Le Secrétaire général a reçu l'exposé écrit ci-après, qui est distribué conformément à la résolution 1296 (XLIV) du Conseil économique et social.
La Communauté internationale Baha'ie félicite la Sous‑Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités et en particulier son Rapporteur spécial, M. Asbjørn Eide, des efforts qu'ils ont déployés pour définir des moyens possibles de faciliter la solution par des voies pacifiques et constructives des problèmes dans lesquels des minorités sont impliquées (E/CN.4/Sub.2/1993/34 et Additifs).
Plus d'une année s'est écoulée depuis l'adoption par l'Assemblée générale de la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques. Aujourd'hui, gouvernements et simples citoyens sont confrontés au défi que pose l'application dans la pratique des normes ainsi fixées. Malheureusement, la réalité de ce que vivent bien des minorités n'a pas grand-chose à voir avec les normes minimales en matière de droits de l'homme énoncées dans la Déclaration. Les membres de ceux-là même de ces groupes minoritaires que la Déclaration devait protéger connaissent toujours les pires souffrances, victimes qu'ils sont d'un certain nombre de violents conflits qui font rage d'un bout à l'autre du monde.
De l'avis de la Communauté internationale Baha'ie, c'est à la fois à la majorité et à la minorité qu'incombe la responsabilité d'assurer l'égalité des droits des minorités. C'est la majorité qui se doit, par souci de justice, de veiller à ce que se produisent les ajustements sociaux et politiques qui permettront aux groupes minoritaires d'exercer le plus complètement possible leurs droits communs et fondamentaux. De leur côté, les groupes minoritaires ont la responsabilité morale de répondre comme il convient aux efforts sincères consentis par la majorité et, ainsi que le dit le Rapporteur, "reconnaître et respecter leurs devoirs à l'égard de la société tout entière" (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 20). Les uns et les autres doivent replacer les problèmes des minorités dans le contexte d'un monde de plus en plus interdépendant. L'intérêt de chacune des parties qui constituent un tel monde ne saurait être mieux servi que par le souci d'assurer la prospérité de l'ensemble, laquelle est impossible à réaliser si certaines parties sont victimes de l'oppression ou de la misère.
Il s'agit donc d'identifier les conditions qui aboutissent à priver certaines minorités de leur droit de représentation et d'exhorter les gouvernements à promulguer une législation qui donnera à ces minorités les moyens de réclamer leur dû et fera droit à leurs griefs. Mais cela ne suffira pas pour garantir aux membres des minorités les mêmes droits qu'à leurs compatriotes. Les mentalités doivent changer. Il faut qu'il y ait une évolution dans la manière dont la majorité considère les minorités opprimées et que ces dernières se libèrent du sentiment d'impuissance provoqué par des années de discrimination.
Cette évolution des mentalités, cependant, il ne dépend pas entièrement des gouvernements qu'elle se réalise, dans la mesure où elle ne peut se faire que sous l'influence de principes spirituels et moraux. La Communauté internationale Baha'ie, pour sa part, est convaincue que le principe qui doit régir toute considération des droits des minorités est celui de l'unicité de l'humanité. Bien souvent, notre ignorance de notre humanité commune encourage les craintes et les haines irrationnelles qui sont facilement nourries par la méconnaissance des autres cultures. Pour aller vers un désir authentique de compréhension mutuelle, de pluralisme dans l'union, dont parle M. Eide (E/CN.4/Sub.2/1993/34, chap. II B), il convient de voir dans la diversité de la famille humaine une source d'enrichissement plutôt qu'une menace.
Nous appuyons l'appel lancé par le Rapporteur spécial pour que, dans les écoles, on enseigne aux élèves à respecter les droits de l'homme et à apprécier la diversité. Comme le suggère M. Eide, "il faudrait faire des droits de l'homme une matière de base universelle dans les études primaires" (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 4). "Les programmes d'études de tous les Etats devraient prévoir l'enseignement de la tolérance à l'égard de tous les groupes. Les groupes majoritaires devraient s'informer de la culture des groupes minoritaires de manière à pouvoir l'apprécier en tant qu'apport enrichissant la société tout entière" (ibid., par. 9 et 10).
