans les exploits et les triomphes qui doivent annoncer l'âge d'or de la révélation de Bahá'u'lláh.
Amis chèrement aimés ! Les forces impétueuses si miraculeusement libérées par l'intervention de deux manifestations indépendantes, et qui se suivirent de près, sont maintenant, sous nos yeux et, grâce aux soins des intendants choisis d'une foi d'une envergure grandiose, progressivement rassemblées et disciplinées. Elles se cristallisent lentement en des institutions qui viendront à être considérées comme le sceau et la gloire de l'âge que nous sommes appelés à instaurer et, par nos actes, à immortaliser. De nos efforts actuels et, par dessus tout, de la mesure avec laquelle nous nous efforçons de transformer notre vie d'après le modèle d'héroïsme sublime associé à ceux qui s'en sont allés avant nous, dépendra l'efficacité des instruments que nous façonnons maintenant, ces instruments qui devront ériger la structure de cette bienheureuse communauté des nations qui doit signaler l'âge d'or de notre foi.
Mon propos n'est pas, si je me reporte à ces années passées pleines de faits héroïques, de tenter de passer en revue même sommairement les événements de très grande importance qui se sont produits de 1844 à ce jour. Je n'ai pas non plus l'intention d'entreprendre une analyse des forces qui ont précipité ces événements, ou d'estimer leur influence sur les peuples et les institutions de presque tous les continents du globe. Les biographies authentiques des premiers croyants de la période primitive de notre foi, ainsi que les recherches assidues qu'entreprendront dans l'avenir des historiens Bahá'ís compétents, s'allieront afin de transmettre à la postérité cet exposé magistral de l'histoire de cette époque que mes propres efforts ne pourront jamais espérer accomplir. Mon premier souci, en cette période de défi de l'histoire bahá'íe, est plutôt d'attirer l'attention de ceux qui sont destinés à être les maîtres bâtisseurs de l'ordre administratif de Bahá'u'lláh sur certaines vérités fondamentales dont l'élucidation les aidera considérablement dans la poursuite efficace de leur vaste entreprise.
De plus, le statut international, atteint à présent par la religion de Dieu, exige impérativement que ses principes de base soient maintenant clarifiés de manière précise. L'élan sans précédent que les actes illustres des croyants d'Amérique ont donné à la marche en avant de la foi; le vif intérêt que le premier Mashriqu'l-Adhkár de l'Ouest éveille rapidement parmi diverses races et diverses nations; la montée et la consolidation régulière d'institutions bahá'íes dans non moins de quarante des pays les plus évolués du monde; la dissémination de la littérature bahá'íe traduite dans non moins de vingt-cinq des langues les plus largement répandues; le succès qui a accompagné récemment les efforts des croyants persans, dans tout le pays, au cours des premiers pas effectués pour l'établissement - dans les faubourgs de la capitale de leur terre natale - du troisième Mashriqu'l-Adhkár du monde bahá'í; les mesures qui sont prises pour la formation immédiate de leur première assemblée spirituelle nationale, qui représente les intérêts de l'écrasante majorité des adhérents Bahá'ís; l'établissement projeté d'un pilier de plus de la Maison Universelle de Justice, le premier dans l'hémisphère Sud; les témoignages d'estime, tant oraux qu'écrits, qu'une foi combattante a obtenus des rois, des institutions gouvernementales, des tribunaux internationaux et des dignitaires ecclésiastiques; la notoriété que lui ont value les accusations lancées contre elle par des ennemis impitoyables, récents et anciens; l'affranchissement formel d'une partie de ses adeptes des entraves de l'orthodoxie musulmane, dans un pays qui peut être considéré comme le plus éclairé parmi les nations islamiques; tous ces faits fournissent largement la preuve de l'impétuosité croissante avec laquelle la communauté invincible du plus Grand Nom marche vers l'ultime victoire.
Amis chèrement aimés ! Je pense qu'il m'incombe, en vertu des obligations et des responsabilités dont je suis appelé à m'acquitter en qualité de gardien de la foi de Bahá'u'lláh, au moment où la lumière de la notoriété se concentre de plus en plus sur nous, d'insister tout particulièrement sur certaines vérités qui sont à la base de notre foi et dont notre premier devoir est de sauvegarder l'intégrité. Ces vérités, si elles sont soutenues vaillamment et assimilées correctement, vont, j'en suis convaincu, grandement renforcer la vigueur de notre vie spirituelle, et elles aideront beaucoup à contrecarrer les machinations d'un ennemi implacable et vigilant.
S'efforcer d'obtenir une compréhension plus adéquate de la signification de la prodigieuse révélation de Bahá'u'lláh doit, c'est mon inaltérable conviction, rester la première obligation et l'objet de l'effort constant de chacun de ses loyaux adeptes. Une compréhension exacte et parfaite d'un système si vaste, d'une révélation si sublime, d'un dépôt si sacré, est, pour des raisons évidentes, hors de la portée et de la compétence de nos esprits limités. Nous pouvons toutefois - et c'est même notre devoir impérieux - chercher, tandis que nous oeuvrons à la propagation de sa foi, à puiser de nouvelles inspirations et un surcroît de soutien dans une compréhension plus claire des vérités qu'elle contient et des principes sur lesquels elle se fonde.
Dans une communication adressée aux croyants d'Amérique au cours de mon explication du rang du Báb, j'ai fait une brève allusion à l'incomparable grandeur de la révélation dont il se considérait lui-même comme l'humble précurseur. Lui que Bahá'u'lláh a acclamé, dans le Kitáb-i-Íqán, comme le Qá'im promis qui n'a pas manifesté moins de vingt-cinq des vingt-sept lettres que tous les prophètes étaient destinés à révéler; lui, un si grand messager, a lui-même attesté la prééminence de cette révélation supérieure qui devait bientôt remplacer la sienne. Le germe, affirme le Báb dans le Bayán persan, qui détient en lui-même les potentialités de la révélation à venir, est doté d'un pouvoir supérieur aux forces combinées de tous ceux qui me suivent. De tous les hommages, affirme-t-il encore, que j'ai rendus à celui qui doit venir après moi, en voici le plus grand : mon aveu écrit qu'aucune de mes paroles ne peut le décrire adéquatement, et qu'aucune référence à lui dans mon livre, le Bayán, ne peut rendre justice à sa cause. Le Bayán, déclare catégoriquement le Báb dans ce même livre, et quiconque y est mentionné, gravite autour de la parole de "celui que Dieu rendra manifeste" de même que l'Álif (l'Évangile), et quiconque y était mentionné, gravitait autour de la parole de Muhammad, l'Apôtre de Dieu. Mille lectures attentives du Bayán, remarque-t-il plus loin, ne peuvent égaler la lecture attentive d'un seul verset qui sera révélé par "celui que Dieu rendra manifeste"... Aujourd'hui, le Bayán est à l'état de semence; au début de la manifestation de "celui que Dieu rendra manifeste", sa perfection finale deviendra apparente... Le Bayán, tout comme ceux qui y croient, se languit de lui avec plus d'ardeur que celle d'aucuns amoureux pour sa bien-aimée... Le Bayán tire toute sa gloire de "celui que Dieu rendra manifeste". Toutes bénédictions soient sur celui qui croit en lui, et malheur à celui qui rejette sa vérité.
S'adressant à Siyyid Yahyáy-i-Dárábí, dit Vahíd, le plus savant, le plus éloquent et le plus influent de ses disciples, le Báb émet cet avertissement : Par la droiture de celui dont le pouvoir fait germer la graine et qui insuffle en toutes choses l'esprit de vie, si je devais être assuré qu'au jour de sa manifestation tu le renierais, je te désavouerais sans hésitation et je répudierais ta foi... Si, d'autre part, on me disait qu'un chrétien qui n'a pas juré fidélité à ma foi croira en lui, celui-là je le considérerais comme la prunelle de mes yeux.
Dans une de ses prières, il communie ainsi avec Bahá'u'lláh : Exalté sois-tu, ô mon Seigneur, l'omnipotent ! Comme ma parole et tout ce qui se rapporte à moi paraissent mesquins et méprisables tant qu'ils ne se rattachent pas à ta grande gloire. Consens que, par l'aide de ta grâce, tout ce qui me concerne puisse être acceptable à ton regard.
Dans le Qayyúmu'l-Asma' - le commentaire du Báb sur la Súrih de Joseph - qui est caractérisé par l'auteur de l'Íqán comme le premier, le plus grand et le plus puissant des livres révélés par le Báb, nous lisons les allusions suivantes à Bahá'u'lláh : Du néant absolu, ô Maître grand et omnipotent, tu m'as tiré par la puissance céleste de ton pouvoir, et tu m'as élevé afin que je proclame cette révélation. En toi seul j'ai placé ma confiance. Je ne me suis attaché à aucune volonté autre que la tienne... Ô toi, vestige de Dieu ! Je me suis entièrement sacrifié pour toi; j'ai accepté des malédictions par amour pour toi et je n'ai ardemment désiré rien d'autre que le martyre dans la voie de ton amour. Il me suffit que Dieu soit mon témoin, l'Exalté, le Protecteur, l'Ancien des jours. Et quand l'heure fixée aura sonné, dit-il, s'adressant encore à Bahá'u'lláh dans le même commentaire, veuille, avec la permission de Dieu, l'infiniment Sage, révéler, des sommets de la très éminente et la très mystique montagne, un reflet ténu, un reflet infinitésimal de ton mystère impénétrable, afin que ceux qui ont reconnu l'éclat radieux de la splendeur sinaïque puissent défaillir et mourir en apercevant un éclair de la lumière ardente et pourpre qui enveloppe ta révélation.
Comme témoignage supplémentaire de la grandeur de la révélation qui s'identifie avec Bahá'u'lláh, on peut encore citer les extraits suivants d'une tablette adressée par 'Abdu'l-Bahá à un éminent adepte zoroastrien de la foi : Tu avais écrit que dans les livres sacrés des disciples de Zoroastre, il est écrit qu'aux derniers jours, au cours de trois dispensations séparées, le soleil doit s'arrêter dans sa course. Dans la première dispensation, il est prédit que le soleil demeurera immobile pendant dix jours; dans la deuxième, qu'il s'arrêtera le double de ce temps; dans la troisième, pas moins d'un mois entier. L'interprétation de cette prophétie est la suivante : la première dispensation à laquelle elle se rapporte est celle de Muhammad, au cours de laquelle le Soleil de Vérité s'arrêta pendant dix jours. Chaque jour compte pour un siècle. La dispensation de Muhammad ne devait, par conséquent, pas durer moins de mille ans, ce qui est précisément la période écoulée depuis le déclin de l'étoile de l'imamat jusqu'à l'avènement de la dispensation proclamée par le Báb. La deuxième dispensation à laquelle cette prophétie fait allusion est celle inaugurée par le Báb lui-même; elle commença en l'année 1260 A.H. et se termina en l'année 1280 A.H. Quant à la troisième dispensation - la révélation proclamée par Bahá'u'lláh -, puisque le Soleil de Vérité, en atteignant cette position, brille dans toute la splendeur de son zénith, sa durée a été fixée à un mois entier, soit le temps maximum que met le soleil à traverser un signe du zodiaque. Ainsi tu peux imaginer la grandeur du cycle bahá'í, un cycle qui doit s'étendre sur une période d'au moins cinq cent mille ans.
À partir du texte de cette interprétation explicite - et qui fait autorité - d'une prophétie si ancienne, on voit clairement à quel point il est nécessaire que chaque adepte fidèle de la foi accepte l'origine divine de la dispensation de Muhammad et soutienne son statut indépendant. La validité de l'imamat est d'ailleurs implicitement reconnue dans ces mêmes passages; cette institution divinement nommée - dont le Báb lui-même était un descendant direct du membre le plus distingué - qui a continué, pendant une période d'au moins deux cent soixante ans, à être le réceptacle choisi de la direction spirituelle du Tout-Puissant et le dépositaire de l'un des deux legs les plus précieux de l'islám.
Cette même prophétie, nous devons en outre le reconnaître, atteste le caractère indépendant de la dispensation Bábíe et confirme indirectement la vérité qui dit que, conformément au principe de la révélation progressive, chaque manifestation de Dieu doit nécessairement accorder aux peuples de son temps la direction spirituelle divine dans une mesure plus large que celle qu'une époque antérieure, moins réceptive, aurait pu recevoir ou apprécier. C'est pour cette raison, et non pour quelque mérite supérieur que l'on pourrait attribuer en propre à la foi bahá'íe, que ladite prophétie témoigne de la puissance et de la gloire sans rivales dont la dispensation de Bahá'u'lláh a été investie - une dispensation dont nous commençons seulement à percevoir les potentialités et dont nous ne pourrons jamais déterminer toute la portée.
La foi de Bahá'u'lláh, si nous voulons être fidèles aux formidables implications de son message, devrait en effet être considérée comme le point culminant d'un cycle, comme le stade final d'une série de révélations successives, révélations préliminaires et progressives. Celles-ci, commençant avec Adam et se terminant avec le Báb, ont anticipé, avec une force toujours croissante, l'avènement de ce jour des jours où celui qui est le Promis de tous les âges serait rendu manifeste, et lui ont frayé la voie.
Les paroles de Bahá'u'lláh témoignent abondamment de cette vérité. La seule mention des revendications qu'en un langage véhément, et avec une puissance irrésistible, il avança lui-même à maintes reprises ne peut que démontrer pleinement le caractère de la révélation dont il était le porteur choisi. C'est sur les paroles qui ont coulé de sa plume - la source jaillissante d'une révélation si impétueuse - que nous devrions par conséquent porter notre attention si nous désirons acquérir une compréhension plus claire de son importance et de sa signification. Que ce soit dans son affirmation de la revendication sans précédent qu'il a avancée ou dans ses allusions aux forces mystérieuses qu'il a libérées, dans certains passages de ses Écrits qui exaltent les gloires de son jour longtemps attendu ou qui magnifient le rang qu'atteindront ceux qui ont reconnu ses vertus latentes, Bahá'u'lláh et, à un degré presque égal, le Báb et 'Abdu'l-Bahá ont légué à la postérité des mines de richesses tellement inestimables qu'aucun d'entre nous qui appartenons à cette génération ne peut les estimer à leur juste valeur. Les témoignages portant sur ce thème sont imprégnés d'un pouvoir et révèlent une beauté que ceux-là seuls qui sont versés dans les langues dans lesquelles ces textes ont été révélés à l'origine peuvent prétendre apprécier convenablement. Ces témoignages sont si nombreux qu'il faudrait écrire tout un volume afin de recueillir les plus éminents d'entre eux. Tout ce que je puis m'enhardir à tenter à présent, c'est de partager avec vous seulement certains extraits que j'ai pu glaner dans ces volumineux Écrits.
Je témoigne devant Dieu, proclame Bahá'u'lláh, de la grandeur, de l'inconcevable grandeur de cette révélation. Maintes et maintes fois, dans la plupart de nos tablettes, Nous avons témoigné de cette vérité : l'humanité peut être tirée de son insouciance. Dans cette révélation suprême, annonce-t-il sans équivoque, toutes les dispensations du passé ont atteint l'apogée de leur accomplissement ultime. Ce qui a été rendu manifeste dans cette révélation prééminente - cette révélation très exaltée - n'a pas d'équivalent dans les annales du passé, et les âges futurs n'en verront pas de pareille. Faisant référence à lui-même, il proclame de plus : C'est lui qui, dans l'Ancien Testament, fut nommé Jéhovah, qui, dans les Évangiles, fut désigné comme l'Esprit de Vérité, et qui, dans le Quran, fut acclamé comme la Grande Nouvelle. Si ce n'était pour lui, aucun messager divin n'aurait été revêtu de la robe de prophète et aucune écriture sacrée n'aurait été révélée. Toutes choses créées en témoignent. La parole que prononce en ce jour le seul vrai Dieu, bien que cette parole puisse être la plus familière et la plus ordinaire, est investie d'une suprême et unique distinction. La grande masse de l'humanité est encore immature. Aurait-elle acquis une capacité suffisante que Nous lui aurions accordé Notre savoir en une mesure si grande que tous ceux qui demeurent sur la terre et au ciel se seraient trouvés, en vertu de la grâce qui coule de Notre plume, entièrement indépendants de toutes connaissances hormis celle de Dieu, et auraient été établis fermement sur le trône de la tranquillité perpétuelle. J'affirme solennellement devant Dieu que, sur mon front immaculé, la plume de sainteté a inscrit en caractères de gloire éclatante ces mots ardents, ces mots saints au parfum de musc : "Voyez, vous qui demeurez ici-bas, et vous les habitants du ciel, soyez témoins qu'il est, en vérité, votre Bien-Aimé. Il est celui dont le monde de la création n'a pas vu le semblable, celui dont la beauté fascinante a charmé l'œil de Dieu, l'Ordonnateur, le Tout-Puissant, l'Incomparable !"
S'adressant à toute la chrétienté, Bahá'u'lláh s'écrie : Adeptes de l'Évangile, voyez ! Voici que les portes du paradis se sont brusquement ouvertes. Celui qui y était monté est à présent revenu. Écoutez sa voix dont l'appel puissant retentit sur les terres et les mers, annonçant à l'humanité entière l'avènement de cette révélation, une révélation par laquelle la Langue de majesté proclame à présent : "Voyez ! L'engagement sacré a été rempli, car lui, le Promis, est venu !" De la vallée sacrée, la voix du Fils de l'homme crie : "Me voici, me voici, ô Dieu, mon Dieu !"... tandis que du buisson ardent s'élève le cri : "Voyez, le Désir du monde s'est manifesté dans sa gloire transcendante !" Le Père est venu. Ce qui vous avait été promis dans le royaume de Dieu est accompli. Ceci est la parole que le Fils voila quand il dit à ceux qui l'entouraient qu'à ce moment-là ils ne pourraient la supporter... En vérité, l'Esprit de Vérité est venu pour vous introduire dans la vérité tout entière... Il est celui qui glorifia le Fils et exalta sa cause... Le Consolateur dont l'avènement a été promis par tous les Écrits est à présent venu pour qu'il puisse vous révéler toute connaissance et toute sagesse. Cherchez-le sur toute la surface de la terre, peut-être pourrez-vous le trouver.
Appelle Sion, ô Carmel, écrit Bahá'u'lláh, et annonce la bonne nouvelle : "Celui qui était caché aux yeux des mortels est venu ! Sa souveraineté toute victorieuse est manifeste, sa splendeur toute enveloppante est révélée... Hâte-toi et fais le tour de la cité de Dieu qui est descendue du ciel, la céleste Kaaba qu'ont entourée en adoration les élus de Dieu, les coeurs purs et l'assemblée des anges les plus hauts." Je suis, affirme-t-il d'autre part, celui que la langue d'Isaïe a exalté, celui dont le nom fut l'ornement tant de la Torah que de l'Évangile. La gloire du Sinaï s'est hâtée pour faire cercle autour du point d'aurore de cette révélation, tandis que des sommets du royaume on entend la voix du Fils de Dieu qui proclame : "Agissez, ô hommes fiers de la terre, et hâtez-vous vers lui." Le Carmel, en ce jour, s'est empressé en une ardente adoration d'accéder à sa cour, tandis que du coeur de Sion part le cri : "La promesse de tous les âges est maintenant accomplie. Ce qui avait été annoncé dans les saintes Écritures de Dieu, le Bien-Aimé, le Très-Haut, est rendu manifeste !" Le hijáz est éveillé par la brise annonciatrice de la nouvelle de la joyeuse réunion. "Louange à toi, l'entendons-nous s'exclamer, ô mon Seigneur, le Très-Haut. J'étais mort à cause de ma séparation d'avec toi; la brise chargée du parfum de ta présence m'a rendu à la vie. Heureux celui qui se tourne vers toi, et malheur à l'égaré !" Par le seul vrai Dieu, Élie est accouru à ma cour et a gravité nuit et jour autour de mon trône de gloire. Salomon, dans toute sa majesté, tourne autour de moi en adoration en ce jour, prononçant ces paroles très exaltées : "J'ai tourné mon visage vers le tien, ô toi, omnipotent Souverain du monde ! Je suis totalement détaché de toutes les choses qui m'appartiennent, et n'aspire qu'à ce que toi tu possèdes." Si Muhammad, l'Apôtre de Dieu, avait atteint ce jour, écrit Bahá'u'lláh dans une tablette révélée à la veille de son exil à la colonie pénitentiaire d''Akká, il se serait exclamé : "Je te reconnais en vérité, ô toi le Désir des messagers divins !" Si Abraham l'avait atteint, lui aussi se serait prosterné sur le sol et, avec une humilité extrême devant le Seigneur ton Dieu, se serait écrié : "La paix remplit mon coeur, ô toi, Seigneur de tout ce qui est au ciel et sur la terre ! J'atteste que tu as dévoilé à mes yeux toute la gloire de ta puissance et la pleine majesté de ta loi !"... Si Moïse lui-même avait atteint ce jour, il aurait de même élevé la voix pour dire : "Loué sois-tu pour avoir levé sur moi la lumière de ton visage, et m'avoir enrôlé parmi ceux qui ont eu le privilège de contempler ta face !" Le Nord comme le Sud vibrent à l'appel qui annonce l'avènement de notre révélation. Nous pouvons entendre la voix de La Mecque qui acclame : "Louange à toi, ô Seigneur mon Dieu, le Très-Glorieux, pour avoir porté vers moi le souffle odorant du parfum de ta présence !" Jérusalem, de même, s'écrie : "Loué et magnifié sois-tu, ô Bien-Aimé de la terre et du ciel, pour avoir transformé l'agonie de ma séparation d'avec toi en la joie d'une vivifiante réunion !"
Par la justice de Dieu, affirme Bahá'u'lláh, désirant révéler la pleine puissance de son pouvoir invincible, si un homme, seul, se lève au nom de Bahá et revêt l'armure de son amour, le Tout-Puissant lui donnera la victoire, même si les forces de la terre et du ciel se sont déployées contre lui. Par Dieu, à côté de qui il n'est point d'autre Dieu ! Si un homme se lève pour le triomphe de notre cause, Dieu le rendra victorieux des dizaines de milliers d'ennemis, fussent-ils ligués contre lui. Et si son amour pour moi devient plus fort, Dieu établira son ascendant sur toutes les puissances de la terre et du ciel. Ainsi avons-Nous insufflé l'esprit de puissance en tous lieux.
Bahá'u'lláh exalte en ces termes l'âge qui a été témoin de l'avènement de sa révélation : Voici le roi des jours, le jour qui a vu la venue du Bien-Aimé, de celui qui, de toute éternité, a été proclamé le Désir du monde. Le monde de l'existence brille en ce jour de la splendeur de cette divine révélation. Toutes choses créées exaltent sa grâce salvatrice et chantent ses louanges. L'univers est plongé dans une extase de joie et de félicité. Les Écrits des dispensations passées célèbrent le grand jubilé qui doit nécessairement saluer ce très grand jour de Dieu. Heureux celui qui a vécu pour voir ce jour et qui a reconnu son rang. Si l'humanité prêtait attention, comme il sied, à un mot seulement d'une telle louange, elle serait comblée de délices jusqu'à en être subjuguée et éperdue d'émerveillement. Extasiée, elle brillerait alors, resplendissante, au-dessus de l'horizon de la vraie compréhension.
Soyez justes, ô peuples du monde; Bahá'u'lláh en appelle ainsi à l'humanité, est-il convenable et bienséant de votre part de discuter l'autorité d'un être dont "celui qui conversa avec Dieu" (Moïse) a brûlé d'être admis en la présence; un être dont "le bien-aimé de Dieu" (Muhammad) a eu soif de contempler la beauté de la face; un être grâce auquel, par la puissance de son amour, "l'Esprit de Dieu" (Jésus) est monté au ciel; pour l'amour de qui "le Premier Point" (le Báb) a offert sa vie ? Saisissez l'occasion, exhorte-t-il ses disciples, car, en ce jour, un seul instant fugitif surpasse des siècles d'un âge écoulé... Ni le soleil ni la lune n'ont assisté à un jour tel que celui-ci... Il est évident que chaque âge où a vécu une manifestation de Dieu est divinement ordonné et peut, en un sens, être qualifié de jour désigné par Dieu... Cependant, ce jour-ci est unique et doit être distingué de ceux qui l'ont précédé. Le nom de "Sceau des prophètes" en révèle et en démontre pleinement le rang élevé.
S'étendant sur les forces latentes contenues dans sa révélation, Bahá'u'lláh révèle ce qui suit : Par le mouvement de Notre plume de gloire, Nous avons, sur l'ordre de l'omnipotent Ordonnateur, insufflé une vie nouvelle dans chaque être humain et instillé dans chaque mot un pouvoir nouveau. Toutes choses créées proclament les signes de cette régénération mondiale. Ceci, ajoute-t-il, est la plus grande, la plus joyeuse nouvelle apportée à l'humanité par la plume de cet Opprimé. Dans un autre passage, il s'exclame : Qu'elle est grande, la cause ! Qu'il est écrasant, le poids de son message ! Ce jour est celui dont il a été dit : "Ô mon fils, en vérité, Dieu mettra tout en lumière, même s'il ne s'agissait que d'une chose du poids d'un grain de moutarde, et cachée dans un rocher ou dans les cieux ou dans la terre; car Dieu est subtil, informé de tout." Par la justice du seul vrai Dieu ! Si une parcelle d'un joyau est perdue et ensevelie sous une montagne de pierres, et gît cachée au-delà des sept mers, la Main d'omnipotence la révélera assurément en ce jour, pure et lavée de toute souillure. Celui qui s'abreuve aux eaux de ma révélation goûtera à toutes les incorruptibles délices ordonnées par Dieu depuis le commencement qui n'a point de commencement jusqu'à la fin qui n'a point de fin. Chacune des lettres qui tombent de Notre bouche est douée d'un pouvoir régénérateur tel qu'il peut amener à l'existence une nouvelle création, une création dont la grandeur est insondable pour tous hormis Dieu. En vérité, il a connaissance de toutes choses. Il est en notre pouvoir, si tel est notre désir, de donner à un grain de poussière en suspension la capacité d'engendrer, en moins d'un clin d'oeil, des soleils d'une splendeur infinie, inimaginable, de faire qu'une goutte de rosée se déploie en de vastes et innombrables océans, d'infuser dans chaque lettre une force telle qu'elle ait le pouvoir de dévoiler toutes les connaissances des âges passés et à venir. Nous sommes investis d'une puissance qui, amenée à la lumière, transformera le plus mortel des poisons en une panacée d'une efficacité infaillible.
Donnant une appréciation du rang du vrai croyant, Bahá'u'lláh remarque : Par les chagrins qui affligent la beauté du Très-Glorieux ! Le rang prescrit pour le vrai croyant est tel que si une portion de la gloire de ce rang, fût-elle plus petite que le chas d'une aiguille, devait être dévoilée à l'humanité, chacun, à sa vue, serait consumé par le désir ardent de l'atteindre. Pour cette raison, il a été décrété qu'ici-bas, la pleine mesure de la gloire de son propre rang devrait rester cachée aux yeux d'un tel croyant. Si le voile était levé, affirme de même Bahá'u'lláh, si la pleine gloire du rang de ceux qui se sont entièrement tournés vers Dieu, en renonçant au monde par amour pour lui, était rendue manifeste, la création tout entière serait confondue d'étonnement.
Insistant sur le caractère suprême de sa révélation par rapport à la dispensation qui l'a précédée, Bahá'u'lláh affirme ce qui suit : Si tous les peuples du monde étaient investis des pouvoirs et des attributs destinés aux Lettres du Vivant, les disciples choisis du Báb, dont le rang est dix mille fois plus glorieux que celui qu'atteignirent les apôtres de jadis, et s'ils devaient hésiter, tous sans exception, fût-ce le temps d'un battement de paupière, à reconnaître la lumière de ma révélation, leur foi serait sans valeur et ils seraient comptés parmi les infidèles. Si immense est l'effusion de la grâce divine en cette dispensation que, si des mains mortelles pouvaient être assez rapides pour les consigner par écrit en l'espace d'un seul jour et d'une seule nuit, il en jaillirait des versets en si grand nombre qu'ils équivaudraient à la totalité du Bayán persan.
Puis il s'adresse ainsi à ses compatriotes : Ô peuple de Perse ! Prête attention à mon avertissement ! Si je suis tué de tes mains, Dieu assurément suscitera quelqu'un qui prendra la place que ma mort aura laissée vide; car telle est la méthode que Dieu appliqua dans le passé, et tu ne trouveras point de changement dans la manière d'agir de Dieu. Puis encore : S'ils tentaient de voiler sa lumière sur le continent, il relèverait assurément la tête en plein coeur de l'océan et, élevant la voix, proclamerait : "Je suis celui qui donne la vie au monde"... Et s'ils le jetaient dans une sombre fosse, ils le retrouveraient assis sur les plus hautes cimes de la terre, criant à toute l'humanité : "Voyez ! Le Désir du monde est venu dans sa majesté, sa souveraineté, son autorité transcendante !" Et s'il était enterré dans les profondeurs de la terre, son esprit, s'élevant au plus haut du ciel, ferait retentir cet appel : "Voyez l'avènement de la gloire; soyez témoins du royaume de Dieu, le très Saint, le Miséricordieux, le Tout-Puissant !" Et dans une autre déclaration stupéfiante : Dans la gorge de cet adolescent se trouvent emprisonnés des accents qui, révélés à l'humanité en une portion plus petite que le chas d'une aiguille, suffiraient à faire s'écrouler chaque montagne, à décolorer les feuilles des arbres et à faire tomber leurs fruits; chaque tête serait obligée de s'incliner en adoration et chaque visage de se tourner, avec un amour fervent, vers ce Souverain omnipotent qui, à des époques diverses et de manières variées, apparaît sous l'aspect d'une flamme dévorante, d'un océan houleux, d'une lumière radieuse ou encore sous l'apparence de l'arbre qui, enraciné dans le sol de la sainteté, élève ses branches et étend ses rameaux jusqu'au trône de gloire immortelle, et au-delà.
Anticipant le système que la puissance irrésistible de sa loi était destinée à développer dans un âge futur, il écrit : L'équilibre du monde a été bouleversé par la vibrante influence de ce très grand, de ce nouvel ordre mondial. La vie ordonnée de l'humanité a été révolutionnée par l'action de ce système unique, merveilleux, un système tel que des yeux mortels n'en ont jamais vu de semblable. La Main d'omnipotence a établi sa révélation sur un fondement durable, inattaquable. Les assauts violents des luttes humaines sont impuissants à en saper la base, et les théories chimériques des hommes ne réussiront pas à porter atteinte à sa structure.
Dans la Súratu'l-Haykal, l'un des ouvrages les plus provocateurs de Bahá'u'lláh, les versets suivants, dont chacun témoigne de la puissance irrésistible infuse dans la révélation proclamée par son auteur, ont été consignés : On ne voit rien dans mon temple que le temple de Dieu, et dans ma beauté que sa beauté, et dans mon existence que son existence, et dans ma personne que sa personne, et dans mon mouvement que son mouvement, et dans ma soumission que sa soumission, et dans ma plume que sa plume, le Grand, le Très-Loué; il n'y a en mon âme que la vérité et, en moi-même, on ne peut voir que Dieu. L'Esprit saint lui-même a été engendré par l'opération d'une seule lettre révélée par ce très grand Esprit, si vous êtes de ceux qui comprennent... Dans le trésor de Notre sagesse se trouve un savoir non révélé dont un seul mot, si Nous choisissions de le dévoiler à l'humanité, amènerait chaque être humain à reconnaître la manifestation de Dieu et à admettre la vérité de son omniscience, rendrait chacun d'eux capable de découvrir les secrets de toutes les sciences, et lui ferait atteindre un rang si élevé qu'il se trouverait entièrement indépendant de tout savoir, passé et futur. Nous possédons encore d'autres connaissances dont Nous ne pouvons révéler une seule lettre, et Nous n'estimons pas non plus l'humanité capable d'entendre la moindre allusion à leur signification. Ainsi, Nous vous avons informés de la connaissance de Dieu, l'Omniscient, l'infiniment Sage. Le jour approche où Dieu, par un acte émanant de sa volonté, fera surgir une race d'hommes dont la nature est insondable pour tous hormis Dieu, le Tout-Puissant, celui qui subsiste par Lui-même. Bientôt, du sein du pouvoir Il tirera les mains de l'autorité souveraine et de la puissance; des mains qui se lèveront pour remporter la victoire pour cet adolescent, et qui purifieront l'humanité de la corruption des réprouvés et des impies. Ces mains se ceindront les reins pour défendre la foi de Dieu, et elles soumettront, par mon nom, celui qui subsiste par lui-même, le puissant, les peuples et les tribus de la terre. Elles entreront dans les cités et inspireront la crainte au coeur de tous leurs habitants. Telles sont les preuves de la puissance de Dieu; si redoutable, si impétueuse est sa puissance !
Tel est, amis chèrement aimés, le témoignage écrit de Bahá'u'lláh lui-même sur la nature de sa révélation. J'ai déjà fait référence aux affirmations du Báb, dont chacune renforce la puissance de ces déclarations remarquables et en confirment la véracité. Dans ce contexte, il me reste à considérer dans les écrits de 'Abdu'l-Bahá, l'interprète désigné de ces mêmes paroles, les passages qui éclairent davantage et développent diverses particularités de ce thème captivant. Le ton de son discours est à vrai dire aussi intense et son hommage aussi ardent que ceux de Bahá'u'lláh ou du Báb.
Des siècles, et même des âges entiers devront s'écouler, affirme-t-il dans une de ses premières tablettes, avant que le Soleil de Vérité ne luise de nouveau dans sa splendeur estivale ou n'apparaisse une fois encore dans l'éclat radieux de sa gloire printanière... Quelle ne devrait pas être notre reconnaissance d'être en ce jour les bénéficiaires d'une faveur aussi irrésistible ! Puissions-nous avoir dix mille vies, afin de pouvoir les offrir en action de grâce pour un privilège si rare, pour une connaissance si élevée, pour une munificence si inestimable ! La simple contemplation, ajoute-t-il, de la dispensation inaugurée par la Beauté bénie aurait suffi à combler les saints des âges écoulés qui désiraient ardemment participer, pour un instant, à sa gloire immense. Les saints des âges et des siècles passés, tous sans exception, se sont languis, larmes aux yeux, de vivre ne fût-ce qu'un moment le jour de Dieu. Leurs désirs ardents non encore exaucés, ils sont partis pour le grand au-delà. Quelle est donc grande la munificence de la Beauté d'Abhá qui, en ce siècle divinement éclairé, en dépit de notre profonde indignité, a, par sa grâce et sa clémence, insufflé en nous l'esprit de vie, nous a rassemblés sous l'étendard du Bien-Aimé du monde et a choisi de nous accorder un bienfait après lequel les puissants de jadis avaient en vain ardemment soupiré. Les âmes des élus les plus admirables parmi l'assemblée céleste, affirme-t-il également, les saints habitants du plus exalté des paradis sont, en ce jour, pleins du désir brûlant de revenir en ce monde pour pouvoir servir dans les limites de leurs forces le seuil de la Beauté d'Abhá.
Dans un passage qui fait allusion à la croissance et au développement futur de la foi, il déclare : L'éclat de la resplendissante miséricorde de Dieu a enveloppé les peuples et les familles de la terre, et le monde entier est baigné de sa gloire radieuse... Bientôt viendra le jour où la lumière de l'unité divine aura si bien pénétré l'Est et l'Ouest qu'aucun homme n'osera plus l'ignorer. Maintenant, la Main de la puissance divine a posé fermement, dans le monde de l'existence, les bases de cette générosité suprême et de ce don merveilleux. Tout ce qui est en puissance au plus profond de ce cycle sacré va progressivement apparaître et être rendu manifeste, car aujourd'hui n'est que le commencement de sa croissance et l'aurore de la révélation de ses signes. Avant la fin de ce siècle et de cet âge, il sera rendu clair et évident combien merveilleux était ce printemps et combien céleste était ce don.
Pour confirmer le rang élevé du vrai croyant auquel Bahá'u'lláh a fait allusion, il révèle ce qui suit : Le rang qu'atteindra celui qui a réellement reconnu cette révélation est le même que celui qui a été conféré à ceux d'entre les prophètes de la maison d'Israël qui ne sont pas considérés comme des manifestations "douées d'immuabilité".
À propos des manifestations qui sont destinées à suivre la révélation de Bahá'u'lláh, 'Abdu'l-Bahá fait cette déclaration lourde d'importance et définitive : En ce qui concerne les manifestations qui, dans le futur, descendront "à l'ombre des nuages", sachez, en vérité, qu'en ce qui concerne leur relation avec la Source de leur inspiration, elles sont à l'ombre de l'Ancienne Beauté. Cependant, par rapport à l'époque où elles apparaissent, chacune d'elles "fait ce qu'Il veut".
