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Baha'u'llah : Les sept vallees

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Source: WWW.RELIGARE.ORG

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Religion: baha'ie
Livre: Les sept vallées
Edition: MEB, D 1547/1982/7

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Chapitre: Les sept vallées

A la Gloire de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Loué soit Dieu qui, du néant, a tiré l'être; qui a, sur la tablette de l'homme, gravé les mystères de la préexistence; qui lui a, dans le Bayan, enseigné ce qu'il ignorait; qui fit de lui un Livre lumineux pour ceux qui crurent et se soumirent; qui, en cet âge de ténèbres et de ruines, le fit témoin de la création de toutes choses (Kullu Shay), et, des cimes d'éternité, l'a fait parler de sa voix merveilleuse dans le Temple parfait; afin que tout homme témoigne, en lui-même et par lui-même, dans la station de Manifestation de son Seigneur, qu'en vérité il n'y a pas d'autre Dieu que Lui; afin que tout homme trouve ainsi sa voie vers les sommets de réalité, jusqu'à ce que personne ne puisse contempler quoi que ce soit sans y voir Dieu.

Louange et gloire à la première mer émanée de l'océan de la divine Essence; et au premier matin qui a brillé à l'Horizon de l'Unité; et au premier soleil qui se leva au Ciel d'Eternité; et à la première flamme qui fut allumée sous le globe d'unicité par la lampe de préexistence: Lui qui fut Ahmad dans le royaume des glorifiés et Muhammad dans l'assemblée des proches, et Mahmud au royaume des sincères. "...invoquez-Le par quelque nom qu'il vous plaira, Il possède les noms les plus parfaits" dans les coeurs de ceux qui savent. Sur ses proches et sur ses amis soit une paix abondante, immuable, éternelle !

Ensuite nous prêtâmes l'oreille à ce que modulait le Rossignol de la connaissance sur les branches de l'arbre de ton âme, et nous sûmes ce que la Colombe de certitude chantait dans les rameaux de l'abri de ton coeur.

Je crois, en vérité, avoir respiré le parfum suave du vêtement de ton amour et être parvenu à ta parfaite rencontre par la lecture de ta lettre. Et, comme j'ai observé que tu te déclares anéanti en Dieu et vivant par Lui, et noté ton amour pour les bien-aimés de Dieu, pour les manifestations de ses noms et pour les aurores de ses attributs, je vais donc te révéler certains signes sacrés et resplendissants issus des vallées de gloire, afin de t'attirer vers la cour de la sainteté, de l'approche et de la beauté; afin aussi que tu sois amené à un état où, dans toute la création, tu ne verras plus que le visage de ton Bien-aimé, l'Honoré; et où tu regarderas toutes choses créées comme au jour où rien n'avait encore été nommé.

C'est ce que chante le Rossignol de l'unité dans le jardin de Ghawthiyyih. Il dit: "Et sur la tablette de ton coeur paraîtront les symboles des subtils mystères de 'crains Dieu et Il te donnera la connaissance '; et l'oiseau de ton âme se souviendra des sanctuaires sacrés de la Préexistence et s'envolera sur les ailes du désir, dans le ciel de 'parcours les chemins de ton Seigneur, et il recueillera les fruits de la communion dans les jardin de 'Alors goûtez à toute espèce de fruit'."

Par ma vie, ô ami, si tu goûtes à ces fruits du vert jardin fleuri des régions du savoir, proches des levers de la lumière divine dans les miroirs des noms et attributs, alors le désir ravira de tes mains les rênes de ta patience et de ta réserve; ton esprit, transi par les éclairs du feu céleste, sera entraîné, loin de ta patrie de poussière, vers les premiers séjours célestes au sein des réalités, et il sera élevé à une condition où tu voleras dans l'air comme tu circules sur la terre, et où tu marcheras sur la mer comme tu cours sur le sol.

Puisse ceci Me réjouir ainsi que toi-même, et réjouir quiconque s'est envolé au Ciel de la connaissance, et dont le coeur est rafraîchi, parce que la brise de certitude souffle sur lui de la Sheba du Miséricordieux. Paix à celui qui suit le sentier droit!

Pour le voyageur qui va de la demeure terrestre à sa patrie divine, on compte sept stations; certains les nomment les sept vallées, d'autres les sept cités; et tant qu'il n'aura pas quitté son moi ni accompli ces parcours, le voyageur ne pourra, dit-on, parvenir à la mer de l'approche et de l'union, ni goûter au vin sans pareil.

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Chapitre: La vallée de la recherche

La première vallée est la vallée de la recherche où l'on chemine sur le coursier de la patience. Sans elle le voyageur n'arrive nulle part et ne peut atteindre nul but.

Il ne doit jamais perdre courage: lutterait-il cent mille ans sans réussir à voir la beauté de l'Ami qu'il ne devrait pas vaciller.

Car ceux qui cherchent la Ka'bih de "pour Nous", se réjouissent à la nouvelle de "Nous leur montrerons notre chemin".

Ils ont, dans leur recherche, pris la ferme résolution de servir, et ils tâchent sans cesse d'aller de la négligence vers le royaume de l'existence. Rien ne peut les retenir, aucun conseil ne peut les faire hésiter.

Il incombe à ces serviteurs de purifier leur coeur - source des trésors divins - de tout attachement.

Il leur faut refuser toute imitation et renoncer à tous les usages venant de leur père et de leurs aïeux, et fermer à tous les habitants du monde les portes de l'amitié comme de l'inimitié.

Dans ce voyage, le chercheur parviendra à un point où il verra toutes les choses créées à la recherche affolée de l'Ami; combien de Jacob verra-t-il errant à la découverte de son Joseph!

Il rencontrera plus d'un amoureux pressé de trouver le Bien-aimé et découvrira un monde de soupirants à la recherche du Désiré.

A chaque instant il voit matière à raisonnement et à chaque heure il découvre un mystère; car son coeur, détaché de ce monde et de l'autre, est en route vers la Ka'bih du Bien-aimé.

Le secours invisible guide chacun de ses pas et l'ardeur de la recherche l'enflamme de plus en plus.

Pour juger de toute recherche, il faut appliquer le critère du Majnun de l'Amour. On dit que quelqu'un, voyant un jour Majnun en larmes filtrant de la poussière avec un crible, lui demanda: "Que fais-tu là?" - "Je cherche Layli" répondit-il. - "Pauvre de toi! Layli est un esprit de pureté et tu la cherches dans la poussière..." - "Je la cherche partout, peut-être la trouverais-je quelque part..."

Certes, si pour les sages, il est honteux de chercher dans la terre le Seigneur des Seigneurs, c'est pourtant là la preuve d'une ferveur intense dans la recherche. "Celui qui cherche une chose avec ferveur la trouvera."

Le vrai chercheur ne poursuit que son but, et l'amant n'a d'autre désir que la rencontre de son bien-aimé.

Mais il ne réussira qu'en sacrifiant tout: ce qu'il a vu, entendu, compris. Rien de tout cela ne doit plus subsister s'il veut entrer au royaume de l'esprit qui est la Cité de Dieu.

Et quel labeur est nécessaire pour Le trouver! Et quelle ardeur faut-il si nous voulons goûter à la douceur du miel de la réunion! Mais si nous buvons à cette coupe, nous rejetterons le monde entier.

Celui qui fait ce voyage séjournera sur chaque terre et habitera dans tout pays, cherchant sur chaque visage la beauté de l'Ami et s'enquérant partout du Bien-aimé.

Se joignant à toute assemblée, il cherche la compagnie de toute âme, espérant y trouver par bonheur le secret de l'Ami, ou découvrir sur sa face la beauté de l'Aimé.

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Chapitre: La vallée de l'amour

Et si, Dieu aidant, il peut trouver dans sa marche une trace de l'invisible Ami et respirer près du céleste messager le parfum du Joseph perdu, alors, sans plus tarder, il entrera dans la vallée de l'amour et se fondra à son brasier.

Dans cette cité, sous le ciel du ravissement, brille le soleil du désir ardent illuminant le monde.

Et là, jaillit la flamme de l'amour, dévorant jusqu'à la cendre, la moisson de la raison.

A ce moment, le voyageur ne connaît ni lui-même ni rien d'autre. Il ne voit ni sagesse ni ignorance, ni doute ni certitude. Il confond matin de la direction et nuit de l'erreur. Il fuit l'impiété comme la foi, et délicieux lui semble le poison mortel.

C'est ainsi que Attar a pu dire: L'impiété pour l'infidèle, la foi pour le croyant; Et, pour le coeur d'Attar, un peu de Ta souffrance.

Sans la souffrance, coursier de cette vallée, on ne voit jamais la fin du voyage.

Dans cet état l'amant ne pense qu'au Bien-aimé et ne cherche refuge qu'auprès de l'Ami.

A tout instant il offre cent fois sa vie dans le sentier du Bien-aimé et à chaque pas qu'il fait n'hésite pas à jeter mille fois sa tête aux pieds de l'Ami.

O mon frère, à moins d'entrer dans l'Egypte de l'amour, jamais tu ne verras le Joseph de la beauté de l'Ami; et à moins de devenir aveugle comme Jacob, jamais tu n'ouvriras l'oeil de ton être intime.

Et tant que tu ne brûleras pas du feu de l'amour, jamais tu n'auras de rencontre avec le Désiré.

Un amant ne craint rien et rien ne peut lui nuire.

Dans le feu, tu le verrais gelé et plongé dans la mer, il en sortirait sec.

L'amant se reconnaît à ce que le feu de l'enfer ne l'atteint pas, et le sage à ce que la mer ne le mouille pas.