Toutefois, pour pouvoir apporter une solution durable aux problèmes des minorités, il faut que l'éducation s'appuie sur un engagement en faveur de principes éthiques et spirituels. L'action de ces principes imprègne les groupes majoritaires comme les groupes minoritaires de la conscience de la responsabilité morale qu'ils ont les uns envers les autres en tant qu'êtres humains. Ce sentiment de responsabilité donne une vigueur accrue à ces vertus civilisatrices que sont la tolérance et la compassion à l'égard de tous les êtres. Il fait que la voix de la conscience se fait entendre avec plus de force et il parle le langage du coeur là où celui de la loi civile est inopérant. L'influence concrète de ces valeurs spirituelles sur l'ordre social ne saurait être trop soulignée. En une période caractérisée par une transition chaotique, une prise de conscience largement répandue de l'unicité de l'humanité permettrait aux minorités d'apparaître comme faisant intégralement partie de la société. Dans ces conditions, les vieilles animosités fondées sur les différences éthniques, linguistiques et religieuses deviendraient obsolètes, ce qui ferait échec à toutes les tentatives pour dresser les groupes les uns contre les autres à des fins politiques.
La Communauté internationale Baha'ie est convaincue que, pour que les efforts immenses déployés par les Nations Unies et les gouvernements en faveur des droits de l'homme portent leurs fruits, il est indispensable de faire appel à la force combinée des influences politiques, juridiques, spirituelles et morales. Pour faire face à ces défis, la Communauté internationale Baha'ie tente pour sa part d'agir parmi ses membres dans le monde entier. Les enseignements de leur foi font aux communautés baha'ies une obligation, non pas simplement d'accepter, mais d'aider, d'encourager et de protéger toute minorité sans considération de croyance, de race, de classe ou de nation. Pour cette raison, les Ecrits Bahá'ís suggèrent que si l'on peut tolérer une forme de discrimination, celle‑ci doit s'exercer en faveur de la minorité. Guidées par les principes unificateurs de l'ordre mondial révélés il y a plus d'un siècle par Bahá'u'lláh, fondateur de la religion baha'ie, les communautés baha'ies dans le monde entier s'efforcent d'intégrer des gens ayant des origines raciales, nationales et religieuses différentes pour en faire une seule communauté, communauté qui soit à la fois unifiée et diverse.
Appuyant la recommandation du Rapporteur spécial tendant à ce que les minorités soient activement encouragées à participer à la vie de la collectivité (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 12), la Communauté internationale baha'ie tient à dire qu'elle a constaté que la radio pouvait être extrêmement efficace. C'est ainsi que Radio baha'ie en Equateur, par exemple, dessert les populations autochtones de la région rurale de l'Otavalo. Emettant principalement en Quechua, la langue locale, cette station vise à répondre aux besoins de formation spirituelle, culturelle et matérielle exprimés par les auditeurs. Du personnel local a reçu sur place une formation portant sur toutes les opérations nécessaires à la bonne marche d'une station de radio, qu'il s'agisse notamment de l'utilisation du matériel ou de la conception des programmes. Les émissions traitent de sujets divers, parmi lesquels le développement de l'agriculture, l'éducation, la vie spirituelle et la politique. La station encourage et préserve la culture locale en faisant appel à des conteurs de la région et en diffusant de la musique enregistrée lors des festivals annuels autochtones parrainés par la station. De semblables stations ont été créées dans les régions rurales de Bolivie, au Chili, au Panama, au Pérou et aux Etats‑Unis d'Amérique.
La Communauté internationale baha'ie voudrait féliciter l'UNESCO, et en particulier son Bureau international d'éducation (BIE), de sa décision d'organiser une Table ronde oecuménique sur la contribution des religions au développement de la compréhension internationale par l'éducation. Une telle initiative correspond certainement à la recommandation de M. Eide tendant à développer et encourager l'organisation de réunions dont l'objet serait de promouvoir une plus grande compréhension entre les gens (E/CN.4/Sub.2/1993/34/Add.4, par. 69). La Communauté internationale baha'ie se réjouit de participer aux débats de cette Table ronde pendant la Conférence des ministres de l'éducation des Etats membres du BIE en octobre 1994.
La Communauté internationale baha'ie se félicite que la Sous‑Commission ait, par une démarche concrète, mis l'accent sur les moyens de faciliter la solution par des voies pacifiques et constructives des problèmes dans lesquels des minorités sont impliquées. Si les gouvernements ou les organisations civiques le jugeaient utile, la Communauté internationale baha'ie serait prête à faire part de son expérience en matière de création de communautés caractérisées par l'unité et le respect de la diversité.