S'adressant, dans une de ses tablettes, à un homme dont l'autorité et la position sont reconnues, 'Abdu'l-Bahá dit ceci : Ô mon ami, le feu immortel que le Seigneur du royaume a allumé au sein de l'arbre sacré brûle avec force au coeur même du monde. La conflagration qu'il provoquera enveloppera la terre entière. Ses flammes ardentes éclaireront ses peuples et ses tribus. Tous les signes ont été révélés; chaque allusion prophétique a été manifestée. Tout ce qui a été enchâssé dans les Écrits saints du passé est devenu évident. Il n'est plus possible de douter ou d'hésiter... Le temps presse. Le divin coursier est impatient, il ne peut plus attendre. Notre devoir est de nous lancer dans la mêlée et, avant qu'il ne soit trop tard, de gagner la victoire. Et finalement, voici ce passage extrêmement émouvant que, dans un de ses moments d'allégresse, il se sentit poussé à adresser à l'un de ses disciples les plus éminents et les plus dignes de sa confiance, durant les premiers temps de son ministère : Que dirai-je de plus ? Que peut encore conter ma plume ? Si puissant est l'appel qui retentit du royaume d'Abhá que ses vibrations assourdissent presque les oreilles des mortels. Il me semble que toute la création est bouleversée et qu'elle éclate sous l'influence fracassante des appels divins provenant du trône de gloire. Je ne peux en écrire davantage.
Amis chèrement aimés ! Ce qui a été dit est suffisant, et les extraits cités des écrits du Báb, de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá sont assez nombreux et variés pour convaincre le lecteur consciencieux de la sublimité de ce cycle unique dans l'histoire religieuse du monde. Jamais nous ne pourrons exagérer l'importance ou surestimer l'influence que ce cycle a exercée et qu'il doit exercer toujours plus, au fur et à mesure du déploiement du grand système qui lui est associé, au sein de la confusion d'une civilisation qui s'effondre.
Un mot d'avertissement à quiconque lit ces pages me semble toutefois souhaitable avant de poursuivre le développement de mon explication. Que personne, méditant sur la nature de la révélation de Bahá'u'lláh à la lumière des passages cités plus haut, ne se méprenne quant à son caractère ou quant à l'intention de son auteur. La divinité attribuée à un être aussi grand et l'incarnation complète des noms et des attributs de Dieu dans une personne si sublime ne devraient en aucun cas être mal comprises ou interprétées faussement. Le temple humain qui a été fait le véhicule d'une révélation si intense doit, si nous restons fidèles aux principes de notre foi, demeurer à jamais entièrement distinct de cet "Esprit le plus secret des esprits" et de l'"éternelle Essence des essences"; ce Dieu invisible mais pourtant rationnel, qui, si fort que nous exaltions la divinité de ses manifestations sur la terre, ne peut en aucune manière incarner, dans la forme concrète et limitée d'un être mortel, son infinie, son inconnaissable Réalité, sa Réalité qui ne se corrompt point et embrasse tout. En effet, à la lumière des enseignements de Bahá'u'lláh, le Dieu qui pourrait ainsi incarner sa propre réalité cesserait immédiatement d'être Dieu. Une théorie de l'incarnation divine à ce point grossière et fantastique est aussi éloignée des principes essentiels de la croyance bahá'íe, et incompatible avec eux, que ne le sont les inadmissibles conceptions panthéistes et anthropomorphiques de Dieu que les paroles de Bahá'u'lláh désavouent tout aussi énergiquement, et dont elles exposent de même le caractère fallacieux.
Lui qui, dans d'innombrables passages, a affirmé que ses paroles étaient la voix de la divinité, l'appel de Dieu Lui-même, affirme solennellement dans le Kitáb-i-Íqán : Pour tous les coeurs éclairés et pleins de discernement, il est évident que Dieu, l'inconnaissable Essence, l'Être divin, s'élève incommensurablement au-delà de tout attribut humain tel que l'existence corporelle, l'ascension et la descente, le progrès et la régression... Il est, et Il a toujours été voilé dans l'antique éternité de son essence, et Il restera dans sa réalité perpétuellement caché à la vue des hommes... Il se tient élevé au-delà et au-dessus de toute séparation et de toute union, de toute proximité et de tout éloignement... "Dieu était seul, il n'y avait nul autre que Lui", est un témoignage certain de cette vérité.
Parlant de Dieu, Bahá'u'lláh explique: De temps immémorial, Lui, l'Être divin, a été voilé dans la sainteté ineffable de son Être exalté, et Il restera à jamais enveloppé dans l'impénétrable mystère de son Essence inconnaissable... Dix mille prophètes, chacun d'eux étant un Moïse, sont foudroyés sur le Sinaï de leur recherche par la voix menaçante de Dieu : "Jamais tu ne me contempleras !" cependant qu'une myriade de messagers, chacun aussi grand que Jésus, restent consternés sur leur trône céleste devant l'interdiction : "Mon essence, tu ne l'appréhenderas jamais !" Qu'elle est déroutante pour moi, insignifiant comme je le suis, affirme Bahá'u'lláh dans sa communion avec Dieu, la tentative de comprendre les profondeurs sacrées de ta connaissance ! Qu'ils sont futiles mes efforts pour me représenter la magnitude de la puissance inhérente à ton oeuvre - la révélation de ta puissance créatrice ! Dans une autre prière encore, révélée de sa propre écriture, il atteste : Ô mon Dieu, quand je contemple la relation qui me lie à toi, je suis poussé à proclamer à toutes choses créées : "En vérité, je suis Dieu !" et quand je considère ma propre personne, voilà que je la trouve plus grossière que l'argile !
La porte de la connaissance de l'Ancien des jours, affirme encore Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Íqán, se trouvant ainsi fermée à la face de tous les êtres, Lui, la Source de grâce infinie, a fait apparaître, du royaume de l'Esprit, sous la noble forme du temple humain, ces gemmes lumineuses de sainteté, et Il les a manifestées à tous les hommes pour qu'ils puissent communiquer au monde les mystères de l'Être immuable et lui révéler les subtilités de son impérissable Essence... Tous les prophètes de Dieu, ses élus bien-aimés, ses messagers sacrés et choisis sont, sans exception, les porteurs de ses noms et les personnifications de ses attributs... Ces tabernacles de sainteté, ces miroirs primordiaux qui reflètent la lumière de gloire impérissable ne sont que des expressions de celui qui est l'Invisible des invisibles.
Que Bahá'u'lláh, compte non tenu de l'intensité écrasante de sa révélation, doit être considéré essentiellement comme une de ces manifestations de Dieu qu'il ne faut jamais identifier à cette Réalité invisible, l'Essence de la divinité elle-même, c'est là l'une des croyances majeures de notre foi, croyance qui ne devrait jamais être obscurcie, et dont aucun de ses adeptes ne devrait permettre qu'on en compromette l'intégrité.
La révélation bahá'íe, qui prétend être l'apogée d'un cycle prophétique et l'accomplissement de la promesse de tous les âges, ne tente en aucun cas d'infirmer ces principes premiers et éternels qui animent et sous-tendent les religions qui l'ont précédée. L'autorité donnée par Dieu dont fut investie chacune d'elles, elle l'admet et l'établit comme son fondement le plus ferme et le plus essentiel. Elle ne les considère sous aucun autre aspect que comme des phases différentes de l'histoire éternelle et de l'évolution constante d'une seule religion, divine et indivisible, dont la révélation bahá'íe elle-même ne constitue qu'une partie intégrante. Elle ne cherche ni à obscurcir leur origine divine ni à amoindrir la grandeur reconnue de leurs réalisations colossales. Elle ne peut approuver aucune tentative visant à fausser leurs caractéristiques ou à rendre sans valeur les vérités qu'elles instillent. Ses enseignements ne s'écartent pas, fût-ce de l'épaisseur d'un cheveu, des vérités qu'elles enchâssent, et le poids de son message ne diminue pas non plus d'un iota l'influence qu'elles exercent ou la fidélité qu'elles inspirent. Loin de viser au renversement des fondements spirituels des systèmes religieux du monde, son but avoué et inaltérable est d'élargir leurs bases, de reformuler leurs principes fondamentaux, de réconcilier leurs objectifs, de ranimer leur vie, de démontrer leur unité, de restaurer la pureté primitive de leurs enseignements, de coordonner leurs fonctions et d'aider à la réalisation de leurs plus hautes aspirations. Ces religions divinement révélées, ainsi qu'un observateur rigoureux l'a exprimé de façon précise, ne sont pas condamnées à disparaître, mais à renaître... L'enfant ne meurt-il pas dans l'adolescent et celui-ci dans l'homme ? Cependant, ni l'enfant ni l'adolescent ne périssent !
Ceux qui sont les astres de la vérité et les miroirs qui reflètent la lumière de l'unité divine, explique Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Íqán, quels que soient l'âge et le cycle au cours desquels ils sont envoyés de leurs demeures invisibles de gloire antique ici-bas pour éduquer les âmes des hommes et revêtir de grâce toutes choses créées, sont invariablement dotés d'un pouvoir irrésistible et investis d'une souveraineté invincible... Ces miroirs sanctifiés, ces aurores de la gloire antique sont, tous sans exception, les interprètes sur terre de celui qui est l'Orbe central de l'univers, son Essence et sa Fin dernière. De Lui procèdent leur savoir et leur pouvoir; de Lui découle leur souveraineté. La beauté de leur visage n'est qu'un reflet de son image, et leur révélation un signe de sa gloire immortelle... Par eux est transmise une grâce qui est infinie, et par eux est révélée la lumière qui jamais ne faiblit. La parole humaine ne pourra jamais chanter comme il convient leurs louanges, et le discours humain n'expliquera jamais leur mystère. Il ajoute : Puisque ces oiseaux du trône céleste sont tous envoyés du ciel de la volonté de Dieu, et puisqu'ils se lèvent tous pour proclamer sa foi irrésistible, ils doivent être tous considérés comme une seule âme et comme la même personne... Ils demeurent tous dans le même tabernacle, ils volent dans le même ciel, ils sont assis sur le même trône, prononcent les mêmes paroles et proclament la même foi... Ils ne diffèrent que par l'intensité de leur révélation et la puissance relative de leur lumière... Qu'un certain attribut de Dieu n'ait pas été extérieurement manifesté par ces essences du détachement n'implique nullement que ceux qui sont les aurores des attributs de Dieu et les trésors de ses saints noms ne l'aient pas réellement possédé.
Il faut aussi garder à l'esprit que, si grande que soit la puissance manifestée par cette révélation, et si vaste que puisse être l'étendue de la dispensation qu'a inaugurée son auteur, elle rejette énergiquement toute prétention à être prise pour l'ultime révélation de la volonté et du dessein de Dieu pour l'humanité. Défendre une telle conception de sa nature et de ses fonctions équivaudrait à trahir sa cause et à renier sa vérité. Cela serait forcément en complète contradiction avec le principe fondamental qui constitue l'assise de la croyance bahá'íe, le principe selon lequel la vérité religieuse n'est pas absolue mais relative, et la révélation divine ordonnée, continue et progressive, et non point transitoire ou définitive. En effet, le rejet catégorique, par les adeptes de la foi de Bahá'u'lláh, de toute prétention au caractère définitif que l'un ou l'autre système religieux inauguré par les prophètes du passé pourrait faire valoir, est aussi clair et vigoureux que leur propre refus de revendiquer ce même caractère définitif pour la révélation avec laquelle ils s'identifient. Croire que toute révélation est terminée, que les portes de la miséricorde divine sont closes, que, des aurores de l'éternelle sainteté, aucun soleil ne s'élèvera plus, que l'océan de bonté perpétuelle s'est à jamais apaisé, et que, du tabernacle de la gloire ancienne, les messagers de Dieu ont cessé d'être manifestés, doit constituer, aux yeux de tous les adeptes de la foi, une grave, une inexcusable déviation de l'un de ses principes les plus chers et les plus fondamentaux.
Une mention de quelques-unes des paroles déjà citées de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá suffira sûrement à établir, sans laisser l'ombre d'un doute, la vérité de ce principe cardinal. De même, le passage suivant des Paroles cachées ne pourrait-il être interprété comme une allusion allégorique au caractère progressif de la révélation divine et comme une reconnaissance, par son auteur, du fait que le message qui lui a été confié n'est pas l'expression finale et ultime de la volonté et de la direction spirituelle du Tout-Puissant ? Ô fils de la justice ! À la nuit, la beauté de l'Être immortel se rendit des hauteurs émeraude de la fidélité jusqu'au Sadratu'l-Muntahá et versa tant de larmes que l'assemblée suprême et les habitants des royaumes célestes gémirent devant ses lamentations. Sur quoi, on lui demanda la raison des pleurs et des gémissements. Il répondit : Selon l'ordre reçu, j'étais dans l'attente sur la colline de fidélité, mais je n'ai pas humé le parfum de fidélité des habitants de la terre. Alors, invité à revenir, je regardai et vis que quelques colombes de sainteté étaient douloureusement meurtries dans les griffes des chiens de la terre. Sur ce, la céleste houri, dévoilée et resplendissante, se précipita hors de sa demeure mystique et demanda leur nom; tous furent donnés, sauf un. Sur son insistance, la première lettre en fut prononcée, sur quoi les habitants des célestes retraites s'élancèrent hors de leur demeure de gloire. Et tandis que la seconde lettre était dite, tous sans exception tombèrent dans la poussière. À ce moment, une voix se fit entendre du fond du sanctuaire : "Jusque-là et pas plus loin." En vérité, Nous sommes témoin de ce qu'ils ont fait et de ce qu'ils font encore.
En un langage plus explicite, Bahá'u'lláh témoigne de cette vérité dans une de ses tablettes révélées à Andrinople : Sachez, en vérité, que le voile qui cache notre face n'a pas été complètement levé. Nous nous sommes révélé dans une mesure correspondant à la capacité des peuples de notre époque. Si l'Ancienne Beauté était dévoilée dans la plénitude de sa gloire, les yeux des mortels seraient aveuglés par l'intensité éblouissante de sa révélation.
Dans la Súriy-i-Sabr, dont la révélation remonte à l'année 1863, au jour même de son arrivée au jardin de Ridvan, il affirme ceci : Dieu a envoyé ses messagers ici-bas pour succéder à Moïse et à Jésus, et Il continuera à faire de même jusqu'à "la fin qui n'a pas de fin" pour que, du ciel de la munificence divine, sa grâce puisse être continuellement accordée à l'humanité.
Je n'appréhende rien pour ma propre personne, déclare Bahá'u'lláh encore plus clairement, mes craintes concernent celui qui vous sera envoyé après moi - celui qui sera investi d'une grande souveraineté et d'une autorité suprêmement puissante. Et il écrit encore dans la Súratu'l-Haykal : Dans ces mots que j'ai révélés, ce n'est pas de moi-même qu'il s'agit, mais plutôt de celui qui viendra après moi. Dieu, l'Omniscient, en est témoin. Et il ajoute : N'agissez pas envers lui comme vous l'avez fait avec moi.
Dans un passage plus circonstancié de ses Écrits, le Báb affirme la même vérité. Il est clair et évident, écrit-il dans le Bayán persan, que l'objet de toutes les dispensations antérieures a été de préparer la voie à l'avènement de Muhammad, l'Apôtre de Dieu. Ces dispensations, y compris celle de Muhammad, ont eu, à leur tour, pour objectif la révélation proclamée par le Qá'im. Le but qui sous-tend cette révélation comme celles qui l'ont précédée a été, de même, d'annoncer l'avènement de la foi de celui que Dieu rendra manifeste. Et cette foi - la foi de celui que Dieu rendra manifeste - à son tour, de concert avec toutes les révélations qui l'ont précédée, a pour objet la Manifestation destinée à lui succéder. Et celle-ci, non moins que toutes les révélations antérieures, prépare la voie à la révélation qui est encore à venir. Le processus du lever et du coucher du Soleil de Vérité continuera de cette façon indéfiniment - un processus qui n'a pas eu de commencement et n'aura pas de fin.
Sachez en toute certitude, explique Bahá'u'lláh à ce propos, que, dans chaque dispensation, la lumière de la révélation divine a été octroyée aux hommes en proportion directe de leur capacité spirituelle. Considérez le soleil. Comme ses rayons sont faibles au moment où il apparaît au-dessus de l'horizon. Comme sa chaleur et sa puissance augmentent progressivement à mesure qu'il se rapproche de son zénith, permettant pendant ce temps-là à toutes choses créées de s'adapter à l'intensité croissante de sa lumière. Comme il décline régulièrement jusqu'à ce qu'il atteigne le point de son coucher. S'il venait à manifester subitement les énergies latentes qu'il renferme, il provoquerait, sans nul doute, des dommages à toutes choses créées... De même, si le Soleil de Vérité devait révéler soudainement, aux premiers temps de sa manifestation, la pleine mesure des pouvoirs que lui a accordés la providence du Tout-Puissant, la terre de la compréhension humaine serait dévastée et consumée; car les coeurs des hommes ne supporteraient pas l'intensité de sa révélation et seraient incapables de refléter l'éclat de sa lumière. Consternés et vaincus, ils cesseraient d'exister.
À la lumière de ces déclarations claires et concluantes, il ne fait pas de doute que notre devoir est de rendre incontestablement évident à tous ceux qui cherchent la vérité le fait que, depuis "le commencement qui n'a pas de commencement", les prophètes du Dieu unique et inconnaissable, y compris Bahá'u'lláh lui-même, du fait même qu'ils sont les voies de la grâce de Dieu, les interprètes de son unité, les miroirs de sa lumière et les révélateurs de son dessein, ont tous été investis de l'autorité d'expliquer à l'humanité une mesure toujours plus grande de sa vérité, de sa volonté insondable et de sa direction divine, et qu'ils continueront, jusqu'à "la fin qui n'a pas de fin", d'octroyer des révélations encore plus amples et plus grandioses de sa gloire et de son pouvoir illimités.
Nous ferions bien de méditer en nos coeurs les passages suivants d'une prière révélée par Bahá'u'lláh qui affirme, d'une manière saisissante, la réalité de la grande et essentielle vérité contenue au coeur même de son message à l'humanité, et qui en constitue une preuve supplémentaire : Loué sois-tu, ô Seigneur mon Dieu, pour les révélations merveilleuses de ton décret impénétrable et pour les épreuves multiples et les malheurs que tu m'as destinés. Tantôt, tu m'as livré aux mains de Nimrod; une autre fois, tu as permis que me persécutât la verge du pharaon. Tu es seul à pouvoir estimer, par ta connaissance qui embrasse toutes choses et par l'action de ta volonté, les afflictions incalculables que j'ai subies en leurs mains. À nouveau tu m'as jeté dans la geôle des impies, sans raison si ce n'est que j'étais poussé à murmurer à l'oreille des habitants, les élus bien-aimés de ton royaume, une allusion à la vision que, par la connaissance de toi, tu m'avais inspirée, et dont tu m'avais révélé la signification par la puissance de ton pouvoir. Et à nouveau tu as décrété que j'aurais la tête tranchée par l'épée de l'infidèle. De nouveau j'ai été crucifié pour avoir dévoilé aux yeux des hommes les joyaux cachés de ta glorieuse unité et pour leur avoir révélé les signes merveilleux de ton pouvoir souverain et éternel. Qu'elles furent amères, en un âge ultérieur, les humiliations accumulées sur ma tête dans la plaine de Karbilá ! Comme je me suis senti seul au milieu de ton peuple ! À quel état d'impuissance fus-je réduit en ces lieux ! Non contents de telles indignités, mes persécuteurs me décapitèrent et, portant haut ma tête de pays en pays, ils la promenèrent devant le regard fixe de la multitude des infidèles, et la déposèrent sur les trônes des pervers et des mécréants. Plus tard, je fus suspendu, et ma poitrine fut offerte en cible aux traits de la cruauté maligne de mes ennemis. Mes membres furent criblés de balles et mon corps déchiré. Enfin, en ce jour, voici que mes ennemis perfides se sont ligués contre moi, et ne cessent de comploter pour instiller le venin de la méchanceté et de la haine dans l'âme de tes serviteurs. De toute leur force, ils intriguent afin de réaliser leurs desseins... Mais pour cruel que soit mon sort, ô Dieu, mon Bien-Aimé, je te rends grâce, et mon esprit est plein de gratitude pour tout ce qui m'est advenu dans le sentier de ton bon plaisir. Je suis parfaitement satisfait de ce que tu as ordonné pour moi, et j'accueille avec joie, quelque désastreuses qu'elles puissent être, les souffrances et les afflictions qu'on me fait endurer.
Le BábAmis chèrement aimés ! Que le Báb, initiateur de la dispensation Bábíe, soit entièrement apte à être rangé parmi les manifestations de Dieu qui se suffisent à elles-mêmes, qu'il ait été investi d'une autorité et d'un pouvoir souverains, et exerce tous les droits et toutes les prérogatives d'un prophète indépendant, c'est encore une autre vérité fondamentale que le message de Bahá'u'lláh proclame avec insistance et que ses adeptes doivent soutenir sans transiger. Qu'il ne doive pas seulement être considéré comme un précurseur inspiré de la révélation bahá'íe, qu'en sa personne, ainsi qu'il en a lui-même témoigné dans le Bayán persan, ait été réalisé le dessein de tous les prophètes qui le précédèrent, c'est une vérité que j'estime de mon devoir de démontrer et de mettre en valeur. Nous manquerions sûrement à notre devoir envers la foi que nous professons, et nous violerions un de ses principes sacrés et fondamentaux si, par nos paroles ou notre conduite, nous hésitions à reconnaître les implications de ce principe de base de la croyance bahá'íe, ou si nous nous refusions à soutenir sans réserve son intégrité et à démontrer sa vérité. En effet, le motif principal qui m'a poussé à entreprendre la tâche de traduire et d'éditer l'immortelle Chronique de Nabíl a été de rendre chaque adepte de la foi de l'Ouest capable de mieux comprendre et de saisir plus aisément les implications formidables de son rang exalté, et de l'admirer et de l'aimer plus ardemment.
Il est indubitable que la revendication du double rang prescrit pour le Báb par le Tout-Puissant - une revendication que le Báb lui-même a si hardiment avancée, que Bahá'u'lláh a affirmée à plusieurs reprises, et à laquelle le Testament de 'Abdu'l-Bahá a finalement donné la sanction de son témoignage - constitue le trait le plus distinctif de la dispensation bahá'íe. Elle constitue une preuve de plus de son caractère unique, une formidable voie d'accès à la force, au pouvoir mystérieux et à l'autorité dont ce cycle sacré a été investi. En effet, la grandeur du Báb ne réside pas essentiellement dans le fait d'avoir été le précurseur divinement choisi d'une révélation aussi transcendante, mais plutôt en ceci qu'il a été investi des pouvoirs propres à l'initiateur d'une ère religieuse distincte, et qu'il a brandi, à un degré qui n'a pas eu d'égal parmi les messagers venus avant lui, le sceptre du prophète indépendant.
La courte durée de sa dispensation, le champ restreint dans lequel ses lois et ses ordonnances ont opéré ne constituent en aucune manière un critère qui permette de juger de son origine divine et d'évaluer la puissance de son message. Bahá'u'lláh lui-même explique : Qu'un laps de temps si court ait séparé cette très grande et merveilleuse révélation de ma propre manifestation antérieure 1 est un secret qu'aucun homme ne peut expliquer, et un mystère qu'aucune intelligence ne peut pénétrer. Sa durée avait été préordonnée et personne ne pourra jamais en découvrir la raison, du moins tant qu'il n'aura pas pris connaissance du contenu de mon Livre caché. Voyez, explique encore Bahá'u'lláh dans le Kitáb-i-Badí', l'une de ses oeuvres qui réfute les arguments du peuple du Bayán, Voyez comment, aussitôt après le terme de la neuvième année de cette merveilleuse, de cette très sainte et miséricordieuse dispensation, le nombre requis d'âmes pures, entièrement consacrées et sanctifiées avait été très secrètement réalisé.
Les événements merveilleux qui annoncèrent l'avènement du fondateur de la dispensation Bábíe, les circonstances dramatiques de sa propre vie mouvementée, la tragédie de son martyre qui fut marqué par l'intervention de la puissance divine, le caractère magique de l'influence qu'il exerça sur les plus éminents et les plus puissants de ses compatriotes, toutes choses dont chaque chapitre de l'émouvante Chronique de Nabíl porte témoignage, devraient être tenues en elles-mêmes pour des preuves suffisantes de la validité de sa revendication d'un rang aussi élevé parmi les prophètes.
Quelque vivantes que soient les annales transmises à la postérité par l'éminent chroniqueur de sa vie, un récit aussi brillant doit pâlir devant l'hommage ardent rendu au Báb par la plume de Bahá'u'lláh. Cet hommage, le Báb lui-même l'a amplement étayé par l'affirmation claire de sa revendication, tandis que les témoignages écrits de 'Abdu'l-Bahá ont grandement renforcé sa nature et clarifié sa signification.
Où, si ce n'est dans le Kitáb-i-Íqán, l'étudiant de la dispensation Bábíe peut-il essayer de trouver ces affirmations qui attestent sans erreur possible le pouvoir et l'esprit qu'aucun homme, s'il n'est une manifestation de Dieu, ne peut manifester ? Une telle chose, s'exclame Bahá'u'lláh, pouvait-elle être rendue manifeste si ce n'est par le pouvoir d'une révélation divine et par la puissance de l'invincible volonté de Dieu ? Par la justice de Dieu ! Si quelqu'un concevait dans son coeur une révélation si grande, la seule pensée d'une semblable déclaration le confondrait ! Si les coeurs de tous les hommes se pressaient dans son coeur, il hésiterait encore à s'aventurer dans une entreprise si redoutable. Aucun oeil, affirme-t-il dans un autre passage, n'a contemplé une effusion aussi grande de générosité, et aucune oreille n'a ouï une telle révélation de bonté miséricordieuse... Les prophètes "doués d'immuabilité", dont l'élévation et la gloire brillent comme le soleil, furent tous honorés d'un Livre que tous ont vu, et dont les versets ont été dûment vérifiés. Tandis que les versets tombés en pluie de cette nuée de miséricorde divine ont été si abondants que personne n'a encore été capable d'en estimer le nombre... Comment peuvent-ils déprécier cette révélation ? Quel âge vit jamais événements aussi importants ?
Commentant le caractère et l'influence de ces héros et de ces martyrs que l'esprit du Báb avait si magiquement transfigurés, Bahá'u'lláh révèle ce qui suit : Si ces compagnons ne sont pas les vrais, les persévérants chercheurs de Dieu, qui d'autre pourrait être appelé par ce nom ?... Si ces compagnons, avec tous leurs témoignages merveilleux et leurs oeuvres étonnantes, étaient dans l'erreur, qui donc serait digne de revendiquer pour lui-même la vérité ?... Le monde a-t-il, depuis les jours d'Adam, assisté à un tel bouleversement, à un désordre social aussi violent ?... Il me semble que la patience n'a été révélée qu'en vertu de leur force d'âme, et que la fidélité elle-même n'a été engendrée que par leurs actes.
Désireux de mettre en lumière la sublimité du rang exalté du Báb par rapport à celui des prophètes du passé, Bahá'u'lláh, dans cette même épître, affirme : Il n'est point d'entendement capable de saisir la nature de sa révélation, il n'est point de savoir qui puisse comprendre la pleine mesure de sa foi. Il cite ensuite, pour confirmer son argument, ces paroles prophétiques : La connaissance se compose de vingt-sept lettres. Tout ce qu'ont révélé les prophètes, ce sont deux de ces lettres. Nul homme, à ce jour, n'a connu plus que ces deux lettres. Mais quand surviendra le Qá'im, il suscitera la manifestation des vingt-cinq lettres restantes. Voyez, ajoute-t-il, combien grand et élevé est son rang ! Son rang surpasse celui de tous les prophètes, et sa révélation transcende l'entendement et la compréhension de tous leurs élus. De sa révélation, ajoute-t-il encore, les prophètes de Dieu, ses saints et ses élus n'ont pas été informés ou, se conformant à l'impénétrable décret de Dieu, ils ne l'ont pas dévoilée.
De tous les hommages que la plume infaillible de Bahá'u'lláh a choisi d'offrir à la mémoire du Báb, son "Bien-Aimé", le plus mémorable et le plus touchant est ce passage, court mais éloquent, qui rehausse si grandement la valeur des derniers passages de cette même épître. Au sein de tous ces périls, écrit-il, faisant allusion aux épreuves et aux dangers cruels qui l'assaillaient de tous côtés dans la ville de Baghdád, nous demeurons prêt au sacrifice suprême, entièrement résigné à sa volonté, afin que peut-être, par la grâce et la tendre bonté de Dieu, cette lettre révélée et manifeste (Bahá'u'lláh) puisse offrir sa vie en holocauste dans le chemin du Premier Point, du Verbe le plus exalté (le Báb). Par lui, sur l'ordre de qui l'Esprit a parlé, sans ce désir ardent de notre âme, nous n'aurions pas séjourné un instant de plus dans cette cité.
Amis chèrement aimés ! Un éloge aussi retentissant, une assertion aussi hardie émanant de la plume de Bahá'u'lláh dans un ouvrage d'une telle importance trouvent pleinement leur écho dans le langage que la source de la révélation Bábíe a choisi pour habiller les revendications qu'il a lui-même avancées : Je suis le Temple Mystique, c'est ainsi que le Báb proclame son rang dans le Qayyúmu'l-Asmá', que la Main de la Toute-Puissance a élevé. Je suis la lampe que le Doigt de Dieu a allumée dans sa niche et a fait briller d'une splendeur immortelle. Je suis la flamme de cette lumière céleste qui brillait sur le Sinaï à l'endroit bienheureux et qui demeurait cachée au sein du buisson ardent. Ô Qurratu'l-'Ayn ! s'écrie-t-il s'adressant à sa propre personne dans le même commentaire, je ne reconnais en toi nul autre que la "Grande Nouvelle", la Nouvelle annoncée par l'assemblée céleste. Sous ce nom, j'en porte témoignage, ceux qui entourent le trône de gloire t'ont connu de toute éternité. Et il ajoute : Avec chacun des prophètes que, dans le passé, Nous avons envoyés ici-bas, Nous avons établi une alliance distincte concernant le "Souvenir de Dieu" et son jour. Grâce au pouvoir de la vérité, le "Souvenir de Dieu" et son jour sont manifestes dans le royaume de gloire devant les yeux des anges qui gravitent autour de son trône de miséricorde. Si tel était Notre désir, affirme-t-il encore, il serait en Notre pouvoir, par l'action d'une seule lettre de Notre révélation, d'obliger le monde et tout ce qu'il renferme à reconnaître, en moins d'un battement de paupière, la vérité de Notre cause.
De la prison forteresse de Máh-Kú, le Báb s'adresse à Muhammad Sháh en ces termes : Je suis le Premier Point à partir de qui ont été engendrées toutes choses créées... Je suis la face de Dieu dont la splendeur ne peut jamais être ternie, la lumière de Dieu dont l'éclat ne peut jamais faiblir... Toutes les clefs du paradis, Dieu a choisi de les placer dans ma main droite, et toutes celles de l'enfer dans ma main gauche... Je suis un des piliers qui soutiennent le Verbe originel de Dieu. Quiconque m'a reconnu a connu tout ce qui est vrai et juste, et a atteint tout ce qui est bon et droit... La substance avec laquelle Dieu m'a créé n'est pas l'argile avec laquelle les autres ont été façonnés. Il m'a accordé ce que les sages de ce monde ne peuvent jamais comprendre ni les fidèles découvrir. Afin de souligner les potentialités latentes illimitées de sa dispensation, le Báb affirme d'une manière caractéristique : Si une minuscule fourmi désire en ce jour être en possession d'un pouvoir tel qu'il la rende capable d'élucider les passages les plus obscurs et les plus déconcertants du Quran, son désir sera assurément exaucé, puisque le mystère de la puissance éternelle vibre au plus profond de toutes choses créées. 'Abdu'l-Bahá commente ainsi cette affirmation saisissante : Si une créature si faible peut être douée d'une capacité si subtile, combien plus efficace doit être la force libérée par les effusions généreuses de la grâce de Bahá'u'lláh !
À ces assertions qui font autorité, à ces déclarations solennelles faites par Bahá'u'lláh et le Báb doit s'ajouter le propre témoignage irréfutable de 'Abdu'l-Bahá. Lui, l'interprète désigné des paroles de Bahá'u'lláh et du Báb, corrobore, non point par allusions mais en langage clair et catégorique, tant dans ses tablettes que dans son testament, la véracité des assertions que j'ai déjà mentionnées.
Dans une tablette adressée à un Bahá'í du Mázindarán, dans laquelle il dévoile la signification d'une déclaration mal interprétée qui lui a été attribuée, au sujet du lever du Soleil de Vérité en ce siècle, il exprime, en termes brefs mais concluants, ce qui devrait demeurer à jamais notre juste conception de la relation existant entre les deux manifestations associées à la dispensation bahá'íe. En faisant une telle déclaration, explique-t-il, je ne pensais à personne d'autre qu'au Báb et à Bahá'u'lláh, mon intention était de rendre clair le caractère de leur révélation. Celle du Báb peut être comparée au soleil lorsque sa position correspond au premier signe du zodiaque (le signe du Bélier) dans lequel le soleil pénètre à l'équinoxe de printemps. Le rang de la révélation de Bahá'u'lláh, d'autre part, est représenté par le signe du Lion, la position la plus élevée du soleil au solstice d'été. Ceci signifie que cette sainte dispensation est illuminée par l'éclat du Soleil de Vérité qui brille en son point culminant, et dans la plénitude de sa splendeur, de sa chaleur et de sa gloire.
Dans une autre tablette, 'Abdu'l-Bahá affirme plus précisément : Le Báb, l'exalté, est le matin de vérité, la splendeur dont la lumière brille à travers toutes les régions. Il est aussi l'annonciateur de la plus grande Lumière, l'astre d'Abhá. La Beauté bénie est celui qui a été promis par les livres sacrés du passé, la révélation de la source de lumière qui brillait sur le mont Sinaï, dont le feu flamboyait au sein du buisson ardent. Nous sommes, tous sans exception, les serviteurs de leur seuil, et chacun de nous se tient tel un humble gardien à leur porte. Encore plus énergique est l'avertissement suivant : Toute preuve et toute prophétie, toute forme d'évidence, fondées tant sur la raison que sur les textes des Écritures et des traditions, doivent être considérées comme aboutissant aux personnes de Bahá'u'lláh et du Báb. C'est en elles que l'on doit trouver leur accomplissement intégral.
Et finalement, dans son testament, le réceptacle de ses derniers voeux et des instructions qu'il laissa derrière lui dans le passage suivant, dont l'objet spécifique est d'énoncer les principes directeurs de la croyance bahá'íe, 'Abdu'l-Bahá appose le sceau de son témoignage sur le rang double et exalté du Báb : Le fondement de la croyance du peuple de Bahá - puisse ma vie lui être offerte en sacrifice ! - est celui-ci : Sa Sainteté l'Exalté (le Báb) est la manifestation de l'unité et de l'unicité de Dieu, et le précurseur de l'Ancienne Beauté (Bahá'u'lláh). Sa Sainteté la Beauté d'Abhá (Bahá'u'lláh) - puisse ma vie être offerte en sacrifice à ses amis fidèles ! - est la suprême manifestation de Dieu et l'aurore de son Essence la plus divine. Tous les autres, ajoute-t-il significativement, sont ses serviteurs et obéissent à son commandement.
'Abdu'l-BaháAmis chèrement aimés ! Dans les pages qui précèdent, je me suis hasardé à essayer de commenter certaines vérités, dont je crois fermement qu'elles sont implicitement contenues dans la revendication de celui qui est la source de la révélation bahá'íe. J'ai tenté, en outre, de dissiper les malentendus qui peuvent naturellement naître dans l'esprit de quiconque médite sur une manifestation aussi surhumaine de la gloire de Dieu. Je me suis efforcé d'expliquer la signification de la divinité dont celui qui est le véhicule d'une énergie si mystérieuse est nécessairement investi. Que le message qu'un être aussi grand a, en cet âge, été chargé par Dieu de transmettre à l'humanité reconnaisse l'origine divine et soutienne les principes essentiels de chaque dispensation inaugurée par les prophètes du passé, et demeure inextricablement lié à chacune d'elles, j'ai aussi tenté de le démontrer de mon mieux. Que l'auteur d'une telle foi, qui rejette la revendication d'une révélation définitive que les chefs spirituels de diverses confessions ont soutenue, ait, malgré l'immensité de sa révélation, désavoué ce caractère pour lui-même, j'ai également ressenti la nécessité d'en faire la preuve et d'y insister. Que le Báb, en dépit de la durée de sa dispensation, ne doive pas être considéré d'abord comme le précurseur choisi de la foi bahá'íe, mais comme celui qui a été investi de l'autorité sans partage qu'a assumée chacun des prophètes indépendants du passé, cela m'a semblé être encore un autre principe fondamental dont l'éclaircissement est extrêmement souhaitable au stade actuel de l'évolution de notre cause.