L'amour n'accepte pas l'existence et ne tient pas à la vie: il voit la vie dans la mort et cherche la gloire dans la honte.

Il faut de grandes qualités pour mériter la folie de l'amour, et pour être digne d'être pris dans les rêts de l'Ami il faut une grande force d'âme.

Béni est le cou qui est pris dans ses lacs et bénie la tête tombant dans le sentier de Son amour.

Ainsi, sois étranger à toi-même, ô ami, afin de trouver l'Incomparable, et renonce à ce monde terrestre pour accéder au nid divin.

Si tu veux allumer en toi le feu de l'existence et être à même de t'acheminer vers l'amour tu dois t'annihiler.

L'amour ne se saisit pas d'âme qui vive, la souris morte ne fait pas la chasse du faucon.

L'amour à chaque instant incendie un monde et ruine toute terre où il plante sa bannière.

Dans son royaume, l'existence vaut la non-existence; dans son domaine, le sage ne détient pas le pouvoir.

Le Léviathan de l'amour engloutit les maîtres de la raison et anéantit les plus érudits.

Il avalerait les sept mers sans apaiser la soif de son coeur, et demanderait: "Y en a-t-il encore?"

Il devient étranger à lui-même et évite tout ce qui vient du monde.

L'amour est étranger à la terre comme au ciel; En lui se trouvent septante-et-deux folies.

Il retient dans ses lacs cent mille victimes et blesse de ses traits cent mille sages.

Sache que sur terre le rouge de toute violence est le produit de sa colère, et que les faces blêmes que l'on rencontre montrent l'effet de son poison.

Il ne prescrit d'autre remède que la mort et ne marche que dans la vallée de l'ombre.

Et pourtant doux comme le miel est son venin aux lèvres de l'amant, et aux yeux de celui qui le cherche, mieux vaut sa destruction que cent mille vies.

Il faut donc que les flammes de l'amour consument les voiles du moi satanique pour que l'esprit ainsi purifié comprenne le rang du Seigneur des mondes.

Allume le feu de l'amour et brûle tout ce qui existe, et puis entre au pays des amants.

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Chapitre: La vallée de la connaissance

Et si, assisté par le Créateur, l'amoureux échappe aux serres de l'aigle de l'amour, alors il entrera dans la vallée de la connaissance.

Il passe ainsi du doute à la certitude, des ténèbres de l'illusion à la lumière directrice de la crainte de Dieu.

Alors s'ouvriront ses yeux intérieurs, et il commencera à s'entretenir en secret avec son Bien-aimé; il entrouvrira la porte de la vérité et de la piété en fermant celle des vaines imaginations.

Dans cet état, il acquiesce au décret de la Providence et voit la guerre comme si c'était la paix.

Il découvre dans la mort les secrets de l'immortalité.

Par sa vision interne ou externe, il voit les mystères de la résurrection dans les mondes de la création et dans les âmes des hommes.

Et d'un coeur pur il pénètre la sagesse divine dans la suite infinie des Manifestations de Dieu.

Dans la mer, il voit une goutte, et dans une goutte, les secrets de la mer.

Ouvre le coeur de l'atome, et vois! En lui se trouve un soleil.

Dans cette vallée le voyageur ne voit dans l'oeuvre de Dieu que sagesse évidente, et sans cesse il s'écrie: "Il n'est pas de défaut dans la création du Dieu de Miséricorde: Regarde encore, y vois-tu la moindre brèche?"

Il voit la justice dans l'injustice; dans l'ignorance il perçoit maint savoir caché, et dans la science, cent mille sagesses.

Il brise la cage du corps et de ses désirs et s'associe au peuple du royaume immortel.

Il gravit les échelons des vérités intérieures et se hâte vers le ciel des significations secrètes.

Il navigue dans l'arche de: "Nous leur ferons voir nos signes dans le monde et en eux-mêmes", et voyage sur la mer de: "jusqu'à ce qu'il leur soit évident que c'est (ce Livre), la vérité".

S'il rencontre l'injustice, il est patient; et s'il est abordé par un violent, il fait preuve de douceur.

Il était une fois un amoureux qui, loin de sa bien-aimée, avait soupiré pendant de longues années et s'était consumé au feu de l'éloignement. Sous l'empire de l'amour son coeur perdait patience et son corps se lassait de son esprit. La vie sans elle lui semblait un leurre, et le temps achevait de l'épuiser. Combien de jours passa-t-il sans repos en se languissant d'elle?

Et combien de nuits sa douleur le tint-il en éveil? Il s'était si amaigri qu'il n'était plus qu'un souffle; et la blessure de son coeur le faisait constamment gémir. Il aurait donné mille vies pour boire, à la coupe de sa présence, une goutte du vin de la rencontre. Mais hélas, rien n'y faisait! Tous les médecins restaient impuissants à le guérir et ses amis avaient dû l'abandonner; las! les médecins sont sans remèdes pour le malade d'amour; seule peut le guérir la faveur de l'aimée.

Pour tout dire, l'arbre de son désir avait produit le fruit de la détresse et, du feu de son espoir, il ne restait que cendres. C'est alors qu'un soir où, las de vivre, il sortait de chez lui pour aller vers la place du marché, il s'aperçut qu'un garde le suivait. Il se mit à courir; le garde fit de même, d'autres gardes se joignirent à lui, et ils finirent par barrer toute issue à l'infortuné. Affolé, courant çà et là, le malheureux se disait en lui-même: "Ce garde est sûrement mon Izra'il, mon ange de la mort pressé de me prendre, ou bien c'est un persécuteur des hommes qui essaie de me malmener."

Cette victime des flèches de l'amour gémissait dans son coeur et courait sans savoir où jusqu'à ce qu'il parvint près d'un mur clôturant un jardin et qu'il escalada à grand-peine car il était très haut. Là, décidé d'en finir avec la vie, il se jeta en bas du côté du jardin. Mais alors... il put voir sa bien-aimée elle-même, une lampe à la main, cherchant une bague qu'elle avait perdue.

Quand l'amoureux désespéré vit sa ravissante amie, poussant un grand soupir, il leva les mains vers le ciel en signe de prière et s'écria: "O Dieu! accorde à ce garde richesse, gloire et longue vie, car c'était l'ange Gabriel qui me guidait ou bien l'ange Israfil qui ramenait à l'existence ce misérable que j 'étais !"

En vérité, ces paroles étaient justes, car sous l'apparente tyrannie de ce garde, l'homme avait découvert combien une secrète justice et une grande miséricorde pouvaient se cacher sous les voiles.

Grâce à sa violence, le garde avait conduit l'assoiffé, du désert de l'amour, à la mer de la bien-aimée, et par la lumière de la rencontre avait dissipé la nuit de l'absence.

Il avait ramené l'éloigné au jardin de l'approche, et guidé le malade vers le médecin des coeurs.

Si notre amoureux avait été plus perspicace, il eût béni ce garde et prié Dieu pour lui, voyant sa tyrannie comme la justice même. Mais ignorant l'issue de l'affaire, il s'était mis à gémir et à se plaindre.

Cependant, ceux qui voyagent dans le jardin de la connaissance, voyant la fin dans le commencement, voient la paix dans la guerre et l'amitié dans la colère.

Telle est la condition des voyageurs de cette vallée. Mais les gens des vallées supérieures voient en une fois la fin et le commencement; et même ils ne voient ni début ni fin et ne considèrent ni "premier" ni "dernier".

Et encore, les habitants de la cité éternelle, demeurant aux séjours verdoyants, ne voient même ni "premier ni dernier". Ils fuient tout ce qui est premier et repoussent tout ce qui est dernier car, rapides comme l'éclair, ils ont dépassé les mondes des noms et se sont envolés au-delà des mondes des attributs, ainsi qu'il est dit: "L'unicité absolue exclut tout attribut". Ils ont fait leur séjour à l'ombre de l'Essence.

C'est à ce propos que Khajih 'Abdu'llah - que Dieu sanctifie son âme bien-aimée - a fait une subtile mise au point, et développé une éloquente paraphrase sur la signification du verset: "Guide-nous sur le sentier droit."

C'est-à-dire "Montre-nous le droit chemin en nous honorant de l'amour de ton Essence, afin que nous ne devions plus avoir recours à nous, ni à tout ce qui n'est pas Toi, et devenir ainsi entièrement tien, ne connaissant que Toi et ne pensant à rien d'autre qu'à Toi."

Et même, ces habitants de l'éternelle cité s'élèvent plus haut encore, car il est dit: L'amour est un voile entre l'amant et l'aimé; Il ne m'est pas permis d'en dire plus.

Et maintenant le matin du savoir s'est levé et les lampes du voyage et de l'errance s'éteignent.

A Moïse qui fut fort et génial, ceci resta voilé; Toi donc qui n'as point d'ailes n'essaie pas de voler.

Si tu es un homme de communion et de prières, élève-toi sur les ailes de l'assistance des âmes saintes, afin de voir les mystères de l'Ami et d'atteindre aux lumières du Bien-aimé. "En vérité, nous venons de Dieu et nous retournerons à Lui."

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Chapitre: La vallée de l'unité

Parvenu au terme de la vallée de la connaissance, dernier état de limitation, le voyageur arrivera dans la vallée de l'unité où il boit à la coupe de l'Absolu et voit les manifestations de l'unicité.

Alors il transperce les voiles de pluralité et, fuyant les mondes charnels, s'envole vers les cieux d'unité.

Il entend par l'ouïe de Dieu, et voit par l'oeil de Dieu les mystères de la création divine.

Il entre dans le sanctuaire de l'Ami et se trouve au nombre des intimes du pavillon du Bien-aimé.

