De la Maison universelle de justice aux croyants rassemblés à l’occasion des événements marquant l’achèvement des grands travaux sur le mont Carmel, le 24 mai 2001 :
Chers amis bahá’ís,Cent quarante huit années se sont écoulées depuis le moment où, dans l’obscurité du Siyáh-Chál, Bahá'u'lláh reçut l'injonction divine de se lever et de proclamer à tous les hommes de la terre l’avènement du jour de Dieu :
«En vérité, Nous te rendrons victorieux par toi-même et par ta plume [...]. Bientôt, Dieu fera paraître les trésors de la terre : des hommes qui t'aideront par toi-même et par ton nom, avec lesquels Dieu a ranimé les cœurs de ceux qui l'ont reconnu.»
Dans une optique historique, cette durée n'est autre que l'intervalle le plus court séparant ce moment primordial de la victoire splendide que nous célébrons ici cette semaine. Vous qui êtes venus ensemble de tous les coins de la terre et de toutes les branches de la famille humaine, vous représentez un échantillon de ceux que Bahá'u'lláh a élevés pour l'aider, et aucun d'entre nous ne peut espérer exprimer de manière adéquate la gratitude que nous ressentons de nous trouver en telle compagnie.
Les édifices majestueux qui maintenant se dressent le long de l'Arc que Shoghi Effendi avait tracé à leur intention sur la pente de la Montagne de Dieu, ainsi que le magnifique escalier de jardins suspendus qui embrassent le Mausolée du Báb, sont une expression extérieure de l'immense pouvoir animant la Cause que nous servons. Ils sont le témoin éternel du fait que les disciples de Bahá'u'lláh ont posé avec succès les fondations d'une communauté mondiale qui transcende toutes les différences divisant la race humaine, et ils ont donné naissance aux principales institutions d'un ordre administratif unique et inattaquable qui donne forme à la vie de cette communauté. Dans la transformation qui a eu lieu sur le mont Carmel, la Cause bahá’íe émerge telle une réalité irrésistible et visible sur la scène mondiale, tel le foyer de convergence de forces qui, au moment où Dieu le voudra, mèneront à la reconstruction de la société, et telle une source mystique de renouveau spirituel pour tous ceux qui se tournent vers elle.
Lorsque l'on réfléchit à ce que la communauté bahá’íe a accompli, les souffrances et privations où est plongée la grande majorité de nos semblables ressortent de façon poignante. Il ne peut en être autrement, car l'effet est d'ouvrir notre esprit et notre âme aux implications vitales de la mission que Bahá'u'lláh nous a confiée. « Sache, en vérité, » affirme-t-il de façon significative, « que ces grandes oppressions qui ont accablé le monde le préparent à l’avènement de la Plus Grande Justice. » « Dieu soit loue ! », s'exclame à son tour `Abdu'l-Bahá, « le soleil de la justice s'est levé à l'horizon de Bahá'u'lláh. Car dans ses tablettes les fondations d'une telle justice ont été établies comme aucun esprit ne l'a conçue depuis les débuts de la creation. » En dernière analyse, c'est cet objectif divin que toutes nos activités ont pour but de servir, et nous progresserons vers cet objectif dans la mesure où nous comprendrons ce qui est en jeu dans les efforts que nous fournissons pour enseigner la Foi, pour établir et consolider ses institutions, et pour intensifier l'influence qu'elle exerce sur la vie de la société.
Le besoin criant de l’humanité ne sera pas satisfait par une lutte entre ambitions rivales ou une protestation contre l'un ou l'autre des innombrables torts affligeant un âge au désespoir. Ce besoin exige, en revanche, un changement fondamental de conscience, une acceptation sans réserve de l'enseignement de Bahá'u'lláh selon lequel l'heure est venue pour chaque être humain sur la terre d'apprendre à accepter la responsabilité qui lui incombe de contribuer au bien-être de la famille humaine tout entière. S'engager à suivre ce principe engendrant une transformation radicale rendra chacun des croyants, tout comme les institutions bahá’íes, de plus en plus capables d’éveiller les autres au Jour de Dieu et aux capacités morales et spirituelles latentes qui peuvent changer ce monde en un autre. Nous démontrons notre engagement, nous dit Shoghi Effendi, par la rectitude de notre conduite envers les autres, par la discipline de notre propre caractère, et par une absence complète des préjuges qui paralysent l'action collective de la société qui nous entoure et qui contrecarrent les élans positifs vers le changement.