Une tâche dont je ressens vivement la nécessité à l'heure actuelle est celle de clarifier nos pensées quant au rang occupé par 'Abdu'l-Bahá et à l'importance de sa position dans cette sainte dispensation. En effet, il nous serait difficile - à nous qui sommes aussi près d'une figure si formidable et qui sommes attirés par le pouvoir mystérieux de cette personnalité si magnétique - d'arriver à une compréhension claire et exacte du rôle et du caractère d'un être qui, non seulement dans la dispensation de Bahá'u'lláh, mais aussi dans tout le champ de l'histoire religieuse, remplit une fonction unique. Bien qu'il évolue dans une sphère qui lui est propre, et bien qu'il occupe un rang radicalement différent de ceux de l'auteur et du précurseur de la révélation bahá'íe, il forme avec eux, en vertu du rang qui a été ordonné pour lui par l'alliance de Bahá'u'lláh, ce qu'on peut appeler les trois figures centrales d'une foi qui demeure sans pareille dans l'histoire spirituelle du monde. De concert avec eux, il domine les destinées de cette foi de Dieu encore dans l'enfance, et se tient à une hauteur qu'aucun individu ou aucun corps constitué appelé après lui à pourvoir aux besoins de la foi ne pourra jamais espérer atteindre, avant qu'au moins un millénaire entier ne soit révolu. Rabaisser son rang éminent, en l'assimilant ou en le considérant comme approximativement équivalent à la position de ceux sur lesquels s'est posé le manteau de son autorité, serait un acte d'impiété aussi grave que la croyance également hérétique qui tend à l'élever à un rang d'égalité absolue avec la figure centrale ou avec le précurseur de notre foi. Car, pour immense que soit l'abîme qui sépare 'Abdu'l-Bahá de celui qui est la source d'une révélation indépendante, il est sans commune mesure avec la distance encore plus grande entre celui qui est le Centre de l'alliance et ses serviteurs chargés de poursuivre son oeuvre, quels que soient leur nom, leur rang, leurs fonctions ou leurs accomplissements futurs. Que ceux qui ont connu 'Abdu'l-Bahá et qui, par le contact avec sa personnalité magnétique, en sont arrivés à nourrir pour lui une si fervente admiration, méditent, à la lumière de cette affirmation, sur la grandeur d'un être dont le rang est tellement plus élevé que le sien.
Que 'Abdu'l-Bahá ne soit pas une manifestation de Dieu; que, bien qu'il soit le successeur de son père, il n'occupe point un rang analogue; que personne d'autre, hormis le Báb et Bahá'u'lláh, ne puisse jamais prétendre à un tel rang avant l'expiration d'un millénaire entier, ce sont des vérités enchâssées tant dans les propos explicites du fondateur de notre foi que dans ceux de l'interprète de ses enseignements.
Le Kitáb-i-Aqdas contient cet avertissement formel: Quiconque prétend à une révélation directe de Dieu avant l'expiration de mille ans révolus est assurément un imposteur et un menteur. Nous prions Dieu, par sa grâce, de l'aider à se rétracter et à désavouer pareille prétention. S'il se repent, Dieu lui pardonnera sans nul doute. Si, toutefois, il persiste dans son erreur, Dieu enverra certainement ici-bas quelqu'un qui le traitera sans pitié. Terrible, en effet, est Dieu dans son châtiment ! Quiconque, ajoute-t-il pour souligner plus amplement son avertissement, interprète ce verset autrement que selon sa signification évidente, est privé de l'Esprit de Dieu et de sa miséricorde qui embrasse toutes choses créées. Une autre affirmation décisive précise que : Si un homme devait apparaître avant un laps de temps de mille ans entiers (chaque année se composant de douze mois selon le Quran, et de dix-neuf mois chacun de dix-neuf jours d'après le Bayán) et si un tel homme révélait à vos yeux tous les signes de Dieu, rejetez-le sans hésitation !
Les propres déclarations de 'Abdu'l-Bahá, confirmant cet avertissement, ne sont pas moins énergiques et contraignantes : Ceci, proclame-t-il, est ma ferme, mon inébranlable conviction, l'essence de ma croyance déclarée et explicite - une conviction et une croyance que les habitants du royaume d'Abhá partagent entièrement : la Beauté bénie est le Soleil de Vérité, et sa lumière, la lumière de vérité. Le Báb est également le Soleil de Vérité, et sa lumière, la lumière de vérité... Mon rang est le rang de la servitude, une servitude qui est complète, pure et réelle, fermement établie, durable, évidente, explicitement révélée et non sujette à quelque interprétation que ce soit... Je suis l'interprète de la parole de Dieu; telle est mon interprétation.
Dans son propre testament, 'Abdu'l-Bahá n'a-t-il pas - d'un ton et en un langage qui pourraient bien confondre les plus invétérés des briseurs de l'alliance de son père - dépouillé de leur arme principale ceux qui, pendant si longtemps et avec tant de persistance, se sont efforcés de lui imputer l'inculpation d'avoir tacitement revendiqué un rang égal, sinon supérieur, à celui de Bahá'u'lláh ? Le fondement de la croyance du peuple de Bahá est celui-ci, proclame ainsi l'un des passages les plus importants de ce dernier document qui fut laissé afin d'exprimer pour l'éternité les directives et les désirs d'un Maître défunt, Sa Sainteté l'Exalté (le Báb) est la manifestation de l'unité et de l'unicité de Dieu, et le précurseur de l'Ancienne Beauté (Bahá'u'lláh). Sa Sainteté, la Beauté d'Abhá (Bahá'u'lláh) - puisse ma vie être offerte en sacrifice à ses amis fidèles ! - est la suprême manifestation de Dieu et l'aurore de son Essence la plus divine. Tous les autres sont ses serviteurs et obéissent à son commandement.
À partir d'affirmations aussi claires et formellement proclamées, qui ne sont conciliables avec aucune revendication du rang de prophète, nous ne devrions nullement inférer que 'Abdu'l-Bahá n'est qu'un des serviteurs de la Beauté bénie ou, tout au plus, quelqu'un dont la fonction se limite à celle d'un interprète autorisé des enseignements de son père. Loin de moi d'envisager une telle idée ou de vouloir instiller de tels sentiments ! Le considérer sous ce jour est une trahison manifeste de l'héritage inestimable que Bahá'u'lláh a légué à l'humanité. Incommensurablement élevé est le rang que la Plume suprême, au-delà des implications des déclarations écrites de 'Abdu'l-Bahá lui-même, lui a conféré. Que ce soit dans le Kitáb-i-Aqdas, la plus importante et la plus sacrée de toutes les oeuvres de Bahá'u'lláh, ou dans le Kitáb-i-'Ahd, le livre de son alliance, ou dans la Súriy-i-Ghusn (la Tablette de la Branche), les références qui ont été consignées par la plume de Bahá'u'lláh - des références que les tablettes que lui a adressées son père renforcent grandement - investissent 'Abdu'l-Bahá d'un pouvoir et l'entourent d'une auréole de gloire que la génération actuelle ne pourra jamais apprécier de manière adéquate.
Il est, et devrait être considéré à jamais, en tout premier lieu, comme le centre et le pivot de l'incomparable alliance universelle de Bahá'u'lláh, comme son oeuvre la plus exaltée, le miroir immaculé de sa lumière, l'exemple parfait de ses enseignements, l'interprète infaillible de sa parole, la personnification de chaque idéal bahá'í, l'incarnation de toute vertu bahá'íe, la plus Grande Branche issue de l'Antique Racine, le rameau de la loi de Dieu, l'être autour duquel gravitent tous les noms, la cause principale de l'unité de l'humanité, le symbole de la très grande paix, la lune de l'orbe central de cette très sainte dispensation; titres et noms qui sont implicites, et trouvent leur expression la plus juste, la plus élevée et la plus parfaite dans le nom magique de 'Abdu'l-Bahá. Il est, par-delà ces appellations, le mystère de Dieu; une expression choisie par Bahá'u'lláh lui-même pour le désigner et qui, alors qu'elle ne justifie en aucune manière que nous lui assignions le rang de prophète, nous indique comment, en la personne de 'Abdu'l-Bahá, les caractéristiques incompatibles d'une nature humaine et d'une connaissance et d'une perfection suprahumaines ont été fondues et sont en complète harmonie.
Quand l'océan de ma présence aura reflué et que le livre de ma révélation sera achevé, proclame le Kitáb-i-Aqdas, tournez vos visages vers celui qui est le dessein de Dieu, celui qui est la Branche issue de cette Antique Racine. Et encore : Quand la colombe mystique, de son sanctuaire de louange, aura pris son envol pour atteindre son but lointain, sa demeure cachée, soumettez tout ce que vous ne comprenez pas dans le Livre à celui qui est la Branche issue de cette puissante souche.
En outre, dans le Kitáb-i-'Ahd, Bahá'u'lláh déclare solennellement et explicitement : Il incombe aux Aghsán, aux Afnán et à ma parenté de tourner, tous sans exception, leur visage vers la plus Grande Branche. Considérez ce que nous avons révélé dans notre livre le plus sacré : "Quand l'océan de ma présence aura reflué et que le livre de ma révélation sera achevé, tournez vos visages vers celui qui est le dessein de Dieu, celui qui est la Branche issue de cette Antique Racine." L'objet de ce verset sacré n'est autre que la plus Grande Branche ('Abdu'l-Bahá). Ainsi, Nous vous avons miséricordieusement révélé notre puissante volonté, et je suis, en vérité, le Miséricordieux, l'Omnipotent.
Dans la Súriy-i-Ghusn (la Tablette de la Branche) sont consignés les versets suivants : Du Sadratu'l-Muntahá est issu cet être sacré et glorieux, cette Branche de sainteté; heureux celui qui a cherché son refuge et qui est demeuré sous son ombre. En vérité, la Branche de la loi de Dieu a jailli de cette Racine que Dieu a fermement plantée dans le sol de sa volonté et dont la Branche a été élevée si haut qu'elle embrasse toute la création. Magnifié soit-il donc pour cette oeuvre sublime et bénie, pour cette oeuvre puissante et exaltée !... Une parole est sortie, en signe de Notre grâce, de la plus grande tablette; une parole que Dieu a ornée de la parure de sa propre personne, et qu'Il a rendue souveraine sur la terre et sur tout ce qu'elle renferme, et dont Il a fait un signe de sa puissance et de sa grandeur parmi les peuples... Rendez grâce à Dieu, ô peuples, pour son apparition; car, en vérité, il est pour vous la plus haute faveur, le don le plus parfait et, par lui, chaque os qui tombe en poussière est ranimé. Quiconque se tourne vers lui s'est tourné vers Dieu, et quiconque se détourne de lui s'est détourné de ma beauté, a rejeté ma preuve et a péché contre moi. Il est le dépôt de Dieu au milieu de vous, son gage parmi vous, il est sa manifestation pour vous et son apparition parmi ses serviteurs élus... Nous l'avons envoyé ici-bas sous la forme d'un temple humain. Béni et sanctifié soit Dieu, qui crée toutes choses selon son gré par son inviolable, son infaillible décret. Ceux qui se privent de l'ombre de la Branche sont perdus dans le désert de l'erreur, consumés par l'ardeur des désirs terrestres, et ils comptent parmi ceux qui, assurément, périront.
Ô toi qui es la prunelle de mes yeux ! écrit Bahá'u'lláh de sa propre main, s'adressant à 'Abdu'l-Bahá, Ma gloire, l'océan de ma bonté, le soleil de ma générosité, le ciel de ma miséricorde reposent sur toi. Nous prions Dieu d'illuminer le monde à travers ta connaissance et ta sagesse, nous le prions d'ordonner pour toi ce qui réjouira ton coeur et apportera la consolation à tes yeux. Que la gloire de Dieu soit sur toi, écrit-il dans une autre tablette, et sur quiconque te sert et gravite autour de toi. Malheur, grand malheur à qui s'oppose à toi et te fait du tort ! Heureux celui qui te jure fidélité; que le feu de l'enfer tourmente celui qui est ton ennemi. Nous avons fait de toi un refuge pour toute l'humanité, affirme-t-il dans une autre tablette, un bouclier pour tous ceux qui sont au ciel et sur la terre, une forteresse pour quiconque a cru en Dieu, l'Incomparable, l'Omniscient. Dieu veuille que, à travers toi, Il puisse les protéger, les enrichir et les soutenir, et qu'Il puisse t'inspirer ce qui sera une source de richesse pour toutes choses créées, un océan de bonté pour tous les hommes, et l'aurore de miséricorde pour tous les peuples.
Tu sais, ô mon Dieu ! supplie Bahá'u'lláh dans une prière révélée en l'honneur de 'Abdu'l-Bahá, que je ne désire pour lui que ce que tu désires, et que je ne l'ai choisi à d'autre fin que celle que tu lui avais destinée. Rends-le donc victorieux grâce à tes armées terrestres et célestes... Décrète, je t'en conjure - par l'ardeur de mon amour pour toi et par mon aspiration à manifester ta cause -, pour lui aussi bien que pour ceux qui l'aiment, ce que tu as destiné à tes messagers et aux dépositaires de ta révélation. En vérité, tu es le Tout-Puissant, l'Omnipotent.
Dans une lettre dictée par Bahá'u'lláh et adressée par son secrétaire, Mirza Áqá Ján, à 'Abdu'l-Bahá durant une visite de ce dernier à Beyrouth, nous lisons ce qui suit : Louange à Lui qui a honoré la terre de Bá (Beyrouth) par la présence de celui autour de qui tous les noms gravitent. Tous les atomes de la terre ont annoncé à toutes choses créées que, de derrière la porte de la ville prison, est apparu l'orbe de la beauté de la puissante, de la plus Grande Branche de Dieu - son mystère antique et immuable -, qu'au-dessus de son horizon il a brillé, alors qu'il cheminait vers un autre pays. L'affliction, ainsi, a enveloppé cette ville prison tandis qu'une autre terre se réjouissait... Béni, doublement béni est le sol que ses pas ont foulé, l'oeil que la beauté de son visage a réjoui, l'oreille qui a eu l'honneur d'entendre son appel, le coeur qui a goûté à la douceur de son amour, la poitrine qui s'est dilatée à son souvenir, la plume qui a célébré sa louange, le parchemin qui a porté le témoignage de ses écrits.
'Abdu'l-Bahá, confirmant l'autorité qui lui a été conférée par Bahá'u'lláh, écrit la déclaration suivante : Conformément au texte explicite du Kitáb-i-Aqdas, Bahá'u'lláh a fait du Centre de l'alliance l'interprète de sa parole, une alliance si ferme et si puissante que, depuis le commencement des temps jusqu'à ce jour, aucune dispensation religieuse n'en a produit de semblable.
Aussi exalté que soit le rang de 'Abdu'l-Bahá, et quelque abondantes que soient les louanges dont Bahá'u'lláh a glorifié son fils dans ces tablettes et ces livres sacrés, il ne faut jamais interpréter une telle distinction unique comme conférant à son bénéficiaire un rang identique ou équivalent à celui de son père, la Manifestation elle-même. Donner à l'un de ces passages cités une telle interprétation le ferait immédiatement, et pour des raisons évidentes, entrer en conflit avec les affirmations et les avertissements non moins clairs et authentiques dont j'ai déjà fait mention. En effet, ainsi que je l'ai déjà affirmé, ceux qui surestiment le rang de 'Abdu'l-Bahá sont aussi blâmables et causent autant de mal que ceux qui le sous-estiment. Et ceci pour nulle autre raison excepté que, en insistant sur une inférence entièrement injustifiée faite à partir des Écrits de Bahá'u'lláh, ils donnent involontairement raison à l'ennemi, et lui fournissent continuellement des preuves à l'appui de ses fausses accusations et de ses déclarations trompeuses.
J'estime nécessaire, par conséquent, de déclarer sans aucune équivoque ni hésitation que ni dans le Kitáb-i-Aqdas, ni dans le Livre de l'alliance de Bahá'u'lláh, ni même dans la Tablette de la Branche, ni dans aucune autre tablette révélée par Bahá'u'lláh ou par 'Abdu'l-Bahá, il ne se trouve quoi que ce soit qui autorise l'opinion qui tend à soutenir la soi-disant "unité mystique" de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá, ou à identifier ce dernier avec son père ou avec une autre Manifestation antérieure. Cette conception erronée peut être attribuée en partie à une interprétation tout à fait extravagante de certains termes et de certains passages de la Tablette de la Branche, à l'introduction, dans la traduction anglaise, de certains mots qui sont soit inexistants, soit trompeurs, soit ambigus dans leurs connotations. Elle est sans doute fondée principalement sur une déduction absolument injustifiée à partir de certains passages du début d'une tablette de Bahá'u'lláh, dont des extraits reproduits dans les Bahá'í Scriptures précèdent immédiatement ladite Tablette de la Branche, sans toutefois en faire partie. Il faudrait que chaque lecteur de ces extraits comprenne clairement que l'expression "la Langue de l'Ancien" ne désigne nul autre que Dieu, que le terme "le plus Grand Nom" se rapporte évidemment à Bahá'u'lláh et que "l'alliance" dont il est question n'est pas l'alliance spécifique dont Bahá'u'lláh est l'auteur direct et 'Abdu'l-Bahá le centre, mais cette alliance générale que, comme l'inculque l'enseignement bahá'í, Dieu Lui-même établit invariablement avec l'humanité quand Il inaugure une nouvelle dispensation. "La langue" mentionnée dans ces extraits, qui "donne les joyeuses nouvelles", n'est autre que la voix de Dieu parlant de Bahá'u'lláh, et non Bahá'u'lláh parlant de 'Abdu'l-Bahá.
De plus, soutenir que l'assertion "Il est moi-même" - au lieu d'indiquer l'unité mystique de Dieu et de ses manifestations, ainsi que l'explique le Kitáb-i-Íqán - identifie Bahá'u'lláh avec 'Abdu'l-Bahá, constituerait une violation directe du principe souvent répété de l'unicité des manifestations de Dieu, un principe que l'auteur de ces mêmes extraits cherche implicitement à mettre en lumière.
Cette conception équivaudrait aussi à un retour à ces croyances irrationnelles et superstitieuses qui se sont insensiblement glissées, au cours du premier siècle de l'ère chrétienne, dans les enseignements de Jésus-Christ, et qui, en se cristallisant en dogmes admis, ont affaibli l'efficacité de la foi chrétienne et ont obscurci son but.
J'affirme, tel est le commentaire écrit de 'Abdu'l-Bahá lui-même sur la Tablette de la Branche, que le véritable sens, la signification réelle, le secret le plus profond de ces versets, de ces mots eux-mêmes, est ma propre servitude vis-à-vis du seuil sacré de la Beauté d'Abhá, mon effacement complet, mon insignifiance absolue devant lui. Ceci est ma couronne resplendissante, mon ornement le plus précieux. J'en tire orgueil dans le royaume de la terre et du ciel. C'est là ma gloire au sein de la compagnie des élus bien-aimés ! Dans le passage qui suit immédiatement, il nous avertit : Il n'est permis à personne de donner à ces versets une autre interprétation, quelle qu'elle soit. Je suis, affirme-t-il encore à ce propos, selon les textes explicites du Kitáb-i-Aqdas et du Kitáb-i-'Ahd, l'interprète manifeste de la parole de Dieu... Quiconque dévie de mon interprétation est victime de sa propre imagination capricieuse.
En outre, la conclusion inévitable de la croyance qui identifie l'auteur de notre foi avec celui qui est le centre de son alliance serait de placer 'Abdu'l-Bahá dans une position supérieure à celle du Báb, à l'opposé de ce qui constitue le principe fondamental, bien que non encore universellement reconnu, de cette révélation. Elle justifierait aussi l'accusation par laquelle, durant tout le ministère de 'Abdu'l-Bahá, les briseurs d'alliance se sont efforcés de corrompre les esprits et de pervertir la compréhension des disciples loyaux de Bahá'u'lláh.
Il serait plus correct, et conforme aux principes établis par Bahá'u'lláh et par le Báb, qu'au lieu de soutenir cette identité fictive en ce qui concerne 'Abdu'l-Bahá, nous considérions le précurseur et le fondateur de notre foi comme identiques en réalité - une vérité que le texte de la Súratu'l-Haykal affirme de façon indiscutable. Si le Premier Point (le Báb) avait été, comme vous le prétendez, un être autre que moi et avait atteint ma présence, déclare explicitement Bahá'u'lláh, en vérité il ne se serait jamais permis d'être séparé de moi, mais plutôt, au cours de mes jours, nous aurions joui l'un par l'autre de mutuelles délices. Celui qui exprime à présent la parole de Dieu, affirme encore Bahá'u'lláh, n'est autre que le Premier Point, qui a été une nouvelle fois rendu manifeste. Il est, c'est ainsi qu'il parle de lui-même dans une tablette adressée à une des Lettres du Vivant, le même que celui qui apparut en l'an soixante (1260 A.H.). Ceci est, en vérité, un de ses signes grandioses. Qui, implore-t-il dans la Súriy-i-Damm, s'élèvera pour assurer le triomphe de la Beauté première (le Báb), révélée dans le visage de sa manifestation suivante ? Et, se référant à la révélation proclamée par le Báb, il la caractérise inversement comme ma propre manifestation antérieure.
Que 'Abdu'l-Bahá ne soit pas une manifestation de Dieu, qu'il reçoive sa lumière, son inspiration, sa nourriture directement de la source de la révélation bahá'íe; qu'il reflète, tel un miroir clair et parfait, les rayons de la gloire de Bahá'u'lláh et ne possède point de manière inhérente cette réalité, indéfinissable et qui pourtant se répand partout, dont la possession exclusive est la marque distinctive du prophète; que ses paroles, tout en possédant une validité égale, ne soient pas égales en rang à celles de Bahá'u'lláh; qu'il ne doive pas être acclamé comme le retour de Jésus-Christ, le Fils qui viendra "dans la gloire du Père"; ces vérités trouvent une justification supplémentaire et sont encore renforcées par la déclaration suivante que 'Abdu'l-Bahá a adressée à quelques croyants d'Amérique, déclaration par laquelle je mettrai le point final à ce paragraphe : Vous avez écrit qu'il existe un désaccord parmi les croyants en ce qui concerne la "seconde venue du Christ". Mon Dieu ! Maintes fois cette question a été soulevée, et sa réponse a coulé de la plume de 'Abdu'l-Bahá dans une déclaration claire et irréfutable : que les prophéties, en mentionnant le "Seigneur des armées" et "le Christ promis" ont voulu désigner la Perfection bénie (Bahá'u'lláh) et Sa Sainteté l'Exalté (le Báb). Mon nom est 'Abdu'l-Bahá. Ma qualité est 'Abdu'l-Bahá. Ma réalité est 'Abdu'l-Bahá. Ma louange est 'Abdu'l-Bahá. L'assujettissement à la Perfection bénie est mon diadème glorieux et resplendissant, et la servitude envers la race humaine tout entière est ma perpétuelle religion... Je n'ai point de nom, de titre, de mention, de louange autre que 'Abdu'l-Bahá, et je n'en aurai jamais d'autre. Ceci est mon ardent désir. Ceci est mon aspiration la plus profonde. Ceci est ma vie éternelle. Ceci est ma gloire sans fin.
L'ordre administratifMes frères en 'Abdu'l-Bahá chèrement aimés ! Avec l'ascension de Bahá'u'lláh, l'astre solaire de la direction spirituelle divine, qui, ainsi que l'avaient prédit Shaykh Ahmad et Siyyid Kázim, s'était levé à Shíráz et, dans sa course vers l'ouest, avait atteint son zénith à Andrinople; cet astre avait finalement disparu derrière l'horizon d''Akká, pour ne plus se lever avant qu'un millénaire entier ne soit révolu. Le coucher d'un orbe si radieux a marqué la fin définitive de la période de révélation divine - l'étape initiale et la plus vivifiante de l'ère bahá'íe. Inaugurée par le Báb, atteignant son apogée avec Bahá'u'lláh, anticipée et exaltée par l'ensemble des prophètes de ce grand cycle prophétique, cette période, excepté durant le court intervalle compris entre le martyre du Báb et les pénibles épreuves subies par Bahá'u'lláh au Síyáh-Chál de .Tihrán, a été caractérisée par près de cinquante années de révélation continue et progressive, une période qui, par sa durée et sa fécondité, doit être considérée comme sans pareille dans toute l'histoire spirituelle du monde.
D'autre part, la mort de 'Abdu'l-Bahá marque la clôture de l'âge héroïque et apostolique de cette dispensation, cette période primitive de notre foi dont les splendeurs ne pourront jamais être égalées, et encore moins être éclipsées par la magnificence qui va assurément caractériser les victoires futures de la révélation de Bahá'u'lláh. Car ni les oeuvres accomplies par les maîtres bâtisseurs des institutions actuelles de la foi de Bahá'u'lláh, ni les triomphes tumultueux que les héros de son âge d'or réussiront à remporter dans les jours à venir ne pourront se mesurer aux oeuvres merveilleuses attachées aux noms de ceux qui lui ont donné la vie et en ont posé les premières fondations, ou être rangées dans la même catégorie. Cet âge premier et créateur de l'ère bahá'íe doit, de par sa nature même, occuper un rang supérieur et distinct de celui de la période de formation où nous sommes entrés, et de l'âge d'or destiné à lui succéder.
'Abdu'l-Bahá, qui incarne une institution à laquelle nous ne pouvons trouver quelque équivalent que ce soit dans un des systèmes religieux reconnus du monde, peut être considéré comme celui qui a clos l'âge dont il faisait lui-même partie, et qui a ouvert celui dans lequel nous oeuvrons maintenant. Son testament devrait donc être considéré comme le lien perpétuel et indissoluble que l'esprit de celui qui est le mystère de Dieu a conçu afin d'assurer la continuité des trois âges qui forment les parties constitutives de la dispensation bahá'íe. La période au cours de laquelle la semence de la foi a lentement germé se trouve ainsi entrelacée avec celle qui doit voir sa floraison ainsi qu'avec l'âge suivant, quand cette graine aura finalement produit son fruit d'or.
Les forces créatrices libérées par la loi de Bahá'u'lláh, en pénétrant et en se développant progressivement dans l'esprit de 'Abdu'l-Bahá ont, par leur impact même et leurs interactions étroites, donné naissance à un instrument qui peut être considéré comme la charte du nouvel ordre mondial, un ordre qui est à la fois la gloire et la promesse de cette très grande dispensation. Nous pouvons donc saluer ce Testament comme le rejeton obligé résultant de cette communication mystique entre celui qui a transmis l'influence génératrice de son dessein divin et celui qui fut son véhicule et son dépositaire choisi. Parce qu'il est l'enfant de l'alliance - l'héritier tant du créateur que de l'interprète de la loi de Dieu -, le Testament de 'Abdu'l-Bahá ne peut davantage être complètement séparé de celui qui en donna l'impulsion causale et originelle, que de celui qui, en fin de compte, le conçut. Le dessein impénétrable de Bahá'u'lláh - nous ne devons jamais l'oublier - a si complètement imprégné la conduite de 'Abdu'l-Bahá, et leurs mobiles à tous deux ont été si intimement liés, que la seule tentative de dissocier les enseignements du premier d'un système établi par celui qui est l'exemple idéal de ces mêmes enseignements équivaudrait à une répudiation d'une des vérités les plus fondamentales et les plus sacrées de la foi.
L'ordre administratif qui, depuis l'ascension de 'Abdu'l-Bahá, a pris forme sous nos yeux et s'est développé progressivement dans non moins de quarante pays, peut être considéré comme la charpente du Testament lui-même, la forteresse inviolable où cet être nouveau-né se nourrit et se développe. Cet ordre administratif, au fur et à mesure qu'il se répandra et s'affermira, manifestera sans aucun doute les potentialités et révélera toutes les implications de ce document capital - cette expression hautement remarquable de la volonté d'une des figures les plus éminentes de la dispensation de Bahá'u'lláh. Lorsque ses parties composantes, ses institutions organiques commenceront à fonctionner avec vigueur et efficacité, il fera valoir son droit et démontrera son aptitude à être considéré, non point seulement comme le noyau, mais comme la structure même du nouvel ordre mondial destiné à englober, lorsque les temps seront révolus, l'humanité tout entière.
Il faudrait noter à cet égard que cet ordre administratif diffère fondamentalement de tout ce que les prophètes ont établi dans le passé, puisque Bahá'u'lláh lui-même en a révélé les principes et établi les institutions, qu'il a désigné la personne destinée à interpréter sa parole et investi de l'autorité nécessaire le corps conçu pour compléter ses ordonnances législatives et les appliquer. Là résident le secret de sa force, son trait distinctif fondamental, et l'assurance d'éviter la désintégration et le schisme. Nulle part dans les Écritures sacrées des systèmes religieux du monde, pas même dans les Écrits de l'inaugurateur de la dispensation Bábíe, nous ne trouvons de clauses établissant une alliance ou prévoyant un ordre administratif qui soient comparables, par leur autorité et leur portée, à celles qui sont à la base même de la dispensation bahá'íe. Le christianisme ou l'islám, pour prendre comme exemple deux des religions les plus largement répandues et les plus marquantes parmi les religions reconnues du monde, ont-ils offert quoi que ce soit qui puisse équivaloir ou se mesurer tant au Livre de l'alliance de Bahá'u'lláh qu'au Testament de 'Abdu'l-Bahá ? Les textes des Évangiles ou du Quran confèrent-ils une autorité suffisante à ces chefs spirituels et à ces conciles qui ont revendiqué le droit et se sont attribué la fonction d'interpréter les dispositions de leurs Écritures sacrées, et d'administrer les affaires de leurs communautés respectives ? Pierre, le chef reconnu des apôtres, ou l'imám 'Alí, cousin et successeur légitime du Prophète, ont-ils pu, à l'appui de la primauté à tous deux conférée, présenter des affirmations écrites et explicites du Christ et de Muhammad qui auraient réduit au silence ceux qui, tant parmi leurs contemporains qu'au cours d'époques ultérieures, ont répudié leur autorité et ont, par leur action, précipité les schismes qui persistent aujourd'hui encore ? Nous pouvons nous demander en toute confiance où, dans les paroles consignées de Jésus-Christ, nous pouvons trouver, soit en matière de succession, soit en ce qui concerne la stipulation d'un ensemble de lois spécifiques et d'ordonnances administratives clairement définies, et distinctes des principes purement spirituels, quoi que ce soit qui se rapproche des injonctions, des lois et des avertissements détaillés qui abondent dans les paroles authentifiées à la fois de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá. Y a-t-il un passage du Quran - lequel, en ce qui concerne son code de lois, ses ordonnances administratives et ses pratiques religieuses, marque déjà un progrès notable sur des révélations antérieures plus corrompues - qui puisse être interprété comme établissant sur une base inattaquable l'incontestable autorité dont Muhammad avait, verbalement et à plusieurs reprises, investi son successeur ? De l'auteur de la dispensation Bábíe - bien qu'il ait, grâce aux dispositions du Bayán persan, réussi à éviter un schisme aussi permanent et catastrophique que ceux qui affligèrent le christianisme et l'islám - peut-on dire qu'il ait produit, pour sauvegarder sa foi, des moyens aussi définis et efficaces que ceux qui doivent à tout jamais préserver l'unité des adeptes organisés de la foi de Bahá'u'lláh ?
Seule de toutes les révélations antérieures, cette foi a réussi, grâce aux directives explicites, aux avertissements répétés, aux garanties authentiques élaborées et incorporées dans ses enseignements, à ériger une structure dont les adeptes confondus de croyances altérées et défaillantes feraient bien de se rapprocher, de l'examiner avec un esprit critique, et de rechercher, avant qu'il ne soit trop tard, l'invulnérable sécurité de son refuge universel.
Il n'est point étonnant que celui qui, par l'opération de sa volonté, a inauguré un ordre aussi vaste et aussi unique, et qui est le centre d'une alliance aussi puissante, ait pu écrire ces paroles : Si solide et si puissante est cette alliance que, depuis l'origine des temps jusqu'à ce jour, aucune dispensation religieuse n'en a produit de semblable. Tout ce qui est en puissance au plus profond de ce cycle sacré, écrivit-il durant les jours les plus sombres et les plus périlleux de son ministère, apparaîtra progressivement et sera rendu manifeste, car le moment présent n'est que le commencement de sa croissance et l'aurore de la révélation de ses signes. Ne craignez point, telles sont ses paroles rassurantes, qui laissent présager l'essor de l'ordre administratif établi par son testament, ne craignez point si cette Branche devait être séparée de ce monde matériel et se dépouiller de ses feuilles; non, ces feuilles croîtront bien, car cette Branche croîtra après avoir été coupée d'avec le monde d'ici-bas; elle atteindra les sommets les plus élevés de la gloire, et elle portera des fruits tels qu'ils parfumeront le monde de leur fragrance.
À quoi d'autre ces paroles de Bahá'u'lláh peuvent-elles faire allusion, si ce n'est à la puissance et à la majesté que cet ordre administratif - le rudiment de la future communauté mondiale bahá'íe - est destiné à manifester : L'équilibre du monde a été bouleversé par la vibrante influence de ce très grand, de ce nouvel ordre mondial. La vie ordonnée de l'humanité a été révolutionnée par l'action de ce système unique, merveilleux, un système tel que des yeux mortels n'en ont jamais vu de semblable.
Le Báb lui-même, au cours de ses allusions à "celui que Dieu rendra manifeste", anticipe le système et glorifie l'ordre mondial que la révélation de Bahá'u'lláh est destinée à déployer. Dans le troisième chapitre du Bayán persan se trouve cette assertion remarquable du Báb : Bienheureux celui qui fixe son regard constant sur l'ordre de Bahá'u'lláh et rend grâce à son Seigneur ! Car il sera, assurément, rendu manifeste. Dieu en effet l'a décrété irrévocablement dans le Bayán.
Dans les tablettes de Bahá'u'lláh qui désignent avec précision et établissent formellement les institutions des maisons de justice internationale et locales; dans l'institution des Mains de la cause de Dieu que créèrent Bahá'u'lláh d'abord, 'Abdu'l-Bahá ensuite; dans l'institution des assemblées locales et nationales qui fonctionnaient déjà au stade embryonnaire dans les jours qui ont précédé l'ascension de 'Abdu'l-Bahá; dans l'autorité que, dans leurs tablettes, le fondateur de notre foi et le Centre de son alliance ont choisi de leur conférer; dans l'institution du fonds local qui agissait conformément aux injonctions spécifiques adressées par 'Abdu'l-Bahá à certaines assemblées en Perse; dans les versets du Kitáb-i-Aqdas, dont les implications anticipent clairement l'institution du Gardiennat; dans l'explication qu'a donnée 'Abdu'l-Bahá dans une de ses tablettes du principe héréditaire et de la loi de primogéniture, insistant sur le fait que ces deux principes ont été soutenus par les prophètes du passé; dans tous ces éléments nous pouvons discerner les vagues lueurs et découvrir les premières indications de la nature et du fonctionnement de l'ordre administratif que le Testament de 'Abdu'l-Bahá était destiné, plus tard, à proclamer et à établir formellement.
J'ai le sentiment que, dans les circonstances actuelles, il y aurait lieu de tenter une explication du caractère et des fonctions des piliers jumeaux qui soutiennent cette puissante structure administrative : l'institution du Gardiennat et celle de la Maison Universelle de Justice. Décrire dans leur totalité les divers éléments qui fonctionnent en conjonction avec ces institutions dépasse le cadre et l'objet de cet exposé général des vérités fondamentales de la foi. Définir avec précision et minutie les traits distinctifs et analyser de manière exhaustive la nature des rapports qui, d'une part, relient l'un à l'autre ces deux organes fondamentaux du Testament de 'Abdu'l-Bahá et, de l'autre, rattachent chacun d'eux à l'auteur de la foi et au Centre de son alliance, constitue une tâche que les générations futures accompliront sans aucun doute de manière adéquate. Mon intention présente est d'étudier certains traits saillants de ce plan qui, si proches que nous soyons de sa colossale structure, sont déjà définis si clairement que nous trouvons inexcusable de les mal comprendre ou de les ignorer.
Il faudrait tout d'abord affirmer, sans ambiguïté et en termes clairs, que ces institutions jumelles de l'ordre administratif de Bahá'u'lláh devraient être considérées comme divines dans leur origine, essentielles dans leurs fonctions et complémentaires dans leur but et leur dessein. Leur but commun et fondamental est d'assurer la continuité de cette autorité divinement établie qui coule de la source de notre foi, de sauvegarder l'unité de ses adeptes et de maintenir l'intégrité et la flexibilité de ses enseignements. Agissant de concert, ces deux institutions inséparables administrent ses affaires, coordonnent ses activités, favorisent ses intérêts, exécutent ses lois et défendent ses institutions auxiliaires. Chacune d'elles opère séparément au sein d'une sphère de juridiction clairement définie; chacune d'elles est pourvue d'institutions propres qui lui sont concomitantes : des instruments destinés à lui permettre de s'acquitter efficacement de ses responsabilités et de ses devoirs particuliers. Chacune exerce, dans les limites qui lui sont imposées, ses pouvoirs, son autorité, ses droits et ses prérogatives. Ceux-ci ne sont pas contradictoires et ne portent nullement atteinte à la position occupée par chacune de ces institutions. Loin d'être incompatibles ou de se détruire mutuellement, elles sont complémentaires dans leurs fonctions et leur autorité respectives, et sont, fondamentalement et pour toujours, unies dans leurs objectifs.