Hors de la manche de l'Absolu, il tend la main de vérité et révèle les secrets du pouvoir.

Mais il ne s'attribue aucun nom, aucun titre, ni aucun rang, trouvant dans sa louange à Dieu son propre éloge.

Il voit le nom de Dieu dans son propre nom. Pour lui "tous les chants sont chants du Roi", et toute mélodie vient de Lui.

Il s'assied sur le trône de "Dis, tout vient de Dieu", et il se repose sur le tapis de "Il n'y a de pouvoir ou de puissance qu'en Dieu."

Il regarde toutes choses à travers l'unicité; il voit les rayons de splendeur du soleil divin briller, du levant de l'Essence, sur tout ce qui existe, et les lumières d'unité se refléter sur toute la création.

Votre Eminence n'ignore pas que tout ce qui différencie les mondes traversés par le voyageur procède de la propre vision de celui-ci. Nous allons en donner un exemple pour que la chose vous soit tout à fait claire.

Considérez le soleil visible; il brille uniment sur tout ce qui existe; et par ordre du Roi de la manifestation, il dispense sa lumière à toute la création.

Mais dans chaque endroit où il luit, il accorde ses bienfaits selon les capacités de ce lieu. Ainsi, dans un miroir, il reflète son disque, et cela est dû à la sensibilité du miroir; dans le cristal, il fait apparaître du feu; et dans d'autres objets, il ne fait voir que l'effet de sa brillance et non son orbe parfait.

Et cependant, comme vous pouvez le constater, par ses effets il contribue suivant l'ordre de Dieu, au développement de chaque chose selon les capacités de celle-ci.

Ainsi, les différentes couleurs deviennent visibles en chaque objet selon la nature de celui-ci. Par exemple, à travers un globe jaune, les rayons éclairent en jaune; si le globe est blanc, les rayons sont blancs, et dans un globe rouge on verra les rayons rouges. Ces différences de couleur ne tiennent donc pas à la lumière elle-même mais à la nature de l'objet qu'elle frappe.

Et si un endroit est occulté par un obstacle - un mur ou un toit - il sera totalement frustré de toute splendeur lumineuse, et le soleil n'y luira pas.

C'est ainsi que certaines âmes infirmes ont borné leur champ de savoir par les murs de l'égoïsme et de la passion et l'ont ainsi assombri par ignorance et aveuglement.

Privées des rayons du Soleil spirituel et des mystères de l'éternel Bien-aimé, ces âmes se sont égarées loin des joyaux de sagesse de la foi pure du Seigneur des messagers et se sont exclues du sanctuaire de la Beauté parfaite, s'interdisant l'accès à la Ka'bih de gloire. Telle est la condition des gens de notre époque!

Et si un Rossignol, s'élevant au-dessus de l'argile du "moi" pour s'envoler parmi les branches fleuries de l'arbre du coeur et raconter, dans les mélodies arabes et les doux airs persans, les mystères divins dont un seul mot ranimerait les morts et rendrait le Saint-Esprit aux ossements tombés en poussière, alors tu verras mille griffes de jalousie et mille becs de haine le poursuivre à toutes forces pour le mettre à mort.

Certes, les doux parfums font fuir l'escarbot et, pour l'enrhumé, un suave arôme n'est rien.

Ainsi fut-il dit pour la gouverne de l'ignorant: Guéris ton cerveau de tout rhume, et respire le souffle de l'haleine de Dieu.

Bref, la question des différences dues aux objets est maintenant élucidée: tant que le voyageur fixe son regard sur le lieu d'apparition - c'est-à-dire tant qu'il s'arrête au globe de couleur - il ne perçoit que le jaune, le blanc ou le rouge; et c'est là la cause des conflits entre les hommes et de l'obscurcissement du monde sous la sombre poussière des esprits bornés.

Certains contemplent les rayons de la lumière tandis que d'autres, buvant au vin de l'unité, ne voient que le soleil.

Du fait qu'ils concernaient ces trois plans différents, la compréhension et les mots des chercheurs varièrent des uns aux autres, et c'est de là que viennent les conflits permanents de la terre.

Car certains de ces chercheurs se situent au plan de l'unité et le décrivent, alors que d'autres habitent le monde des limitations, et que d'autres encore en sont toujours au stade du "moi"; pendant qu'il en est qui séjournent entièrement derrière les voiles.

Ainsi font les ignorants de cette époque; privés du rayonnement de la Beauté divine, ils s'attribuent des droits et, à chaque âge et cycle, infligent aux gens de la Mer d'unité ce qu'eux-mêmes mériteraient. "Si Dieu punissait les hommes de leurs actions perverses, Il ne laisserait sur terre aucun vivant! Mais il remet tout cela au jour fixé..."

O mon frère, un coeur pur est comme un miroir; clarifie-le avec le polissoir d'amour et le détachement de tout ce qui n'est pas Dieu, afin qu'y brille le Soleil de réalité et que s'y lève l'aube de l'éternel matin. Tu comprendras alors la signification de "Ni ma terre, ni mon ciel ne peuvent Me contenir, mais le coeur de mon fidèle serviteur Me contient".

Et tu recueilleras ta vie dans tes mains avec l'ardent désir de la jeter au pied du nouveau Bien-aimé.

Chaque fois que la lumière de la manifestation du Roi de l'unité se pose sur le trône du coeur et de l'âme, son éclat paraît dans chaque membre du corps.

Alors, sortant de l'ombre, brille le mystère du fameux hadith: "Le croyant s'approche de Moi par la prière jusqu'à ce que Je lui réponde. Et quand Je lui ai répondu, Je deviens l'ouïe par laquelle il entend..." C'est ainsi que le Maître de la maison apparaît chez Soi et que tous les piliers de la demeure en sont éclairés.

L'action et l'effet de la lumière proviennent du Dispensateur de lumière et c'est alors que tout, par Lui, reprend vie et s'élève par sa volonté.

Voilà la source où boivent ceux qui sont près de Dieu, ainsi qu'il est dit: "Une fontaine où boiront les proches de Dieu".

Que personne cependant ne voie dans ces explications la description d'un anthropomorphisme, non plus que la descente des mondes divins sur le plan des créatures; puissent ces paroles ne pas guider Votre Eminence vers de telles suppositions.

Car Dieu, par son Essence, est au-dessus de la montée ou de la descente, ou de l'entrée et de la sortie; de toute éternité Il est totalement affranchi des attributs de l'homme, et il en sera toujours ainsi. Nul ne L'a jamais connu; aucune âme n'a trouvé la voie vers son Etre.

Chaque érudit mystique s'est égaré dans la vallée de sa connaissance et tout saint s'est fourvoyé en cherchant à saisir son Essence. Par-delà l'entendement du sage, Il reste sanctifié! Par-delà la science du savant, Il reste exalté!

Close est la voie et sacrilège est la recherche; ses preuves sont ses signes, et son argument est Lui-même.

C'est ainsi que les amants de la face du Bien-aimé ont dit: "O Toi dont l'Essence seule montre la voie vers son Essence, et qui es sanctifié au-delà de toute ressemblance avec ses créatures".

Comment le néant absolu pourrait-il chevaucher dans le champ de Préexistence, et comment une ombre fugace pourrait-elle parvenir au Soleil éternel?

L'Ami n'a-t-Il pas dit: "Si ce n'était pour Toi, Nous ne T'aurions pas connu." Et le Bien-aimé n'a-t-Il pas ajouté: "ni atteint ta présence".

En réalité toutes ces explications concernant les degrés du savoir tiennent à la connaissance des Manifestations de ce Soleil de réalité projetant sa lumière sur les miroirs. Or la splendeur de cette lumière se trouve dans les coeurs, mais elle est obscurcie par les voiles des sens et des conditions contingentes.

Ainsi en est-il d'une chandelle dans un globe de fer; vous ne verrez la lumière que si vous enlevez ce globe. De même si vous arrachez les voiles trompeurs de votre coeur, les Lumières d'unité s'y manifesteront.

Ceci démontre que si pour la manifestation de la lumière il n'existe ni entrée ni sortie, combien plus encore ces choses-là sont-elles étrangères à l'Essence d'Existence et à ce Mystère convoité par tous.

O mon frère, traverse ces contingences dans un esprit de recherche et non d'aveugle conformisme.

Le voyageur sincère n'est pas retenu par le poids des mots ni par les mises en garde des hommes.

Que peut faire un rideau entre l'amant et l'aimé? Même la muraille d'Alexandre ne les séparerait pas!

Nombreux sont les mystères mais myriades sont les profanes.

Des volumes ne suffiraient pas pour saisir le mystère du Bien-aimé, et ce n'est pas en ces pages que l'on épuisera le sujet, même s'il n'était pas plus qu'un mot, pas plus qu'un signe. "Le savoir n'est qu'un simple point; les ignorants l'ont multiplié."

Dans cette même optique considère les différences entre les mondes.

Bien que les mondes divins soient une infinité, certains en font mention comme s'ils étaient quatre: le monde du temps (zaman) qui a un commencement et une fin; le monde de la durée (dahr) qui possède un commencement mais dont la fin n'est pas révélée; le monde de la perpétuité (sarmad) dont le commencement n'est pas connu mais dont on sait qu'il a une fin; et le monde de l'éternité (azal) dont on ne voit ni le commencement ni la fin.

Nombreux sont les énoncés différents quant à ces points et en parler dans les détails finirait par lasser. Ainsi certains disent-ils que le monde de la perpétuité n'a ni début ni fin et que le monde de l'éternité est l'invisible et inconcevable Empyrée.