Les normes établies par le Gardien s'appliquent à la communauté bahá’íe tout entière, à la fois dans sa vie collective et dans la vie de chacun de ses membres. Elles ont, néanmoins, des implications particulières pour la jeunesse bahá’íe qui est bénie d'avantages enviables de grande énergie, de souplesse d'esprit et, dans une large mesure, de liberté de mouvement. Le monde dont héritent les jeunes bahá’ís est un monde où la répartition des possibilités sur les plans éducatif et économique et autres plans élémentaires est d'une injustice criante. Les jeunes bahá’ís ne doivent pas se laisser démonter par de telles barrières. Le défi qui est le leur, c'est de comprendre la véritable condition de l’humanité et de forger entre eux des liens spirituels durables qui les libèrent non seulement des divisions raciales et nationales mais également de celles créées par les conditions matérielles et sociales, et ceci les rendra aptes à faire avancer la charge importante qui repose sur eux.
Bahá'u'lláh nous encourage à attendre des jeunes de la communauté portant son nom un progrès vers la maturité bien plus précoce que celui qui caractérise le reste de notre société. Il est clair que ceci n'amoindrit en aucune manière l'importance de la poursuite des études, celle des réalités économiques ou des obligations familiales. Ceci signifie bel et bien que les jeunes bahá’ís peuvent accepter—et devraient être encouragés à accepter—une responsabilité qui leur revient de mener moralement la transformation de la société. Pour justifier ces paroles, nous invoquons la mémoire de Celui dont le Mausolée a aujourd'hui embrasé la Montagne de Dieu, et la mémoire de la troupe de héros et héroïnes dans la fleur de l’âge, dont la grandeur d’âme et l’abnégation ont lancé dans sa course l'entreprise dans laquelle nous sommes engagés.
L'accomplissement que nous célébrons aujourd'hui fait ressortir deux réalités paradoxales. Au sein de la Foi elle-même, la force croissante de la communauté bahá’íe présage un énorme bond en avant, dont les indices sont déjà partout apparents. Comme l'avait souligné Shoghi Effendi à plusieurs reprises, cette avancée attisera inévitablement une opposition encore plus intense que celle que la Cause a connue jusqu’à présent, opposition qui, à son tour, libérera les forces plus grandes qu'exigent les tâches encore plus difficiles qui nous attendent.
Le monde où nous déployons nos efforts connaît lui aussi de profonds changements. D'un côté, l'immense réseau d'agences et de personnes qui encouragent la compréhension et la coopération entre les différents peuples affirme de manière toujours plus puissante la reconnaissance croissante que la « terre est un seul pays dont tous les hommes sont les citoyens ». D'un autre côté, il est tout aussi clair que le monde traverse une période d'anarchie, de tyrannie et de paralysie sociales, période marquée, de la part à la fois des gouvernements et des personnes, par leur manquement généralisé à remplir leurs responsabilités, ce dont personne sur terre ne peut prévoir les conséquences ultimes. Ces deux développements auront pour effet, comme l'a également indiqué Shoghi Effendi, d’éveiller dans le cœur de ceux qui partagent avec nous cette planète un désir ardent d’unité et de justice que seule la Cause de Dieu peut satisfaire.
Un processus long et ardu de lutte, d’expérimentation et de construction a mené aux victoires qui nous réchauffent le cœur à l'aube d'un nouveau siècle. À travers le système d'instituts qui prolifère rapidement et l’énergie qui est partout investie dans les stratégies de croissance zonale, la communauté bahá’íe a avancé à grandes enjambées pour tirer parti de ce qui a été réalisé. Aussi sombres que soient les ténèbres qui enveloppent le monde, l'avenir n'a jamais paru aussi brillant pour la poursuite de la mission de Bahá'u'lláh. Nous, qui avons eu le privilège de nous rassembler ici cette semaine, avons vu de nos propres yeux l'aube de l'accomplissement des paroles révélées par le Seigneur des armées sur cette montagne il y a plus d'un siècle, paroles qui font vibrer les atomes mêmes de la terre : « En vérité, voici le jour où la terre et la mer se réjouissent de cette annonce, le jour pour lequel ont été accumulées ces choses que Dieu, dans sa bonté inconcevable à l’esprit et au cœur du mortel, a réservées pour être révélées. »
Un tel privilège porte en lui une responsabilité tout aussi grande, la responsabilité de remplir notre rôle, quel qu'en soit le sacrifice, quelle qu'en soit la difficulté, pour assurer que le désir poignant exprime par Bahá'u'lláh à cette occasion historique soit exaucé : « Oh ! combien j’ai hâte d’annoncer en chaque lieu de la terre et d’apporter à chacune de ses villes la bonne nouvelle de sa révélation—révélation qui a attire le cœur du Sinaï et au nom de laquelle le Buisson ardent proclame : “C’est à Dieu, le Seigneur des seigneurs, qu’appartiennent les royaumes des cieux et de la terre.” ».
Avec toute la ferveur d'un cœur reconnaissant, nous prierons au Seuil sacré afin que Bahá'u'lláh bénisse et confirme tous les efforts que vous déploierez en vue de faire avancer son dessein pour la rédemption de l’humanité et la guérison de ses maux.
Avec nos sentiments bahá’ís affectueux,