Complètement séparé de l'institution du Gardiennat, l'ordre mondial de Bahá'u'lláh serait mutilé et privé à jamais de ce principe héréditaire qui, comme l'a écrit 'Abdu'l-Bahá, a été invariablement maintenu par la loi de Dieu. Toutes les dispensations divines, déclare-t-il dans une tablette adressée à un adepte de la foi en Perse, ont conféré au fils aîné des distinctions extraordinaires. Même le rang de prophète lui a été donné par droit d'aînesse. Sans une telle institution, l'intégrité de la foi serait mise en péril et la stabilité de l'édifice tout entier serait gravement menacée. Son prestige souffrirait, les moyens nécessaires pour la rendre capable de maintenir durablement et de manière ininterrompue une même perspective durant une série de générations manqueraient totalement, et la direction spirituelle indispensable pour définir le champ de l'action législative de ses représentants élus lui serait complètement retirée.
Dissocié de la non moins essentielle institution de la Maison Universelle de Justice, ce même système du Testament de 'Abdu'l-Bahá serait paralysé dans son action et incapable de combler les vides que l'auteur du Kitáb-i-Aqdas a laissé délibérément subsister dans le corps de ses ordonnances législatives et administratives.
Il est l'interprète de la parole de Dieu, affirme 'Abdu'l-Bahá à propos des fonctions du Gardien de la foi, ayant recours dans son testament à ce terme qu'il avait choisi lui-même pour réfuter l'argument des briseurs d'alliance qui contestaient son droit d'interpréter les paroles de Bahá'u'lláh. Après lui, ajoute-t-il, le premier-né de sa descendance directe lui succédera. Plus loin il explique : La forteresse puissante demeurera imprenable et sûre par l'obéissance à celui qui est le Gardien de la cause de Dieu. Il incombe aux membres de la Maison de Justice, à tous les Aghsán et les Afnán et aux Mains de la cause de Dieu, de manifester leur obéissance, leur soumission et leur subordination envers le Gardien de la cause de Dieu...
Il incombe aux administrateurs de la Maison de Justice, déclare d'autre part Bahá'u'lláh dans la "huitième feuille du Paradis exalté", de délibérer sur ces choses qui n'ont pas été ouvertement révélées dans le Livre et de faire respecter ce qu'ils ont convenu. Dieu, en vérité, leur donnera l'inspiration de ce qu'Il veut et Il est, en vérité, le Pourvoyeur, l'Omniscient. Quant au très saint Livre (le Kitáb-i-Aqdas), affirme 'Abdu'l-Bahá dans son testament, chacun doit y avoir recours, et tout ce qui n'y est pas expressément consigné doit être référé à la Maison Universelle de Justice. Ce que cette assemblée adopte, soit à l'unanimité, soit à la majorité, est vraiment la vérité et le dessein de Dieu Lui-même. Quiconque s'en écarte se range, en vérité, parmi ceux qui aiment la discorde; il a fait preuve de malignité et s'est détourné du Seigneur de l'alliance.
'Abdu'l-Bahá ne confirme pas seulement dans son testament la déclaration précitée de Bahá'u'lláh, mais il investit cet organisme du droit et du pouvoir supplémentaires d'abroger, selon les exigences du temps, ses propres lois ainsi que celles d'une Maison de Justice antérieure. Puisque la Maison de Justice, déclare-t-il explicitement dans son testament, a le pouvoir de décréter des lois qui ne sont pas expressément consignées dans le Livre et qui portent sur des affaires courantes, elle a également le pouvoir de les abroger... Elle le peut parce que ces lois ne font pas partie du texte divin explicite.
À propos du Gardien et de la Maison Universelle de Justice, nous lisons ces fortes paroles : La jeune Branche sacrée (le Gardien de la cause de Dieu) de même que la Maison Universelle de Justice, qui doit être élue et établie universellement, jouissent toutes deux de la sollicitude et de la protection de la Beauté d'Abhá; elles sont sous la préservation et la direction infaillible de l'Être exalté (le Báb) - puisse ma vie leur être offerte en sacrifice à tous deux ! - Quelles que soient leurs décisions, elles sont de Dieu.
Cette suite de déclarations prouve de façon claire et indubitable que le Gardien de la foi a été fait l'interprète de la Parole, et que la Maison Universelle de Justice a été investie de la fonction de légiférer sur les affaires non expressément révélées dans les enseignements. L'interprétation du Gardien, agissant dans sa propre sphère, a autant d'autorité et est aussi contraignante que les lois de la Maison Internationale de Justice, dont les prérogatives et le droit exclusifs sont de se prononcer et d'émettre le jugement final sur des lois et des ordonnances qui n'ont pas été expressément révélées par Bahá'u'lláh. Aucune de ces deux institutions ne peut empiéter, ni n'empiétera jamais, sur le domaine sacré qui est prescrit à l'autre. Aucune ne cherchera non plus à amoindrir l'autorité spécifique et indubitable dont chacune a été divinement investie.
Quoique le Gardien de la foi ait été désigné comme le chef permanent d'une assemblée si auguste, il ne peut jamais, même temporairement, assumer le droit exclusif de légiférer. Il ne peut outrepasser la décision de la majorité de ses collègues, mais il est tenu d'insister pour qu'ils reconsidèrent toute loi qu'en son âme et conscience il croit être en opposition avec la signification des paroles révélées de Bahá'u'lláh, ou qui dévie de leur esprit. Il interprète ce qui a été spécifiquement révélé, et ne peut légiférer qu'en sa qualité de membre de la Maison Universelle de Justice. Il lui est interdit d'imposer de son propre chef la constitution qui doit gouverner les activités organisées de ses collègues, et d'user de son influence d'une façon qui empiéterait sur la liberté de ceux dont le droit sacré est d'élire l'assemblée de ses collaborateurs.
Il ne faudrait pas oublier que l'institution du Gardiennat a été anticipée par 'Abdu'l-Bahá dans une allusion contenue dans une tablette adressée, longtemps avant son ascension, à trois de ses amis en Perse. Ceux-ci lui ayant demandé si, après son ascension, il y aurait une personne vers laquelle tous les Bahá'ís seraient appelés à se tourner, il leur fit la réponse suivante : Quant à la question que vous m'avez posée, sachez, en vérité, que c'est un secret bien gardé, qui est comme une gemme cachée dans sa gangue. Il est prédestiné que cela sera révélé. Le temps viendra où apparaîtra sa lumière, où ses preuves seront rendues manifestes et ses secrets dévoilés.
Amis chèrement aimés ! Si élevée que soit la position de l'institution du Gardiennat et si vitale qu'en soit la fonction dans l'ordre administratif de Bahá'u'lláh, quelque écrasant que doive être le poids de la responsabilité que cette institution assume, son importance, quels que soient les termes du Testament, ne doit en aucun cas être surestimée. Le Gardien de la cause ne doit en aucune circonstance, si grands que soient ses mérites ou ses oeuvres, être élevé au rang qui ferait de lui un coparticipant avec 'Abdu'l-Bahá à la position unique qu'occupe le Centre de l'alliance, et encore moins au rang destiné exclusivement à la manifestation de Dieu. Une déviation aussi grave des principes établis de notre foi n'est rien d'autre qu'un blasphème patent. Ainsi que je l'ai déjà déclaré en me référant au rang de 'Abdu'l-Bahá, si grand que soit l'abîme qui le sépare de l'auteur d'une révélation divine, il ne peut jamais être comparé avec la distance qui le sépare, lui qui est le centre de l'alliance de Bahá'u'lláh, des gardiens qui sont ses ministres choisis. Il y a une grande, une bien plus grande distance séparant le Gardien et le Centre de l'alliance que celle qui sépare le Centre de l'alliance et son auteur.
J'estime de mon devoir solennel de consigner de façon officielle qu'aucun gardien de la foi ne pourra jamais prétendre être l'exemple parfait des enseignements de Bahá'u'lláh ou le miroir immaculé qui réfléchit sa lumière. Bien qu'il soit dominé par la protection infaillible et permanente de Bahá'u'lláh et du Báb, et autant qu'il puisse partager avec 'Abdu'l-Bahá le droit et l'obligation d'interpréter les enseignements Bahá'ís, le Gardien demeure cependant essentiellement humain et ne peut, s'il entend demeurer fidèle à son devoir, s'arroger sous quelque prétexte que ce soit les droits, les privilèges et les prérogatives que Bahá'u'lláh a choisi de conférer à son fils. À la lumière de cette vérité, prier le Gardien de la foi, s'adresser à lui en tant que seigneur et maître, le désigner comme sa sainteté, rechercher sa bénédiction, célébrer sa naissance, ou commémorer n'importe quel événement se rapportant à sa vie, équivaudrait à une déviation de ces vérités établies qui sont enchâssées dans notre foi bien-aimée. Le fait que le Gardien ait été spécifiquement doté d'un pouvoir tel qu'il puisse avoir à révéler le sens et à dévoiler les implications des paroles de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá ne lui confère pas nécessairement un rang égal à ceux dont il est appelé à interpréter les paroles. Il peut exercer ce droit et remplir cette obligation tout en demeurant infiniment inférieur à tous deux en rang et différent d'eux en nature.
De l'intégrité de ce principe cardinal de notre foi, les paroles, les actes de ses gardiens présent et futurs doivent témoigner amplement. Par leur exemple et leur conduite, ils doivent impérativement établir sa vérité sur une base inattaquable et transmettre aux générations futures des preuves irrécusables de sa réalité.
Pour ma propre part, hésiter à reconnaître une vérité aussi vitale ou vaciller dans la proclamation d'une conviction aussi ferme doit constituer une trahison éhontée de la confiance que 'Abdu'l-Bahá plaça en moi, et une usurpation impardonnable de l'autorité dont lui-même a été investi.
Il faudrait à présent dire un mot concernant la théorie sur laquelle est fondé cet ordre administratif et du principe qui doit gouverner l'action de ses principales institutions. Il serait tout à fait fallacieux de tenter une comparaison entre cet ordre unique, de conception divine, et n'importe quel autre des divers systèmes inventés par l'esprit des hommes, à différentes époques de leur histoire, en vue de la direction des institutions humaines. Une telle tentative trahirait en elle-même un manque d'appréciation absolu de l'excellence de l'oeuvre de son grand auteur. Comment pourrait-il en être autrement, quand nous nous rappelons que cet ordre constitue le modèle même de cette civilisation divine que la loi toute-puissante de Bahá'u'lláh est destinée à établir sur la terre ? Les systèmes d'organisation politique humaine, si divers et toujours changeants, du passé ou du présent, qu'ils soient originaires de l'Est ou de l'Ouest, n'offrent pas de critère adéquat pour estimer la puissance de ses vertus cachées ou apprécier la solidité de ses fondements.
La fédération mondiale bahá'íe de l'avenir, dont ce vaste ordre administratif constitue l'unique charpente, est, en pratique comme en théorie, non seulement unique dans toute l'histoire des institutions politiques, mais encore sans parallèle dans les annales de n'importe lequel des systèmes religieux reconnus du monde. Aucune forme de gouvernement démocratique; aucun système autocratique ou dictatorial, qu'il soit monarchique ou républicain; aucune combinaison intermédiaire d'un ordre purement aristocratique; ni même aucun des types reconnus de théocraties - qu'il s'agisse de la communauté politique hébraïque ou des diverses organisations ecclésiastiques chrétiennes, ou bien de l'imamat ou du califat dans l'islám - ne peut s'identifier avec l'ordre administratif que, de main de maître, son parfait architecte a façonné, ni s'y conformer.
Cet ordre administratif nouvellement né incorpore dans sa structure certains éléments qui se trouvent dans chacune des trois formes reconnues de gouvernement séculier sans être en aucune façon une simple réplique de l'une d'elles, et sans faire entrer dans ses rouages aucune des caractéristiques sujettes à objections qui leur sont propres. Il fond et harmonise, comme aucun gouvernement façonné par des mains mortelles ne l'a accompli jusqu'ici, les vérités salutaires que renferme indubitablement chacun de ces systèmes, sans corrompre l'intégrité de ces vérités émanant de Dieu sur lesquelles il est en fin de compte basé.
L'ordre administratif de la foi de Bahá'u'lláh ne doit, en aucun cas, être considéré comme étant d'un caractère purement démocratique, dans la mesure où l'hypothèse de base, qui requiert que toutes les démocraties se soumettent à l'obligation d'obtenir leur mandat du peuple, ne figure absolument pas dans cette dispensation. Dans la conduite des affaires administratives de la foi, dans la promulgation de la législation nécessaire pour compléter les lois du Kitáb-i-Aqdas, il ne faudrait pas perdre de vue que les membres de la Maison Universelle de Justice ne sont pas, comme les paroles de Bahá'u'lláh le signifient clairement, responsables envers ceux qu'ils représentent, et qu'il ne leur est pas permis de se laisser influencer par les sentiments, par l'opinion générale ou même par les convictions de la masse des fidèles, ou de ceux qui les élisent directement. Ils doivent, dans une attitude empreinte de dévotion, se conformer à ce que leur conscience leur dicte et leur suggère. Ils peuvent, ils doivent en fait, s'informer de la situation qui règne à ce moment-là dans la communauté, ils doivent peser dans leur esprit, sans passion, le bien-fondé de n'importe quel cas soumis à leur examen, mais doivent se réserver le droit d'une décision libre. Dieu, en vérité, les inspirera de tout ce qu'Il veut est la promesse formelle incontestable de Bahá'u'lláh. Eux, et non le corps de ceux qui les élisent soit directement, soit indirectement, ont été ainsi désignés pour être les dépositaires de la direction divine qui est tout à la fois la force vitale et l'ultime sauvegarde de cette révélation. En outre, celui qui symbolise le principe héréditaire dans cette dispensation a été désigné en tant qu'interprète des paroles de son auteur et cesse par conséquent, en vertu de l'autorité effective dont il est investi, d'être le souverain sans pouvoir invariablement associé aux systèmes actuels de monarchies constitutionnelles qui existent dans le monde.
On ne peut pas non plus rejeter l'ordre administratif Bahá'í comme étant un système d'autocratie absolue, dur et rigide, ou une vaine imitation de quelque forme de gouvernement ecclésiastique absolutiste, que ce soit la papauté, l'imamat ou toute autre institution similaire, pour la raison évidente que le droit exclusif de légiférer sur des matières non expressément révélées dans les Écrits Bahá'ís a été conféré aux représentants internationaux élus des adeptes de Bahá'u'lláh. Ni le Gardien de la foi, ni aucune autre institution hormis la Maison Internationale de Justice ne pourra jamais usurper ce pouvoir vital et essentiel ou empiéter sur ce droit sacré. La suppression de la prêtrise professionnelle, avec ses sacrements concomitants du baptême, de la communion et de la confession des péchés, les lois exigeant l'élection au suffrage universel de toutes les maisons de justice locales, nationales et internationale, l'absence totale d'autorité épiscopale avec les privilèges, les corruptions et les tendances bureaucratiques qui l'accompagnent sont des preuves supplémentaires du caractère non autocratique de l'ordre administratif Bahá'í et de sa propension aux méthodes démocratiques dans l'administration de ses affaires.
Cet ordre qui s'identifie au nom de Bahá'u'lláh ne doit pas non plus être confondu avec un système de gouvernement purement aristocratique en raison du fait que, d'une part, il soutient le principe héréditaire et confie au Gardien de la foi l'obligation d'interpréter ses enseignements et que, d'autre part, il pourvoit à l'élection libre et directe, parmi la masse des fidèles, du corps qui constitue son organe législatif suprême.
Bien que l'on ne puisse prétendre que cet ordre administratif ait été modelé sur l'un de ces systèmes reconnus de gouvernement, il incorpore, réconcilie et assimile néanmoins dans son cadre les éléments salutaires que renferme chacun d'eux. L'autorité héréditaire que le Gardien est appelé à exercer, les fonctions vitales et essentielles que remplit la Maison Universelle de Justice, les dispositions spécifiques qui imposent son élection démocratique par les représentants des fidèles, ces éléments concourent à démontrer la vérité selon laquelle cet ordre divinement révélé, qu'on ne peut jamais assimiler à aucun des modèles types de gouvernement cités par Aristote dans ses oeuvres, incorpore et fond les éléments bienfaisants qui se rencontrent dans chacun d'eux avec les vérités spirituelles qui lui servent de base. Les éléments reconnus néfastes inhérents à chacun de ces systèmes étant écartés de façon stricte et permanente, cet ordre unique, quelque longue que soit sa durée, et si étendues que soient ses ramifications, ne peut jamais dégénérer en aucune forme de despotisme, d'oligarchie ou de démagogie qui, tôt ou tard, viendront corrompre les rouages de toutes les institutions politiques de création humaine, par essence défectueuses.
Amis chèrement aimés ! Quelque significatives que soient les origines de cette puissante structure administrative et quelque uniques que soient ses traits caractéristiques, les événements qui peuvent être regardés comme annonciateurs de sa naissance et qui ont marqué l'étape initiale de son évolution n'en semblent pas moins remarquables. Comme il est frappant, comme il est édifiant le contraste entre le processus de consolidation lente et régulière qui caractérise le développement de ses forces naissantes, et la ruée dévastatrice des forces de désintégration qui assaillent les institutions désuètes, tant religieuses que séculières, de la société d'aujourd'hui !
La vitalité que manifestent si fortement les institutions organiques de ce grand ordre en constant développement; les obstacles que le noble courage et la résolution intrépide de ses administrateurs ont déjà surmontés; l'ardeur d'un enthousiasme inextinguible qui rayonne, avec une ferveur non diminuée, dans le coeur de ses enseignants itinérants; les sommets d'abnégation qu'atteignent maintenant ses maîtres bâtisseurs; la largeur de vues, l'espoir confiant, la joie créatrice, la paix intérieure, l'intégrité inflexible, la discipline exemplaire, l'unité et la solidarité inébranlables que manifestent ses vaillants défenseurs; le fait que l'esprit qui l'anime se soit montré à tel point capable d'assimiler en son sein des éléments divers, de les purifier de toute forme de préjugé et de les fondre dans sa propre structure; ce sont là autant de preuves d'un pouvoir qu'une société désillusionnée et tristement ébranlée ne peut guère se permettre d'ignorer.
Comparez ces splendides manifestations de l'esprit qui anime ce corps vibrant de la foi de Bahá'u'lláh avec les cris et la douleur intense, les folies et les vanités, l'amertume et les préjugés, la perversité et les divisions d'un monde souffrant et chaotique. Voyez la peur qui tourmente ses dirigeants et paralyse l'action de ses hommes d'État aveugles et désorientés. Combien violentes sont les haines, combien fausses les ambitions, combien insignifiantes les occupations, combien profondément enracinées les suspicions de ses peuples ! Combien inquiétants sont la licence, la corruption, le manque de foi qui rongent les organes vitaux d'une civilisation chancelante !
Ce processus de détérioration constante qui envahit insidieusement tant de domaines de l'activité et de la pensée humaines ne pourrait-il être considéré comme l'accompagnement nécessaire de la levée de ce bras tout-puissant de Bahá'u'lláh ? Ne pourrions-nous envisager les événements mémorables qui, au cours des vingt dernières années, ont si profondément agité chaque continent de la terre, comme les signes menaçants qui proclament simultanément l'agonie d'une civilisation en état de désagrégation et les douleurs de l'enfantement de cet ordre mondial - cette arche du salut de l'humanité - qui, de toute nécessité, doit s'élever sur ses ruines ?
L'effondrement catastrophique de monarchies et d'empires puissants du continent européen, dont des allusions à certains d'entre eux peuvent être trouvées dans les prophéties de Bahá'u'lláh; le déclin qui a commencé, et se poursuit encore dans la bonne ou la mauvaise fortune, de la hiérarchie shiite sur la terre natale de celui-ci; la chute de la dynastie Qájár, l'ennemie traditionnelle de sa foi; le renversement du sultanat et du califat, les piliers porteurs de l'islám sunnite, avec lequel la destruction de Jérusalem dans la dernière partie du premier siècle de l'ère chrétienne offre un parallèle frappant; la vague de sécularisation qui envahit les institutions ecclésiastiques mahométanes en Égypte, sapant la loyauté de ses plus fermes adhérents; les coups humiliants qui ont profondément troublé quelques-unes des plus puissantes Églises de la chrétienté en Russie, en Europe de l'ouest et en Amérique centrale; la diffusion de ces doctrines subversives qui minent les fondations et renversent la structure de forteresses apparemment imprenables dans les sphères politiques et sociales de l'activité humaine; les signes d'une catastrophe imminente qui évoque étrangement la chute de l'Empire romain d'Occident, et qui menace d'engloutir la totalité de la structure de la civilisation actuelle; autant d'événements qui témoignent du tumulte que la naissance de cet organisme puissant de la religion de Bahá'u'lláh a suscité dans le monde; un tumulte qui s'accroîtra en étendue et en intensité à mesure que les implications de ce plan en constante évolution seront comprises plus pleinement, et que ses ramifications s'étendront plus largement à la surface du globe.
Un mot encore pour conclure. La naissance et l'établissement de cet ordre administratif - la gangue qui enchâsse et abrite une gemme aussi précieuse - constituent la marque distinctive de ce second âge, cet âge de formation de l'ère bahá'íe. Cet ordre administratif viendra à être considéré, à mesure que cet âge s'éloignera de plus en plus de nous, comme le moyen principal ayant reçu plein pouvoir pour inaugurer la phase finale, le couronnement de cette glorieuse dispensation.
Que personne, alors que ce système est encore dans l'enfance, ne se méprenne sur son caractère, n'amoindrisse son importance ou ne dénature son but. La base sur laquelle est fondé cet ordre administratif est l'immuable dessein de Dieu pour l'humanité en ce jour. La source d'où cet ordre tire son inspiration n'est autre que Bahá'u'lláh lui-même. Son bouclier et ses défenseurs sont les armées rangées du royaume d'Abhá. Sa semence est le sang de non moins de vingt mille martyrs qui ont fait le sacrifice de leur vie pour qu'il puisse naître et prospérer. L'axe autour duquel gravitent ses institutions, ce sont les dispositions authentiques du Testament de 'Abdu'l-Bahá. Ses principes directeurs sont les vérités que celui qui est l'infaillible interprète des enseignements de notre foi a si clairement énoncées dans ses allocutions publiques dans tout l'Ouest. Les lois qui gouvernent son action et limitent ses fonctions sont celles qui ont été ordonnées expressément dans le Kitáb-i-Aqdas. Le siège autour duquel se grouperont ses activités spirituelles, humanitaires et administratives est le Mashriqu'l-Adhkár et ses dépendances. Les piliers qui soutiennent son autorité et étayent sa structure sont les institutions jumelles du Gardiennat et de la Maison Universelle de Justice. Le but central et fondamental qui l'anime est l'établissement du nouvel ordre mondial tel que l'a esquissé Bahá'u'lláh. Les méthodes qu'il emploie, le modèle qu'il inculque ne le font s'incliner ni vers l'est ni vers l'ouest, ni vers les juifs ni vers les gentils, ni vers le riche ni vers le pauvre, ni vers l'homme blanc ni vers l'homme de couleur. Son mot d'ordre est l'unification de la race humaine, son drapeau celui de la "plus grande paix", sa perfection l'avènement de ce millenium d'or : le jour où les royaumes de ce monde seront devenus le royaume de Dieu Lui-même, le royaume de Bahá'u'lláh.
Shoghi.Aux bien-aimés de Dieu et aux servantes du Miséricordieux dans tout l'Ouest.
Amis et cohéritiers de la grâce de Bahá'u'lláh !En tant que votre collaborateur dans l'édification du nouvel ordre mondial qui fut révélé à l'esprit de Bahá'u'lláh et dont la plume de 'Abdu'l-Bahá, son parfait architecte, a décrit les caractéristiques, je m'arrête un instant pour contempler avec vous la scène qui se déroule devant nous près de quinze ans révolus après son décès.
Le contraste entre l'accumulation des preuves de la consolidation constante qui accompagne la montée de l'ordre administratif de la foi de Dieu et les forces de désintégration qui battent en brèche la structure d'une société qui peine est aussi clair qu'impressionnant. Tant au sein du monde Bahá'í qu'à l'extérieur, les signes et les indices qui, mystérieusement, annoncent la naissance de cet ordre mondial, dont l'établissement doit marquer l'âge d'or de la cause de Dieu, croissent et se multiplient de jour en jour. Aucun observateur impartial ne peut manquer plus longtemps de les discerner. Il ne peut être trompé par la lenteur laborieuse qui caractérise le développement d'une civilisation que les disciples de Bahá'u'lláh travaillent à établir. Il ne peut pas non plus être induit en erreur par les manifestations éphémères d'un retour de prospérité, qui semblent parfois capable d'enrayer l'influence destructrice des maux chroniques dont sont affligées les institutions d'un âge décadent. Les signes des temps sont trop nombreux et trop contraignants pour qu'il lui soit possible de se méprendre sur leur caractère ou de minimiser leur importance. Il peut, s'il est impartial dans son jugement, reconnaître dans l'enchaînement des événements qui, d'une part, proclament les progrès constants et irrésistibles des institutions directement associées à la révélation de Bahá'u'lláh, et, de l'autre, présagent l'effondrement de ces pouvoirs et de ces principautés qui l'ont ignorée ou combattue; il peut reconnaître, dans tous ces signes, des preuves de l'action de la volonté de Dieu qui pénètre tout, de la réalisation de son plan parfaitement ordonné qui englobe le monde.
Bientôt, proclament les paroles mêmes de Bahá'u'lláh, bientôt le présent ordre des choses sera révolu et un nouvel ordre sera déployé à sa place. En vérité, ton Seigneur dit vrai et Il est celui qui connaît les choses invisibles. Par moi-même, affirme-t-il solennellement, le jour approche où Nous aurons enroulé le monde et tout ce qu'il contient, et où un ordre nouveau sera déployé à sa place. En vérité, sa puissance s'étend sur toutes choses. L'équilibre du monde, explique-t-il, a été bouleversé par la vibrante influence de ce très grand, de ce nouvel ordre mondial. La vie ordonnée de l'humanité a été révolutionnée par l'action de ce système unique, merveilleux, un système tel que des yeux mortels n'en ont jamais vu de semblable. Il avertit les peuples de la terre : Les signes de convulsions et du chaos imminents peuvent désormais être discernés, en ce que l'ordre régnant s'avère lamentablement défectueux.
Amis chèrement aimés ! Ce nouvel ordre mondial, dont la promesse est enchâssée dans la révélation de Bahá'u'lláh et dont les principes fondamentaux ont été énoncés dans les écrits du Centre de son alliance, n'implique rien de moins que l'unification complète de la race humaine tout entière. Cette unification devrait se conformer à des principes qui s'harmoniseraient directement avec l'esprit qui anime et les lois qui régissent le fonctionnement des institutions qui constituent déjà la pierre angulaire de l'ordre administratif de sa foi.
Aucun mécanisme qui tomberait sous le niveau inculqué par la révélation bahá'íe ou qui serait en désaccord avec le modèle sublime décrété par ses enseignements, aucun mécanisme que les efforts collectifs de l'humanité peuvent encore imaginer ne pourra jamais espérer atteindre quelque chose de mieux que cette moindre paix à laquelle l'auteur de notre foi lui-même a fait allusion dans ses Écrits. Maintenant que vous avez refusé la plus grande paix, a-t-il écrit dans son admonestation aux rois et aux dirigeants de la terre, attachez-vous fermement à cette moindre paix, afin de pouvoir peut-être, et dans une certaine mesure, améliorer votre propre condition et celle de ceux qui dépendent de vous. S'étendant sur cette moindre paix, il s'adresse ainsi dans cette même tablette aux dirigeants de la terre : Réconciliez-vous afin de n'avoir besoin d'autres armements que ceux qui sont nécessaires à la sauvegarde de vos territoires et de vos possessions... Soyez unis, ô rois de la terre, car ainsi sera apaisée la tempête de discorde qui souffle parmi vous, et vos peuples trouveront le repos, si vous êtes de ceux qui comprennent. Si l'un d'entre vous prend les armes contre un autre, levez-vous tous contre lui, car ce n'est là que justice manifeste.
La plus grande paix, ainsi qu'elle a été conçue par Bahá'u'lláh - une paix qui doit inévitablement suivre, comme sa conséquence pratique, la spiritualisation du monde et la fusion de toutes ses races, croyances, classes et nations -, ne peut reposer sur d'autre base ni être préservée par d'autre moyen que les ordonnances divines contenues de manière implicite dans l'ordre mondial associé à son saint nom. Dans la tablette qu'il révéla il y a près de soixante-dix ans à la reine Victoria, Bahá'u'lláh déclara, faisant allusion à cette plus grande paix : Ce que le Seigneur a ordonné comme le remède souverain et l'instrument le plus puissant pour la guérison du monde entier est l'union de tous ses peuples en une cause universelle, en une foi commune. Ceci ne peut être atteint que par le pouvoir d'un médecin habile, tout-puissant et inspiré. Ceci, vraiment, est la vérité, et tout le reste n'est qu'erreur... Pensez à ces jours où l'Ancienne Beauté, celui qui est le plus Grand Nom, a été envoyé ici-bas pour la régénération et l'unification de l'humanité. Voyez comment, épées tirées, ils se levèrent contre lui et commirent ce qui fit trembler l'Esprit fidèle. Et toutes les fois que nous leur disions : "Voici, le réformateur du monde est venu !" ils nous répondaient : "Ce n'est, en vérité, qu'un fauteur de troubles." Et dans une autre tablette, Bahá'u'lláh affirme : Il convient à tous les hommes, en ce jour, de s'appuyer fermement sur le plus Grand Nom et d'établir l'unité de l'humanité tout entière. Il n'est de lieu où s'enfuir, de refuge que quiconque puisse chercher, si ce n'est lui.
L'entrée dans l'âge adulte de l'humanitéLa révélation de Bahá'u'lláh, dont la mission suprême n'est autre que la réalisation de cette unité organique et spirituelle de l'ensemble de toutes les nations, devrait être considérée, si nous sommes fidèles à ses implications, comme marquant par son avènement l'entrée dans l'âge adulte de la race humaine tout entière. Elle ne devrait pas être regardée simplement comme une autre renaissance spirituelle dans la fortune toujours changeante de l'humanité, ni simplement comme un stade plus avancé dans la chaîne des révélations progressives, ni même comme l'apogée de l'une de ces séries de cycles prophétiques périodiques, mais plutôt comme le signe de l'entrée dans la phase dernière et suprême de l'évolution prodigieuse de la vie collective de l'homme sur cette planète. L'émergence d'une communauté mondiale, la prise de conscience d'une citoyenneté mondiale, l'établissement d'une culture et d'une civilisation mondiales - toutes choses qui se feront en synchronisation avec les premiers stades de l'épanouissement de l'âge d'or de l'ère bahá'íe - devraient être considérés, par leur nature même, en ce qui concerne cette vie terrestre, comme les plus lointaines limites qui puissent être atteintes dans l'organisation de la société humaine, bien que l'homme, en tant qu'individu, en conséquence même d'un tel achèvement, poursuivra indéfiniment sa progression et son développement.
Cette transformation mystique qui touche tout et reste indéfinissable, que nous associons au stade de maturité en tant que moment inévitable dans la vie de l'individu et au développement du fruit, doit, si nous voulons comprendre correctement les paroles de Bahá'u'lláh, avoir sa contrepartie dans l'évolution de l'organisation de la société humaine. Un stade semblable doit, tôt ou tard, être atteint dans la vie collective de l'humanité, engendrant un phénomène plus frappant encore dans les relations mondiales et dotant la race humaine tout entière de potentialités de bien-être telles qu'elles fourniront, à travers la succession des âges, le principal stimulant nécessaire à l'accomplissement final de ses hautes destinées. Un tel stade de maturité dans le processus du gouvernement de l'humanité doit, si nous reconnaissons fidèlement la formidable revendication formulée par Bahá'u'lláh, rester pour toujours identifié à la révélation dont il fut le porteur.
Dans l'un des passages les plus caractéristiques de sa propre révélation et en un langage qui exclut toute possibilité d'erreur, il témoigne de la vérité de ce principe qui est une marque distinctive de la foi bahá'íe : Il a été par Nous décrété que la parole de Dieu et toutes les potentialités qu'elle contient seront manifestées aux hommes de façon strictement conforme aux conditions préordonnées par celui qui est l'Omniscient, le Très-Sage... S'il était permis à cette parole de libérer soudainement toutes les énergies latentes en elle, aucun homme ne pourrait soutenir le poids d'une si grandiose révélation. Considérez ce qui a été envoyé à Muhammad, l'Apôtre de Dieu. La mesure de la révélation dont il était le porteur avait été clairement préordonnée par celui qui est le Tout-Puissant, le Très-Haut. Pourtant, ceux qui l'entendaient ne pouvaient comprendre son dessein que dans la mesure de leur capacité et de leur rang spirituels. Lui, de même, ne dévoilait le visage de la sagesse qu'en proportion de la capacité de ses auditeurs à soutenir le poids de son message. Dès le moment où l'humanité eut atteint le stade de la maturité, la Parole révéla aux yeux des hommes les énergies latentes dont elle avait été dotée, des énergies qui se manifestèrent dans la plénitude de leur gloire quand, en l'an 60, l'Ancienne Beauté apparut en la personne d''Alí-Muhammad, le Báb.
Pour éclaircir cette vérité fondamentale, 'Abdu'l-Bahá a écrit : Toutes les choses créées ont leur degré ou stade de maturité. Cette période, dans la vie d'un arbre, est le temps où il porte des fruits... L'animal atteint également un stade de pleine croissance et de perfection, et, dans le règne humain, l'homme arrive à sa maturité quand la lumière de son intelligence atteint sa puissance et son développement suprêmes... De même, il existe des périodes et des stades dans la vie collective de l'humanité. À une époque, elle était passée par le stade de l'enfance, à une autre période par celui de la jeunesse, mais elle est maintenant entrée dans la phase depuis longtemps prédite de sa maturité, dont les preuves sont partout apparentes... Ce qui, aux premiers âges de la race, répondait aux besoins humains ne peut plus ni rencontrer ni satisfaire aux exigences d'aujourd'hui, en cette période de nouveauté et d'accomplissement. L'humanité est sortie de son état antérieur de limitation et de formation préliminaire. L'homme doit maintenant s'imprégner de vertus nouvelles et de pouvoirs nouveaux, de nouvelles normes morales et de nouvelles capacités. Des grâces nouvelles, des dons parfaits l'attendent et descendent déjà sur lui. Les bienfaits et les bénédictions de la période de jeunesse, bien qu'opportuns et suffisants à l'adolescence de l'humanité, sont maintenant incapables de subvenir aux besoins de sa maturité.
Le processus d'intégrationUne telle crise, si importante et si unique dans la vie de l'humanité organisée, peut, de plus, être comparée au stade culminant atteint dans l'évolution politique de la grande République américaine, le stade qui marqua l'apparition d'une communauté unifiée d'États fédérés. L'éveil d'un nouveau sentiment national et la naissance d'un nouveau type de civilisation, infiniment plus riches et plus nobles que ceux que chacune des parties composant cette communauté pouvait espérer atteindre séparément, ont pour ainsi dire proclamé l'entrée dans l'âge adulte du peuple américain. À l'intérieur des limites territoriales de cette nation, cet achèvement peut être considéré comme l'apogée du processus de gouvernement humain. Les éléments divers et lâchement reliés d'une communauté divisée ont été rassemblés, unifiés et intégrés dans un système cohérent. Bien que cette entité puisse continuer à accroître sa force de cohésion, bien que l'unité déjà réalisée puisse être davantage consolidée, bien que la civilisation à laquelle cette unité pouvait seule avoir donné naissance puisse se développer et prospérer, le mécanisme nécessaire à un tel développement peut être présumé établi dans sa structure essentielle, et l'impulsion nécessaire pour le guider et le soutenir peut être considérée comme fondamentalement donnée. Aucun stade supérieur à cet achèvement de l'unité nationale ne peut être conçu dans les limites géographiques de cette nation, bien que la plus haute destinée réservée à son peuple, en tant qu'élément constitutif d'une entité encore plus vaste qui embrassera l'humanité tout entière, puisse demeurer encore inaccomplie. Mais, pris comme une unité isolée, ce processus d'intégration peut être considéré comme ayant atteint sa réalisation finale et suprême.
Tel est le stade dont s'approche collectivement une humanité en évolution. La révélation confiée à Bahá'u'lláh par l'Ordonnateur tout-puissant, ses fidèles le croient fermement, a été dotée de virtualités à la mesure de l'entrée en maturité de la race humaine, le stade le plus important couronnant son évolution de l'enfance à l'âge adulte.
Les fondateurs successifs de toutes les religions du passé qui, de temps immémorial, ont répandu avec une intensité toujours croissante la splendeur d'une seule révélation commune dans les différents stades qui ont marqué la progression du genre humain vers sa maturité, peuvent donc, en un sens, être considérés comme des manifestations préliminaires, qui anticipent et préparent la voie à l'avènement de ce jour des jours, quand la terre entière aura fructifié et que l'arbre de l'humanité aura produit le fruit qui lui était destiné.