D'autres les nomment: la Cour céleste (Lahut), le ciel Empyrée (Jabarut), le royaume des anges (Malakut), et le monde mortel (Nasut).

Quant aux chemins de l'amour, ils sont regardés comme étant quatre: des créatures à Dieu; de Dieu aux créatures; des créatures aux créatures; de Dieu à Dieu.

Sur ce sujet, sages et savants d'autrefois tinrent maints propos sur lesquels je ne m'étendrai pas, répugnant aux longues citations de textes anciens. Citer les paroles des autres ne prouve en effet qu'un savoir acquis et non le don divin. Pour autant que je l'aie fait, ce fut pour sacrifier aux usages et suivre l'exemple des amis; d'ailleurs de telles matières débordent du cadre de cette épître. Ce dédit n'est pas inspiré par l'orgueil mais c'est un acte de sagesse et une preuve de bonté.

Si Khidr a fait sombrer le vaisseau, c'est qu'il y avait dans ce mal un millier de biens.

A part cela, ce Serviteur se considère comme entièrement démuni et comme pur néant à côté d'un aimé de Dieu, et combien moins encore en la présence de ses saints. Glorifié soit mon Seigneur le Très-Haut!

De toutes façons mon but est d'expliquer les étapes du parcours du voyageur et non d'exposer les opinions contradictoires des érudits mystiques.

Bien qu'un court exemple ait été donné quant au commencement et à la fin du monde contingent ou monde des attributs, j'en ajouterai un second pour bien mettre en lumière sa pleine signification.

Que Votre Eminence songe, par exemple, à lui-même. Par rapport à votre fils, vous êtes premier; et par rapport à votre père vous êtes dernier. Extérieurement, vous témoignez de l'apparition de la puissance dans les royaumes de la création divine; et dans votre être intime, vous celez les mystères cachés formant en vous le dépôt divin. Ainsi donc, commencement et fin, extériorité et intériorité, sont des notions qui, dans l'acception que nous leur donnons, s'appliquent à vous-même.

Ceci, afin que vous compreniez, par ces quatre conditions qui sont vôtres, les quatre états divins; et pour que le rossignol de votre coeur, sur les branches visibles ou invisibles des roseraies de l'existence, puisse chanter: "Il est le premier et le dernier, le Visible et le Caché..."

Ces explications n'ont qu'un caractère relatif nécessité par les limitations humaines; mais ceux qui, d'un seul pas, ont franchi la frontière du monde contingent et limité, pour habiter dans la plaine parfaite de l'Absolu et pour planter leur tente dans le monde de l'autorité et du commandement, ceux-là ont, d'une simple étincelle, réduit en cendres ces contingences et, d'une seule goutte de rosée, effacé tous ces mots.

Ils nagent dans la mer de l'esprit et planent dans l'air sanctifié de lumière. Quelle valeur peuvent avoir sur ce plan des mots tels que "premier" et "dernier" ou d'autres que l'on entend prononcer? C'est la condition où le premier est le dernier lui-même, et où le dernier est néanmoins le premier.

Allume dans ton âme le feu de l'amour, et brûle toute pensée et parole.

O mon ami, réfléchis à toi-même: si tu n'étais devenu un père en engendrant un fils, tu n'aurais même pas connu ces deux mots!

Oublie donc toutes ces choses pour étudier à l'école de l'unité l'enseignement du Maître de l'amour, pour retourner à Dieu, pour échanger un psychisme irréel contre ta véritable condition, et habiter à l'ombre de l'arbre du savoir.

O toi qui m'es cher, appauvris-toi afin d'avoir accès à la suprême cour de richesse; et humilie ton corps pour boire à la rivière de gloire et atteindre à la parfaite compréhension des poèmes que tu as demandés.

Il est donc évident que ces états sont sous la dépendance de la vision du voyageur. Dans chaque ville il verra un monde, dans chaque vallée il trouvera une source, et dans chaque prairie il entendra un chant.

Mais le faucon du ciel mystique a dans son coeur bien d'autres merveilleuses aubades et l'oiseau persan garde en son âme plus d'une douce mélodie arabe, mais elles sont cachées et le resteront.

En parlant j'ébranlerais plus d'une raison, et si j'écrivais les plumes se briseraient.

Et paix sur celui qui a accompli ce suprême voyage et suivi le Juste, grâce aux lumières de direction.

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Chapitre: La vallée de la félicité

Après la traversée des hauts-plateaux de ces vallées exaltées, le voyageur entrera dans la vallée de la félicité. Dans cette vallée, il sent le souffle de la joie divine venant de la plaine de l'esprit, et brûle les voiles du besoin.

De sa vue interne et externe il perçoit, dans le visible et l'invisible de toutes choses, le jour où: "Dieu dédommagera chacun par son abondance".

Du chagrin, il passe à la félicité, et de l'angoisse à la joie. Sa peine et son affliction cèdent au délice et au ravissement.

Le voyageur de cette vallée peut paraître assis dans la poussière, en réalité il trône dans les hauteurs des acceptions mystiques, nourri des infinies faveurs des significations secrètes et abreuvé des vins délicats de l'esprit.

La langue est impuissante à décrire ces trois vallées, car les mots font défaut. La plume ne s'avance pas dans cette région, et l'encre ne laisse que taches.

Là-bas, le rossignol du coeur a d'autres mélodies et d'autres secrets qui émeuvent coeur et âme et voudraient les faire parler, mais le mystère des significations secrètes doit être murmuré d'un coeur à un autre et confié d'âme à âme.

Seul le coeur peut décrire au coeur la béatitude du sage; Pas de messager pour la dire, ni de missive pour l'annoncer.

Je me suis résigné au silence sur plus d'un sujet, car mes mots seraient inadéquats et ma langue serait prise de court.

O mon ami, à moins d'entrer dans les jardins de tels mystères, tu ne goûteras jamais au vin d'éternité de cette vallée.

Devrais-tu y goûter que tu détournerais les yeux de tout le reste, car tu voudrais vider cette coupe de joie. Et tu te

détacherais de tout pour t'attacher à Lui, donner ta vie dans son chemin, et sacrifier ton âme.

Pourtant dans cette vallée, il n'est rien d'autre que tu doives oublier: "Dieu était, et rien n'était avec Lui."

Car sur ce plan, le voyageur voit en toutes choses la beauté de l'Ami; même dans le feu il verra la face du Bien-aimé. Dans l'illusion il perçoit le secret du réel; et dans les attributs il lit l'énigme de l'Essence.

D'un de ses soupirs il aura consumé les voiles, et d'un clin d'oeil il aura dissipé les brumes.

Sa vue pénétrante contemplera la nouvelle création et son coeur lucide en saisira les signes subtils. Cette parole du Quran en porte un suffisant témoignage: "En ce jour, nous rendîmes ton regard acéré."

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Chapitre: La vallée de l'émerveillement

Une fois franchies les étapes de la pure félicité, le voyageur entrera dans la vallée de l'émerveillement. Là il est soulevé sur les océans de grandeur, et chaque instant accroît son ébahissement.

Alors il considère la richesse comme pauvreté même, et l'essence de liberté comme pure impuissance.

Il est frappé de mutisme devant la beauté du Tout-Glorieux, et parfois il se lasse de sa propre vie.

Combien d'arbres mystiques furent déracinés par la tempête de l'émerveillement, et combien d'âmes a-t-il desséchées.

Car dans cette vallée, le voyageur se trouve en pleine confusion; bien qu'aux yeux de qui a réussi à y parvenir de tels mystères aient de la valeur et fassent ses délices.

A tout moment il voit un monde merveilleux et une nouvelle création; il va d'étonnement en étonnement et il s'anéantit de crainte devant les oeuvres du Seigneur de l'Unité.

O mon frère, en vérité si nous considérons chaque chose créée, nous sommes témoins de myriades de sagesses parfaites, et nous y apprenons des myriades de vérités nouvelles et merveilleuses.

Le rêve est un de ces phénomènes de la création. Vois combien de secrets il détient, de sagesses il renferme et de mondes il recèle.

Tu dors dans une maison bien close; soudain te voilà transporté dans une ville éloignée, où tu entres sans mouvoir tes pieds ni fatiguer ton corps. Sans l'usage de tes yeux, tu vois; sans te servir de tes oreilles tu entends; sans ta langue tu parles. Et il arrive parfois qu'après dix ans, tu voies se réaliser dans le monde matériel ce que tu avais rêvé cette nuit-là.

Considère les sagesses existant dans le rêve, sagesses que personne ne peut pénétrer si ce n'est les gens de cette vallée.

Et d'abord, quel est ce monde où, sans yeux, sans oreilles, sans mains et sans langue, tu fais usage de tout cela?

Et puis, comment se peut-il que tu constates aujourd'hui dans le monde matériel l'effet d'un rêve que tu fis dix ans plus tôt dans le monde du sommeil? Observe les différences entre ces deux mondes et les mystères qu'ils recèlent, afin d'obtenir la confirmation divine et la révélation céleste, et pénétrer dans les parages de sainteté.

Dieu, l'Exalté, a placé ces signes dans l'homme afin que les philosophes ne puissent pas nier le mystère de la vie future et ne mésestiment pas ce qui leur fut promis.

Car il en est qui, ne se fiant qu'à leur raison, renient ce qu'elle ne comprend pas.

Alors qu'un faible esprit ne saurait saisir ce dont nous venons de parler et qui n'est accessible qu'à la divine et suprême Intelligence:

Comment la faible raison peut-elle embrasser le Quran; ou l'araignée attraper dans sa toile un Phoenix?