Pour incontestable que soit cette vérité, son caractère revendicatif ne devrait jamais permettre d'obscurcir le dessein ou de déformer le principe qui reste à la base des paroles de Bahá'u'lláh, des paroles qui ont établi pour toujours l'unité absolue de tous les prophètes, lui compris, qu'ils appartiennent au passé ou à l'avenir. Bien que la mission des prophètes qui ont précédé Bahá'u'lláh puisse être considérée sous ce jour, bien que la mesure de la révélation divine confiée à chacun d'eux doive nécessairement différer - étant un résultat de ce processus d'évolution -, leur origine commune, leur unité essentielle et l'identité de leur dessein ne devraient à aucun moment et en aucune circonstance être mal comprises ou niées. Qu'il faille considérer que tous les messagers de Dieu demeurent dans le même tabernacle, volent dans le même ciel, sont assis sur le même trône, prononcent les mêmes paroles et proclament la même foi, cela doit, si haut que nous puissions exalter la part de révélation divine octroyée à l'humanité en ce point culminant de son évolution, rester la base inaltérable et le principe central de la croyance bahá'íe. Aucune variation dans la splendeur que chacune de ces manifestations de la lumière de Dieu a répandue sur le monde ne devrait être attribuée à quelque supériorité inhérente au caractère essentiel de l'une d'elles, mais plutôt à la capacité progressive, à la réceptivité spirituelle toujours croissante que le genre humain, dans sa marche ascendante vers la maturité, n'a cessé de témoigner.
L'ultime accomplissementCeux-là seuls qui veulent associer la révélation proclamée par Bahá'u'lláh à l'achèvement d'une si prodigieuse évolution dans la vie collective de la race humaine tout entière peuvent saisir la portée des paroles que, faisant allusion aux gloires de ce jour promis et à la durée de l'ère bahá'íe, il a jugé à propos de prononcer. Voici le roi des jours, s'exclame-t-il, le jour qui a vu la venue du Bien-Aimé, de celui qui, de toute éternité, a été proclamé le Désir du monde. Les Écrits des dispensations passées, affirme-t-il plus loin, célèbrent le grand jubilé qui doit nécessairement saluer ce très grand jour de Dieu. Heureux celui qui a vécu pour voir ce jour et a reconnu son rang. Il est évident, explique-t-il dans un autre passage, que chaque âge au cours duquel une manifestation de Dieu a vécu est décrété divinement et peut, en un sens, être décrit comme le jour désigné par Dieu. Ce jour-ci, cependant, est unique et doit être distingué de ceux qui l'ont précédé. La désignation de "Sceau des prophètes" révèle pleinement son rang élevé. En vérité, le cycle prophétique est terminé. La vérité éternelle est maintenant venue. Il a levé la bannière de la puissance et répand à présent sur le monde la splendeur sans nuage de sa révélation. Dans cette très grandiose révélation, déclare dans un langage catégorique Bahá'u'lláh, toutes les dispensations du passé ont atteint leur plus haut, leur ultime accomplissement. Ce qui a été rendu manifeste dans cette révélation prééminente et très exaltée demeure sans parallèle dans les annales du passé, et les âges futurs ne verront rien de semblable.
Il faudrait, de même, se rappeler les paroles authentiques de 'Abdu'l-Bahá qui confirment avec non moins de force l'immensité sans précédent de la dispensation bahá'íe : Des siècles, affirme-t-il dans une de ses tablettes, voire des âges sans nombre doivent s'écouler avant que brille de nouveau dans sa splendeur estivale le Soleil de Vérité, ou avant qu'il apparaisse une fois encore dans l'éclat radieux de sa gloire printanière... La seule contemplation de la dispensation inaugurée par la Beauté bénie eût suffi à combler les saints des âges passés, qui aspirèrent si ardemment à participer, ne fût-ce qu'un moment, à sa grande gloire. En ce qui concerne les manifestations qui, dans le futur, descendront "à l'ombre des nuages", affirme 'Abdu'l-Bahá dans un langage encore plus précis, sachez, en vérité, qu'en ce qui concerne leur relation avec la Source de leur inspiration, elles sont à l'ombre de l'Ancienne Beauté. Cependant, par rapport à l'époque où elles apparaissent, chacune d'elles "fait ce qu'Il veut". Cette sainte dispensation, explique-t-il en faisant allusion à la révélation de Bahá'u'lláh, est illuminée de la lumière du Soleil de Vérité qui brille depuis la hauteur de son rang très exalté dans la plénitude de sa splendeur, de sa chaleur et de sa gloire.
Les douleurs de la mort et de la naissanceAmis chèrement aimés ! Bien que la révélation de Bahá'u'lláh ait été délivrée au monde, l'ordre mondial que, de toute nécessité, cette révélation doit engendrer n'a pas encore vu le jour. Bien que l'âge héroïque de sa foi soit terminé, les énergies créatrices que cet âge a libérées ne se sont pas encore concrétisées sous la forme de cette société mondiale qui, une fois les temps accomplis, doit refléter l'éclat de sa gloire. Bien que la charpente de son ordre administratif ait été érigée et que la période de formation de l'ère bahá'íe ait débuté, cependant le royaume promis auquel le germe de ses institutions doit aboutir n'est pas encore inauguré. Bien que sa voix se soit élevée, et que les bannières de sa foi aient été hissées dans non moins de quarante pays de l'Est et de l'Ouest, cependant la race humaine entière n'a toutefois pas encore reconnu et proclamé son unité, et l'étendard de sa plus grande paix n'est pas encore hissé.
Les sommets, atteste Bahá'u'lláh lui-même, que par la très miséricordieuse faveur de Dieu, l'homme mortel peut atteindre en ce jour demeurent encore cachés à sa vue. Le monde de l'existence n'a jamais eu, ni ne possède encore, la faculté de recevoir une telle révélation. Le jour approche, cependant, où les potentialités d'une si grande faveur seront, en vertu de son commandement, manifestées aux hommes.
Pour que soit révélée une si grande faveur, une période de troubles intenses et de souffrance généralisée semblerait indispensable. Si resplendissant qu'ait été l'âge qui a témoigné du commencement de la mission confiée à Bahá'u'lláh, l'intervalle de temps qui doit s'écouler avant que cet âge porte son fruit le plus précieux doit être obscurci - et la chose apparaît avec une évidence toujours croissante - par les ténèbres morales et sociales qui, seules, peuvent préparer une humanité impénitente à recueillir la récompense dont son destin est d'hériter.
Nous entrons à présent dans une telle période d'un pas ferme et irrésistible. Parmi les ombres qui, chaque jour davantage, s'épaississent autour de nous, nous pouvons à peine discerner les faibles lueurs de la sublime souveraineté de Bahá'u'lláh qui, par instants, apparaissent à l'horizon de l'histoire. À nous qui sommes "la génération de la pénombre", qui vivons en un temps qu'on peut désigner comme la période d'incubation de la fédération mondiale envisagée par Bahá'u'lláh, à nous a été assignée une tâche dont nous ne pouvons jamais assez apprécier le haut privilège, et dont nous ne pouvons encore percevoir la difficulté que confusément. Nous pouvons bien croire, nous qui sommes appelés à éprouver l'action des forces des ténèbres destinées à libérer un torrent de souffrances atroces, que l'heure la plus sombre qui doit précéder l'aube de l'âge d'or de notre foi n'a pas encore sonné. Si profonde que soit l'obscurité qui encercle déjà le monde, les épreuves pénibles dont la terre doit être affligée ne sont encore qu'en préparation, et leur noirceur ne peut encore être imaginée. Nous nous trouvons au seuil d'un âge dont les convulsions proclament à la fois les affres de l'agonie de l'ordre ancien et les douleurs de l'enfantement du nouveau. Nous pouvons dire que ce nouvel ordre mondial a été conçu sous l'influence créatrice de la foi annoncée par Bahá'u'lláh. Nous pouvons, en ce moment, éprouver ses mouvements dans le sein d'un âge en travail, un âge qui attend l'heure fixée à laquelle il pourra déposer son fardeau et produire son plus beau fruit.
La terre entière, écrit Bahá'u'lláh, est à présent au stade de la gestation. Le jour approche où elle aura produit ses fruits les plus nobles, où auront jailli d'elle les arbres aux plus hautes cimes, les fleurs les plus enchanteresses, les plus célestes bénédictions. Immensément exaltée est la brise qui émane de la robe de ton Seigneur, le Glorifié ! Car voici qu'elle a exhalé son parfum et renouvelé toutes choses ! Heureux celui qui le comprend ! Les vents impétueux de la grâce divine, proclame-t-il dans la Súratu'l-Haykal, sont passés sur toutes choses. Chaque créature a été dotée de toutes les potentialités qu'elle peut porter. Et cependant, les peuples du monde ont refusé cette grâce ! Chaque arbre a été doté des fruits les meilleurs, chaque océan enrichi des gemmes les plus lumineuses. L'homme lui-même a été investi des dons de l'intelligence et du savoir. La création tout entière est devenue le réceptacle de la révélation du Très-Miséricordieux, et la terre le dépositaire des choses impénétrables à tous, sauf à Dieu, le Véritable, celui qui connaît les choses invisibles. Le temps approche où toute chose créée aura déposé son fardeau. Loué soit Dieu qui a accordé cette grâce embrassant toutes choses, tant visibles qu'invisibles !
L'appel de Dieu, en s'élevant, écrivit 'Abdu'l-Bahá, a insufflé une vie nouvelle dans le corps de l'humanité et infusé un nouvel esprit dans toute la création. C'est pour cette raison que le monde a été remué en profondeur et que les coeurs et les consciences des hommes ont été vivifiés. Avant longtemps, les preuves de cette régénération seront révélées, et ceux qui dorment profondément seront éveillés.
L'effervescence universelleEn regardant le monde autour de nous, nous sommes forcés de remarquer les multiples preuves de cette effervescence universelle qui, sur chaque continent du globe et dans chaque domaine de la vie humaine, qu'il soit religieux, social, économique ou politique, purifie et réforme l'humanité en vue du jour où la totalité de la race humaine sera prise en considération et son unité établie. Deux processus peuvent cependant être distingués, chacun tendant, à sa manière et à un rythme accéléré, à porter à leur comble les forces qui sont en train de transformer la face de notre planète. Le premier est essentiellement un processus d'intégration, tandis que le second est fondamentalement destructeur. Le premier, qui se développe progressivement, déploie un système qui peut servir de modèle à la communauté politique mondiale vers laquelle s'achemine sans trêve un monde étrangement désordonné; alors que le dernier, à mesure que s'accroît son influence désintégratrice, tend à renverser avec une violence toujours croissante les barrières vétustes qui cherchent à entraver le progrès de l'humanité vers le but qui lui est assigné. Le processus constructeur, associé à la foi naissante de Bahá'u'lláh, est le signe avant-coureur du nouvel ordre mondial que cette foi doit établir sous peu. Les forces destructrices qui caractérisent l'autre mouvement devraient être identifiées avec une civilisation qui a refusé de répondre à l'attente d'un âge nouveau et qui, par conséquent, décline et s'enfonce dans le chaos.
Une bataille titanesque, une bataille spirituelle d'une ampleur sans pareille, et pourtant ineffablement glorieuse dans ses ultimes conséquences, est en train de se jouer du fait de ces tendances opposées en cette période de transition par laquelle passent à présent la communauté organisée des fidèles de Bahá'u'lláh et l'humanité tout entière.
L'esprit qui s'est incarné dans les institutions d'une foi en plein essor a, au cours de sa marche en avant vers la rédemption du monde, rencontré des forces avec lesquelles il est actuellement aux prises, des forces qui sont, dans la plupart des cas, la négation même de cet esprit, et dont l'existence, perpétuée, doit inévitablement l'empêcher d'accomplir son dessein. Les institutions creuses et épuisées, les doctrines et les croyances surannées, les traditions usées et discréditées que représentent ces forces ont été en certaines circonstances, il faut bien le noter, minées par leur sénilité, la perte de leur pouvoir de cohésion et leur propre corruption. Quelques-unes ont été balayées par les violentes forces que la foi bahá'íe a si mystérieusement libérées à l'heure de sa naissance. D'autres, en conséquence immédiate d'une résistance faible et vaine à sa croissance durant les tous premiers stades de son développement, se sont éteintes et ont été totalement discréditées. D'autres encore, par crainte de l'influence pénétrante des institutions au sein desquelles, en une période plus tardive, s'était incarné cet esprit, avaient mobilisé leurs forces et lancé leurs attaques destinées à essuyer à leur tour, après un succès bref et illusoire, une défaite ignominieuse.
Cet âge de transitionJe n'ai point dessein de rappeler les batailles spirituelles qui en ont résulté, moins encore d'en tenter une analyse détaillée, et mon objet n'est pas non plus d'enregistrer les victoires qui ont rejailli sur la gloire de la foi de Bahá'u'lláh depuis le jour de sa fondation. Plutôt que les événements qui ont marqué le premier âge, l'âge apostolique de la dispensation bahá'íe, mon souci principal se rapporte plutôt aux événements marquants qui ont eu lieu et aux tendances qui caractérisent la période de formation de son développement, cet âge de transition dont les tribulations sont les signes avant-coureurs de cette ère de félicité bénie qui doit concrétiser l'ultime dessein de Dieu pour toute l'humanité.
Dans une communication précédente, j'ai fait une brève allusion à la chute catastrophique des empires et des royaumes puissants survenue à la veille du départ de 'Abdu'l-Bahá, dont on peut dire que la mort a inauguré la phase de l'âge de transition dans lequel nous vivons actuellement. La dissolution de l'Empire allemand, la défaite humiliante infligée à son chef, le successeur et descendant en droite ligne du roi et empereur prussien à qui Bahá'u'lláh avait adressé son avertissement solennel et historique, ainsi que l'extinction de la monarchie austro-hongroise, dernier vestige du Saint-Empire romain jadis si illustre, ces événements furent tous deux précipités par une guerre dont la déclaration marqua l'ouverture de l'âge de frustration appelé à précéder l'établissement de l'ordre mondial de Bahá'u'lláh. Ces deux événements d'une grande importance peuvent être regardés comme les premiers faits de cet âge tumultueux dont nous commençons aujourd'hui à pénétrer les limites qui bordent sa phase la plus noire.
Au conquérant qui vainquit Napoléon III, l'auteur de notre foi avait adressé, au lendemain de sa victoire, dans son très saint Livre, cet avertissement clair et prophétique : Ô Roi de Berlin... Prends garde, de crainte que l'orgueil ne t'empêche de reconnaître l'aube de la révélation divine ! Prends garde que les désirs terrestres ne te cachent, comme un voile, le Seigneur du trône céleste et du monde d'ici-bas ! Voici ce que te conseille la Plume du Très-Haut. Il est, en vérité, le Très-Clément, le Tout-Miséricordieux. Rappelle-toi celui dont la puissance transcendait ta puissance (Napoléon III), et dont le rang surpassait ton rang. Où est-il ? Que sont devenues ses possessions ? Prends garde, et ne sois pas de ceux qui s'abandonnent au sommeil. C'est lui qui, lorsque nous lui fîmes connaître ce que les armées de la tyrannie nous avaient fait endurer, rejeta la tablette de Dieu. Pour cette raison, la disgrâce de toutes parts l'assaillit et lui fit mordre la poussière en une grande défaite. Médite, ô Roi, sur son exemple et sur celui de tous ceux qui comme toi ont conquis des cités et régné sur les hommes. Le Très-Miséricordieux les tira de leurs palais pour les mettre au tombeau. Tiens-toi pour averti, sois de ceux qui réfléchissent.
Ô rives du Rhin, prophétise Bahá'u'lláh dans un autre passage du même livre, nous vous avons vues couvertes de sang, alors que les épées du châtiment étaient tirées contre vous; et ainsi vous connaîtrez une autre infortune. Et nous entendons les lamentations de Berlin, bien qu'elle soit aujourd'hui dans une gloire manifeste.
Effondrement de l'islámL'effondrement du pouvoir de la hiérarchie shiite, dans un pays qui avait été depuis des siècles l'une des forteresses imprenables du fanatisme musulman, fut l'inévitable conséquence de cette vague de sécularisation qui devait plus tard envahir, tant en Europe qu'en Amérique, quelques-unes des institutions ecclésiastiques les plus puissantes et les plus conservatrices. Sans être une conséquence directe de la dernière guerre, cet ébranlement soudain qui avait saisi ce pilier jusque-là immuable de l'orthodoxie islamique accentua les problèmes et rendit plus profonde l'agitation dont un monde harassé par la guerre avait été affligé. L'islám shiite, sur la terre natale de Bahá'u'lláh et en conséquence directe de son hostilité implacable envers sa foi, avait perdu une fois pour toutes sa puissance combative ainsi que ses droits et ses privilèges, il avait été avili et démoralisé, et il était condamné à une obscurité sans espoir et à l'extinction finale. Cependant, pas moins de vingt mille martyrs avaient dû sacrifier leur vie avant que la cause pour laquelle ils s'étaient levés et étaient morts pût enregistrer cette première victoire sur ceux qui étaient les premiers à répudier ses revendications et à faucher ses vaillants soldats. L'opprobre et la misère s'abattirent sur eux, et ils encoururent la colère de Dieu.
Voyez, écrit Bahá'u'lláh, commentant le déclin d'un peuple déchu, comment les actes et les dires de l'islám shiite ont abattu la ferveur et la joie de ses premiers jours et terni l'éclat immaculé de sa lumière. En ses premiers jours, alors qu'ils adhéraient encore aux principes qui sont associés au nom de leur prophète, le Seigneur de l'humanité, leur parcours fut marqué par une chaîne ininterrompue de victoires et de triomphes. Mais, à mesure qu'ils se détournaient de la voie tracée par leur maître et guide idéal, à mesure qu'ils fuyaient la lumière de Dieu et corrompaient le principe de sa divine unicité, et à mesure qu'ils concentraient toujours davantage leur attention sur ceux qui n'étaient que les révélateurs de la puissance de sa parole, leur pouvoir se changea en faiblesse, leur gloire en honte et leur courage en peur. Vois à présent où ils en sont arrivés.
La chute de la dynastie Qájár, le défenseur déclaré et l'instrument complaisant d'un clergé décadent, fut à peu près synchronisée avec l'humiliation qu'avaient subie les chefs ecclésiastiques shiites. Depuis le sháh Muhammad jusqu'au dernier et faible monarque de cette dynastie, la foi de Bahá'u'lláh s'était vu refuser la considération impartiale, le traitement équitable et désintéressé que sa cause avait exigés à juste titre. Elle avait, au contraire, été atrocement tourmentée, constamment trahie et poursuivie. Le martyre du Báb, l'exil de Bahá'u'lláh, la confiscation de ses biens terrestres, son incarcération à Mázindarán; le règne de la terreur qui le confina dans le plus pestilentiel des cachots; les intrigues, les protestations et les calomnies qui, à trois reprises, le firent exiler à nouveau et conduisirent à son emprisonnement final dans la plus désolée des villes; les mesures honteuses qui, avec la connivence des autorités judiciaires et ecclésiastiques, furent prises contre la personne, les biens et l'honneur de ses innocents fidèles; tous ces faits se distinguent comme étant les actes les plus noirs dont la postérité tiendra à jamais responsable cette dynastie couverte de sang. Un autre des obstacles qui avait cherché à obstruer la marche en avant de la foi était désormais écarté.
Bien que Bahá'u'lláh eût été banni de sa terre natale, la vague de calamités qui avait déferlé si furieusement sur lui et sur les fidèles du Báb était loin de se retirer. Sous la juridiction du sultán de Turquie, l'ennemi juré de sa cause, un nouveau chapitre de l'histoire de ses incessantes épreuves s'était ouvert. Le renversement du sultanat et celui du califat, les piliers jumeaux de l'islám sunnite, ne peuvent être regardés que comme les conséquences inévitables de la persécution cruelle, délibérée et acharnée que lui firent subir les monarques de la maison vacillante d''Uthmán, les successeurs reconnus du prophète Muhammad. De la ville de Constantinople, siège traditionnel tant du sultanat que du califat, les gouvernants de la Turquie s'étaient efforcés, avec un zèle infatigable et durant presque trois quarts de siècle, d'endiguer la marée montante d'une foi qu'ils craignaient et abhorraient. Du jour où Bahá'u'lláh mit le pied sur le sol turc - et devint dès lors virtuellement prisonnier du plus puissant potentat de l'islám - jusqu'à l'année où la Terre sainte se trouva libérée du joug turc, les califes qui se succédèrent, et en particulier les sultáns 'Abdu'l-'Azíz et 'Abdu'l-Hamíd, agissant dans le plein exercice de l'autorité spirituelle et temporelle que leur avait conférée leur haute charge, avaient infligé au fondateur de notre foi et au Centre de son alliance des souffrances et des tribulations telles qu'aucun esprit ne peut les concevoir, ni aucune plume et aucune langue les décrire. Eux seuls pouvaient les avoir mesurées ou supportées.
À diverses reprises, Bahá'u'lláh a témoigné de ces épreuves affligeantes : Par la justice du Tout-Puissant ! Si je devais te rapporter tout ce dont j'ai été victime, les âmes et les esprits des hommes ne pourraient en soutenir le poids. Dieu Lui-même m'en est témoin. Vingt années se sont écoulées durant lesquelles nous avons goûté chaque jour à l'angoisse d'une tribulation nouvelle, a-t-il écrit, s'adressant aux rois de la chrétienté. Aucun de ceux qui nous ont précédé n'a enduré ce que nous avons enduré. Puissiez-vous en prendre conscience ! Ceux qui se sont levés contre nous nous ont mis à mort, ils ont répandu notre sang, pillé nos biens, violé notre honneur. Rappelez-vous mes peines, a-t-il révélé d'autre part, mes soucis et mes angoisses, mes malheurs et mes épreuves, les conditions de ma captivité, les pleurs que j'ai versés, l'amertume de mon angoisse et, actuellement, mon emprisonnement dans ce pays lointain... Si on vous disait ce dont fut affligée l'Ancienne Beauté, vous fuiriez dans le désert, secoués de sanglots... Chaque matin à mon lever, je trouvais, massée derrière ma porte, une foule d'afflictions innombrables; et chaque soir, en me couchant, mon coeur était déchiré de l'angoisse dont l'avait fait souffrir l'infernale cruauté de ses ennemis.
Les ordres que donnèrent ces ennemis, les bannissements qu'ils décrétèrent, les outrages qu'ils infligèrent, les plans qu'ils conçurent, les enquêtes qu'ils menèrent, les menaces qu'ils proférèrent, les atrocités qu'ils étaient prêts à commettre, les intrigues et les bassesses auxquelles eux, leurs ministres, leurs gouverneurs et leurs chefs militaires s'étaient livrés forment un tableau auquel on peut difficilement trouver un équivalent dans l'histoire des religions révélées. Le simple récit des faits les plus saillants de cette sinistre histoire suffirait à remplir un volume. Ils savaient fort bien que le centre spirituel et administratif de la cause qu'ils s'étaient efforcés d'éradiquer était tombé en leur pouvoir, que ses chefs étaient des citoyens turcs et que, quelles que fussent leurs ressources, ils étaient à leur merci. Que durant une période de près de soixante-dix années - alors qu'il était encore dans la plénitude d'une autorité incontestée, alors qu'il était renforcé par les machinations sans fin des autorités civiles et ecclésiastiques d'une nation voisine, alors même qu'il était assuré de l'appui des proches de Bahá'u'lláh qui s'étaient rebellés contre sa cause et s'en étaient séparés -, ce despotisme ait finalement échoué à extirper une poignée de sujets condamnés, cela doit rester, pour tout observateur incroyant, l'un des épisodes les plus intrigants et les plus mystérieux de l'histoire contemporaine.
En dépit des calculs d'un ennemi à la vue courte, la cause dont Bahá'u'lláh demeurait le chef visible avait indéniablement triomphé. Aucun esprit impartial, scrutant au-delà des apparences les conditions entourant le prisonnier d''Akká, ne pouvait plus longtemps s'y tromper ou le nier. Bien que la tension, qui avait baissé, se fût accentuée pour un temps après l'ascension de Bahá'u'lláh et que les périls d'une situation encore instable eussent réapparu, il était devenu de plus en plus évident que les forces insidieuses de décadence qui, depuis de longues années, rongeaient les organes vitaux d'une nation malade, étaient en voie d'atteindre leur paroxysme. Une série de crises internes avaient déjà été déchaînées, dont chacune s'avérait plus dévastatrice que la précédente, et qui devaient finalement amener dans leur sillage un des événements les plus catastrophiques des temps modernes. Le meurtre, en 1876, de cet arrogant despote; le conflit russo-turc qui suivit peu après; les guerres de libération qui lui succédèrent; la montée du mouvement des Jeunes-Turcs; la révolution turque de 1909 qui précipita la chute de 'Abdu'l-Hamíd; les guerres balkaniques avec leurs désastreuses conséquences; la libération de la Palestine qui enchâsse en son sein les villes d''Akká et de Haïfa, le centre mondial d'une foi émancipée; le démembrement supplémentaire que décréta le traité de Versailles; l'abolition du sultanat et la chute de la maison d''Uthmán; l'extinction du califat, la séparation de la religion officielle et de l'État; l'annulation de la loi de la Sharí'at, et la promulgation d'un code civil universel; la suppression de divers ordres, croyances, traditions et cérémonies tenus pour indissolublement liés à la structure de la foi musulmane; tous ces événements se succédèrent avec une facilité et une rapidité qu'aucun homme n'avait osé envisager. Dans tous ces coups dévastateurs, assenés par des amis autant que par des ennemis, par des nations chrétiennes et des croyants musulmans, chaque fidèle de la foi persécutée de Bahá'u'lláh reconnut les preuves de la main du fondateur défunt de sa religion qui, depuis le royaume invisible, déchaînait sur une nation et une religion rebelles un flot de calamités bien méritées.
Comparez les preuves des punitions infligées par Dieu, et qui sont advenues aux persécuteurs de Jésus-Christ, à ces châtiments historiques qui, dans la dernière partie du premier siècle de l'ère bahá'íe, firent mordre la poussière au principal ennemi de la religion de Bahá'u'lláh. L'empereur romain n'avait-il pas, dans la seconde moitié du premier siècle de l'ère chrétienne, après un angoissant siège de Jérusalem, dévasté la cité sainte, détruit le temple, profané et dépouillé de ses trésors le saint des saints, transporté ceux-ci à Rome, créé sur le mont Sion une colonie païenne, massacré les juifs, exilé et dispersé les survivants ?
Comparez, en outre, ces paroles dont témoigne l'Évangile, et que le Christ persécuté adresse à Jérusalem, à l'apostrophe à Constantinople révélée de sa prison lointaine par Bahá'u'lláh, et rapportée dans son très saint Livre : Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble ses poussins sous ses ailes ! Et encore, se lamentant sur la ville : Si tu avais su voir à ton heure ce dont dépend ta paix ! Mais cela, maintenant, est caché à tes yeux... Car un temps viendra où tes ennemis creuseront une tranchée autour de toi et te cerneront de toutes parts, et te jetteront bas et tes enfants avec toi, et ils ne te laisseront pas pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le jour de la visite de ton Seigneur.
Ô lieu situé sur les rives des deux mers ! s'écrie Bahá'u'lláh dans son apostrophe à la ville de Constantinople, Le trône de la tyrannie, en vérité, a été établi sur toi, et la flamme de la haine a été allumée dans ton sein, de telle manière que l'assemblée céleste et ceux qui se tiennent autour du trône exalté ont fait retentir le ciel de leurs lamentations et de leurs gémissements. Nous voyons en toi les insensés régner sur les sages, et les ténèbres fanfaronner devant la lumière. Tu es en vérité remplie d'un orgueil manifeste. Ta splendeur extérieure t'a-t-elle rendue si vaine ? Par celui qui est le Seigneur de l'humanité ! Cette splendeur périra bientôt, et tes filles et tes veuves et toute ta parentèle qui demeurent en toi se lamenteront. Voici ce dont t'informe l'Omniscient, le Très-Sage.
Au sultán 'Abdu'l-'Azíz, le monarque qui décréta chacun des trois exils de Bahá'u'lláh, le fondateur de notre foi adressa ces paroles alors qu'il était prisonnier dans sa capitale : Écoute, ô Roi, les propos de celui par qui parle la vérité, celui qui ne te demande pas de le récompenser avec les choses que Dieu a choisi de t'accorder, celui qui, infailliblement, suit le droit sentier... Place devant tes yeux l'infaillible balance de Dieu, et, comme si tu te tenais en sa présence, chaque jour et à tout moment de ta vie, pèse tes actions sur cette balance. Fais ton examen de conscience avant d'y être contraint, le jour où nul homme n'aura la force de se tenir debout à cause de sa crainte de Dieu, le jour où les coeurs des insouciants trembleront.
Aux ministres de l'État turc, dans cette même tablette, il révéla ce qui suit : Il vous appartient, ô ministres d'État, de garder les préceptes de Dieu et d'abandonner vos propres lois et règlements, et d'être de ceux qui sont guidés dans le droit chemin. Avant longtemps, vous découvrirez les conséquences de vos actes en cette vaine existence et vous en recueillerez le fruit... Qu'ils sont nombreux ceux qui, dans les temps anciens, ont commis les choses que vous avez commises et qui, bien que d'un rang supérieur au vôtre, sont finalement retournés en poussière et ont été livrés à leur inéluctable perte !... Vous suivrez leurs traces, vous pénétrerez dans une habitation où nul d'entre vous ne trouvera ni amitié ni aide... Les jours de votre vie passeront et toutes les choses dont vous êtes occupés et dont vous tirez tant de vanité périront et, par une cohorte de ses anges, vous serez très certainement cités à comparaître en ce lieu où tremblera de tous ses membres la création tout entière et où frémira la chair de chaque oppresseur. Ceci est le jour qui, inévitablement, fondra sur vous, l'heure que nul ne peut retarder.
Aux habitants de Constantinople, alors qu'il vivait exilé parmi eux, Bahá'u'lláh, dans cette même tablette, adressa ces paroles : Craignez Dieu, habitants de la cité, et gardez-vous de semer parmi les hommes les germes de la dissension... Vos jours passeront comme ont passé les jours de ceux qui vous ont précédés. Vous retournerez à la poussière comme vos pères y sont jadis retournés... À notre arrivée dans la cité, remarque-t-il en outre, nous avons trouvé ses gouverneurs et ses anciens assemblés çà et là comme des enfants s'amusant avec de la terre glaise... Notre oeil spirituel a pleuré sur eux et sur leurs offenses, et sur leur total désintéressement de ce pour quoi ils furent créés... Le jour approche où Dieu aura suscité un peuple qui commémorera notre vie, qui fera le récit de nos épreuves, qui exigera de ceux qui, sans une ombre de preuve, nous traitèrent avec une injustice manifeste, la restitution de nos droits. Dieu assurément domine la vie de ceux qui nous firent du tort, et Il connaît bien leurs agissements. Sans nul doute, à cause de leurs péchés, sa main s'appesantira sur eux. Il est, en vérité, le plus violent de tous les vengeurs. Puis, les exhortant avec compassion : Écoutez donc ma parole, retournez à Dieu et repentez-vous afin que, par sa grâce, Il puisse vous prendre en miséricorde, vous laver de vos péchés et vous pardonner vos offenses. La grandeur de sa miséricorde dépasse la fureur de son courroux, et sa grâce embrasse tous ceux qu'Il a appelés à l'existence et revêtus de la robe de vie, et cela dans le passé comme dans le futur.
Et enfin, dans le Lawh-i-Ra'ís, nous trouvons ces paroles prophétiques : Entends, ô chef... la voix de Dieu, le Souverain, l'Aide dans le péril, celui qui subsiste par Lui- même... Tu as commis, ô chef, une action qui a fait gémir, dans le très exalté paradis, Muhammad, l'Apôtre de Dieu. Le monde t'a rendu si vain que tu t'es détourné de la face de celui dont l'éclat a illuminé l'assemblée céleste. Bientôt tu te trouveras dans un désarroi manifeste... Le jour approche où la Terre du Mystère (Andrinople) et ce qui est près d'elle sera transformé et échappera aux mains du roi, et des troubles violents apparaîtront, et des lamentations s'élèveront, et les preuves de la méchanceté seront révélées de toutes parts, et la confusion s'étendra à cause de ce qui est arrivé à ces prisonniers aux mains des multitudes de l'oppression. Le cours des choses sera altéré et les conditions deviendront si impitoyables que le sable même des collines désolées en gémira, que les arbres sur les montagnes pleureront, et que le sang s'écoulera de toutes choses. Alors tu verras le peuple dans une cruelle détresse.
Treize cents ans avaient dû s'écouler depuis la mort du prophète Muhammad avant que l'illégitimité de l'institution du califat, dont les fondateurs avaient usurpé l'autorité des successeurs légitimes de l'Apôtre de Dieu, ne soit pleinement et publiquement démontrée. Une institution qui avait ainsi, dès ses débuts, piétiné un droit aussi sacré et déchaîné les forces d'un schisme aussi désolant, une institution qui, aux derniers jours, avait porté un coup aussi rude à une foi dont le précurseur était lui-même un descendant de ces mêmes imáms dont elle avait refusé l'autorité, une telle institution méritait vraiment le châtiment qui avait scellé son destin.
Le texte de certaines traditions mahométanes, dont l'authenticité est reconnue par les musulmans eux-mêmes et que d'éminents savants et auteurs orientaux Bahá'ís ont abondamment cités, servira à éclairer et à confirmer la thèse que j'ai tenté d'exposer : Aux derniers jours, une terrible calamité s'abattra sur mon peuple aux mains de son prince, une calamité telle qu'on n'entendit jamais parler de plus grande. Elle sera si cruelle que nul ne pourra s'en protéger. Dieu enverra alors un de mes descendants, un être issu de ma souche, qui remplira la terre d'autant d'équité et de justice qu'elle était jusque-là remplie d'iniquité et de tyrannie. Et encore : Un jour viendra pour mon peuple où il ne restera de l'islám qu'un nom, et du Quran qu'une simple apparence. Les docteurs de cet âge seront les pires que le monde ait jamais vus. Le mal a procédé d'eux, et sur eux il retombera. Et encore : À cette heure sa malédiction descendra sur vous, et votre blasphème vous accablera, et votre religion restera un mot vide sur vos langues. Et lorsque ces signes apparaîtront parmi vous, prévoyez le jour où une tempête de feu s'abattra sur vous, ou le jour où vous serez défigurés, ou celui où les pierres pleuvront sur vous.
Ô peuple du Quran, affirme Bahá'u'lláh de façon significative, en s'adressant aux forces jointes de l'islám sunnite et shiite, en vérité, Muhammad, le prophète de Dieu, a versé des larmes au spectacle de votre cruauté. Vous avez assurément suivi vos désirs mauvais et corrompus, et vous avez détourné votre face de la lumière qui guide. Bientôt, vous verrez le résultat de vos actions; car le Seigneur, mon Dieu, vous guette et surveille votre conduite... Ô assemblée de théologiens musulmans ! Par vos actes, le rang exalté du peuple a été abaissé, l'étendard de l'islám a été renversé, et son trône puissant est tombé.
Détérioration des institutions chrétiennesVoilà pour l'islám et les coups paralysants qu'ont reçus ses dirigeants et ses institutions - sans compter ceux qu'ils peuvent encore recevoir - en ce premier siècle de l'ère bahá'íe. Si je me suis trop longuement étendu sur ce sujet, si j'ai, dans une mesure disproportionnée, cité à l'appui de ma thèse les Écrits sacrés, c'est uniquement parce que j'ai la ferme conviction que les justes calamités qui se sont abattues sur le principal oppresseur de la foi de Bahá'u'lláh ne devraient pas seulement être comptées au nombre des circonstances émouvantes de cet âge de transition, mais également parmi les événements les plus frappants et les plus significatifs de l'histoire contemporaine.
Par les convulsions qui l'avaient saisi, l'islám, à la fois sunnite et shiite, avait contribué à l'accélération de ce processus destructeur auquel j'ai fait référence précédemment, un processus qui, par son caractère même, doit frayer la voie à cette réorganisation complète et à cette unification que le monde, dans tous les aspects de sa vie, doit accomplir. Qu'en est-il de la chrétienté et des communions avec lesquelles elle s'identifie ? Peut-on dire que ce processus de détérioration qui a attaqué l'édifice de la religion de Muhammad n'a pas réussi à exercer son influence pernicieuse sur les institutions associées à la foi de Jésus-Christ ? Ces institutions ont-elles déjà éprouvé l'impact de ces forces menaçantes ? Leurs fondations sont-elles si solides et leur vitalité si grande qu'elles soient en état de résister à cet assaut ? Deviendront-elles à leur tour, à mesure que s'étend et que s'aggrave la confusion d'un monde chaotique, la proie de leur violence ? Les plus attachées, parmi elles, à l'orthodoxie se sont-elles déjà levées et, si non, se lèveront-elles pour repousser l'assaut d'une cause qui, après avoir renversé les barrières de l'orthodoxie musulmane, s'avance maintenant, tant sur le continent européen que sur le continent américain, jusqu'au coeur même de la chrétienté ? Une telle résistance ne sèmerait-elle pas les germes de dissensions et de désordres nouveaux et, par conséquent, ne servirait-elle pas indirectement à hâter l'avènement du jour promis ?
À ces questions, nous ne pouvons répondre que partiellement. Seul le temps pourra révéler la nature du rôle que les institutions directement associées à la foi chrétienne sont destinées à jouer au cours de cette période de formation de l'ère bahá'íe, en cette sombre époque de transition par laquelle passe à présent l'humanité tout entière. Toutefois, les événements qui se sont déjà produits sont de nature à indiquer la direction que prennent aujourd'hui ces institutions. Nous pouvons, dans une certaine mesure, estimer l'effet probable que produiront sur elles les forces qui opèrent tant au sein de la foi bahá'íe qu'en dehors de celle-ci.
Que les forces de l'irréligion, d'une philosophie purement matérialiste et d'un paganisme non dissimulé aient été libérées, qu'elles soient à présent en train de s'étendre et que, en se renforçant, elles commencent à envahir quelques-unes des institutions chrétiennes les plus puissantes du monde occidental, aucun observateur impartial ne peut manquer de l'admettre. Que ces institutions deviennent de plus en plus inquiètes, que parmi elles quelques-unes soient déjà vaguement conscientes de l'influence omnipénétrante de la cause de Bahá'u'lláh, que, à mesure que leur propre force s'effrite et que leur discipline se relâche, elles regarderont avec une consternation croissante l'avènement de son nouvel ordre mondial et se résoudront peu à peu à l'assaillir, et qu'enfin une telle opposition accélérera, à son tour, leur déclin, bien peu, s'il y en a parmi ceux qui suivent avec attention le progrès de la foi de Bahá'u'lláh, seraient enclins à se poser la question.
La vitalité de la foi des hommes en Dieu, a témoigné Bahá'u'lláh, se meurt dans chaque pays. Seul son divin et salutaire remède peut la rétablir. La corrosion de l'athéisme ronge les organes vitaux de la société humaine. Quoi d'autre peut la nettoyer et la ranimer si ce n'est l'élixir de sa puissante révélation ? Le monde est en travail, a-t-il écrit ailleurs, et son agitation croît de jour en jour. Sa face est tournée vers l'incroyance et l'obstination. Sa condition sera telle qu'il ne serait ni convenable ni décent de la dévoiler à présent.
Cette menace de sécularisation qui a attaqué l'islám et est en train de saper ses dernières institutions, qui a envahi la Perse, pénétré en Inde et relevé triomphalement la tête en Turquie, s'est déjà fait sentir en Europe et en Amérique et est, sous des formes et des appellations variées et à des degrés divers, en train de défier les bases de toute religion établie, et en particulier les institutions et les communautés identifiées à la foi de Jésus-Christ. Il ne serait pas exagéré de dire que nous nous acheminons vers une période que l'historien de l'avenir considérera comme l'une des plus critiques de l'histoire de la chrétienté.
Déjà, quelques-uns des protagonistes de la religion chrétienne admettent la gravité de la situation à laquelle ils doivent faire face. Selon le témoignage consigné dans les rapports officiels de ses missionnaires, une vague de matérialisme envahit le monde. Le dynamisme et la pression de l'industrialisation moderne, qui pénètrent jusqu'aux forêts de l'Afrique centrale et aux plaines de l'Asie centrale, rendent partout les hommes dépendants et préoccupés des choses matérielles. L'Église métropolitaine, tant en chaire qu'à la tribune, a peut-être parlé un peu trop aisément de la menace de sécularisation; pourtant, même en Angleterre, nous pouvons plus qu'entrevoir sa signification. Mais pour l'Église d'outre-mer, ce mouvement est une sombre réalité, un ennemi avec lequel elle est déjà aux prises... L'Église a un nouveau danger à affronter, dans chaque pays l'un après l'autre : une attaque résolue et hostile à parer. Parti de la Russie soviétique, un communisme nettement antireligieux s'étend, vers l'ouest, en Europe et en Amérique, et, vers l'est, en Perse, en Inde, en Chine et au Japon. Il s'agit d'une théorie économique fermement assujettie à l'athéisme. C'est une irréligion religieuse... Elle a un sentiment passionné de sa mission, elle mène sa campagne anti-Dieu contre l'Église métropolitaine et lance en même temps son offensive contre ses têtes de pont en terres non chrétiennes. Une telle attaque, consciente, avérée et organisée contre la religion en général et le christianisme en particulier, est un fait tout à fait nouveau dans l'histoire. Dans certains pays, une autre forme de foi sociale et politique - le nationalisme - est, dans son hostilité résolue au christianisme, tout aussi délibérée. Mais, à la différence de ce qui a lieu pour le communisme, l'attaque nationaliste contre la chrétienté est souvent liée à quelque forme de religion nationale : à l'islám en Perse et en Égypte, au bouddhisme à Ceylan, tandis que la lutte pour les droits des communautés en Inde s'associe à un renouveau tant de l'hindouisme que de l'islám.
Je n'ai pas besoin dans cet ordre d'idée d'exposer ici l'origine et le caractère de ces théories économiques et de ces philosophies politiques de la période de l'après-guerre qui, directement et indirectement, ont exercé et exercent encore leur influence pernicieuse sur les institutions et les croyances liées à l'un des systèmes religieux les plus répandus et les mieux organisés du monde. C'est à leur influence plutôt qu'à leur origine que je m'intéresse principalement. Le développement excessif de l'industrialisation et les maux qu'il entraîne - comme en témoigne la citation faite plus haut -; l'instauration d'une politique agressive et les efforts persistants exercés par les inspirateurs et les organisateurs du mouvement communiste; l'intensification d'un nationalisme militant qui, dans certains pays, s'allie à une campagne de diffamation systématique de toutes les formes d'influence ecclésiastique; tout cela a, sans aucun doute, contribué à la déchristianisation des masses et a été responsable du déclin notable de l'autorité, du prestige et de la puissance de l'Église. La conception même de Dieu, ont proclamé avec insistance les persécuteurs de la religion chrétienne, est une conception dérivée des anciens despotismes orientaux; elle est tout à fait indigne d'hommes libres. La religion, a affirmé un de leurs meneurs, est l'opium du peuple. La religion, déclare le texte de leurs publications officielles, est un moyen d'abrutir le peuple. L'éducation doit tendre à effacer des esprits cette humiliation et cette idiotie.
La philosophie hégélienne qui, dans d'autres pays, sous la forme d'un nationalisme intolérant et militant, a déifié l'État de manière insistante, a inculqué l'esprit de guerre et incité à l'animosité raciale, a, de même, conduit à un affaiblissement marqué de l'Église et à une grave diminution de son influence spirituelle. À la différence de l'offensive hardie qu'un mouvement d'un athéisme déclaré avait choisi de lancer contre elle tant en Union Soviétique qu'au dehors de ses frontières, cette philosophie nationaliste qu'ont soutenue les dirigeants et les gouvernements chrétiens est une attaque dirigée contre l'Église par ceux-là mêmes qui, jusque-là, étaient ses partisans déclarés; c'est une trahison de sa cause par les siens. Elle a été poignardée, de l'extérieur, par les coups d'un athéisme étranger et militant et, de l'intérieur, par ceux des prêcheurs d'une doctrine hérétique. Ces deux forces, chacune opérant dans sa propre sphère et utilisant ses propres armes et ses propres méthodes, ont de plus été grandement encouragées et secondées par l'esprit de modernisme à la mode, profondément imbu d'une philosophie purement matérialiste qui, à mesure qu'elle se répand, tend de plus en plus à séparer la religion et la vie quotidienne de l'homme.
L'effet combiné de ces doctrines étranges et corrompues, de ces philosophies insidieuses et dangereuses, a, naturellement, été durement ressenti par ceux dont les principes inculquaient un esprit et des principes opposés et tout à fait inconciliables. Les conséquences du conflit qui s'ensuivit fatalement entre ces intérêts si divergents ont été, en certains cas, désastreuses, et le dommage qui en a résulté est irréparable. La séparation d'avec l'État et le démembrement de l'Église grecque orthodoxe en Russie, qui a suivi le coup subi par l'Église romaine du fait de l'effondrement de la monarchie austro-hongroise; les troubles qui, plus tard, ont secoué l'Église catholique, et dont sa séparation d'avec l'État en Espagne marqua le point culminant; les persécutions qu'elle subit au Mexique; les perquisitions, les arrestations, les intimidations et le régime de terreur auxquels sont soumis, au coeur de l'Europe, tant les luthériens que les catholiques; la confusion dans laquelle a été jetée une autre branche de l'Église à la suite de la campagne militaire en Afrique; le déclin qui s'amorçait dans la fortune des Missions chrétiennes, tant anglicanes que presbytériennes, en Perse, en Turquie et en Extrême-Orient; les signes de mauvais augure qui laissent présager de sérieuses complications dans les relations précaires et équivoques qui existent actuellement entre le Saint-Siège et certaines nations du continent européen; tels sont les traits les plus frappants des revers qu'ont essuyés, dans presque toutes les régions du monde, les membres et les dirigeants des institutions ecclésiastiques chrétiennes.
Que la solidarité entre certaines de ces institutions ait été irréparablement brisée, le fait est trop évident pour qu'aucun observateur intelligent puisse s'y méprendre ou le nier. L'abîme s'élargit continuellement au sein de leurs adhérents entre les intégristes et les progressistes. Leurs doctrines et leurs dogmes ont été dilués et, dans certains cas, ignorés et abandonnés. Leur emprise sur la conduite des hommes ne cesse de se relâcher, et le personnel de leurs ministères décroît en nombre et en influence. La timidité et le manque de sincérité de leurs prédicateurs sont, dans plusieurs cas, mis en évidence. Leurs dotations ont été supprimées dans quelques pays, et la force de leur formation religieuse a décliné. Leurs temples ont été en partie désertés et détruits, et l'oubli de Dieu, de ses enseignements et de son dessein les a affaiblies, tout en accumulant sur elles les humiliations.
Cette tendance à la désintégration dont l'islám sunnite et shiite a si manifestement souffert ne pourrait-elle pas, quand elle atteindra son point culminant, déchaîner encore d'autres calamités sur les diverses communions de l'Église chrétienne ? De quelle manière et à quelle vitesse ce processus déjà amorcé se développera, l'avenir seul pourra le divulguer. Il n'est pas davantage possible d'estimer aujourd'hui jusqu'à quel point les attaques qu'un clergé, resté puissant, peut encore lancer contre les bastions de la foi de Bahá'u'lláh en Occident accentueront ce déclin et élargiront la portée de désastres inévitables.
Si la chrétienté désire et compte se mettre au service du monde dans la crise actuelle, écrit un ministre de l'Église presbytérienne américaine, il lui faut retourner au christianisme du Christ, remonter, à travers la religion séculaire de Jésus, à la religion originale de Jésus. Sinon, ajoute-t-il éloquemment, l'esprit du Christ vivra dans des institutions autres que les nôtres.
Un déclin si marqué dans la force et la cohésion des éléments constitutifs de la société chrétienne a donné naissance à son tour, ainsi que nous pouvions le prévoir, à l'émergence d'un nombre toujours croissant de sectes obscures, de nouvelles et étranges idolâtries, de vaines philosophies, dont les doctrines sophistiquées ont accru la confusion d'un âge troublé. D'après leurs principes et leurs activités, on peut dire qu'elles reflètent et qu'elles attestent le mécontentement, la révolte et les aspirations confuses des masses désillusionnées qui ont déserté la cause des Églises chrétiennes et se sont retranchées de leur sein.
Un parallèle pourrait presque être établi entre ces systèmes de pensée confus et générateurs de désordre, qui sont le résultat direct de la déconfiture et de l'impuissance qui affligent la foi chrétienne, et l'abondante variété des sectes populaires, des philosophies évasives nées de la mode qui proliféraient aux premiers siècles de l'ère chrétienne, et qui tentèrent de pervertir et d'absorber la religion d'État de ce peuple romain. Les idolâtres qui formaient alors la masse de la population de l'Empire romain occidental se trouvèrent entourés et, dans certains cas, menacés par la secte des néo-platoniciens qui prévalait, par les adhérents aux religions naturistes, par les philosophies gnostiques, par le philonisme, le mithraïsme, les fidèles du culte d'Alexandrie, et par une multitude de sectes et de croyances semblables, tout comme les défenseurs de la foi chrétienne - qui règne actuellement dans le monde occidental -, prennent conscience, en ce premier siècle de l'ère bahá'íe, de ce que leur influence est profondément minée par un flot de croyances, de pratiques et de tendances contradictoires que leur propre faillite a suscitées. Ce fut pourtant cette même religion chrétienne, à présent réduite à un tel état d'impuissance qui, finalement, s'était montrée capable de balayer les institutions du paganisme, de submerger et de supprimer les cultes qui prospéraient à cette époque.
Ces institutions qui se sont écartées loin de l'esprit et des enseignements de Jésus-Christ devront inévitablement, au fur et à mesure que l'embryon de l'ordre mondial de Bahá'u'lláh prend forme et se développe, passer à l'arrière-plan et laisser la voie libre pour le progrès des institutions divinement ordonnées qui sont inextricablement liées à ses enseignements. L'Esprit de Dieu qui, dans l'âge apostolique de l'Église, animait ses membres, la pureté primitive de ses enseignements, l'éclat premier de sa lumière, sans aucun doute, renaîtront et revivront comme la conséquence inévitable de cette nouvelle définition de ses vérités fondamentales et comme la clarification de sa finalité originale.
Car la foi de Bahá'u'lláh - si nous la jugeons loyalement - ne peut, en aucun cas et dans aucun aspect de ses enseignements, se trouver en désaccord - et moins encore en conflit - avec l'intention qui anime la foi de Jésus-Christ ou l'autorité dont elle est investie. Cet hommage éclatant rendu par Bahá'u'lláh lui-même à l'auteur de la foi chrétienne constitue un témoignage suffisant de la vérité de ce principe central de la croyance bahá'íe : Sachez que lorsque le Fils de l'Homme rendit son âme à Dieu, la création tout entière fut secouée de grands sanglots. Cependant, par son sacrifice, il avait infusé dans toutes choses créées une capacité nouvelle. Ses preuves, témoignées parmi tous les peuples de la terre, sont à présent manifestes à vos yeux. La plus profonde sagesse exprimée par les philosophes, le plus profond savoir qu'esprit développa jamais, l'art qu'ont pu produire les mains les plus habiles, l'influence exercée par le plus puissant des souverains ne sont que des manifestations de la puissance vivifiante libérée par son esprit transcendant et resplendissant qui pénètre tout. Nous attestons que, lorsqu'il naquit, il répandit sur toutes choses créées la splendeur de sa gloire. Par lui, le lépreux fut débarrassé de la lèpre de l'ignorance et de la perversité. Par lui, les dévergondés et les obstinés furent guéris. Par son pouvoir qu'il tenait de Dieu, les yeux de l'aveugle furent ouverts et l'âme du pécheur sanctifiée... C'est lui qui purifia le monde. Béni est l'homme qui, le visage inondé de lumière, s'est tourné vers lui.
Signes d'effondrement de la moraleJe ne crois pas qu'il soit utile d'en dire davantage sur le déclin des institutions religieuses dont la désagrégation constitue un aspect si important de la période de formation de l'ère bahá'íe. L'islám était, suite à la vague montante de sécularisation, et en conséquence directe de son hostilité déclarée et persistante à la foi de Bahá'u'lláh, tombé à un degré d'avilissement rarement atteint au cours de son histoire. Le christianisme à son tour, pour des causes qui ne sont pas entièrement différentes de celles qui ont joué dans le cas de sa foi soeur, s'était affaibli de jour en jour et contribuait d'une manière croissante au processus de désagrégation générale, un processus qui doit nécessairement précéder la reconstruction fondamentale de la société humaine.
Les signes d'effondrement de la morale, distincts des signes de décadence des institutions religieuses, n'apparaissent pas moins notables et significatifs. Le déclin qui s'est établi dans l'état des institutions islamiques et chrétiennes a, peut-on dire, sa contre-partie dans la vie et la conduite des individus qui les composent. Dans quelque direction que nous tournions nos regards, et si superficielle que soit notre observation des dires et des faits de la génération présente, nous ne pouvons manquer d'être frappés par les signes de décadence morale dont les hommes et les femmes, tant dans leur vie individuelle qu'à titre collectif, font preuve autour de nous.
Il n'est pas douteux que le déclin de la religion en tant que force sociale, dont la détérioration des institutions religieuses n'est qu'un phénomène extérieur, soit le principal responsable d'un mal si grave et si évident. La religion, écrit Bahá'u'lláh, est le moyen le plus considérable pour l'établissement de l'ordre dans le monde et pour le contentement paisible de tous ceux qui l'habitent. L'affaiblissement des piliers de la religion a affermi les mains des ignorants et les a rendus hardis et arrogants. En vérité, je vous le dis, tout ce qui a abaissé le rang élevé de la religion a renforcé l'obstination des méchants, et le résultat ne peut être que l'anarchie. La religion, dit-il dans une autre tablette, est une lumière radieuse et une forteresse imprenable pour la protection et le bien-être des peuples du monde, car la crainte de Dieu oblige l'homme à s'en tenir fermement à ce qui est bien et à fuir tout mal. Si la lampe de la religion est voilée, la confusion et le chaos s'ensuivront, et les lumières de l'équité, de la justice, de la tranquillité et de la paix cesseront de briller. Sachez, a-t-il écrit à un autre propos, que ceux qui sont vraiment sages ont comparé le monde au temple humain. De même que le corps de l'homme a besoin d'un vêtement pour l'habiller, de même il faut que le corps de l'humanité soit revêtu du manteau de la justice et de la sagesse. Sa robe est la révélation qui lui est accordée par Dieu.
Il n'est donc pas étonnant que, lorsque par suite de la perversité humaine la lumière de la religion est éteinte dans le coeur des hommes, et que la robe divinement assignée, qui est destinée à l'ornement du temple humain, est délibérément rejetée, un déclin déplorable s'établit immédiatement dans le sort de l'humanité, et amène dans son sillage tous les maux qu'une âme rebelle est capable de révéler. La perversion de la nature humaine, la dégradation de la conduite humaine, la corruption et la dissolution des institutions humaines se révèlent, à la faveur de telles circonstances, sous leurs pires et leurs plus révoltants aspects. Le caractère humain est avili, la confiance est ébranlée, les règles de la discipline sont relâchées, la voix de la conscience humaine est étouffée, le sens de la pudeur et de la décence est obscurci, les concepts de devoir, de solidarité, de réciprocité et de loyauté sont faussés, et le sentiment même de la paix, de la joie et de l'espoir s'éteint peu à peu.
Telle est, il faut bien l'admettre, la situation que frôlent les individus et les institutions. Il n'est pas, a écrit Bahá'u'lláh se lamentant sur la condition fâcheuse d'une humanité fourvoyée, il n'est pas deux hommes qui puissent se dire extérieurement et intérieurement unis. Les preuves de la discorde et de la malveillance apparaissent de tous côtés, alors que nous étions tous faits pour l'harmonie et l'union. Pendant combien de temps, s'écrie-t-il dans la même tablette, l'humanité persistera-t-elle dans son obstination ? Pendant combien de temps l'injustice se perpétuera-t-elle ? Pendant combien de temps encore la confusion et le chaos régneront-ils parmi les hommes ? Pendant combien de temps encore la discorde agitera-t-elle la face de la société ? Les vents du désespoir, hélas, soufflent de tous côtés, et les différends qui divisent et affligent la race humaine s'aggravent de jour en jour.
La recrudescence de l'intolérance religieuse, de l'animosité raciale et de l'arrogance patriotique; les manifestations croissantes de l'égoïsme, de la suspicion, de la peur et de la tromperie; l'expansion du terrorisme, de l'illégalité, de l'ivrognerie et du crime; la soif insatiable et la poursuite fiévreuse de la richesse, des plaisirs et des vanités terrestres; l'affaiblissement de la solidarité familiale, le laxisme de la surveillance parentale; la chute complaisante dans la luxure; l'attitude irresponsable vis-à-vis du mariage et la vague montante des divorces qui en résulte; la décadence de la musique et des arts, la contagion de la littérature et la corruption de la presse; l'activité et l'influence croissantes de ces "prophètes de la décadence" qui plaident pour l'union libre, qui prêchent la philosophie du nudisme, qui taxent la modestie de fiction intellectuelle, qui se refusent à considérer la procréation comme l'objet principal et sacré du mariage, qui dénoncent la religion comme étant un opium pour le peuple et qui, si on les laissait faire, ramèneraient la race humaine à la barbarie, au chaos et à l'extinction finale; tels apparaissent les traits caractéristiques d'une société en décadence, une société qui doit ou renaître, ou périr.
Ecroulement de la structure politique et économique
Dans le domaine politique, un déclin semblable, des signes non moins notables de désagrégation et de confusion peuvent être constatés en cet âge qui est le nôtre et dont les historiens futurs pourraient bien reconnaître qu'il fut le préambule du grand âge, dont les jours dorés ne peuvent être encore que vaguement imaginés.
Les événements violents et empreints de passion qui, au cours des dernières années, ont éprouvé au point de la détruire complètement la structure politique et économique de la société, sont trop nombreux et complexes pour, dans les limites de cet aperçu général, tenter d'en estimer adéquatement le caractère. D'ailleurs, ces tribulations, pour cruelles qu'elles aient été, semblent ne pas avoir atteint leur paroxysme et épuisé toute la force de leur puissance destructrice. Le monde entier, de quelque endroit et sous quelque angle que nous l'observions, nous offre le triste et pitoyable spectacle d'un vaste organisme affaibli et moribond, que déchirent politiquement et qu'étranglent économiquement des forces qu'il a cessé de contrôler ou de comprendre. La grande dépression, conséquence des plus dures épreuves que l'humanité ait jamais subies, la désintégration du système de Versailles, la recrudescence du militarisme sous ses aspects les plus menaçants, la faillite de vastes expériences et d'institutions récentes destinées à assurer la paix et la tranquillité des peuples, des classes et des nations ont cruellement désillusionné l'humanité et ont mis son moral au plus bas. Ses espérances se sont, pour la plupart, brisées, sa vitalité a faibli, sa vie s'est étrangement désorganisée, et son unité est gravement compromise.
Sur le continent européen, des haines invétérées et des rivalités croissantes s'agencent, une fois de plus, en des combinaisons destinées à précipiter les tribulations les plus terribles et les plus implacables dont l'humanité ait jamais souffert au cours du long calvaire des nations et des peuples voués au malheur. Sur le continent nord-américain, la détresse économique, la désorganisation industrielle, le mécontentement général suscité par les expériences avortées conçues pour remettre en état l'équilibre économique du pays, l'inquiétude et la crainte que font naître la possibilité de complications politiques en Europe et en Asie; tout cela semble bien présager l'approche de ce qui pourrait se révéler être une des phases les plus critiques de l'histoire de la République américaine. L'Asie, encore dans une large mesure aux prises avec l'une des plus rudes épreuves qu'elle ait connues au cours de sa récente histoire, se voit menacée sur ses frontières orientales par un assaut de forces qui risquent d'intensifier les luttes que l'industrialisation et le nationalisme croissants de ses races émancipées doivent finalement engendrer. Au coeur de l'Afrique flambe l'incendie d'une guerre atroce et sanglante, une guerre qui, quelle qu'en puisse être l'issue, est destinée à exercer, par ses répercussions mondiales, une influence très perturbatrice sur les races et les nations de couleur de l'humanité.
Avec, sous les armes, rien de moins que dix millions d'hommes entraînés et formés au maniement des plus abominables engins destructeurs que la science ait inventés; avec trois fois ce nombre d'individus qui s'agitent et s'irritent sous le joug de races et de gouvernements étrangers; avec une armée tout aussi vaste de citoyens aigris, impuissants à se procurer les marchandises et l'indispensable que d'autres détruisent délibérément; avec une masse plus grande encore d'êtres humains gémissant sous le fardeau d'armements toujours croissants, et appauvris par l'effondrement virtuel du commerce international, avec de tels maux, l'humanité semblerait en définitive être arrivée au début de la phase la plus douloureuse de son existence.
Est-il étonnant que l'un des ministres les plus éminents d'Europe ait délibérément donné cet avertissement au cours d'une récente déclaration : Si la guerre éclate de nouveau sur une grande échelle en Europe, elle doit amener dans son sillage l'effondrement de la civilisation telle que nous la connaissons. Selon le mot de feu Lord Bryce : "Si vous ne tuez pas la guerre, c'est elle qui vous tuera." La pauvre Europe souffre de neurasthénie, atteste une des figures les plus marquantes parmi les dictateurs actuels. Elle a perdu son pouvoir de récupération, la force vitale de cohésion et de synthèse. Une autre guerre nous détruirait. Il est probable, écrit l'un des dignitaires les plus éminents et les plus érudits de l'Église chrétienne, qu'un autre grand conflit européen sera nécessaire pour établir fermement, une fois pour toutes, une autorité internationale. Ce conflit sera la plus horrible des horreurs, et cette génération devra peut-être être appelée à sacrifier des vies par centaines de milliers.
L'échec désastreux des conférences sur l'Économie et le Désarmement; les obstacles auxquels sont confrontées les négociations engagées pour la limitation des armements navals; le retrait des activités et de l'adhésion à la Société des Nations de deux des nations les plus puissantes et les plus fortement armées du monde; l'ineptie du système parlementaire de gouvernement qu'attestent, tant en Europe qu'en Amérique, les événements récents; l'incapacité des leaders et des interprètes du mouvement communiste à justifier le principe tant vanté de la dictature du prolétariat; les périls et les privations auxquels les dirigeants des États totalitaires ont dans les années récentes exposé leurs sujets; tout cela démontre sans l'ombre d'un doute l'impuissance des institutions actuelles à détourner de la société humaine les calamités dont la menace se précise chaque jour davantage. Que reste-t-il, peut se demander une génération désorientée, qui puisse réparer la crevasse qui s'élargit constamment devant elle et qui menace à tout instant de l'engloutir ?
Assaillis de tous côtés par l'accumulation des signes de désintégration, de troubles et de faillites, des hommes et des femmes d'esprit réfléchi, issus d'à peu près toutes les conditions sociales, commencent à douter que la société telle qu'elle est actuellement organisée puisse, livrée à ses seuls efforts, se dégager de la fondrière où elle s'enfonce toujours plus. Tous les systèmes, hormis l'unification de la race humaine, ont été essayés, essayés à de nombreuses reprises, et tous se sont trouvés en défaut. Les guerres se sont succédées, et des conférences sans nombre ont été tenues et ont délibéré. Des traités, des conventions et des pactes ont été péniblement négociés, conclus et révisés. Des systèmes de gouvernement ont été patiemment testés, et continuellement remaniés et remplacés. Des plans économiques de reconstruction ont été soigneusement conçus et méticuleusement exécutés. Et pourtant, les crises ont succédé aux crises, et la rapidité du déclin d'un monde dangereusement instable s'est également accélérée. Un gouffre béant menace d'engloutir, dans une même catastrophe, à la fois les nations satisfaites et les nations insatisfaites, les démocraties et les dictatures, les capitalistes et les salariés, les Européens et les Asiatiques, les juifs et les gentils, les hommes blancs et ceux de couleur. Une providence en colère, pourrait observer un cynique, a abandonné à son sort une planète infortunée et a irrévocablement décidé sa ruine. Cruellement éprouvée et désillusionnée, l'humanité a sans aucun doute perdu son orientation, et elle semble avoir perdu aussi son espoir et sa foi. Elle erre, aveugle et sans guide, au bord du désastre. Un sentiment de fatalité semble l'envahir. L'obscurité qui recouvre sa destinée va s'épaississant à mesure qu'elle s'éloigne de plus en plus de la périphérie de la zone la plus sombre de sa vie agitée pour pénétrer en son coeur même.
Et cependant, tandis que les ombres se font toujours plus profondes, ne pouvons-nous prétendre que des lueurs d'espoir, brillant par intermittence à l'horizon international, apparaissent parfois pour rendre moins lourdes les ténèbres qui encerclent l'humanité ? Ne pourrait-on sincèrement soutenir que, dans un monde de foi incertaine et de pensée troublée, un monde où les armements ne cessent de s'accroître, un monde de haines et de rivalités insatiables, le progrès, si irrégulier soit-il, des forces qui travaillent en harmonie avec l'esprit de cet âge peut déjà être discerné ? Bien que la grande clameur du nationalisme d'après-guerre se fasse tous les jours plus forte et plus insistante, et bien que la Société des Nations soit encore à l'état embryonnaire et que les nuages d'orage qui s'accumulent puissent, pour un temps, éclipser tout à fait ses pouvoirs et oblitérer son fonctionnement, la direction, pourtant, dans laquelle opère l'institution elle-même, est des plus significatives. Les voix qui se sont élevées depuis sa fondation, les efforts qui ont été déployés, le travail qui a déjà été accompli laissent présager les triomphes que cette institution actuellement constituée - ou toute autre qui pourrait prendre sa place - est destinée à remporter.
Le principe de la sécurité collective de Bahá'u'lláh
Un pacte général de sécurité a, depuis sa naissance, été l'objectif central vers lequel les efforts de la Société des Nations ont tendu à converger. Le traité de garantie que ses membres, aux tout premiers stades de son développement, avaient envisagé et discuté; le débat sur le protocole de Genève, dont la discussion suscita plus tard parmi les nations, tant au sein de la Société qu'en dehors d'elle, une si vive controverse; les propositions ultérieures de création des États-Unis d'Europe et d'unification économique de ce continent; et la dernière, mais non la moindre, la politique de sanctions inaugurée par ses membres peuvent être considérés comme les jalons les plus significatifs de son histoire mouvementée. Que non moins de cinquante nations du monde, adhérant toutes à la Société des Nations, aient, après mûre délibération, reconnu et aient été amenées à prononcer leur verdict contre un acte d'agression qu'elles jugeaient avoir été délibérément commis par l'une d'elles, qui compte parmi les premières puissances d'Europe; qu'elles se soient, pour la plupart, mises d'accord pour imposer collectivement des sanctions à l'agresseur condamné et que, dans une large mesure, elles aient réussi à rendre leur décision effective, c'est là, sans aucun doute, un événement sans pareil dans l'histoire humaine. Pour la première fois dans les annales de l'humanité, le système de sécurité collective annoncé par Bahá'u'lláh et expliqué par 'Abdu'l-Bahá a été sérieusement envisagé, discuté et mis à l'épreuve. Pour la première fois dans l'histoire, il a été officiellement reconnu et publiquement déclaré que, pour que ce système de sécurité collective soit effectivement établi, puissance et souplesse sont indispensables - une puissance qui mette en jeu l'usage d'une force suffisante pour assurer l'efficacité du système proposé, et une souplesse propre à rendre une telle organisation capable de répondre aux besoins et aux aspirations légitimes de ses membres lésés. Pour la première fois dans l'histoire humaine, les nations du monde ont tenté un effort pour assumer une responsabilité collective et appuyer d'une réelle préparation à l'action collective leurs engagements verbaux. Et, enfin, pour la première fois dans l'histoire, un mouvement d'opinion publique s'est manifesté pour soutenir le verdict prononcé par les dirigeants et les représentants des nations, et pour assurer une action collective en application d'une telle décision.
Combien claires, combien prophétiques doivent paraître, à la lumière des récents événements internationaux, les paroles prononcées par Bahá'u'lláh : Soyez unie, ô assemblée des souverains de la terre, car ainsi s'apaisera la tempête de la discorde qui souffle parmi vous, et vos peuples trouveront le repos. Si l'un d'entre vous prenait les armes contre un autre, levez-vous tous contre lui, car ce n'est là que justice manifeste. Et, prédisant les efforts qui sont aujourd'hui tentés, il a écrit : Le temps doit venir où la nécessité impérieuse d'une vaste assemblée qui embrasse tous les hommes sera universellement reconnue. Les rois et les dirigeants de la terre devront impérativement y assister et, prenant part à ses délibérations, ils devront considérer les voies et les moyens de poser les fondements de la grande paix du monde parmi les hommes... Et si un roi prend les armes contre un autre, tous conjointement devraient se lever et l'en empêcher.
Les souverains du monde, écrit 'Abdu'l-Bahá, développant ce même thème, doivent conclure un traité irrévocable et établir une convention dont les clauses seront solides, inviolables et précises. Ils doivent la proclamer au monde entier et obtenir pour elle la sanction de toute la race humaine... Toutes les forces de l'humanité doivent être mobilisées en vue d'assurer la stabilité et la permanence de cette plus grande convention... Le principe fondamental sur lequel reposera ce pacte solennel devrait être fixé de telle sorte que, si un gouvernement quelconque s'avisait, plus tard, de violer une de ses clauses, tous les gouvernements de la terre devraient se lever pour le réduire à une soumission complète; bien plus, la race humaine tout entière, avec toutes les ressources dont elle dispose, devrait décider d'intervenir pour détruire ce gouvernement.
Il ne peut y avoir de doute que tout ce qui a déjà été accompli, pour significatif et sans précédent que ce soit dans l'histoire de l'humanité, est encore incommensurablement loin de satisfaire aux exigences essentielles du système anticipé par ces paroles. La Société des Nations, observeront ses adversaires, ne possède pas encore l'universalité qui est la condition prérequise d'une réussite durable dans le règlement efficace des conflits internationaux. Les États-Unis d'Amérique, qui l'ont engendrée, l'ont répudiée et s'en tiennent toujours à l'écart, cependant que l'Allemagne et le Japon, qui figuraient parmi ses plus puissants défenseurs, ont abandonné sa cause et se sont retranchés de son sein. D'autres soutiendront que les décisions auxquelles on est parvenu et l'action engagée jusqu'ici ne devraient être considérées que comme un geste magnifique, plutôt que comme une preuve concluante de l'existence d'une solidarité internationale. D'autres encore peuvent prétendre que, bien qu'un verdict ait été rendu et que des engagements aient été pris, l'action collective doit finalement échouer dans son but ultime, et que la Société elle-même périra, submergée par le flot des tribulations destinées à s'abattre sur la race humaine tout entière. Mais, quoi qu'il advienne, la signification des étapes déjà entreprises ne peut être ignorée. Quel que soit le statut actuel de la Société ou le résultat de son verdict historique, quelques revers et quelques épreuves auxquels elle sera encore appelée à faire face et à subir dans un avenir immédiat, le fait doit être reconnu qu'une décision aussi importante constitue l'un des jalons les plus distinctifs sur la route longue et ardue qui doit la conduire à son but, à ce stade où l'unité du corps entier des nations deviendra le principe directeur de la vie internationale.
Cette étape historique n'est toutefois qu'une faible lueur dans les ténèbres qui enveloppent une humanité désemparée. Elle peut bien s'avérer n'être qu'un bref éclair, une lueur fugitive au milieu d'une confusion qui ne cesse de croître. Le processus de désintégration doit se poursuivre inexorablement, et son influence corrosive doit pénétrer de plus en plus profondément dans le coeur même d'un âge qui s'écroule. Beaucoup de souffrances seront encore nécessaires avant que les nations, les croyances, les classes et les races de l'humanité en lutte se soient fondues dans le creuset de l'affliction universelle, et soient forgées par les feux d'une cruelle épreuve en une communauté organique, un système vaste, unifié et fonctionnant harmonieusement. Des adversités effroyables et impensables, des crises et des bouleversements inimaginables, guerres, famines et pestes, pourraient bien s'allier pour graver dans l'âme d'une génération insouciante ces vérités et ces principes qu'elle a dédaigné de reconnaître et de suivre. Une paralysie plus douloureuse qu'aucune de celles qu'elle a jamais subies doit gagner la structure d'une société disloquée, et l'affliger plus encore avant qu'elle puisse être reconstruite et régénérée.
La civilisation, écrit Bahá'u'lláh, si souvent vantée par des porte-parole érudits des arts et des sciences, si on la laisse franchir les bornes de la modération, apportera aux hommes de grands maux... À se développer avec excès, la civilisation se révélera une source prolifique de mal, tout comme elle a été une source de bien alors qu'on la maintenait dans les limites de la modération... Le jour approche où sa flamme dévorera les cités et où la Langue de grandeur proclamera : "Le royaume est à Dieu, le Tout-Puissant, le Très-Loué." Depuis le moment où la Súriy-i-Ra'ís (la Tablette au Ra'ís) fut révélée, explique-t-il encore, jusqu'au jour présent, le monde n'a jamais connu la paix, et les coeurs de ses peuples n'ont jamais connu le repos. Sa maladie approche du stade du désespoir total, car le vrai médecin est empêché d'administrer le remède, tandis que les praticiens inexpérimentés sont regardés avec faveur et se voient accorder toute liberté d'agir. La poussière de la sédition a assombri le coeur des hommes et aveuglé leurs yeux. Avant longtemps ils se rendront compte des conséquences de ce que leurs mains ont préparé au jour de Dieu. C'est le jour, a-t-il écrit encore, où la terre délivrera son message. Les fauteurs d'iniquité sont pour elle un fardeau... Le Grand Crieur a crié, et les hommes ont été mis en pièces, si grande était la fureur de son courroux ! Les peuples de la main gauche soupirent et gémissent, les peuples de la droite habitent de nobles demeures : ils boivent des mains du Très-Miséricordieux le vin qui est véritablement la vie et ils sont, en vérité, les bienheureux.