On voit tous ces mondes dans la vallée de l'émerveillement, et le voyageur, sans se lasser, en demande toujours davantage. C'est ainsi que, parlant de l'émerveillement, le Seigneur des premiers et des derniers a dit en fixant les stades de la contemplation: "O Seigneur, augmente mon étonnement à ton égard!"

Songe également combien la création de l'homme est parfaite et que tous ces degrés et ces états sont en germe et latents en lui.

Te prends-tu pour un corps chétif, alors qu'en toi, l'univers est en germe?

Efforçons-nous donc d'anéantir en nous la condition animale afin de rendre manifeste le sens de notre état humain.

C'est ainsi que Luqman, ayant bu à la source de sagesse et goûté aux eaux de miséricorde, - et voulant instruire son fils Nathan en matière de mort et de résurrection - avait choisi le rêve comme preuve et comme exemple.

Si j'en parle ici c'est parce que cet éphémère Serviteur désire perpétuer le souvenir de ce jeune élève de l'école de l'Unité divine et de cet ancien dans l'art de l'enseignement et de l'Absolu.

Lui qui disait: "O fils, si tu peux t'empêcher de dormir, tu peux t'empêcher de mourir. Et si tu es capable de ne pas t'éveiller après ton sommeil, alors tu pourras échapper à la résurrection."

O mon ami, le coeur est le siège des mystères éternels, n'en fais pas le lieu des pensées fugitives; ne gâche pas le trésor de ta précieuse vie en participant à ce monde fugace.

Tu viens du monde de sainteté - n'attache pas ton coeur à la terre; tu es un familier de la cour de proximité - ne prends pas pour patrie la poussière.

Bref, il n'y aurait pas de fin à la description de ces conditions, mais le tort que m'ont fait subir les peuples de la terre m'a ôté l'envie de t'en dire plus: L'histoire reste incomplète; je n'ai pas le coeur à l'achever; Aussi, je t'en prie, pardonne-moi.

La plume gémit et l'encre s'épanche en pleurs et la rivière du coeur roule des vagues de sang. "Seul ce que Dieu nous a destiné nous arrivera." Et paix sur celui qui a suivi le droit sentier!

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Chapitre: La vallée de la vraie pauvreté et de l'anéantissement absolu

Après avoir escaladé les hauteurs de l'émerveillement, le voyageur entrera dans la vallée de la vraie pauvreté et de l'anéantissement absolu.

Là, il mourra en lui-même et vivra en Dieu; il sera pauvre en soi et riche par le Désiré. La pauvreté dont il est ici question signifie être pauvre en choses terrestres et riche de ce qui est le monde divin.

Car lorsque l'amant fidèle et l'ami dévoué atteint la présence du Bien-aimé, il se dégage de Son étincelante beauté et de la flamme du coeur de l'amant, un feu qui consume tout voile et tout accoutrement.

Assurément, tout ce qu'il possède, du coeur jusqu'à fleur de peau, doit s'enflammer afin que rien ne reste si ce n'est l'Ami.

Quand les attributs de l'Ancien des jours se manifestèrent, Moïse brûla tout attribut terrestre.

Celui qui est parvenu à cette condition est purifié de tout ce qui appartient au monde. Par conséquent, si chez ceux qui ont atteint l'océan de sa Présence, on ne trouve rien des choses périssables de la terre, soit richesse matérielle soit pensées personnelles, peu importe.

Car les créatures ont leurs propres limites, tandis que ce qui appartient au divin en est sanctifié. Il faut réfléchir profondément à cela pour en saisir la portée.

"En vérité, les justes boiront des coupes rafraîchies à la source de camphre." Si l'on connaissait l'interprétation du mot "camphre" on saurait ce qu'il faut entendre par ce verset.

Cette condition est celle où il est dit: "La pauvreté est ma gloire."

A la pauvreté intérieure et extérieure il y a plusieurs significations dont je ne trouve pas opportun de faire mention ici, réservant cela pour une autre occasion qui dépendra du désir de Dieu et de ce que scellera le destin.

C'est le plan où, pour le voyageur, les traces de toutes choses (Kullu Shay') disparaissent et où, à l'horizon d'éternité, sort de l'ombre la Face divine, et se manifeste l'explication de: "Tout sur terre passera, sauf la face de ton Seigneur..."

O mon ami, entends dans ton coeur et dans ton âme, les chants de l'esprit et fais-en le plus grand cas.

Car les sagesses divines, comme la pluie de printemps, n'arroseront pas toujours la terre des coeurs des hommes. Ce n'est pas que la bonté du Miséricordieux tarisse jamais; mais pour chaque temps et pour chaque cycle, une certaine part de bonté est réservée, et destiné un certain lot, et cela selon une mesure fixée. "La source de toutes choses est dans nos mains, Nous les dispenserons avec une sage économie."

Les nuées de miséricorde du Bien-aimé n'arrosent que les jardins de l'esprit et ce n'est qu'au printemps qu'elles dispensent leurs bienfaits. Les autres saisons n'ont pas de part à cette suprême faveur, et les terres stériles n'en profitent jamais.

O mon frère, toutes les mers ne contiennent pas des perles, toutes les branches ne fleurissent pas et le rossignol n'y chante pas. Alors, avant que le Rossignol du paradis mystique ne regagne le jardin divin et que les rayons de l'aurore spirituelle ne remontent au Soleil de réalité, efforce-toi, dans la poussière de cette lande mortelle, de capter un effluve des parterres éternels et de vivre à jamais à l'ombre des peuples de cette cité.

Et lorsque tu auras atteint cette très haute et très puissante condition, alors tu verras l'Aimé et tu oublieras tout le reste.

L'Ami, partout sans voiles, rayonne sur les portails et sur les murs, ô hommes de vision !

Ainsi tu auras sacrifié la goutte de ta vie pour atteindre la mer du Donneur de vie. Voilà le but que tu poursuivais. Si tel est le voeu de Dieu, tu l'atteindras.

Dans cette cité, les voiles de la lumière eux-mêmes seront déchirés et anéantis, ainsi qu'il est dit: "Pour sa beauté, il n'y a d'autre voile que la lumière, et sa Face n'est couverte que de sa révélation."

N'est-il pas étrange que le Bien-aimé soit aussi visible que le soleil et que les insouciants en soient toujours à la recherche du clinquant et des vils métaux? Oui, c'est l'intensité même de sa révélation qui Le voile et la puissance de son éclat qui Le cache:

Dieu est venu aussi brillant que le soleil, mais hélas... Il est venu parmi des aveugles!

Dans cette vallée, le voyageur dépasse les conditions de "l'unité de l'existence et de l'apparence", et parvient à une unité sanctifiée au-delà de ces deux états.

Seule l'extase fait comprendre ce thème mais non la parole ni l'argument; et seul sait de quoi je parle celui qui a vu cette étape du voyage et respiré une seule fois l'air embaumé de ce jardin.

Le voyageur suivant tous ces parcours, ne doit pas dévier, fut-ce de l'épaisseur d'un cheveu, de la "Loi" qui est le secret même du "Sentier" et le fruit de l'arbre de "Vérité".

Pour être nourri à la coupe de la Loi, et connaître les mystères de la Vérité, il doit, au cours de toutes ces étapes, s'accrocher aux pans du vêtement des commandements et tenir fermement la corde de l'abstention des choses défendues.

Si certaines des explications de ce Serviteur semblaient difficiles à comprendre ou pouvaient déconcerter, il faudrait les redemander afin que nul doute ne subsiste et que la signification soit aussi évidente que la face du Bien-aimé brillant du "Sommet de Gloire".

Ces voyages à travers ces sept étapes, auxquels dans le monde temporel on ne voit pas de fin, peuvent être accomplis par le voyageur détaché - s'il reçoit l'invisible confirmation et l'aide du gardien de la Cause - en sept pas et peut-être même en sept souffles, voire en un seul, si tel est le vouloir et le désir de Dieu.

Et ceci est tiré de: "Dieu répand sa grâce sur tels de ses serviteurs, ainsi qu'il Lui plaît."

Ceux qui volent dans le ciel d'unité et atteignent les rivages de l'Absolu reconnaissent cette cité - l'état de vie en Dieu - comme l'extrême limite où peuvent parvenir les chercheurs mystiques, et l'ultime pays des amants.

Mais pour cet Etre évanescent de l'océan mystique, c'est la première porte de la citadelle du coeur, c'est-à-dire la première entrée de l'homme dans cette cité.

Quatre degrés sont prévus pour le coeur; ils seraient exposés ici si se présentait une âme réceptive.

Lorsqu'elle voulut dépeindre cet état, la plume se brisa en morceaux et la page fut déchirée. La paix soit avec toi!

O mon ami, bien des chiens poursuivent cette gazelle du désert de l'unité, bien des serres agrippent ce mauvis des jardins éternels. Embusqués, d'impitoyables corbeaux guettent cet oiseau des espaces célestes, et le chasseur jaloux traque ce daim parmi les prairies de l'amour.

O Shaykh! Efforce-toi d'être un globe protégeant cette flamme contre les vents contraires; cette flamme qui ne désire que brûler dans la lampe du Seigneur et briller dans le globe de l'esprit!

Mais la tête se levant pour l'amour de Dieu sera sûrement tranchée, la vie allumée au feu du désir à coup sûr sacrifiée, et le coeur fidèle au souvenir de l'Aimé certainement noyé dans son sang.

Cela fut si bien exprimé par ces mots: Vis détaché de l'amour car sa paix elle-même est angoisse; Il débute par la souffrance et se termine par la mort. Paix à celui qui suit le droit sentier!

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Chapitre: Les cinq lettres

J'ai réfléchi à tes considérations sur l'interprétation de cette espèce commune d'oiseau appelée en persan: Gunjishk (passereau). Il semble que tu aies pénétré les mystères des significations cachées.

Mais à chaque degré, toute lettre possède une signification propre à ce degré. En vérité, le voyageur découvre un secret dans chaque nom et un mystère dans chaque lettre. D'un certain point de vue, ces lettres évoquent l'idée du sacré.

Káf ou Gáf (K ou G) se rapporte à Kuffi (libre), c'est-à-dire: "Libère-toi de ce que désire ta passion, puis avance vers ton Seigneur."

Nún se réfère à Nazzih (purifier) soit: "Purifie-toi de tout sauf de Lui, afin de renoncer à ta vie pour son amour."

Jím, est Janíb (retire-toi) qui veut dire: "Retire-toi du seuil du seul Vrai si tu ne possèdes que des attributs terrestres."

Shín, est Ushkur (merci); "Remercie ton Seigneur sur sa terre, pour qu'Il te bénisse dans son ciel; encore que, dans le monde d'unité, ce ciel soit le même que sa terre."

Káf se réfère à Kuffi: "Libère-toi des entraves des limitations afin de parvenir à la connaissance de ce que tu ignores des états de sainteté."

Si tu écoutais les mélodies de cet Oiseau mortel tu chercherais le calice de vie éternelle et tu oublierais les coupes périssables. Et la paix soit sur ceux qui foulent le droit Sentier!

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Chapitre: Les quatre vallées

Il est le Fort, le Bien-aimé. "O lumière de vérité, Hisám-i-Dín, le généreux, Ce monde n'a jamais donné le jour à un prince tel que toi."

Pourquoi les liens de l'amour furent-ils si brusquement rompus, et brisé le serment d'amitié? Ai-je jamais - Dieu m'en pardonne - tiédi ma dévotion ou manqué à mon profond penchant, pour qu'ainsi tu m'oublies et me raies de tes pensées?

"Quelle fut ma faute qui te fis cesser tes faveurs? Notre rang serait-il trop bas par rapport au tien?"

Ou bien serait-ce qu'une seule flèche t'ait fait fuir le combat?

Ne t'a-t-on pas dit pourtant que la fidélité est un devoir pour les pèlerins de la voie mystique et que c'est le guide sûr vers sa sainte Présence?

"Cependant, sur ceux qui disent: "Notre Seigneur est Dieu" et qui vont droit vers Lui, descendront les anges." De même Il dit: "Va droit au but ainsi qu'on te l'a ordonné." Et c'est aux familiers de la présence de Dieu qu'il appartient d'appliquer cette méthode.

Selon l'ordre reçu, j'apporte le message; Dût-il être pour toi conseil ou déplaisir.

Malgré mes lettres restées sans réponse, et bien que ce rappel ne soit pas de mise parmi les sages, ce renouveau d'amitié dispense des us et coutumes de jadis.

Ne nous dis pas le conte de Laylí ou des malheurs de Majnún, ton amour a fait perdre au monde le souvenir des amours d'antan. Dès que ton nom fut sur les langues, les amoureux le ravirent, et l'on vit danser ça et là ceux qui parlent et ceux qui écoutent.

De la divine sagesse et du céleste conseil Rúmí parle ainsi: A chaque lunaison, ô bien-aimé, pour trois jours je tombe en démence. Aujourd'hui en est le premier. C'est pourquoi tu me vois en joie.

Nous apprenons que tu es allé à Tabríz et à Tiflis pour répandre le savoir, ou que tout autre grand projet t'a fait porter tes pas vers Sanandaj.

O éminent ami! Ceux qui s'avancent sur la voie mystique sont de quatre sortes. Je te les décrirai brièvement afin que, de chacun, les rangs et qualifications te soient bien connus.

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Chapitre: La première vallée

La condition du voyageur à la recherche de son Promis (maqsúd) appartient au "soi" mais à ce soi qui est "le Soi de Dieu, présent en Lui-même et en ses lois". Ici, le "soi" loin d'être rejeté est affectionné; et loin d'être écarté est accueilli.

Bien que cette station débute en conflit, elle finit cependant par l'accès au trône de splendeur. C'est ainsi qu'il fut dit: "O, Abraham de ce jour, ô ami Abraham de l'Esprit! Tue ces quatre oiseaux de proie" afin qu'après la mort soit révélée l'énigme de la vie.

Ceci est l'état du "soi" où il plaît à Dieu; reportez-vous à ces lignes: "O toi, âme au repos, retourne à ton Seigneur, satisfaite et Le satisfaisant", lignes qui finissent ainsi: "Viens parmi mes serviteurs et entre dans mon Paradis."

Ce rang est doté de maints signes et d'innombrables preuves, et c'est à ce propos qu'il est dit: "Nous leur montrerons nos signes en eux-mêmes et sur la terre, jusqu'à ce qu'ils reconnaissent que c'est la vérité" et qu'il n'y a pas d'autre Dieu que Lui.

Mieux que traités de rhétorique, c'est plutôt le livre de son propre "soi" qu'il faut lire ici. Aussi a-t-Il dit: "Lis ton livre; il n'est besoin de nul autre que toi pour dresser un réquisitoire contre toi-même."

Voici une histoire à propos d'un érudit mystique parti en voyage en compagnie d'un grammairien. Lorsqu'ils touchèrent au rivage de la mer de Grandeur, le sage se jeta tout de go dans les flots. Mais le grammairien s'était immobilisé, l'esprit perdu dans des cogitations semblables à des mots tracés sur les eaux.

Comme le sage lui criait: "Pourquoi ne me suis tu pas?" l'autre lui répondit: "O, mon frère, je n'ose avancer. Je dois retourner d'où je viens.

" Alors, le sage ajouta: "Oublie ce que tu as lu dans les livres de Síbavayh et de Qawlavayh, et dans ceux de Ibn-i-Hájib et Ibn-i-Málik, et traverse l'eau."

C'est la mort du "soi", et non la rhétorique, qui est ici requise; Anéantis-toi donc et marche sur les flots.

De même est-il écrit: "Et ne sois pas semblable à ceux qui oublient Dieu et qu'Il a rendus oublieux d'eux-mêmes. Ceux-là sont au nombre des malfaisants."

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Chapitre: La seconde vallée

Si le but du voyageur est le séjour du Tout-Glorieux (Mahmúd), ceci est le rang de la raison première, connu comme le Prophète et le Très Grand Pilier. Dans ce cas, le mot raison désigne l'Esprit divin universel illuminant toutes choses par sa souveraineté, et non le faible esprit humain.

A ce sujet Saná'í écrivit ceci: Comment la faible raison pourrait-elle embrasser le Quran, ou l'araignée attraper dans sa toile un Phoenix? Veux-tu échapper au piège que te tend l'esprit? Alors, enseigne-lui la science de l'amour de Dieu!

Sur ce plan, le voyageur rencontrera plus d'une épreuve et d'un revers. Parfois il se voit élevé vers les cieux, puis le voilà rejeté aux abîmes. Ainsi fut-il dit: "Maintenant Tu m'attires vers le Glorieux Sommet, et puis Tu me renvoies aux gouffres sans fond."

Le trésor caché de cette condition peut être trouvé dans ce verset sacré de la Sourate de la Caverne:

"Tant qu'ils furent dans la vaste salle, le soleil à son lever, passa à droite de leur caverne, et à son coucher se sépara d'eux sur la gauche. Ceci fut un des signes de Dieu. Celui que Dieu dirige est dans le bon chemin. Mais celui qu'Il fourvoie ne retrouvera plus aucun protecteur."

Si un homme découvrait ce que recèle ce seul verset, cela devrait lui suffire; et c'est en hommage à ceux qui y parvinrent que fut écrit ceci: "Hommes que ni profit ni transactions ne distraient de la souvenance de Dieu..."

Cette station satisfait au véritable critère de la connaissance et dispense l'homme des épreuves.

Dans cet état, la recherche du savoir est hors de propos, car Il a donné pour gouverne aux voyageurs de ce degré: "Crains Dieu et Il t'instruira." Et puis encore: "Le savoir est une lumière que Dieu a placée dans le coeur de qui Il veut. "

Aussi l'homme doit-il entraîner son coeur à y attirer la grâce céleste, afin que l'échanson divin lui verse, dans la coupe de miséricorde, le vin de générosité. "Pour le mériter que s'évertuent les travailleurs!"

Et Je dis enfin: "Nous venons de Dieu et nous retournerons à Lui."

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Chapitre: La troisième vallée

Si le souhait du chercheur épris est de vivre dans la proximité de l'Attirant (Majdhúb), qu'il sache que nulle âme ne peut siéger sur ce trône royal si elle n'incarne la beauté de l'amour.

Ce domaine ne peut se dépeindre par des mots. L'amour fuit ce monde-ci, tout comme celui-là, il est en lui septante-et-deux folies.

Le ménestrel d'amour, sur son luth, chante ce lied:

Servitude asservit et royauté trahit.

Ce domaine demande la pure affection; et l'amitié, telle un ruisseau rapide, doit y circuler.

A propos de ces Compagnons de la caverne, Il a dit ceci: "Ils ne parlent pas tant que Lui n'a pas parlé, et ils accomplissent ce qu'Il leur a demandé "

Ici ne suffisent ni le règne de la raison, ni l'autorité du soi. C'est pour cela qu'à l'un des Prophètes qui avait demandé: "O mon Seigneur, comment pourrons-nous T'atteindre?" il fut répondu: "Laisse ton ego en arrière et puis viens vers Moi."

Les gens de cette vallée regardent la place inférieure comme celle du trône de gloire, et pour eux le domaine de la beauté ne diffère pas du champ de bataille où fut défendue la cause du Bien-aimé.