La communauté du plus Grand NomQui peuvent être les bienheureux, hormis les membres de la communauté du plus Grand Nom, dont les activités universelles, qui sans cesse se renforcent, constituent le seul processus d'intégration en un monde dont les institutions, tant séculières que religieuses, sont pour la plupart en train de se désintégrer ? Ceux-là sont vraiment les peuples de sa droite, et leur noble demeure est établie sur les fondations de l'ordre mondial de Bahá'u'lláh, l'arche du salut éternel en ce jour très douloureux. Parmi toutes les tribus de la terre, eux seuls peuvent reconnaître, dans le tumulte d'un âge agité, la main du rédempteur divin qui trace sa voie et contrôle sa destinée. Eux seuls ont conscience de la croissance silencieuse de cette communauté politique mondiale ordonnée dont ils sont en train de tisser la toile.
Conscients de leur haute vocation, confiants dans le pouvoir de reconstruction de la société que possède leur foi, ils vont résolument de l'avant, sans peur et sans découragement, et s'efforcent de façonner et de perfectionner les instruments nécessaires grâce auxquels l'ordre mondial encore embryonnaire de Bahá'u'lláh pourra mûrir et se développer. C'est ce processus constructeur, lent et discret, auquel la vie de la communauté universelle bahá'íe est entièrement consacrée, qui constitue l'unique espoir d'une société éprouvée. Car ce processus est animé par l'influence génératrice de l'immuable dessein de Dieu, et il se déroule dans le cadre de l'ordre administratif de sa foi.
Dans un monde dont la structure des institutions politiques et sociales est ébranlée, dont la vision est embrumée, dont la conscience est désorientée, dont les systèmes religieux sont devenus anémiques et ont perdu leur vertu, cet agent curateur, cette puissance transformatrice, cette force cohésive, intensément vivante et envahissant tout, a pris forme, se concrétise sous forme d'institutions, mobilise ses forces et se prépare à la conquête spirituelle et à la rédemption totale de l'humanité. Bien que la société en laquelle s'incarne ses idéaux soit réduite et que ses gains tangibles et directs soient encore peu considérables, les virtualités dont elle a été dotée, et par lesquelles elle est destinée à régénérer l'individu et à reconstruire un monde disloqué, sont incalculables.
Durant près d'un siècle, dans le fracas et le tumulte d'un âge égaré et en dépit des persécutions que n'ont cessé de subir ses dirigeants, ses institutions et ses fidèles, cette foi a réussi à préserver son identité, à renforcer sa puissance et sa stabilité, à maintenir son unité organique, à garantir l'intégrité de ses lois et de ses principes, à ériger ses défenses, et à étendre et affermir ses institutions. Nombreuses et puissantes ont été les forces qui, tant en son sein que de l'extérieur et dans tous les pays proches et lointains, ont intrigué dans le but d'éteindre sa lumière et d'abolir son saint nom. D'aucuns ont renoncé à ses principes et ont ignominieusement trahi sa cause. D'autres ont lancé contre elle les plus violents anathèmes que les dirigeants aigris des institutions ecclésiastiques puissent jamais prononcer. D'autres encore l'ont abreuvée des afflictions et des humiliations que seule une autorité souveraine, agissant dans la plénitude de ses pouvoirs, peut infliger.
Tout ce que ses ennemis, déclarés et secrets, pouvaient espérer réaliser était de retarder son développement et d'obscurcir momentanément ses intentions aux yeux du monde. Ce qu'ils accomplirent en réalité fut de purger et de purifier sa vie, de la pousser à atteindre une plus grande profondeur, de galvaniser son âme, d'émonder ses institutions et de cimenter son unité. Jamais ils ne sont parvenus à créer un schisme, une scission durable dans le vaste corps de ses adhérents.
Ceux qui trahirent sa cause, ses adhérents tièdes et pusillanimes, dépérirent et tombèrent comme des feuilles mortes, sans avoir réussi à ternir son éclat ni à mettre sa structure en péril. Ses plus implacables adversaires, ceux qui l'assaillirent de l'extérieur, furent précipités du haut de leur puissance et, de la plus étonnante façon, rencontrèrent leur funeste destin. La Perse avait été la première à la réprimer et à s'y opposer. Ses monarques étaient misérablement tombés, leur dynastie s'était effondrée, leur nom était exécré, la hiérarchie qui avait été leur alliée et avait soutenu leur État en déclin était à son tour entièrement discréditée. La Turquie - qui, par trois fois, avait banni son fondateur et lui avait infligé un cruel emprisonnement à vie - était passée par une des plus sévères épreuves et des plus profondes révolutions que son histoire ait jamais enregistrées, elle s'était réduite, de l'un des plus puissants empires du monde, à une petite république asiatique; son sultanat était supprimé, sa dynastie renversée, son califat - l'institution la plus puissante de l'islám - aboli.
Entre-temps, la foi qui avait été l'objet de si monstrueuses trahisons et la cible de si tristes assauts croissait en force de jour en jour et ne cessait d'aller de l'avant, sans se laisser intimider ni diviser par les blessures qu'elle avait reçues. Au milieu des épreuves, elle avait inspiré à ses loyaux disciples une résolution qu'aucun obstacle, si formidable fût-il, ne pouvait saper; elle avait allumé dans leur coeur une foi qu'aucun malheur, aussi sombre fût-il, ne pouvait éteindre. Elle avait infusé dans leur coeur une espérance qu'aucune force, si déterminée fût-elle, ne pouvait briser.
Une religion mondialeCessant de se présenter comme un mouvement, une fraternité et sous d'autres noms semblables - des dénominations qui constituaient une injustice grave envers son système en développement constant -, se dissociant des appellations telles que secte Bábíe, culte asiatique, rejeton de l'islám shiite, avec lesquelles les ignorants et les malveillants avaient l'habitude de la décrire, refusant d'être qualifiée de simple philosophie de vie, ou de code éclectique de conduite éthique, ou même de religion nouvelle, la foi de Bahá'u'lláh réussit visiblement aujourd'hui à démontrer son droit et son titre de religion mondiale, destinée à atteindre, quand les temps seront révolus, le statut d'une fédération englobant le monde, qui serait tout à la fois l'instrument et le gardien de la plus grande paix annoncée par son auteur. Loin d'aspirer à augmenter le nombre des systèmes religieux dont les loyalismes en conflit ont, depuis tant de générations, troublé la paix de l'humanité, cette foi instille en chacun de ses adhérents un amour nouveau pour les diverses religions représentées dans son sein, en même temps qu'une appréciation authentique de l'unité qui les sous-tend.
Elle est comme une vaste étreinte rassemblant tous ceux qui cherchent depuis longtemps des paroles d'espoir, voici comment une personne royale a rendu témoignage de sa revendication et de son rang. Elle accepte tous les grands prophètes venus avant elle, ne détruit aucun autre credo, et laisse ouvertes toutes les portes. L'enseignement bahá'í, a-t-elle encore écrit, apporte la paix à l'âme et l'espoir au coeur. À ceux qui cherchent une assurance, les paroles du Père sont comme une fontaine dans le désert après une longue errance. Leurs écrits, a-t-elle témoigné dans une autre déclaration à propos de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá, sont un grand appel à la paix, qui porte au-delà de toutes limites de frontières, s'élève au-dessus de toutes les dissensions au sujet de rites et de dogmes... C'est un message merveilleux que nous ont donné Bahá'u'lláh et son fils 'Abdu'l-Bahá. Ils ne l'ont point délivré dans un esprit agressif, sachant que le germe de la vérité éternelle qu'il porte en lui ne peut que prendre racine et se répandre. Si jamais le nom de Bahá'u'lláh ou de 'Abdu'l-Bahá tombe sous vos yeux, est sa supplique en guise de conclusion, n'écartez point de vous leurs écrits. Recherchez leurs livres, et laissez leurs paroles et leçons glorieuses, pacificatrices et génératrices d'amour pénétrer dans vos coeurs comme elles ont pénétré dans le mien.
La foi de Bahá'u'lláh a assimilé, par la vertu de ses énergies créatrices qui modèrent et ennoblissent, les diverses races, nationalités, credos et classes qui ont recherché son ombre protectrice et ont voué à sa cause une fidélité inébranlable. Elle a changé le coeur de ses adeptes, réduit en cendres leurs préjugés, apaisé leurs passions, exalté leurs conceptions, ennobli leurs motivations, coordonné leurs efforts et transformé leurs conceptions. Tout en préservant leur patriotisme et en sauvegardant leurs loyalismes mineurs, elle leur a donné l'amour de l'humanité et en a fait les défenseurs résolus de ses vrais intérêts. Tout en laissant intacte leur croyance en l'origine divine de leurs religions respectives, elle leur a permis de visualiser le but sous-jacent de ces religions, de découvrir leurs mérites, de reconnaître leur succession, leur interdépendance, leur complétude, leur unité, et de constater le lien vital qui les rattache à elle. Cet amour universel, cet amour transcendant que les fidèles de la foi bahá'íe ressentent pour leurs semblables - quelles que soient leur race, leur nationalité, leur classe ou leur doctrine - n'a rien de mystérieux, et l'on ne peut pas dire non plus qu'il ait été stimulé artificiellement. Il est à la fois spontané et sincère. Ceux dont le coeur est réchauffé par l'influence vivifiante de l'amour créateur de Dieu chérissent ses créatures par amour pour Lui, et reconnaissent dans chaque visage humain un reflet de sa gloire.
À propos de tels hommes et de telles femmes, l'on peut dire en vérité que "toute terre étrangère leur est terre natale, et toute terre natale leur est terre étrangère". Car leur citoyenneté, il faut s'en souvenir, est dans le royaume de Bahá'u'lláh. Bien que prêts à partager pleinement les avantages séculiers et les joies éphémères que peut accorder cette vie terrestre, bien qu'avides de participer à toute activité qui mène à l'abondance, au bonheur et à la paix en cette vie, ils ne peuvent jamais oublier qu'il ne s'agit que d'une étape transitoire, très brève, de leur existence, qu'ils ne sont que des pèlerins et des voyageurs dont le but est la cité céleste, et dont le foyer est le pays de joie et de lumière perpétuelles.
Bien qu'ils soient loyaux envers leurs gouvernements respectifs, bien qu'ils soient profondément intéressés par tout ce qui affecte leur sécurité et leur bien-être, bien qu'ils soient très désireux de participer à tout ce qui favorise leurs meilleurs intérêts, la foi à laquelle les adeptes de Bahá'u'lláh s'identifient est une foi qui a été élevée par Dieu au-dessus des tempêtes, des divisions et des controverses de l'arène politique. Leur foi, ils la conçoivent comme essentiellement apolitique, supranationale, rigoureusement non partisane et entièrement dissociée des ambitions, des activités et des desseins nationalistes. Une telle foi ne connaît pas de division de classe ou de parti. Elle subordonne, sans hésitation et sans équivoque, tous les intérêts particuliers, qu'ils soient personnels, régionaux ou nationaux, à l'intérêt supérieur de l'humanité, fermement convaincue que, dans un monde de nations et de peuples interdépendants, l'avantage d'une partie s'obtient le mieux par celui de l'ensemble, et qu'un bénéfice durable ne peut être conféré aux parties composantes si l'intérêt général du tout est ignoré ou négligé.
Il n'est donc guère étonnant que, par la plume de Bahá'u'lláh, ces paroles fécondes, écrites en anticipation de l'état présent de l'humanité, aient été révélées : Il n'a pas à être fier de lui, celui qui n'aime que son propre pays, car cette fierté appartient plutôt à celui qui aime le monde entier. La terre n'est qu'un seul pays et tous les hommes en sont les citoyens. Et encore : Celui-là en effet est un homme qui, aujourd'hui, se dévoue au service de la race humaine tout entière. Grâce à la puissance libérée par ces paroles exaltées, explique-t-il, il a donné une nouvelle impulsion et a établi une nouvelle direction aux oiseaux des coeurs des hommes, et il a effacé toute trace de restriction et de limitation du saint livre de Dieu.
De plus, croient fermement les Bahá'ís, leur foi ne relève pas d'une appellation particulière, elle n'est pas sectaire, et elle est absolument indépendante de tout système ecclésiastique, quelles qu'en soient les formes, l'origine ou les activités. Il n'est pas d'organisation ecclésiastique, avec ses credos, ses traditions, ses limitations et ses vues exclusives (de même qu'il n'est pas de factions, de partis, de systèmes et de programmes politiques actuellement existants) qui puisse être déclarée conforme, en tous ses aspects, aux principes cardinaux de la croyance bahá'íe. Tout fidèle consciencieux de la foi de Bahá'u'lláh peut sans doute souscrire sans difficulté à quelques-uns des principes et des idéaux qui animent les institutions politiques et ecclésiastiques. À aucune d'entre elles il ne pourrait toutefois s'identifier ni adhérer sans réserve aux credos, aux principes et aux programmes sur lesquels elles se fondent.
Comment une foi - il faut garder ceci à l'esprit - dont les institutions divinement ordonnées ont été établies sous la juridiction d'au moins quarante 1 pays différents dont la politique et les intérêts de chacun des gouvernements s'opposent constamment, et deviennent chaque jour plus complexes et plus confus, comment une telle foi, si elle permet à ses adhérents de se mêler, soit individuellement, soit par la voie de ses corps constitués, aux activités politiques, peut-elle réussir à préserver l'intégrité de ses enseignements et à sauvegarder l'unité de ses fidèles ? Comment peut-elle assurer le développement vigoureux, paisible et ininterrompu de ses institutions en expansion ? Comment une foi mise en contact, par ses ramifications, avec des systèmes religieux, des sectes et des confessions mutuellement incompatibles peut-elle être en position, si elle permet à ses adhérents de souscrire à des observances et à des doctrines surannées, de réclamer une allégeance inconditionnelle de la part de ceux qu'elle s'efforce d'incorporer dans son système divinement établi ? Comment peut-elle éviter les frictions, les malentendus et les controverses constantes qu'une affiliation formelle, distincte d'une association, doit inévitablement engendrer?
Ces principes directeurs et régulateurs de la croyance bahá'íe, les défenseurs de la cause de Bahá'u'lláh, à mesure que leur ordre administratif s'étend et se consolide, se sentent tenus de les sanctionner et de les appliquer avec vigilance. Les exigences d'une foi qui se cristallise lentement leur imposent un devoir qu'ils ne peuvent esquiver, une responsabilité qu'ils ne peuvent écarter.
Et ils ne sont pas moins soucieux de la nécessité impérieuse de soutenir et de mettre en application les lois édictées par Bahá'u'lláh, qu'il faut distinguer de ses principes; tous deux constituant la chaîne et la trame des institutions sur lesquelles doit finalement reposer la structure de son ordre mondial. Pour démontrer leur utilité et leur efficacité, pour les mettre à exécution et les faire appliquer, pour sauvegarder leur intégrité, pour saisir leurs implications et pour faciliter leur propagation, les communautés bahá'íes de l'Est, et récemment celles de l'Ouest, déploient les plus grands efforts et sont disposées à faire, si nécessaire, tous les sacrifices requis. Le jour n'est peut-être pas éloigné où, dans certains pays de l'Est dont les communautés religieuses exercent leur propre juridiction en matière de statut personnel, les assemblées bahá'íes pourront être appelées à assumer les devoirs et les responsabilités incombant à des cours de justice bahá'íes officiellement constituées. Elles auront qualité pour exécuter et appliquer, en matière de mariage, de divorce et d'héritage, dans leurs juridictions respectives et avec la sanction des autorités civiles, les lois et les ordonnances qui ont été expressément prévues dans leur plus saint Livre.
La foi de Bahá'u'lláh a, outre ces tendances et ces activités dont témoigne maintenant son évolution, démontré dans d'autres domaines, et partout où a pénétré l'éclat de sa lumière, la puissance de sa force cohésive, de son pouvoir d'intégration et de son esprit invincible. Par l'édification et la consécration, au coeur de l'Amérique du Nord, de sa maison d'adoration; par la construction et la multiplication de ses sièges administratifs dans son pays d'origine et dans les pays voisins; par la création d'instruments légaux destinés à sauvegarder et à régler la vie corporative de ses institutions; par l'accumulation de ressources appropriées, tant matérielles que culturelles, sur chaque continent du globe; par les dotations qu'elle s'est constituées aux environs immédiats de ses tombeaux au centre mondial; par les efforts qu'elle déploie pour collecter, vérifier et systématiser les écrits de ses fondateurs; par les mesures qui sont prises actuellement en vue de l'acquisition des sites historiques associés à la vie de son précurseur et de son auteur, de ses héros et de ses martyrs; par les fondations qui sont posées en vue de la formation et de l'établissement progressifs de ses institutions d'ordre éducatif, culturel et humanitaire; par les efforts vigoureux qui sont déployés pour sauvegarder le caractère, pour stimuler les initiatives et coordonner les activités mondiales de sa jeunesse; par la vitalité extraordinaire avec laquelle ses vaillants défenseurs, ses représentants élus, ses enseignants itinérants et ses administrateurs pionniers plaident sa cause, reculent ses frontières, enrichissent sa littérature et affermissent la base de ses conquêtes et de ses triomphes spirituels; par la reconnaissance officielle que les autorités civiles ont, dans certains cas, été amenées à accorder au corps de ses représentants locaux et nationaux, leur permettant de constituer leurs conseils, d'établir leurs institutions auxiliaires et de sauvegarder leurs dotations; par les facilités que ces mêmes autorités ont consenti à accorder à l'établissement de leurs tombeaux, de leurs édifices consacrés et de leurs institutions d'éducation; par l'enthousiasme et la détermination avec lesquels certaines communautés qui avaient été sévèrement éprouvées et harcelées ont repris leurs activités; par les hommages spontanément rendus par des rois, des princes, des hommes d'État et des érudits à la sublimité de sa cause et au rang de ses fondateurs; par tout cela et par beaucoup d'autres choses encore, la foi de Bahá'u'lláh prouve sans l'ombre d'un doute son caractère viril et son aptitude à neutraliser les influences destructrices auxquelles sont soumis les systèmes religieux, les normes morales et les institutions politiques et sociales.
De l'Islande à la Tasmanie, de Vancouver à la mer de Chine se répand le rayonnement et s'étendent les ramifications de ce système qui enveloppe le monde, de cette fraternité aux multiples nuances et à l'unité fermement établie qui infuse à chaque homme et à chaque femme qu'elle a gagné à sa cause une foi, une espérance et une vigueur qu'une génération égarée a depuis longtemps perdues et est impuissante à retrouver. Ceux qui président aux destinées immédiates de ce monde troublé et portent la responsabilité de son état chaotique, de ses craintes, de ses doutes et de ses misères feront bien, dans leur désorientation, de poser leur regard et de méditer en leur coeur sur les signes de cette grâce salvatrice du Tout-Puissant qui se trouve à leur portée, une grâce qui peut alléger leur fardeau, résoudre leurs perplexités et illuminer leur route.
Le jugement divinL'humanité tout entière se lamente, se meurt du désir d'être conduite à l'unité et d'atteindre le terme de son long martyre. Et pourtant, elle refuse obstinément d'embrasser la lumière et de reconnaître l'autorité souveraine de la seule puissance qui puisse la tirer de son embarras et détourner d'elle l'affligeante calamité qui menace de l'engloutir.
Elle est lourde de menaces, en effet, la voix de Bahá'u'lláh qui résonne dans ces paroles prophétiques : Ô vous, peuples du monde ! Sachez, en vérité, qu'une calamité imprévue vous poursuit, et qu'un châtiment cruel vous attend. Ne pensez point que les méfaits que vous avez commis ont été effacés de ma vue. Et encore : Nous avons fixé votre heure, ô peuples. Si, à l'heure désignée, vous négligez de vous tourner vers Dieu, sa main en vérité s'appesantira violemment sur vous, et de douloureuses afflictions vous assailliront de tous côtés. Qu'il est cruel, en vérité, le châtiment par lequel votre Seigneur vous châtiera !
Faut-il que l'humanité, déjà si tourmentée, soit affligée de tribulations plus sévères encore, avant que leur influence purificatrice puisse la préparer à entrer dans le royaume céleste qui doit s'établir sur la terre ? Faut-il que l'instauration d'une ère aussi unique, aussi vaste, aussi lumineuse de l'histoire humaine soit précédée d'une catastrophe telle, dans les affaires humaines, qu'elle rappelle, et même surpasse, l'effroyable effondrement de la civilisation romaine aux premiers siècles de l'ère chrétienne ? Faut-il qu'une série de convulsions profondes agite et secoue la race humaine avant que Bahá'u'lláh puisse trôner dans le coeur et la conscience des masses, avant que son ascendance indiscutable soit reconnue universellement, et que soit élevé et établi le noble édifice de son ordre mondial ?
Les longs siècles de première et de seconde enfance par lesquels a dû passer la race humaine s'estompent dans le passé. L'humanité fait maintenant l'expérience des troubles invariablement associés au stade le plus tumultueux de son évolution, le stade de l'adolescence, quand l'impétuosité de la jeunesse et sa véhémence atteignent leur point culminant, avant de faire progressivement place au calme, à la sagesse et à la maturité qui caractérisent le stade de l'âge adulte. Alors, la race humaine atteindra cette stature, cette maturité qui la rendra capable d'acquérir tous les pouvoirs et toutes les capacités dont doit dépendre son développement ultime.
Le but : l'unification du mondeL'unification de l'humanité tout entière est le signe du stade qu'approche à présent la société humaine. L'unité de la famille, celle de la tribu, de la cité, de la nation a été successivement tentée et pleinement établie. L'unité du monde est maintenant le but que s'efforce d'atteindre une humanité harassée. L'édification des nations a pris fin. L'anarchie inhérente à la souveraineté d'État va vers son point culminant. Un monde qui progresse vers sa maturité doit abandonner ce fétiche, il doit reconnaître l'unité et la totalité organique des relations humaines, et établir une fois pour toutes le mécanisme qui incarne le mieux ce principe fondamental de son existence.
Une vie nouvelle, proclame Bahá'u'lláh, s'éveille en cet âge chez tous les peuples de la terre; et pourtant personne n'en a découvert la cause ou perçu le dessein. Ô vous, enfants des hommes, écrit-il en s'adressant à sa génération, le but fondamental qui anime la foi de Dieu et sa religion est de sauvegarder les intérêts de la race humaine et d'en promouvoir l'unité... Tel est le chemin droit, la base fixe et immuable. Ce qui est édifié sur cette base, ni les changements et les hasards du monde ne pourront jamais en diminuer la force, ni la révolution des siècles sans nombre en miner la structure. Le bien-être de l'humanité, déclare-t-il, sa paix et sa sécurité ne pourront être obtenus aussi longtemps que son unité ne sera pas fermement établie. Si puissante est la lumière de l'unité, dit-il dans un autre témoignage, qu'elle peut illuminer la terre entière. Le seul vrai Dieu, Lui qui sait toutes choses, rend Lui-même témoignage de la vérité de ces paroles... Ce but surpasse tous les autres buts, et cette aspiration est la reine de toutes les aspirations. Celui qui est votre Seigneur, le Très-Miséricordieux, a-t-il encore écrit, chérit en son coeur le désir de voir la race humaine tout entière ne former qu'une seule âme et un seul corps. Hâtez-vous de gagner votre part de la grâce et de la miséricorde divines en ce jour qui éclipse tous les autres jours créés.
L'unité de la race humaine, telle que la conçoit Bahá'u'lláh, suppose l'établissement d'une communauté universelle où toutes les nations, les races, les croyances et les classes sont étroitement et définitivement unies, où l'autonomie des États membres ainsi que la liberté et les initiatives personnelles des individus qui les composent sont complètement et catégoriquement sauvegardées. Cette communauté, autant que nous puissions l'imaginer, doit comporter une législature universelle dont les membres, en tant que mandataires de l'humanité tout entière, auront en fin de compte le contrôle de l'ensemble des ressources de toutes les nations qui la composeront, et édicteront les lois nécessaires pour régler la vie, pourvoir aux besoins et harmoniser les relations de tous les peuples et de toutes les races. Un pouvoir exécutif mondial, s'appuyant sur une force internationale, veillera à l'exécution des décisions arrêtées par cette assemblée mondiale, à l'application des lois qu'elle aura votées, et à la sauvegarde de l'unité organique de la communauté tout entière. Un tribunal mondial se prononcera et délivrera son verdict final et contraignant dans tous les conflits qui pourront s'élever entre les divers éléments qui constituent ce système universel. Un mécanisme d'intercommunication mondiale sera imaginé qui embrassera toute la planète, qui sera affranchi des entraves et des restrictions nationales et fonctionnera avec une rapidité merveilleuse et une régularité parfaite. Une métropole mondiale agira comme le centre nerveux d'une civilisation mondiale, le foyer vers lequel convergeront toutes les forces unificatrices de la vie, et d'où rayonneront ses influences vivifiantes. Une langue universelle sera inventée, ou choisie parmi celles qui existent déjà, et enseignée dans les écoles de toutes les nations fédérées comme langue auxiliaire de la langue maternelle. Une écriture universelle, une littérature universelle, un système uniforme et universel de monnaie, de poids et de mesures viendront simplifier et faciliter les relations et la compréhension entre les nations et les races de l'humanité. Dans une telle société mondiale, les deux forces les plus puissantes de la vie humaine, la religion et la science, seront réconciliées, elles coopéreront et se développeront dans l'harmonie. La presse, tout en donnant libre cours à l'expression des vues et des convictions diverses du genre humain, cessera d'être manipulée pernicieusement par des intérêts privés ou publics, et sera libérée de l'influence des gouvernements et des peuples en conflit. Les ressources économiques du monde seront organisées, les sources de matières premières seront détectées et pleinement utilisées, les marchés seront coordonnés et développés, et la distribution des produits sera réglée équitablement.
Rivalités, haines et intrigues entre nations cesseront, et les animosités et les préjugés raciaux feront place à l'amitié raciale, à la compréhension et à la coopération. Les causes de luttes religieuses seront à jamais écartées, les barrières et les restrictions économiques totalement abolies, et la distinction excessive entre les classes sera supprimée. L'indigence d'une part, et l'accumulation des richesses de l'autre, disparaîtront. Les énergies immenses que la guerre économique ou politique dissipe et gaspille seront consacrées à étendre la portée des inventions humaines et du développement technologique, à accroître la productivité de l'humanité, à exterminer la maladie, à pousser plus avant la recherche scientifique, à hausser le niveau de la santé physique, à rendre le cerveau humain plus vif et plus subtil, à exploiter les ressources de la planète jusque-là inemployées et insoupçonnées, à prolonger la vie humaine, et à développer tout autre moyen propre à stimuler la vie intellectuelle, morale et spirituelle de la race humaine tout entière.
Un système de fédération universelle qui régisse la terre entière et exerce sur ses ressources, d'une inimaginable ampleur, une autorité à l'abri de toute discussion, qui incarne et fusionne l'idéal de l'Est et celui de l'Ouest, qui soit affranchi de la malédiction de la guerre et de ses misères, qui tende à l'exploitation de toutes les sources d'énergie disponibles à la surface de la planète, un système dans lequel la force est mise au service de la justice, et dont la vie est soutenue par la reconnaissance universelle d'un seul Dieu et l'obéissance à une seule révélation commune, tel est le but vers lequel les forces unificatrices de la vie poussent l'humanité.
L'un des grands événements qui doivent se produire le jour de la manifestation de cette Branche incomparable, affirme 'Abdu'l-Bahá, est la levée de l'étendard de Dieu parmi toutes les nations. Ceci veut dire que toutes les nations et toutes les tribus seront rassemblées à l'ombre protectrice de cette bannière divine qui n'est autre que la Branche majestueuse elle-même, et elles deviendront une seule nation. L'antagonisme religieux et sectaire, l'hostilité entre les peuples et les races, et les différences entre les nations seront éliminés. Tous les hommes adhéreront à une seule religion, professeront une foi commune, se fondront en une seule race et deviendront un seul peuple. Tous demeureront dans une patrie commune qui est la planète elle-même. Dès maintenant dans le monde de l'existence, a-t-il encore expliqué, la Main de la puissance divine a posé fermement les bases de cette bonté très élevée et de ce don merveilleux. Tout ce qui est latent au coeur de ce cycle sacré apparaîtra progressivement et sera rendu manifeste, car nous ne sommes encore qu'au début de sa croissance, à l'aube de la révélation de ses signes. Avant la fin de ce siècle et de cet âge, il deviendra clair et évident combien merveilleuse était cette vague printanière et combien céleste était ce don.
Non moins captivante est la vision d'Isaïe, le plus grand des prophètes hébraïques, qui prédisait déjà il y a deux mille cinq cents ans le destin que doit, au stade de sa maturité, accomplir l'humanité : Il jugera entre les nations, il sera l'arbitre de peuples nombreux. Ils briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes. On ne lèvera plus l'épée nation contre nation, on n'apprendra plus à faire la guerre... Un rejeton sortira de la souche de Jessé, un surgeon poussera de ses racines... Il frappera le pays de la férule de sa bouche, et du souffle de ses lèvres fera mourir le méchant. La justice sera la ceinture de ses reins, et la fidélité la ceinture de ses hanches. Le loup habitera avec l'agneau, la panthère se couchera avec le chevreau. Le veau, le lionceau et la bête grasse iront ensemble... Le nourrisson jouera sur le repaire de l'aspic, sur le trou de la vipère le jeune enfant mettra la main. On ne fera plus de mal ni de violence sur toute ma montagne sainte, car le pays sera rempli de la connaissance de Yahvé, comme les eaux couvrent le fond de la mer.
L'auteur de l'Apocalypse, préfigurant la gloire millénaire que doit attester une humanité rachetée et exultante, a rendu un témoignage semblable : Puis je vis un ciel nouveau, une terre nouvelle - car le premier ciel et la première terre ont disparu, et de mer, il n'y en a plus. Et je vis la Cité sainte, Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, de chez Dieu; elle s'est faite belle, comme une jeune mariée parée pour son époux. J'entendis alors une voix clamer, du trône : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes. Il aura sa demeure avec eux; ils seront son peuple, et lui, Dieu-avec-eux, sera leur Dieu. Il essuiera toute larme de leurs yeux; de mort, il n'y en aura plus; de pleur, de cri et de peine, il n'y en aura plus, car l'ancien monde s'en est allé."
Qui peut douter qu'un tel accomplissement - l'entrée de la race humaine dans l'âge de sa majorité - doive signaler à son tour l'inauguration d'une civilisation mondiale telle que nul oeil mortel n'en a encore contemplée ou que nul esprit humain n'en a encore conçue ? Qui peut imaginer le niveau élevé qu'une telle civilisation est destinée à atteindre au fur et à mesure qu'elle se développera ? Qui peut mesurer les sommets vers lesquels l'intelligence humaine, libérée de ses entraves, est capable de s'élever ? Qui peut se représenter les royaumes que découvrira l'esprit humain, vivifié par la diffusion de la lumière de Bahá'u'lláh qui brillera dans la plénitude de sa gloire ?
Quelle conclusion plus pertinente donner à ce sujet que ces paroles de Bahá'u'lláh, écrites en anticipation de l'âge d'or de sa foi, l'âge où la face de la terre, d'un Pôle à l'autre, reflétera les ineffables splendeurs du paradis d'Abhá ? Voici le jour où rien ne peut être vu excepté les splendeurs de la lumière qui rayonne de la face de ton Seigneur, le Clément, le Très-Généreux. En vérité, par la vertu de Notre irrésistible et toute conquérante souveraineté, Nous avons fait expirer chaque âme. En gage de Notre faveur envers les hommes, Nous avons alors appelé à l'existence une création nouvelle. Je suis, en vérité, le Très-Généreux, l'Ancien des jours. Voici le jour où le monde invisible crie : "Grande est ta béatitude, ô terre, car tu es devenue l'escabeau de ton Seigneur, et tu as été choisie pour être le siège de son puissant trône !" Le royaume de gloire s'exclame : "Puissé-je sacrifier ma vie pour toi, car celui qui est le Bien-Aimé du Très-Miséricordieux, par la puissance de son nom qui a été promis à toutes choses passées et à venir, a établi sur toi sa souveraineté."
Shoghi.Sultán de l'Empire turc ottoman (règne 1861-1876) qui bannît Bahá'u'lláh de Constantinople (Istanbul) à Edirne (Andrinople) en 1863, et finalement à 'Akká en 1868.
'Abdu'l-Hamíd II:Sultán de l'Empire turc ottoman (règne 1876-1909). Suite aux intrigues de Mirza Muhammad-'Alí en 1901, il limita la liberté de 'Abdu'l-Bahá, le confinant lui et sa famille à l'intérieur des murs d''Akká.
Abhá:Superlatif de "Bahá" (la Gloire), signifie "le plus Glorieux".
La Beauté d'Abhá : Bahá'u'lláh.Le Royaume d'Abhá : l'autre monde, le royaume où passent les âmes après la mort.
Afnán:(Rameaux) Les descendants des deux frères de l'épouse du Báb et des oncles maternels de celui-ci.
Aghsán:(Branches, pluriel de ghusn) La famille de Bahá'u'lláh, spécifiquement ses fils et ses descendants.
Ahmad (Shaykh):Fondateur de l'École Shaykhí, dont les doctrines ont préparé la venue du Báb.
'Akká:Nom arabe de la ville de Saint-Jean-d'Acre, située près d'Haïfa sur la côte israélienne. Au dix-neuvième siècle, cette ville servit de ville prison (sous la domination de l'Empire turc).
Le prisonnier d''Akká : Bahá'u'lláh.Cousin et beau fils du prophète Muhammad; pour les musulmans shiites, successeur élu du prophète et premier des douze Imáms.
Ancienne Beauté (l'):Secrétaire de Bahá'u'lláh. À 16 ans il rencontra Bahá'u'lláh à Karbilá, et il fut le premier à qui Bahá'u'lláh donna un aperçu de son rang, des années avant sa déclaration publique.
Archibriseur (l'):Ouvrage racontant l'histoire des héros et martyrs des premiers jours de l'ère Bábíe et bahá'íe, écrit par Mullá
Muhammad-i-Zarandí (Nabíl-i-A'zam).Prophètes majeurs, fondateurs de religions, honorés d'un Livre (voir Kitáb-i-Íqán, édition anglaise, p. 216).
Dispensation:Dans la terminologie chrétienne, ce mot désigne une étape des relations de Dieu avec les créatures : c'est ainsi que l'on parle de la dispensation patriarcale, de celle de Moïse, de la dispensation chrétienne.
Esprit fidèle (l'):Titre partagé par le Báb et Bahá'u'lláh (parfois traduit par Grande Annonce).
Grand Nom (le plus):Selon la tradition islamique, parmi les différents noms de Dieu, il y en a un qui est le plus grand, mais l'identité de celui-ci reste cachée jusqu'au jour de la Grande Résurrection. Pour les Bahá'ís, le plus Grand Nom est "Bahá", qui signifie gloire, splendeur ou lumière.
Hijáz:Hedjaz, royaume d'Arabie, capitale La Mecque, où naquit Muhammad.
Kaaba:(ou ka'bih) littéralement : le cube. Construction en forme de cube dans la cour de la Grande Mosquée de La Mecque, qui contient la pierre noire sacrée. Dans la littérature bahá'íe, ce terme est utilisé métaphoriquement et réfère à Bahá'u'lláh.
Karbilá (plaine de):Ville où se trouve le tombeau de l'Imám H. usayn en 'Iráq, également lieu de son martyre.
Kitáb-i-'Ahd(í):Livre de l'Alliance de Bahá'u'lláh. Le testament contenant les volontés de Bahá'u'lláh, écrit entièrement de sa main et descellé le neuvième jour après sa mort.
Kitáb-i-Aqdas:Le plus Saint Livre. Livre des lois de Bahá'u'lláh, révélé à 'Akká en 1873, alors qu'il résidait dans la maison de 'Údí Khammár.
Kitáb-i-Badí':Livre écrit par Bahá'u'lláh pour démontrer la validité de sa cause, en réponse aux accusations portées contre lui par Mirza Mihdíy-i-Gílání.
Kitáb-i-Íqán:Le livre de la Certitude. Volume révélé par Bahá'u'lláh à Baghdád deux ans avant sa déclaration. Écrit en deux jours et deux nuits, en réponse à des questions que lui posa un oncle du Báb, qui n'était pas convaincu que son neveu remplissait bien toutes les prophéties concernant le Qá'im promis.
Lawh:Forteresse à quatre tours située près d'un village du même nom, dans le nord-ouest de l'Ádharbáyjan, et dans laquelle le Báb fut emprisonné pendant neuf mois.
Mains de la Cause :Personnes désignées d'abord par Bahá'u'lláh, ensuite par
de Dieu:Shoghi Effendi, qui étaient chargées des tâches spécifiques de protection et propagation de la foi.
Mashriqu'l-Adhkár:Lieu de prières, de dévotion ou de lecture de la parole révélée. En général, la maison d'adoration bahá'íe ou le temple et leurs dépendances. Le Mashriqu'l-Adhkár est une construction à neufs côtés surmontée d'un dôme. 'Abdu'l-Bahá en a défini les lignes générales.