Les citoyens de ce royaume n'emploient pas de mots - Ils chevauchent leurs destriers. Ils ne voient rien d'autre que la réalité intérieure du Bien-aimé. Pour eux toute expression ne signifie rien, et les mots qui n'ont pas de sens leur sont explicites.

Ils ne peuvent distinguer un membre d'un autre, une partie d'une autre; à leurs yeux le mirage est la vraie rivière, et s'éloigner est un retour.

De là viennent ces versets: L'histoire de ta beauté est parvenue à la retraite de l'ermite; Rendu fou, il cherche la taverne où s'achète et se vend le vin.

L'amour de Toi a rasé la forteresse de patience; De même la souffrance de Toi a fermé la porte de l'espoir.

Dans cette région, l'instruction est assurément vaine. L'éducateur de l'amant, c'est la beauté de l'Aimé, Sa face est leur leçon et leur seul livre.

L'étude de l'émerveillement de l'amour leur tâche. Ils ne s'attardent pas sur les doctes chapitres ni sur les fades thèmes.

Les fils qui les retiennent sont sa chevelure au parfum de musc, et l'orbe cyclique n'est, pour eux, qu'un simple échelon.

Et voici maintenant une supplique à Dieu, l'Exalté, le Glorifié. O Toi Seigneur! O Toi dont la bonté fait germer les souhaits! Me voici devant Toi, oublieux de tout sauf de Toi.

Daigne accorder à cet atome de savoir habitant mon esprit De s'élever au-dessus de l'envie et de la vile argile; Accorde que ton ancien don, cette goutte de sagesse, se fonde dans ta mer de puissance.

Aussi dirais-je encore: Il n'y a de pouvoir ou de puissance qu'en Dieu, le Protecteur, celui qui est par Lui-même.

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Chapitre: La quatrième vallée

Si le sage chercheur a atteint la beauté de l'Aimé (Mahbúb), son état est celui de l'extrême lucidité et du secret de la divine direction.

Voici le coeur de ce mystère: "Il fait ce qu'Il veut, Il ordonne ce qui Lui plaît."

Tous les citoyens du ciel et de la terre se mettraient-ils à vouloir démêler cette lumineuse allusion ou cette ténébreuse énigme, et persévéreraient-ils jusqu'au jour où résonnera la trompette, qu'ils échoueraient néanmoins à en comprendre une seule lettre; car il s'agit là du stade de l'immuable décret de Dieu et de son mystère préordonné.

Aussi quand les chercheurs questionnaient, voici la réponse qu'Il leur donnait: "C'est l'océan sans fond que nul jamais ne pourra sonder." Et quand ils insistaient, Dieu leur répondait: "C'est la plus sombre des nuits où personne ne trouve sa route."

Qui connaît ce secret, à coup sûr le taira, et s'il lui arrivait d'en révéler la moindre trace, cela lui vaudrait d'être cloué à la croix.

Et pourtant, par le Dieu vivant, s'il existait un vrai chercheur, Je le lui dévoilerais, car voici ce qui fut dit: "L'amour est une lumière qui ne luit jamais dans un coeur apeuré."

En vérité le voyageur qui porte ses pas vers Dieu et, dans le clair sentier, va jusqu'au pilier pourpre, n'atteindra jamais son but céleste s'il n'abandonne tout ce que possèdent les hommes:

"Et s'il ne craint pas Dieu, Lui lui fera tout craindre; tandis que toutes choses craindront celui qui craint Dieu."

Parle en persan bien que l'arabe te plaise davantage; Un amoureux, d'ailleurs, a plus d'un langage en réserve.

Goûte à la douceur de ces vers qui révèlent cette vérité: Vois... ! Nos coeurs comme nacres s'en trouvent lorsqu'en perles, Il déverse sa grâce. Et d'impatientes cibles sont nos vies quand Il décoche ses traits d'angoisse.

Si ce n'était contraire aux lois du Livre, je léguerais volontiers une part de mes biens à celui qui voudrait me mettre à mort; je l'instituerais mon légataire et le doterais; je lui rendrais grâce et voudrais rafraîchir mes yeux au contact de ses mains.

Mais que puis-je faire? Je ne possède ni biens ni pouvoir, selon ce que Dieu a voulu.

Il me semble en cet instant percevoir le parfum de son vêtement dans le vent de l'Egypte de Bahá; en vérité on le sent à portée de main alors que les hommes le croient encore loin.

Mon âme respire l'effluve répandu par l'Aimé; tous mes sens sont comblés par la fragrance de mon adoré Compagnon.

Obéis au devoir imposé par de longues années d'amour. Et raconte l'histoire des heureux jours d'antan afin qu'aujourd'hui terre et ciel se réjouissent tout-haut, et que l'esprit, le coeur et les yeux entrent en joie.

Ici est le royaume de la pleine lucidité et de l'ultime effacement du soi. Même l'amour n'a pas de sentier dans cette région, et le désir n'y possède pas de séjour. C'est pourquoi il fut dit: "L'amour est un voile entre l'amant et l'aimé."

Ici amour devient obstacle et barrière, et tout ce qui n'est pas lui un rideau. Le sage Saná'í a dit:

Jamais le coeur cupide ne se prendra aux lacs de l'oiseleur des coeurs, jamais à la beauté de la rose une âme fourbe ne s'unira.

Car nous sommes au royaume du Commandement absolu, là où n'ont cours aucun des attributs terrestres.

Les hôtes sublimes de cette maison manient dans un extrême bonheur l'autorité divine en l'enceinte extatique, et portent un sceptre royal.

Des hauteurs des sièges de justice, ils prononcent leurs ordres, et délèguent à chaque homme le bien qu'il mérite.

Ceux qui boivent à cette coupe habitent les hautes demeures de splendeur par-delà le trône de l'Ancien des jours, et restent dans le haut pavillon de l'Empyrée du pouvoir: "Ils ne connaissent ni soleil, ni froid perçant."

Là, les hauteurs du ciel n'entrent pas en conflit avec l'humble terre, ni ne tendent à la surpasser, car c'est le pays de miséricorde et non le royaume de distinction.

Bien qu'à tous moments ces âmes apparaissent dans une nouvelle charge, leur condition reste pourtant constante.

Aussi fut-il dit à propos de cet état: "Aucun travail ne Le retient d'en faire un autre." Et d'un autre état il est dit: "Chaque jour quelque nouveau travail L'occupe."

Ceci est le mets d'immuable saveur et d'inaltérable teinte. Si tu en manges, en vérité tu chanteras ce verset: "Je tourne mon visage vers Celui qui créa et les cieux et la terre... et ne suis pas de ceux qui, à Dieu ajoutent des dieux."

"Ainsi montrâmes-Nous à Abraham le royaume céleste et terrestre afin qu'il soit confirmé dans la connaissance."

"Donc, place ta main dans ton sein, et retire-la chargée de puissance; tu la verras comme une lumière éclairant le monde."

Combien cristalline est cette eau fraîche que nous a versée l'échanson! Que vif est ce vin pur servi par la main de l'Aimé! Combien délicate est cette gorgée à la coupe céleste! Puisse-t-elle leur être faste en leur faisant goûter sa douceur, et puisse-t-elle les mener à la connaissance!

Il ne convient pas que j'en dise plus; Car le lit du ruisseau ne peut contenir la mer.

En vérité, le mystère de ces paroles est celé dans la réserve de la grande infaillibilité et repose au sein des trésors de puissance. Il est sanctifié par-delà les joyaux de l'explication; il dépasse ce que pourrait dire la plus subtile des langues.

Ici l'émerveillement est hautement apprécié et la pauvreté est indispensable. Aussi a-t-on écrit: "Ma pauvreté est ma fierté." Et encore: "Sous son dôme de gloire, Dieu possède un peuple qu'Il masque sous le vêtement de la radieuse pauvreté." Ce sont là ceux qui voient avec ses yeux et entendent avec ses oreilles, ainsi que le rapporte une célèbre tradition.

A propos de ce royaume, il existe maintes relations et bien des versets de portée générale ou particulière. Mais deux d'entre eux suffiront déjà à servir de lumière aux hommes de coeur et d'esprit.

Le premier est sa déclaration que voici: "O mon serviteur! Obéis-moi et je te ferai semblable à moi-même. Je dis: Sois! et cela est; et tu diras: Sois! et cela sera."

Et puis voici le second: "O fils d'Adam! Ne cherche l'amitié de personne jusqu'à ce que tu me trouves, et chaque fois que tu me désireras, tu me trouveras près de toi."

Aussi fortes que soient les preuves avancées ici, et merveilleuses les allusions, elles ne concernent pourtant qu'une seule lettre, un simple point. "Telle fut la voie de Dieu... et tu n'y trouveras point de changement."

Me souvenant de toi, j'avais entrepris de rédiger cette lettre il y a quelque temps déjà, et puisque ta lettre ne m'était pas parvenue, je débutais par des mots de reproche. Mais l'arrivée de ta missive, venant dissiper cette équivoque, m'incita à t'écrire.

Point n'est besoin d'invoquer mon affection pour Votre Eminence, "Dieu est le meilleur des témoins." Pour Son Eminence Shaykh Muhammad (que Dieu l'Exalté le bénisse) je me bornerai à ces deux versets dans l'espoir qu'ils lui seront transmis:

J'aspire à ta présence, plus chère que la douceur des cieux. Je vois ton visage, plus plaisant que les paradisiaques demeures.

Lorsque je confiai ce message d'amour à ma plume, elle refusa la tâche et défaillit.