Mázindarán:Province du Nord de l'Írán, au bord de la mer Caspienne. La maison ancestrale de Bahá'u'lláh se trouve dans le Mázindarán.
Muhammad-'Alí:Un des fils de Bahá'u'lláh et demi-frère de 'Abdu'l-Bahá, qui devint l'archibriseur de l'alliance de Bahá'u'lláh.
Muhammad Sháh:Village du sud-ouest de l'Írán dans la province de Fárs, qui fut le théatre du martyre de nombreux Bábís, dont celui de Vahíd.
Qá'im:Muhammad), le douzième Imám, le Mihdí, attendu par les musulmans shiites. Le Báb déclara être le Quá'im promis.
Qájár (dynastie):Tribu turkmène qui occupa le trône iranien en 1795 et régna durant toute la vie du Báb, de Bahá'u'lláh et de 'Abdu'l-Bahá, jusqu'à son renversement en 1925.
Qayyúmu'l-Asmá':Le Coran, livre sacré de l'islám, contenant les révélations de Muhammad.
Qurratu'l-'Ayn:Consolation des Yeux. Titre donné par le Báb à Fátimih Umm-Salamih, aussi connue sous les noms de Táhirih et Zarrín-Táj; elle était la seule femme Lettre du Vivant, héroïne Bábíe, première martyre pour l'émancipation féminine.
Ridvan, Jardin de:Butte verdoyante, à moins d'un kilomètre des murs
(Na'mayn):d''Akká, autour de laquelle la rivière Na'mayn se divise avant de se jeter dans la mer. Lieu de retraite favori de Bahá'u'lláh.
Ridvan, Jardin de:Jardin de Najíb Páshá, situé sur les rives du Tigre à
(Najíbíyyih):À l'origine, arbre planté par les arabes pour marquer la fin d'une route. Dans les Écrits Bahá'ís, symbole de la Manifestation de Dieu, Bahá'u'lláh.
Sharí'at:Loi religieuse islamique comprenant des parties du Quran ainsi que d'autres lois. Elle fut abrogée par les lois révélées par le Báb et Bahá'u'lláh.
Shíráz:Ville d'Írán qui vit l'ouverture de l'ère bahá'íe par la déclaration du Báb à Mullá H. usayn le soir du 22 mai 1844.
Síyáh-Chál de Tihrán:La Fosse Noire. Le cachot souterrain à Téhéran dans lequel Bahá'u'lláh fut emprisonné avec de nombreux Bábís pendant l'été 1852.
Siyyid Kázim:Disciple et successeur choisi du Shaykh Ahmad (1793-1843).
Siyyid Yahyáy-i-Dárábí:Dit Vahíd. Disciple éminent du Báb qui dirigea les Bábís durant le soulèvement de Nayríz.
"Souvenir de Dieu":Dhikru'lláh, titre que prit le Báb dès les premiers jours de son ministère.
Star of the West:Premier magazine Bahá'í du monde occidental, publié en Amérique du Nord de 1910 à avril 1924.
Súratu'l-Haykal:Sourate du Temple, où Bahá'u'lláh se compare au temple qui reçoit l'Esprit.
Súrih:Sourate (littéralement : chapitre). Souvent l'équivalent de "Lawh" dans les Écrits Bahá'ís.
Súrih de Joseph:Chapitre du Quran relatant, selon la Genèse, l'histoire de Joseph, le fils de Jacob, qui fut vendu comme esclave par ses frères, mais qui fut promu par le pharaon pour régner sur l'Égypte.
Súriy-i-Damm:Tablette à Nabíl-i-A'.zam, révélée par Bahá'u'lláh pendant son séjour à Andrinople.
Súriy-i-ghusn:Tablette de la Branche, révélée par Bahá'u'lláh à Andrinople, dans laquelle il décrit le rang de 'Abdu'l-Bahá, à qui il a donné le titre de "la plus Grande Branche".
Súriy-i-Ra'ís:Tablette au Ra'ís, révélée par Bahá'u'lláh en l'honneur de Muhammad-Ismá'il-Káshání et adressée au Grand Vizir de Turquie, 'Alí Páshá.
Súriy-i-Sabr:Sourate de la Patience, connue aussi sous le nom de
Lawh-i-Ayyúb (Tablette à Job).Forteresse construite par les Bábís en 1848 autour du tombeau de Shaykh Ahmad ibn-i-Abí-Tálib-i-Tabarsí.
Unité Mondiale (l'):Organisation nationale créée à Chicago en mars 1909, elle
Bahá'í :fut constituée en société religieuse de l'État de l'Illinois.
'Uthman (maison d'):Forme du plus Grand Nom, utilisée comme invocation et qui peut être traduite par "Ô Gloire des Gloires" ou "Ô Gloire du Tout-Glorieux". Sous forme calligraphique, elle se retrouve souvent en bonne place dans les maisons bahá'íes.
Zanján:Ville dans le Nord-Ouest de l'Írán où se déroula la plus terrible et la plus dévastatrice des trois campagnes militaires contre les Bábís, en mai 1850.
GUIDE DE TRANSLITERATION ET DE PRONONCIATION DES NOMS ARABES OU PERSANS
La transcription des noms arabes ou persans que nous avons employée est celle recommandée par Shoghi Effendi pour les langues utilisant l'alphabet latin, afin d'assurer l'uniformité de l'orthographe des mots. L'adaptation de cette transcription à la prononciation française demande l'établissement préalable de quelques conventions faciles mentionnées ci-dessous :
1. Les lettres qui se prononcent de la même manière qu'en français :
b, p, t, j, h, .h, d, r, z, .z, s, .s, t, .t, f, q, k, l, m, n, v.
Certaines lettres en persan, bien que produisant le même son, s'orthographient de deux manières; afin de les identifier, on souligne l'une d'elles d'un point.
2. Les lettres dont le son est court : a3. Les lettres ou groupes de lettres qui produisent un son différent :
th s de saintNous espérons qu'en raison de cet avantage le lecteur francophone fera volontiers l'effort de s'accoutumer à l'aspect nouveau de certains termes connus généralement sous une autre orthographe, notamment : Muhammad pour Mahomet, Quran pour Coran, Mihdí pour Mahdi, Haïfa pour Caïffa, 'Akká pour Saint-Jean-d'Acre, Tihrán pour Téhéran, Shaykh pour Cheikh, etc.
INDEXannonce tribulations de l'humanité, 22, 24, 25, 41, 42
anticipe, instaure et confirme le Gardiennat, 6, 139, 140
atteste de la révélation de Bahá'u'lláh, 105décès de 'Abdu'l-Bahá, fin âge héroïque et apostolique, 132
décès de, 22, 45, 83, 92, 161destinée spirituelle des croyants d'Amérique, 69, 81
destinée de l'Amérique, 70, 72-74développe la charte d'un nouvel ordre mondial, 132, 133
écrits de, vérifiés et systématisés, 194efforts pour établir la foi en Amérique, 70, 75-77, 79-82
énergies libérées par l'ascension d', 83être autour duquel gravitent tous les noms, 125-127
exemple parfait, 125pose de la pierre angulaire de la maison d'adoration, 71
potentialités des États-Unis et du Canada, 80aux membres de la première assemblée spirituelle de Chicago, 4
publiées en Amérique, 76Centre de l'Alliance de Bahá'u'lláh, le, 29, 67, 83, 125, 128-130, 136, 137, 140, 150, 164
Commentateur, le, 29, 32Interprète, l', 29, 31, 105, 120, 124, 125, 128, 130, 133
Mystère de Dieu, le, 124, 127, 132Parfait architecte de l'ordre administratif, le, 6, 142, 149
tribulations, incomparables, 164Âge apostolique, voir Âges de la foi de Bahá'u'lláh
Âge présent,caractéristiques de, 24-29, 42, 159, 161, 171-173, 178-182
chaos et confusion, voir aussi Calamités, 30, 31, 150
universels, 23-31, 73, 146, 157, 170, 179-182remède aux, 29, 32, 33, 37-39, 42, 43, 55, 145, 151, 171, 178, 187, 196, 197
causes de, 178, 186, 195désintégration de, avant reconstruction, 73, 145, 146, 149, 157, 158, 161, 177, 182, 186, 195, 196
doctrines dépassées ou abandonnées, 37, 38efforts pour une sécurité collective, 29, 31, 183, 197
évolution de la société, 40institutions, impuissance des, 28-31, 48, 145, 150, 178, 180-183, 188
l'humanité entre dans sa maturité, 152, 200tribulations de, comparées à la chute de l'Empire romain, 196
Âges de la foi de Bahá'u'lláh,âge d'or, 47, 66, 73, 81, 84, 92, 132, 149, 152, 158, 161, 180, 199, 200
apostolique et primitif, 51, 92, 132, 161établissement de l'ordre administratif en, 74, 132
foi établie en, 66-71, 74-83gouvernement de l', a ratifié l'ordre administratif, 49
Animosité raciale, 25, 173, 179, 198Assemblée spirituelle des Bahá'ís de Baghdád, résolution de la société des nations en faveur de l', 87
Assemblées perses, injonctions spécifiques de 'Abdu'l-Bahá aux, 136
Assemblée spirituelle : appellation provisoire, 5Assemblée spirituelle locale : maison de justice secondaire, 4
Athéisme, 173, 174manifestation de Dieu, 56, 97, 116, 118, 119, 121, 122, 124
manifestation de Dieu, initiateur,116précurseur de Bahá'u'lláh, 56, 57, 94, 116, 121, 122
proclame la suprématie de Bahá'u'lláh, 57, 94, 96, 97
Qá'im, 21, 56, 94, 113, 118révélation du, comparée au signe du Bélier, 120, 121
suprématie du, proclamée par Bahá'u'lláh, 21, 118préservent pureté et intégrité des enseignements Bahá'ís, 51, 94
respecter lois de leurs gouvernements respectifs, 60, 61
Bahá'ís égyptiens,accomplit les prophéties du grand cycle prophétique, 97, 110, 121, 131, 156
accusations injustes contre, 67affirme le rang de prophète du Báb, 56, 94, 116-118
afflictions de, incomparables, 114, 115, 163, 164, 168
âge de chaque dispensation peut être considéré comme jour de Dieu, 102, 120, 156, 157
" À l'Est, la lumière de sa révélation a point; ... ", 73
alliance de, voir Alliancedispensation de, comparée avec dispensations du passé, 49, 50
économie divine de, voir Ordre administratifguidance de, à travers principes et institutions, 16
guidance de, direction de, 62, 138" Je suis celui qui donne la vie au monde ! ", 73, 104
livre de, voir aussi Kitáb-i-Aqdas, 2, 21, 125, 138, 166, 192, 193
lois de, révélées dans le Kitáb-i-Aqdas, voir Kitáb-i-Aqdas
maison de, à Baghdád, 22Maison Universelle de Justice, inspirée par Dieu, 143
manifestation universelle, 22manifestation de Dieu, suprême, 91, 95-98, 121, 125
mission de,nouvelle révélation, pas avant mille ans, 123, 124
ordonne le rang de 'Abdu'l-Bahá, 122, 125-128pas de nouvelle manifestation avant mille ans, 131
pas identifié à Dieu, 110transformer l'humanité accordé à chaque révélation, 21
précurseur de, voir Bábprophéties de, 26-28, 41, 56, 73, 123, 166-168, 184, 186, 196
puissance irrésistible de sa loi, 104progressive et continue, pendant cinquante ans, 132
système d'économie divine, parfaitement établi par, 16
témoignages des manifestations du passé, 100, 113Bayán, 57, 58, 94, 95, 103, 113, 116, 117, 124, 136
Beyrouth, 127" Bientôt le présent ordre des choses sera révolu... ", 150
Bouddhisme, 173préparent l'humanité à l'ordre mondial de Bahá'u'lláh, 157, 160, 161, 181, 186, 195, 196
rétribution divine, 41, 158, 166-170, 189, 195Cause bien-aimée : ne pas marchander foi ou transiger principes, 60
Céleste houri, voir Houri" Celui autour de qui tous les noms gravitent... ", 127
" Celui que Dieu rendra manifeste ", 113, 136comparaison entre persécuteurs du Christ et de Bahá'u'lláh, 166
Église du, 16détérioration des institutions du, 16, 17, 170-177
deux premiers siècles du, 51esprit du, revivra dans la foi de Bahá'u'lláh, 176
esprit du, dans les institutions autres que le, 175
établi à l'Ouest, 69menacé par le sécularisme et le nationalisme, 26, 146, 162, 172-174, 177
missions, 172, 174parallèle entre désintégration du christianisme et de l'humanité, 175, 176
pas de système économique révélé, 16pas de directives du Christ pour administration et succession, 16, 17
pas de directives du Christ pour administration adéquate, 17, 134, 142
persécution par les juifs, 166résistance à la foi de Bahá'u'lláh, hâtera sa chute, 175
retour aux sources du, 175affirme autorité du Kitáb-i-Aqdas et de la Maison Universelle de Justice, 138
" Alors les chevaliers du Seigneur ", victoire promise, 14
Amérique, rôle de l', 47" Appel de Dieu a insufflé une vie nouvelle... ", 159
avertissant résistances futures contre la foi, 14centre de l'alliance de Bahá'u'lláh, voir titres de
commentaires sur la Tablette de la Branche, 129déclaration aux croyants d'Amérique, rang de 'Abdu'l-Bahá, 131
développement futur de la foi, 106effet de l'appel du royaume d'Abhá sur la création, 107
espoir d'une direction spirituelle pour l'Amérique, 69, 70
explique le principe héréditaire, 137Gardien et Maison Universelle de Justice guidés par le Báb et Bahá'u'lláh, 139
Gardien est interprète, 138" Les maux dont souffrent maintenant le monde... ", 24, 25
" Les souverains du monde... plus grande convention... ", 185
" Les sept lumières de l'unité ", 33, 34Maison Universelle de Justice, pouvoir d'abroger ses propres lois, 138, 139
manifestations futures à l'ombre de Bahá'u'lláh, 107, 157
maturité, exigence de la, 153, 154mission spirituelle de l'Amérique et rang qu'elle atteindra, 71, 72
" Observez les fleurs d'un jardin... ", 37prophétie de Zoroastre au sujet de trois dispensations, 96
prophétise essor de l'ordre administratif, 135" Réjouissez-vous donc, ô habitants de l'Amérique... ", 74
relation entre le Báb et Bahá'u'lláh, expliquée, 120
révélation divine s'est levée à l'Est, 69accomplit les prophéties du grand cycle prophétique, 98, 99, 101
" Adeptes de l'Évangile, voyez ! ", 99afflictions incomparables, sort cruel, voir Bahá'u'lláh
" À l'Est, la lumière de sa révélation... ", 73" Bientôt le présent ordre des choses sera révolu... ", 150
calamités et châtiments prophétisés, 41" Celui autour de qui tous les noms gravitent. ", 127
" Chaque créature a été dotée de toutes les potentialités qu'elle peut porter... ", 159
civilisation, échecs de la, 186concernant le Báb, " La connaissance se compose de... ", 21
consolateur promis, 99" Des siècles... avant que le Soleil de Vérité... ", 105
désunion universelle, " Pendant combien de temps ? ", 179
Dieu est inconnaissable, 108, 109dispensation du Báb, courte mais complète, 116, 117
" ... effusion de la grâce divine, en cette dispensation... ", 57, 58, 103
" Équilibre du monde a été bouleversé... ", 104, 135, 150
" et quand l'heure fixée sera venue... ", 41" Je témoigne... de la grandeur de cette révélation. ", 98
" La connaissance se compose de vingt-sept lettres... ", 21, 56, 118
" La terre entière est à présent au stade de la gestation... ", 158
" Le monde est en travail... ", 28, 171" Le rang qu'atteindra celui qui a reconnu cette révélation... ", 107
" Les signes... et du chaos imminents... ", 26Maison Universelle de Justice, pouvoir législatif de, 19, 20, 138
manifestation de Dieu, suprême, 98, 99, 114prière, unité des manifestations dans la persécution, 114, 115
prophètes, unité et différence des, 52relation qui lie le Báb et Bahá'u'lláh, expliquée, 120, 121
religion, pouvoir de la, 178divine correspond à la capacité de l'humanité, 113, 114
divine correspond capacité des peuples, 53, 153" Si un homme, seul, se lève... le Tout-Puissant lui donnera la victoire. ", 101
" Soyez justes, ô peuples du monde... ", 101à l'Empereur d'Allemagne, prophétie chute de l'Empire, 161, 162
au Ra'ís, 168, 186témoigne du rang de Jésus, 102, 109, 113, 176, 177
unité,Citations de traditions mahométanes, prophéties concernant le Báb,
l'islám, le Quran, 169suprématie de la proclamation de Bahá'u'lláh, 57, 94
Citations du Christ : " J'ai encore beaucoup de choses à vous dire... ", 22
Cité État, 38la vraie civilisation, paroles de 'Abdu'l-Bahá, 32, 33
maladie de la, 187Commission permanente des mandats de la Société des nations, résolution de, 87
Commonwealth bahá'í, voir Ordre mondialCommunications : accessibles sur toute la terre, 33, 197
Communion, sainte, 19, 143association, mais pas affiliation avec institutions politiques ou ecclésiastiques, 58-61, 193
attitude internationaliste, 58caractéristiques des, 20, 33, 36, 54, 145, 190, 191
communauté du plus Grand Nom, 14, 94, 187connaître différence entre la foi de Bahá'u'lláh et les organisations ecclésiastiques et gouvernementales, 14-18, 133, 134, 142-145, 192, 193
convictions des, 21, 29danger de surestimer le rang de 'Abdu'l-Bahá, 128-131
devoir des, 22, 43, 62, 73, 94, 107, 193doivent étudier les paroles de Bahá'u'lláh, 94, 97, 98
égyptiens, 9, 10occidentaux, quelques enseignements cachés aux, 58
premier âge de la foi, rang supérieur et distinct des, 132
préservent pureté et intégrité de la foi, 51réalisations des, accomplissements, 46, 47, 49, 145, 193
reçu héritage pur, 58responsabilité des, 20, 22, 55, 56, 58-61, 143, 193
soutenus par Dieu, 101transformés par l'esprit de Bahá'u'lláh, 22, 42, 152, 190, 191
unité,enseignants dans des pays lointains, 47, 72, 78, 82, 86, 88
épreuves des, 47, 66, 75, 76, 78, 80, 83-85érection du Mashriqu'l-Adhkar, voir Mashriqu'l-Adhkar
héritage spirituel, 71légalisation de l'ordre administratif, 49, 86, 194
maîtres bâtisseurs de l'administration bahá'íe, 46, 47, 68, 74, 88, 132
maîtres bâtisseurs des institutions de la foi, 86réalisations des, accomplissements, 47, 48, 77, 78, 81-85, 93, 132
recours à la Société des nations, 87soutiennent croyants en Égypte, Perse, Russie, 47, 86
Tablette aux, 69, 71, 131appel de, a insufflé une vie nouvelle, imposé un nouvel esprit, 159
but divin, 83conception antropomorphique inadmissible, 108, 109
conception panthéiste inadmissible, 108royaume de, 15, 34, 42, 55, 69, 99, 104, 147, 187, 195
identique au royaume deDirection divine, voir aussi Guidance divine, 18, 31, 55, 62, 69, 71, 72, 97
Dirigeants,épîtres de Bahá'u'lláh aux dirigeants du monde, 151, 184
épîtres de Bahá'u'lláh aux ministres de Turquie, 167
Dispensation(s),chaque âge peut être qualifié de jour de Dieu, 102, 120, 156, 157
de Bahá'u'lláh, voir aussi Bahá'u'lláh,institutions, comparées à l'ordre administratif, 143
système, comparé à l'ordre mondial de Bahá'u'lláh, 134, 142
Économie,Écrits de 'Abdu'l-Bahá : attestent le rang de prophète du Báb, 120, 121
Écrits de Bahá'u'lláh : attestent le rang de prophète du Báb, 56, 94, 116-118
Égypte, 9, 10méthodes établies par 'Abdu'l-Bahá, 4, 5, 138, 139
principes directeurs énoncés par 'Abdu'l-Bahá, 5à l'intérieur de la foi, 8, 12, 47, 76, 84, 188, 189
accusations des, cause de notoriété de la foi, 93, 94
archibriseurs, 76impuissance des, 1, 12, 66, 67, 78, 84, 101, 165, 188, 189
Jessup, Richardson,Vatralsky, Wilson, 78Enseignants d'Amérique : en des pays lointains, 47, 78, 82, 86, 88
Enseignement : méthode indirecte, 8Enseignements Bahá'ís, voir aussi Foi de Bahá'u'lláh,
acceptation de la dispensation de Mu .hammad, 97, 153
assurer intégrité institutions de la foi, 12attitude envers les politiques partisanes, 58, 191-193
Báb, manifestation et précurseur, voir BábBahá'u'lláh, manifestation suprême, voir Bahá'u'lláh
caractéristiques des, 37, 38entrée de l'humanité dans l'âge adulte, voir aussi Humanité, 152
gloire promise de la foi, quand les temps seront accomplis, 12
intégrité maintenue par ordre administratif, 60, 66-68
intégrité maintenue par les croyants, 51unité des manifestations, voir Unité des manifestations
universalité des, 87, 88" Équilibre du monde a été bouleversé... ", 135, 150
Esprit clérical, défié par la foi, 65, 170visite de 'Abdu'l-Bahá aux, d'Amérique, 80, 84, 85
États unis,conflit nécessaire pour établir l'internationalisme, 180, 186
effondrement monarchies et empires, 145, 146, 161Fédération mondiale, 34-36, 40, 41, 157, 158, 186, 190, 197-200
Fédération universelle, 199Foi de Bahá'u'lláh, voir aussi révélation de Bahá'u'lláh,
a assimilé les diverses races, nations..., 190accomplit les prophéties des Écritures, 97, 99-101, 105, 107, 120, 121, 131, 132, 156
acquisition des tombeaux, 194adaptée à la capacité de l'humanité, 53, 97, 99, 111-115, 151-155
affranchie de la domination islamique, 94aptitude à neutraliser les influences destructrices, 194, 195
arche du salut, 187à travers le monde par les croyants d'Amérique, 47, 48, 72, 78, 82, 86-88
attaques contre la, 1, 8, 12, 14, 18, 22, 47, 66, 77, 84, 188
autosuffisance de la, 49démontre l'unité de toutes les religions, 52, 56, 110, 111, 122, 190
dessein de, 59, 60différence avec organisation ecclésiastique, 14-18
disciples de, comparés à une humanité désemparée, 145
diversité des disciples, 8, 43, 61, 190enseignée à travers le monde par des croyants d'Amérique, voir Croyants d'Amérique
épreuves prophétisées, 13, 14, 22, 78établissement de, en Amérique, 65, 66, 69, 74-81, 170
établit l'autorité de toutes les religions, 110établit l'origine divine des religions antérieures, 18, 52, 110, 191
étape dans l'évolution de la foi, 152évolution de la, 1, 15, 19, 20, 46, 49, 58, 66-68, 85, 91, 93, 143, 145, 157, 160, 161, 170, 187-189, 193-196
gardienne de la plus grande paix, 189administratives, ratifiées par deux gouvernements, 49, 86, 194
auront la sanction des autorités civiles, 49, 193, 194
instructions, pas encore toutes révélées, 58, 88instrument et garantie de la plus grande paix, 189
instrument instauration plus grande paix, 16, 150, 151, 189
insuffle une vie nouvelle à l'humanité, 102mission première de la, établir la civilisation divine, 2
naissance de, 46, 48, 68, 85, 91persécuteurs de la, comparés aux persécuteurs des chrétiens, 166
pionniers de la, croyants d'Amérique, 46, 47, 63, 74, 78, 82
pouvoir, 57, 58, 74, 97, 101, 104, 107, 133transformateur de l'humanité, 21, 37, 38, 41, 42, 46, 48-50, 151, 152, 190
précurseur de la, voir Bábprotégée par le Livre de Bahá'u'lláh, voir Kitáb-i-Aqdas
puissance de la, apparaît progressivement, 106réalisations, accomplissements de la, 9, 46, 49, 67, 68, 78, 79, 82, 93, 145, 149, 150, 157, 188, 192-195
reconnaissance de la, 87, 190, 193, 194structures administratives, nécessité, sauvegarde, 8
succession prévue pour, voir Ordre administratiftransforme l'humanité, 21, 41-43, 152, 155, 190, 194, 196
trois figures centrales de la, 122universelle, 5, 7, 14, 20, 35, 49, 93, 189, 190, 192, 193, 199, 200
validité de la, 18-20soutien financier accordé temporairement aux travailleurs, 8
Force : servante de la justice, 198chef permanent de la Maison Universelle de Justice, 139
insiste sur les vérités de base de la foi, 12, 94met en garde contre déviation vérités de base de la foi, 141
ne peut jamais assumer le droit exclusif de légiférer, 139
obéissance au, sauvegarde la foi, 138-142protégé et guidé par le Báb et Bahá'u'lláh, 139, 140
rang du, expliqué, 138-140confirme les pouvoirs de la Maison Universelle de Justice, 6
fonction du, 12, 16, 137-139, 141, 147haut fonctionnaire, paroles de 'Abdu'l-Bahá à un, 31
ratifie l'ordre administratif, 86Bahá'u'lláh a insufflé une vie nouvelle dans l', 102
but de l', unité mondiale, voir Ordre mondial, but de l'
changement structures société comtemporaine, 38" Il est moi-même ", expliqué par Shoghi Effendi, 129
Imám 'Alí, 134Institutions de l'ordre administratif, établies, 136-138
Intégration, 6, 154, 194dépendant de la direction divine, 28, 29, 31, 38, 39, 42
marche vers l', 29, 39, 69, 70processus de destruction, puis de reconstruction, 40, 159, 160
résultat positif des épreuves mondiales, 28Irréligion : cause de la décadence mondiale, 28, 171
Isaïe, 100administration et ordonnances plus précises que dans le christianisme, 17
code de loi inadéquat, schisme, 134, 142pas de directives pour une administration adéquate, 142
réaction à la foi de Bahá'u'lláh, 170" Des siècles, des âges devront s'écouler... ", 105
grandeur de ce jour, 21, 57, 58, 97, 102, 155, 156
jour de chaque manifestation, 102, 156lois de Bahá'u'lláh, 2, 3, 6, 15, 19, 128, 130, 132, 136, 138, 142, 143, 147, 193
Kitáb-i-Badí', 117" La connaissance se compose de vingt-sept lettres... ", 21, 56, 118
Laïcité, 26" La terre entière est a présent au stade de la gestation...", 158
Law .h-i-Ra'ís, 168, 186" L'équilibre du monde a été bouleversé... ", 104, 135, 150
Le secret de la civilisation divine, 32conditions nécessaire à l'établissement de la, 5, 88
doit obéissance au Gardien, 138membres pas responsables envers leurs électeurs, 142, 143
mode d'élection de la, 5, 6de la législation progressive, 19, 133, 138, 139, 142
protégée et guidée, 139, 143Maisons de justice locales et internationales, 136
Maison d'adoration, 194comparées au soleil, 53, 69, 96, 114, 118, 120, 121, 124
différences entre les, 53, 110, 155persécutions des, 50, 66, 67, 96, 114, 163-170, 188
pouvoir et esprit des, 117unité des, 52, 56, 110, 111, 113, 114, 119, 122, 129, 155, 191
Mariage, 179, 193premiers croyants perses, 46, 48, 50, 118, 147, 162
premiers perses, rendirent possible l'ordre administratif, 46, 147
Mashriqu'l-Adhkár, 15, 49, 66, 88Monarchie Austro-Hongroise : chute, extinction de la, 161, 174
Monde,Mu .hammad, 15, 21, 95-97, 100, 101, 134, 164, 168, 169
Apôtre de Dieu, 95, 100, 113, 153, 168, 169Nabíl : La Chronique de Nabíl, révèle le rang du Báb, 116, 117
Napoléon, 42Ouest : dépassera l'Est, par la splendeur de la foi de Bahá'u'lláh, 69
Ordonnances, voir lois, règles, etc.base de l'ordre mondial de Bahá'u'lláh, voir Ordre mondial
but de l', voir Ordre mondial, objectif de l'ordre administratif
centre administratif de la foi, 68différence avec tous les systèmes politiques, 142-146
dotations nationales, 86, 194établi et proclamé par le Testament de 'Abdu'l-Bahá, 74, 132, 133, 136, 149
établissement en Amérique, voir Amériqueévidences de sa vitalité, 45, 46, 187-189, 194, 195
garantie contre le schisme, 67, 68, 133, 134, 188assemblées, comités, conventions sont des moyens, 8
assemblées locales et nationales fonctionnaient déjà au stade embryonnaire, 136
assemblées nationales et locales, 15assemblées spirituelles, futures maisons de justice, 4
assurer intégrité des, 12but moteur des, assurer continuité autorité divinement établie, 7, 137
caractère des, 142développées dans quarante pays (actuellement 214 pays et territoires), 49, 93, 133, 157, 192
divinement établies, 8locales et nationales, fonctionnent au stade embryonnaire, 136
Mains de la cause, établie par Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá, 15, 105, 136, 138
maisons de justice, voir Maisons de justiceordonnées, fondées par Bahá'u'lláh, 1, 3, 16, 133, 136, 176, 193
pas imposées arbitrairement, 3première assemblée spirituelle nationale en Perse, 93
préservation des, 14, 45principes révélés par Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá, 3, 141
publications bahá'íes, 4, 8, 76, 78, 194instrument de la foi, 7, 8, 14, 16, 67, 68, 83, 92, 157
introduit dans quarante pays (actuellement 214 pays et territoires), 49, 93, 133, 157, 192
Kitáb-i-Aqdas, origine des lois, voir Kitáb-i-Aqdas
légalisé, 49, 194législation ultérieure, prévue en langage clair, 18, 19, 133, 134, 138, 139, 142
matières non expressément révélées, 143n'est pas distinctement aristocratique, autocratique, démocratique, monarchique, 142-145
naissance de, 46, 85, 86, 142, 145pouvoir et prérogatives des ministres de la foi, 18
préserver son unité, 67, 134, 196, 197proclamés et établis par le Testament de 'Abdu'l-Bahá, 147
révélés par Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá, 2programme divin énoncé par Bahá'u'lláh, 29, 142-146, 150
réaffirmé et complété par 'Abdu'l-Bahá, 83activité de l'Unité mondiale, expérience d'enseignement indirect, 8
alliance, base de l', 135but de l', l'unité mondiale, 29, 31, 36, 41-43, 150, 151, 184, 196-201
calamité qui précède l'établissement de l', voir Calamités
caractéristiques de l', 35-37, 197, 198charte du nouvel ordre mondial, base de la, 132, 133
conçu et proclamé par Bahá'u'lláh, 12croyants d'Amérique, maîtres bâtisseurs, 46, 47, 68
divinement conçu, 14, 15" Équilibre du monde a été bouleversé par... ", 104, 135, 150
établi dans Testament de 'Abdu'l-Bahá, 135institutions chrétiennes passeront à l'arrière-plan, 176
institutions établies par 'Abdu'l-Bahá, 12, 150Kitáb-i-Aqdas, source des lois pour l', voir Kitáb-i-Aqdas
naissance de l', 46, 68, 74, 83, 149, 157, 158objectif de l'ordre administratif, 7, 15, 39, 146, 147
ordre administratif, base, charpente de l', 142sera établie par l'économie divine de Bahá'u'lláh, 16, 185
Paix universelle,défense de la, par les forces conjuguées des nations, 36
réduction souveraineté nationale, 35Parlement mondial : directives au, 34-36, 184, 197
Paroles cachées, 41, 54, 112éviter antagonisme et suspicion des gouvernements, 60, 61
pas d'ingérence dans les affaires politiques, 58accomplissement des, 81, 98, 110, 121, 145, 146, 156
anticipe l'Ordre mondial, 104de 'Abdu'l-Bahá, 13, 14, 24, 25, 32, 33, 41, 42, 74, 81
de Bahá'u'lláh, 27, 28, 41, 105, 150, 151, 161, 162, 166-169, 186, 187, 195
de l'Apocalypse, 200" Qu'un homme ne se fasse pas gloire d'aimer son pays... ", 36
Quran, 16, 18, 120, 134, 169déclin de, cause de la décadence morale, 25, 177, 178
définie par le communisme, 173menacées par le nationalisme et le sécularisme, 172, 173
mondiale, voir Foi de Bahá'u'lláhsimilitude de l'histoire et de l'établissement des, 68
stade d'évolution d'une religion, 50, 110, 155unité des, 34, 35, 52, 55, 110, 111, 122, 155, 176, 190, 199
unité des prophètes, voir ManifestationsRemèdes contre les maux du monde, voir Âge présent
Renouveau religieux, 27, 70, 73Révélation de Bahá'u'lláh, voir aussi Foi de Bahá'u'lláh,
aboutissement de toutes les révélations du passé, 94, 95, 97-100, 110, 155, 156, 196
adaptée à la capacité de l'humanité, voir Foi de Bahá'u'lláh
caractère distinctif de la, 18aux révélations précédentes, 15, 16, 49-52, 54, 55, 103, 121, 131, 132, 134, 135, 142, 152, 156
importance, influence de la, 108nouvelle révélation, pas avant mille ans, 123, 124, 131
pas la dernière révélation, 52, 53, 112, 122revendications plus importantes que les prophètes du passé, 38
trop proche pour apprécier grandeur et possibilités, 58
une, avec les révélations du passé, 52, 56, 110, 122, 137, 191
Révélation divine,selon capacité de l'humanité, 37, 38, 97, 99, 111, 114, 152
transforme le genre humain, 21, 36-39, 46, 48, 49, 118, 152, 155, 177, 190, 195, 197
Révélation du Báb : comparée au signe du Bélier, 120, 121
Révélation nouvelle,Royauté : hommage rendu par la, 49, 87, 93, 190, 194
Russie, 146unité du genre humain, 29, 31, 33, 70, 152, 183-185, 197, 199
sept flambeaux, 34Commission permanente des mandats de la, résolution de la, 87, 88
dépourvue d'universalité, 182, 185efforts tendant à l'unité des nations, 183, 184, 186
objectif de la, sécurité collective, 183reconnaissance tacite du statut religieux de la foi, 49
résolution adoptée en faveur de l'Assemblée Spirituelle Locale des Bahá'ís de Baghdád, 87
Soleil de Vérité : comparé au soleil, 53, 69, 113, 120, 124, 157
Souveraineté nationale : réduction de la, 35Succession : pas définitivement fixée par les manifestations du passé, 16, 17, 134
Sul.tán de Turquie : ennemi juré de la cause, 163Système administratif Bahá'í : tire son autorité du Testament de 'Abdu'l-Bahá, 3
Système(s),a envisagé instauration Maison Universelle de Justice, de son vivant, 5
à l'assemblée spirituelle de Chicago, 4commentaires sur la Tablette de la Branche, 127, 128
concernant le rang du Báb et de Bahá'u'lláh, 120, 121, 124, 156
confirme le rang de prophète du Báb, 56, 116action paralysée si dissociée de la Maison Universelle de Justice, 138
anticipé dans l'Aqdas, 2confirme le pouvoir des maisons de justice secondaires, 4
confirme pouvoirs de la Maison Universelle de Justice, 6, 19
et Kitáb-i-Aqdas,réceptacles jumeaux des institutions bahá'íes, 2, 6, 12, 15, 16, 147
établit l'ordre administratif, 2, 3, 12, 18, 74, 77, 83, 133-137, 147
forge les liens qui relie les âges de la foi, 92, 132
instaure le Gardiennat, 6, 138rejeton résultant de la communication entre Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá, 133
témoigne du double rang exalté du Báb, 121Traditions musulmanes : prophéties concernant le Báb, l'islám, le Quran, citations, 169
Traité de paix, 24, 29, 182Tribunaux ecclésiastiques, Proche et Moyen-Orient, 9
Turquie,dirigeants de la, persécutent Bahá'u'lláh et 'Abdu'l-Bahá, 163, 164
libération de la Terre sainte, 164Unification du monde, 29-31, 38, 40, 42, 55, 67, 70, 150, 151, 170, 196-201
Uniformisation, 37, 67des prophètes du passé voir aussi Manifestations, 114, 119
des religions, voir Religionsprogressive, phases de développement de la société, 196
Unité de l'humanité, 197, 150accessible aujourd'hui, 33, 37, 38, 40, 42, 151, 152
avertissement et promesse, 42base de la paix et de la sécurité, 29, 31, 33, 70, 152, 183-185, 197, 199
inéluctable, 39principe de l', 29, 31, 34, 35, 38, 39, 42, 67, 147, 150, 192, 196
protocole de Genève, opposition au, 39un pas en avant, 32, 33, 38-43, 69, 70, 154, 156, 159, 186, 196
Unité pour le temple bahá'í, 78Vie spirituelle, renforcée par les vérités de la foi, 94
Voix de Dieu : paroles de Bahá'u'lláh, 108, 129prophétie de, atteste le pouvoir de Bahá'u'lláh, 96, 97
Zoroastrisme, 51