Puis, revenant à elle, elle reprit la parole pour déclarer: "La gloire soit sur Toi! Vers qui je me tourne en pénitence. Je suis le premier de ceux qui croient." Et loué soit Dieu, le Seigneur des mondes !

Certain jour nous raconterons de la séparation la peine. En d'autres temps nous écrirons les secrets de l'amour. Et cela vaudra mieux ainsi. Sang et bruit, et tout le reste, laissons choir. Et ne disons rien de plus de Shams-i-Tabríz.

La paix soit avec toi et avec ceux qui t'entourent et parviennent à ta rencontre.

Ce que j'écrivis avant ceci, fut dévoré par les abeilles tant l'encre en était douce.

Comme Sa'dí le disait: "Je m'abstiens d'en écrire davantage, car la douceur des mots a attiré les essaims autour de moi."

A présent la main n'en peut plus et demande à s'arrêter. Aussi dirais-je enfin: "Très loin de la gloire de Dieu, le Seigneur de toute grandeur, est tout ce qu'ils peuvent dire de Lui."

==== FIN DU TEXTE ====

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Les sept vallées
Introduction

"Oeuvre suprême dans le genre de la composition mystique..." ainsi pourrait-on qualifier "Les Sept Vallées de Bahá'u'lláh". Cette dissertation d'une grande profondeur répondait aux questions posées à l'auteur par le Shaykh Muhyi'd-Din, juge de la ville de Khaniqin, au Nord-Est de Baghdad, près de la frontière perse.

Ce juge était notoirement connu comme adepte de la philosophie Sufi. C'était une sorte de mysticisme née en Iran il y a douze siècles et venant d'un mouvement intérieur à l'Islam. L'objectif des Sufis était l'accès auprès de Dieu par la prière, la méditation, la contemplation et l'extase. Pour définir les étapes de ce progrès spirituel une terminologie spéciale s'élabora et certains Sufis adoptèrent la doctrine de la possibilité de l'approche directe de Dieu, sans l'aide de Muhammad ni d'aucun autre Prophète. Logiquement cette conception posait en principe que les membres de cette secte pouvaient se soustraire aux lois religieuses et que pour eux, sinon pour tous, la conscience pouvait être un guide sûr. Cette théorie fut combattue par tes plus grands mystiques persans, Jalalu'd -Din Rumi et al-Ghazzali, qui affirmaient que, sans l'obéissance aux lois de

Dieu révélées par ses messagers, l'homme ne pouvait atteindre à la présence divine.

Quant au juge Shaykh Muhyi'd-Din, il devait vraisemblablement connaître les écrits du Sufi persan du Xlle siècle, Farfd'd-Dfn 'Attar, qui portait un nom approprié car il avait été parfumeur avant de devenir philosophe. Le plus estimé de ses ouvrages fut le Mantiqu't-Tayr, ou Le Langage des Oiseaux. Il y trace le voyage de l'esprit à travers sept vallées, celles de la recherche, de l'amour, de la connaissance, du détachement, de l'unité, de la perplexité et de l'anéantissement. Bahá'u'lláh, dans ses Sept Vallées en persan, adopte un canevas semblable bien que non identique; il y décrit les sept étapes du progrès de l'âme vers l'objet de son être. C'est après son retour à Baghdad, marquant la fin de son séjour dans les montagnes de Sulaymanfyyih que Bahá'u'lláh écrivit cette oeuvre fondée sur les vérités intrinsèques de la religion affranchies du temps et de l'espace. Les réalités spirituelles, y enseigne-t-Il, sont communes à toutes les religions et constituent la base même de la foi: "C'est l'immuable foi de Dieu, éternelle dans le passé, éternelle dans l'avenir." Se démarquant nettement de l'éthique des anciennes civilisations et des systèmes religieux du passé, les enseignements sociaux de la foi baha'ie sont à l'exacte mesure de l'esprit du XXe siècle et des générations à venir. Pourtant, les Sept Vallées débattent d'un royaume qui n'est pas de ce monde, et pour l'essentiel, ne diffèrent pas du Sermon sur la Montagne, ou de la description, par Muhammad, de Dieu le Miséricordieux, le Compatissant.

Les Sept Vallées affirment que le moyen d'atteindre à la présence de Dieu est de prêter l'oreille au message de la Manifestation du jour. Un être ordinaire, voire extraordinaire, ne peut espérer devenir un Christ; aucun homme, même y réfléchirait-il sans fin, ne peut ajouter un pouce à sa taille, pas plus qu'un chardon ne peut porter des figues. Il n'est personne qui puisse prétendre être identique à l'Essence divine, et cela parce que personne ne possède l'infini de la puissance, de la connaissance et de la bonté. Mais tout homme, quelque modeste que soit son origine, peut acquérir les attributs divins grâce à sa soumission aux lois de Dieu et à la méditation de la Parole de Dieu révélée par les grands prophètes. L'homme qui a atteint le but de la recherche mystique, c'est-à-dire la présence de Dieu, est celui qui a reconnu la Manifestation de Dieu pour son époque, et qui, par l'observance de ses instructions, s'est revêtu des qualités célestes lui permettant l'approche de l'Aimé. Un tel homme ne se proclamera jamais semblable à Dieu, mais ses actes parleront en sa faveur.

On raconte l'histoire d'un persan qui s'était

fait accompagner de son fils à une grande réunion de prières tenue dans un charmant jardin. Après une heure passée en oraisons chantées, l'enfant regardant autour de lui, vit que plusieurs fidèles sombraient, non dans l'extase, mais dans l'assoupissement. Se tournant alors vers son père, il demanda: "Ne sommes-nous pas meilleurs que tous ces gens qui dorment au lieu de prier?-"Tu aurais pu, lui répondit le père, être meilleur si tu ne m'avais pas posé cette question."

Dans la Vallée de l'Unité, les vers de Rumi à propos de Khidr évoquent une histoire du Quran (Sourate 18:70) au sujet du messager divin que Moise accompagne en quête de marche à suivre. Tous deux prennent place dans un bateau que le messager se met en devoir de saborder; ce qui ne manque pas d'étonner Moise: "Comment, lui dit-il, tu le défonces afin de noyer son équipage... ?" Plus tard, le messager expliquera que l'embarcation appartenait à de pauvres gens qui peinaient durement sur la mer, et: "si j'eus l'idée de l'endommager, c'est parce qu'à l'arrière, ils étaient guettés par un roi qui confisquait tout navire par force". Deux leçons sont à tirer de cet incident: C'est d'abord que la créature ne doit pas peser en sa balance imparfaite les actes de son créateur; ensuite qu'une calamité venue du ciel peut être providentielle et miséricordieuse.

Dans la Vallée de l'Emerveillement figure une citation de Sana'f sur l'impuissance de la seule raison à comprendre la Parole de Dieu. Le poète demande si l'araignée peut prendre dans sa toile un Phenix. On sait que cet oiseau mythique, à qui la légende prête une durée de vie de mille ans, figure en bonne place dans la théologie de plusieurs peuples. Ce volatile était, dit-on, solitaire et possédait en guise de bec une flûte à cent trous dont chacun rendait un certain ton mystique. A l'approche de sa mort, le Phenix préparait son bûcher funéraire et l'attisait de ses plumes en modulant son chant tragique. Lorsque, parmi les braises, ne brillait plus qu'une pâle étincelle, un nouveau Phénix s'élevait miraculeusement de ses cendres. Répondant à une question, le Gardien de la foi baha'ie a expliqué que le Phénix "n'évoquait pas la Manifestation, mais offrait un moyen poétique d'imaginer quelque chose d'immortel ou de renaissant de sa propre destruction..."

Bien que le contenu des Sept Vallées puisse paraître ésotérique et quelque peu en marge de la vie quotidienne et du monde tangible, il peut mener cependant à une large application sur le plan pratique. Son idée directrice est que celui qui est vraiment "intoxiqué de Dieu" fera, par son comportement spontané, la démonstration de sa dévotion à la justice, à la vérité, à l'intégrité, à la

miséricorde, et aux autres saints caractères enseignés par la Manifestation du Bien-aimé.

Trop souvent la société n'eut-elle pas à pâtir de personnages apparemment pieux - piliers d'églises et autres fleurons de communautés - qui, convaincus d'être "sauvés" s'autorisaient à méconnaître impunément les bases élémentaires de la décence. Leur critère à double face leur permettait de prescrire pour eux-mêmes des règles différentes de celles réservées au "commun". Ce sont les tenants de cet égocentrisme qui restaient de glace devant les enseignements des prophètes rénovateurs. Jésus se souciait peu de sauver "les justes" fussent-ils scribes ou pharisiens; ses bénédictions allaient, non à ceux qui regardaient leur salut comme acquis mais aux pécheurs, à tout instant assoiffés de droiture. Le vrai mysticisme ne peut servir de refuge aux scélérats, ni de havre aux égoïstes, ni de sanctuaire à celui qui élude sa responsabilité sociale. A travers les Sept Vallées est tracée la grande voie élue menant à la connaissance de Dieu et au service de l'homme.

Les Quatre Vallées, épître écrite à Baghdad à la suite des Sept Vallées, s'adressaient au lettré Shaykh 'Abdu'r-Rahman, de Karkuk, ville du Kurdistan 'Iraqien. Elles montrent les quatre voies par où l'Invisible peut être vu, signalent les quatre stades du coeur humain, et désignent les quatre sortes de voyageurs mystiques cherchant leur Désiré, celui qui est digne de louange, l'Attirant, le Bien-aimé. Ce verset du Quran (57:3) illustre ces quatre états: "11 est le premier et le dernier, le visible et le caché, et 11 a connaissance de toutes choses."

Robert L. Gulick Jr

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